Extraits de «Waterloo 1815, Les Carnets de la Campagne - N° 9
La Belle Alliance (3) Les carrés de la Vieille Garde
P 31. Le colonel Duchand et l’artillerie à cheval de la Garde
(Je pense que l’épisode concerne la 3e ou 4e Cie, soit une des deux engagées à gauche de la Haie-Sainte.
«Ce fut aussi dans ce moment critique, que le colonel Duchand, commandant l’artillerie à cheval de la garde impériale, le désespoir au coeur, se mit à la tête de six bouches à feu de son régiment qu’il conduisit à portée de pistolet d’un carré écossais qu’il avait devant lui.
L’Empereur, apercevant ce mouvement, qu’il n’avait point ordonné, et à la tête duquel il reconnaît le colonel Duchand, s’écria : «Ne dirait-on pas que Duchand déserte ?...» - «Non, lui répondit le général Drouot, c’est une de ses manoeuvres.» Paroles flatteuses pour cet officier supérieur, de la fidélité duquel Napoléon n’avait jamais douté, et qu’il mérita par l’audace de cette manoeuvre qui, un instant, laissa ce même carré dans l’incertitude sur les intentions de cette batterie légère ; mais en la voyant faire demi-tour au galop pour le battre en brèche à cent pas, il fut bientôt désillusionné, car chaque décharge lui ouvrait une large brèche !
Cette batterie ne tarda point cependant à être réduite à moitié par le feu du carré anglais, et ne put bientôt le foudroyer qu’avec trois et ensuite deux de ses pièces ; elle ne se retira néanmoins qu’à la vue d’une forte colonne de cavalerie prête à fondre sur elle et la salua de sa dernière décharge."
Commentaire DM : L'Empereur avait un oeil d'aigle ai-je lu partout. Cependant, même un aigle, aurait été bien incapable de voir à 1,5 km de distance le mouvement d'une batterie au milieu de la fumée de plus de cent canons des deux camps se tirant dessus depuis des heures... Quant à reconnaître un individu en particulier, alors là, même avec "une excellente lunette", j'en doute fort.
Et donc la mise en scène de l'Empereur dans ce texte doit relever de l'hagiographie du colonel Duchand.
En revanche le fait lui-même, bien dans le caractère du bonhomme*, est probablement vrai, même s'il n'aurait pas du s'approcher autant des Écossais. Notez l'expression "dernière décharge", que l'on peut comprendre "avant de partir", mais qui peut aussi recouper la bien réelle pénurie de munitions.
* Son ex-chef de Wagram et actuel subordonné de Waterloo, Marin, était de la même "veine". Il fit quelque chose de semblable de l'autre côté de la Haie-Sainte, s'arrêtant plus loin de l'ennemi, lui, mais comme il s'agissait de Rifles le résultat fut le même.
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"Nous devons rapporter encore ici un beau trait de ce mâle courage qui caractérisait si essentiellement l’artillerie légère de la garde.
Vers huit heures et demie du soir, le général Drouot ayant rencontré le colonel Duchand avec une autre compagnie de son régiment lui dit : «Colonel, portez-vous avec cette batterie à la gauche de ces troupes (en lui désignant des détachements du 6e corps), pour faire feu sur la colonne prussienne qui se déploie sur notre droite.» - «Je n’ai pas un coup à tirer, reprit le colonel Duchand» - «N’importe : allez toujours !..»
Le colonel comprit les paroles du général et se rendit au galop sur cette position, où la présence seule de ces artilleurs de la garde remonta le moral des troupes, un instant ébranlé par l’apparition de l’ennemi sur leur flanc.
La compagnie se mit en batterie en arrière d’un chemin creux qui lui servait de fossé, et là elle perdit plusieurs de ses braves sous les coups des tirailleurs prussiens que son silence forcé encourageait à s’approcher. Les canonniers supportaient ce rôle passif avec un courage admirable, croyant toujours voir arriver des munitions pour prendre leur revanche, mais ces munitions ne devaient point arriver !!... Quelle affreuse position !!... et de quelle grandeur d’âme il fallait être doué pour s’y maintenir ainsi les bras croisés !..." (Sergent Mauduit, 2e bataillon du 1er grenadiers).
Commentaire DM : Après les deux précédentes voici une troisième batterie d'artillerie à cheval de la Garde mise à mal, sur les quatre présentes à Waterloo. La "manquante" fut probablement celle de Mancel qui semble avoir été mise hors de combat par le feu de plusieurs batteries ennemies.
À suivre...