Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

Modérateur: MANÉ John-Alexandre

Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne

Messagepar MANÉ Diégo sur 30 Mar 2025, 09:54

« Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne, 1794-1807»

Par message personnel du 17/02/2025, Michel GRAND me questionne :

« Je me permets de vous envoyer ce mail, j'ai obtenu votre adresse en consultant le site Planète Napoléon.

Je souhaite retracer le parcours de mon ancêtre Jacques Berry, engagé le :

ARRIVE LE 23 FRUCTIDOR AN II (9 septembre 1794)
AU 94e REGIMENT DE LA 171 ½ brigade 2e BATAILLON ??

Il retrouve son village en début 1807 suite à une très grave blessure lors de la bataille de Mohrugen.

Il a participé à l'Armée de l'Ouest à l'expédition d'Irlande en 1796, puis divers combats.

1799 : Zurich, Stokach, Moeskirch, et Utznach.

1800 : Memmingen, Hochstett, et Hohenlinden.

1805 : Austerlitz.

… / … »

-----------

Ma réponse du 18/02/2025

Bonjour Michel,

C’est avec plaisir que je vous aiderai dans votre démarche si vous le souhaitez plus avant.

Il serait utile en l’hypothèse que vous m’en disiez plus sur l’état civil de votre ancêtre : NOM et Prénoms complets, date et lieu de naissance, qui sont des éléments nécessaires pour retrouver son dossier militaire s’il a été sauvegardé et ne l’avez pas déjà.

Sinon je peux toujours établir le cursus du 94e de Ligne qui a eu « une belle carrière », c’est le moins que l’on puisse dire.

Je ne l’ai toutefois pas trouvé mentionné aux batailles de Zurich et Hohenlinden dont j’ai établi les Ordres de Bataille. Votre ancêtre aura fait les campagnes correspondantes sans pour autant avoir participé aux batailles proprement dites.

En revanche le 94e a bien « fait » Austerlitz 1805 et Lubeck 1806… Et se trouvait présent à Mohrungen 1807… Où la carrière militaire de votre ancêtre s'est arrêtée net sur blessure.

Ce combat est effectivement traité dans mon L3C 10 sur la campagne d’Eylau. Par chance, le passage relatif est visible en « preview » sur Planète Napoléon, ici :

http://www.planete-napoleon.com/docs/L3C10.Extraits.pdf

J’ai par ailleurs trouvé, chez l’ami Frédéric Berjaud, le compte-rendu d’une inspection du régiment en 1807, ici :

http://frederic.berjaud.free.fr/094edel ... ligne.html

… / …

Je reste à votre disposition.

Cordialement,

Diégo Mané

----------------

J'ai pressenti l'Internaute Généreux et Jean-Marc Boisnard, qui ont tous deux apporté leur pierre à l'édifice, et je vous en ferai le partage très bientôt.
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 4026
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Saint-Laurent-de-Mure (69)

Re: Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne

Messagepar MANÉ Diégo sur 07 Avr 2025, 10:37

Je relaie un message de Michel GRAND du 2 avril courant (courant comme le temps qui me manque !).

"j'ai lu avec attention l'inspection de la 94e Demi-brigade de ligne par le Général Schauenburg

j'apprends beaucoup de détails sur la vie quotidienne et sur les conditions d'équipement des

soldats.

merci pour cet articl
e"

Eh bien c'était le but... et l'occasion de faire le lien avec les formidables travaux de Frédéric Berjaud, qui méritent autant de visites que d'unités traitées (et il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup !!).

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 4026
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Saint-Laurent-de-Mure (69)

Re: Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne

Messagepar MANÉ Diégo sur 08 Avr 2025, 09:09

Mémoire des Hommes (communication Michel Grand) nous permet de trouver ceci :

Soit un extrait des états de services... que je ne parviens pas à reproduire ici, mais qui le sera dans l'article en dur que je déposerai sur le site une fois terminés les échanges à venir, mais...

Comme c’est difficile à lire je le retranscris ci-après, en respectant l'orthographe d'époque, avec risque d’erreurs de lecture.

NUMEROS D’ENREGISTREMENT et SIGNALEMENS
307 Berry Jacques
fils de feu Etienne et de feue Catherine Fayet
né le ... 1775 à Clepé
canton de Boen
département de la Loire
taille d’un mètre soixante-dix centimètres
visage ovale front couvert, Cicatrise
yeux gris, nez ordinaire
bouche petite menton Rond
cheveux et sourcils Chatains
marqué de petite vérole

DATES DES ENGAGEMENS, … et de l’arrivée au corps.
Arrivé le 2 fructidor an 2 au 94e Régiment, sort de la 171e ½ Brigade

NUMÉROS DES BATAILLONS… ET DES COMPAGNIES
1er bataillon 2e compagnie, 1er bataillon 1ère compagnie le 26 vendémiaire an 14,
3e bataillon 1ère compagnie le 30 8bre 1807.


