J'avais pressenti Denis Boutet, notre expert es-Vendée*, relativement à la 171e Demi-Brigade, et n'ai pas été déçu, comme vous allez pouvoir le constater ci-dessous, qui en outre n'est qu'un début !
Comme ces informations s'inscrivent parfaitement à la suite de mon message précédent je les publie avant ce qui se situe après.
Mon travail sur "L'expédition d'Irlande" attendra donc la fin des opérations de la 171e en Vendée !
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Bonjour Diégo,
C'est avec un certain plaisir que je rebondis sur ton dernier mail dont je ne me suis emparé que depuis peu mais avec grand plaisir.
La question posée relève à mon niveau d'une sorte de défi car ne m'étant à présent focalisé que sur les premiers temps de cette guerre, c'est à dire,
grosso modo mai-décembre 1793, je ne m'étais que fort peu intéressé aux événements postérieurs. Or là, c'est carrément septembre 1794 et plus qui vient frapper à ma porte ; si ce n'est pas complètement
terra incognita, répondre va demander un peu de travail mais surtout du temps pour compulser les sources.
Franchement, la 171ème demi-brigade m'était inconnue. La première étape consista donc à en suivre la genèse et les évolutions dans le temps.
Probablement sais-tu déjà qu'elle a été constituée des 3 bataillons suivants :
1er bataillon du 94ème régiment d'infanterie (ex : Royal Hesse Darmstadt),
2ème bataillon des volontaires de la Marne,
2ème bataillon des volontaires des hautes Alpes.
Très rapidement :
Le 94ème RI avant la réforme de 1791 portait le n°96. Le I/94 est dans l'armée qui a combattu à
Valmy (division Miranda), à
Jemappes (division Ferrand, 12ème brigade), à
Neerwinden, au siège de Maubeuge (division Ferrand), à
Wattignies (détachement au sein de la division Beauregard).
Les deux bataillons de volontaires, au vu de leur numéro, ont été créés lors de la levée de 1791. Le II/Marne participa à la bataille de
Valmy (division le Veneur) et à
Jemappes (division Ferrand, 7ème brigade), à
Neerwinden. Le II/Hautes Alpes a également participé à
Jemappes (division de réserve), au siège de Maubeuge (division Colomb)
Bref, ce sont des bataillons expérimentés et disciplinés (probablement recomplétés au cours de la période) qui arrivent en mars 1793 en Vendée, alors que la "Virée de Galerne" est terminée et que les colonnes infernales terminent leur triste besogne.
L'Armée de l'Ouest (remplaçant celle des Côtes de la Rochelle et une partie de celle des Côtes de Brest) est alors découpée en 6 divisions (territoriales) :
la première division, dite de gauche, occupe l'espace entre Nantes, Montaigu et Noirmoutier.
la seconde division, dite du centre (Fontenay le Comte).
la troisième dite de droite a son QG à Doué / Saumur.
la quatrième est plutôt en réserve à Tours.
la cinquième a en charge la côte (la Rochelle, Rochefort, Ile de Ré, etc...).
une sixième division dite du Nord est sur la rive droite de la Loire (Nantes - Angers), elle semble avoir eu une existence limitée.
Les trois bataillons arrivent en mars 1794 et sont affectés à la division Nord.
En juin 1794, ils sont affectés à la 1ère division.
En août et septembre, ils sont au camp de Pont-Charron (Chantonnay), 2ème division.
Entre octobre et décembre 1794, ils sont à Largeasse (entre Parthenay et Bressuire), 2ème division.
Le 31 décembre 1794, ils fusionnent pour créer la 171ème demi-brigade avec N. Spital du II/Marne comme chef de corps, elle compte environ 2400 h d'effectif.
Entre janvier et mai 1795, la 171 DBI est toujours au camp de Largeasse.
En juin 1795, on la retrouve au camp des Essarts en plein territoire vendéen jusqu'en août.
En septembre 1795, elle est à Machecoul avec 2194 h.
Entre mi-novembre et mi-décembre 1795, on trouve un détachement de 276 h à Parthenay.
En janvier 1796, elle n'apparaît pas dans les registres de la nouvelle Armée de l'Océan.
Fin mars 1796, on la retrouve à la division de l'Ouest, subdivision de la Loire Inférieure, à Ancenis avec 1909h effectifs (dont 1449 h présents sous les armes).
On remarque donc une absence récurrente des états de situation à partir de mi-octobre (mais également en juillet). État de situation n'équivaut pas ordre de bataille, c'est juste un relevé à une date donnée. Or lorsque les unités sont en campagne, elles disparaissent assez facilement de ces états puisqu'il n'y a personne pour les collecter. Pour l'exemple (et c'est loin d'être le seul), la situation la plus symptomatique est celle de l'armée républicaine lancée à la poursuite des vendéens lors de la "Virée de Galerne" dont on n'a trouvé aucun état de situation à date alors qu'elle avoisine les 10000 h.
La 171ème DB a donc été engagée opérationnellement contre les Vendéens :
entre le 29/06 et le 12/08/1795,
à partir de mi octobre 1795 jusqu'à fin mars 1796.
Cela correspond à la période dite de "deuxième guerre de Vendée" au cours de laquelle les chefs vendéens restants mettent fin aux accords de la Jaunaye et reprennent les armes à la veille d'un débarquement royaliste tant espéré.
C'est Charette qui prend l'initiative le 25 juin en attaquant par surprise le camp des Essarts. À priori, la 171ème DB ne fut point engagée dans ce combat. Le 27, Charette surprend un convoi à Beaulieu sous la Roche (à l'ouest de la Roche-sur-Yon) à environ 40 km de là. Probablement qu'à l'occasion de ces événements, elle fut mise en mouvement.
À partir mi-octobre pour faire face au soulèvement, Hoche crée des colonnes mobiles (instruction du 23 vendémiaire an IV) dont le but est de traquer les insurgés et de couper leurs approvisionnements. Similaire sur le principe aux colonnes infernales, elles s'en différencient du fait de la volonté de ne pas s'en prendre aux populations (trois généraux seront suspendus pour ne pas avoir correctement apprécié l'attendu) et d'obtenir leur appui (dépose des armes, renseignements). La 171ème DB constitua très probablement l'une de ces colonnes.
À noter :
Ces colonnes (a priori relevées tous les 15 jours) ont pour instruction de parcourir en permanence le territoire insurgé, n'emportant avec elles aucune pièce d'artillerie et opérant de manière à pouvoir se porter mutuellement secours. Trois commandants : Travot (capture de Charette), Delaage et Watrin.
Une réorganisation en 8 divisions de cette armée prendra place à compter de début octobre.
La deuxième guerre de Vendée prend fin avec la reddition de Sapinaud le 29 janvier, la capture de Stofflet le 24 février et l'arrestation de Charette le 23 mars et son exécution le 29.
Reste à présent à savoir quel rôle précis a joué la 171ème DB, mais pour cela il va falloir patienter un peu, histoire d'exploiter plus avant les documents.
On pourrait conclure en disant que la qualité miltaire des composantes initiales de la 171ème DB a permis de construire une nouvelle unité fiable et disciplinée, apte à recevoir de nouvelles recrues. Implantée régulièrement au coeur du dispositif républicain en Vendée, elle fut employée comme un socle pour les autres unités (certaines aguerries, d'autres moins) avant d'être pleinement engagée dans l'oeuvre de pacification de Hoche.
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A suivre donc.
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Denis
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Et donc je dirai même plus, à suivre...