GRADES fusilier

DATES ET MOTIFS DES SORTIES DU CORPS, BLESSURES, GENRE DE MORT, ACTIONS D’ÉCLAT ET CAMPAGNES DE GUERRE.

a fait les campagnes de l’an 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 aux différentes armées et celles de l’an 11 à l’an 12 à l’armée du hannovre.
a fait partie de l’expédition d’Irlande commandée par le général hoche
(sic) du ? frimaire au 27 nivose an 5 sur le vaisseau le Trajan.
a fait les campagnes des années 12 et 13 à l’armée du hannovre et celle de vendémiaire an 14 au 1er corps de la grande armée. S’est trouvé à la bataille d’Austerlitz le 11 vendémiaire suivant. Celle de l’an 1806 au même corps d’armée. Celle de l’an 1807 au même corps d’armée. Retiré dans ses foyers le 11 novembre 1808. Ensuite de la tenue d’inspection faite à Wesel le 3 mars 1808 par le Général de Brigade Laurent, Commandant la 25e Division Militaire. Étant atteint de trois coups de feu reçus le 25 janvier 1807 au combat de Morhungen
(sic) en Pologne. Le 1er lui a divisé le bout du nez. Le 2e l’a frappé au sternum, et le 3e lui a emporté les cinq doigts du pied gauche, d’où il résulte que ce militaire restera à jamais estropié. Admis à la solde de retraite de 249 F par an par Décret Impérial du 7 mai 1808.
Donné à St-Étienne le molard. Rétraité.
(sic)

----------

À suivre...
MANÉ Diégo
 
Messages: 4026
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Saint-Laurent-de-Mure (69)

Re: Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne

Messagepar MANÉ Diégo sur 11 Avr 2025, 20:53

Communication de Jean-Marc Boisnard :

Bonjour Diégo,

Quelques renseignements effectivement ici : https://gw.geneanet.org/moulager?n=berry&oc=&p=jacques avec sa naissance ici : https://archives.loire.fr/ark:/51302/vt ... vz=4.88008

A la 171ème demi-brigade de Bataille avec quelques erreurs dans son état civil (très très fréquent pour les registres du second amalgame) voir à la page 113 (matricule 1301): https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... m_rotate=F

Au 1er bataillon du 94ème d'Infanterie ci-devant Hesse-Darmstadt (page 49): https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... m_rotate=F

Voila pour lui

Cordialement

JM Boisnard
----------------

À suivre donc le cursus du 94e Régiment d’Infanterie de Ligne de 1794 à 1815...

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 4026
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Saint-Laurent-de-Mure (69)

Re: Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne

Messagepar MANÉ Diégo sur 14 Avr 2025, 20:51

« Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne, 1794-1807»
(par Diégo Mané, Mars 2025)

Le 1er janvier 1791, la Constituante, désireuse de rompre avec le passé monarchique, décrète que les régiments d’infanterie changeront leur nom pour un numéro d’ordre.
C’est ainsi que le régiment allemand Royal Hesse-Darmstadt devient le 94e Régiment d’Infanterie.

Il comportait alors deux bataillons à huit compagnies de fusiliers et une de grenadiers, celle du 2e bataillon étant la ci-devant compagnie de chasseurs (d’un trop facile trait de plume on faisait des grenadiers à partir de chasseurs !).
Un bataillon alignait en théorie 500 hommes.
Toujours en théorie, ce « pied de paix » fut porté à 750 hommes au « pied de guerre », puis 1.000 hommes, rarement atteints en pratique.

Le 30 juin 1791 le drapeau-colonel, blanc, est remplacé par le drapeau tricolore. Nonobstant ces bouleversements sémantiques et symboliques, ce sont bien les vieux régiments royaux qui remporteront la première victoire de la République naissante à Valmy, le 20 septembre 1792.

Ce fut aussi peut être un peu grâce aux « joyaux de la Couronne », volés au Garde-Meuble et dont on retrouvera une partie dans l’héritage du Duc de Brunswick, le généralissime prussien. Aurait-on osé acheter la retraite prussienne avant la toute petite canonnade et les très grands cris de « Vive la Nation » ? Il s'est dit, certes là à plus bas bruit, que Danton aurait été à la manoeuvre, vous savez, ce tribun auteur de la phrase géniale : "De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée !"

Quoi qu’il en soit elle fut en effet sauvée à Valmy, et le nouveau 94e y était, au sein de l’Armée du Nord de Dumouriez, dans la Division Miranda, Brigade Miaczynski, en compagnie du 5e Régiment d’Infanterie, ci-devant Navarre, et des Volontaires de la Marne, de la Sarthe, des Deux-Sèvres et de la Vendée.

Convaincre les Autrichiens de partir fut plus difficile, mais à trois contre un le nombre finit par l’emporter à Jemappes le 6 novembre 1792, et l’on y trouva aussi le 94e, toujours à la Division Miranda, mais Brigade Stettenhoffen :

12e brigade, 1.459 h
1er du Pas-de-Calais, 1 bataillon, 457 h
I/94e RI, 1 bataillon, 492 h
9e de Paris, 1 bataillon, 510 h

La parité numérique obtenue par les Autrichiens à Neerwinden le 18 mars 1793 est fatale à l’armée de Dumouriez, lequel devra s’enfuir pour sauver sa tête de la guillotine républicaine.

1793, « l’année terrible », commença donc fort mal, mais le nombre permit encore de tenir.

La 94e Demi-Brigade qui renoua avec la victoire à Fleurus le 19 juillet 1794 au sein de l’Armée de Sambre-et-Meuse sous Jourdan, à la Division Championnet, Brigade Legrand,

Brigade GB Legrand, 4.387 h
94e Demi-Brigade de Bataille (3), 2.327 h
59e Demi-brigade de Bataille (2) 1.572 h
4e régiment de Cavalerie (4), 398 h
2e Cie d’Artillerie légère, Couturier (6 pièces), 90 h
Artillerie «de position» (8 pièces*)
*2x8£ + 2 Obusiers de 6 + 2x12£ + 2 x16£

... n'avait plus rien à voir avec le 94e RI de 1792 car ses deux bataillons de vétérans avaient en 1793 servi chacun de noyau à une nouvelle Demi-Brigade de trois bataillons dont deux de volontaires. C'est dans l'une d'elles que le fusilier Jacques Berry s’enrôla le 9 septembre 1794, à la 2e compagnie du ci-devant 1er bataillon du 94e Régiment d’Infanterie, devenu 2e bataillon de la nouvelle 171e Demi-Brigade de première formation, composée outre lui du 2e bataillon des Volontaires de la Marne, et du 2e bataillon des Volontaires des Hautes-Alpes.

La 171e Demi-Brigade servit à l’Armée de l’Ouest en Vendée en l’An III et l’An IV.

On trouve, aux Archives de la Vendée des OBs du SHAT, dont celui de l’Armée de l’Ouest au 13 septembre 1794, soit quatre jours après l’entrée au service de Jacques Berry, il fait donc partie des présents sous les armes indiqués :

https://archives.vendee.fr/ark:/22574/v ... b93ed9f1df

L’armée est commandée par le GD Dumas, la 2e Division sous le GD Bonnaire. La 171e n’est pas citée en tant que telle mais on trouve bien à la suite les trois bataillons qui la composaient, tous à Pont-Charron, savoir : 2e de la Marne 452 hommes, I/94e RI 479 hommes (dont Jacques Berry !), 2e des Hautes-Alpes 280 hommes plus 319 hommes au camp de Chiché, total 1.530 hommes présents.

Au 16 janvier 1795 les mêmes unités alignent : 2e de la Marne 842 hommes, I/94e RI 734 hommes, 2e des Hautes-Alpes 836 hommes, total 2.412 hommes sous les ordres du Chef de Brigade (Colonel) Spital, commandant la 171e Demi-Brigade de Bataille (Six). À cette époque l’Armée est commandée par le GD Canclaux, et son Chef d’État-Major est le GB Grouchy, futur Maréchal de l’Empire de 1815.

Elle aurait participé à « l’affaire de Quiberon » en 1795 mais je ne l’ai pas trouvée sur les OBs. Je vous donne quand même les liens avec mes articles sur cette "affaire" qui vous situeront le "climax".

http://www.planete-napoleon.com/docs/17 ... cwk_(TEXTE).pdf

http://www.planete-napoleon.com/docs/17 ... cwk_(TEXTE).pdf

http://www.planete-napoleon.com/docs/17 ... cwk_(TEXTE).pdf

La 171e est ensuite dissoute, et ses cadres absorbés par « l’autre 94e », qui n’avait rien à voir avec l’ancienne. Pour le ci-devant I/94e, retrouver ainsi par pur hasard son numéro d’origine est, je crois, exceptionnel. D’autant que le chemin administratif fut tortueux et compliqué, savoir que la 94e de Bataille de 1794 (contemporaine de la 171e) se composait alors du II/47e Régiment d’Infanterie, du 1er de Saône-et-Loire et du 1er du Cher, et faisait partie de l’Armée de Sambre-et-Meuse à Fleurus comme dit plus haut.

Elle devient en 1796 la 94e Demi-Brigade, absorbant dans le processus, non seulement les trois bataillons de la 171e Demi-Brigade de Bataille, mais aussi le 5e du Bas-Rhin et le 7e du Jura, et en outre les bataillons de la 124e Demi-Brigade non formée, savoir le II/62e RI, le 2e des Vosges, et le 4e du Haut-Rhin. Il faut en déduire que toutes ces unités avaient bien souffert puisque de onze bataillons on n’en fit que trois !

----------

À suivre... L'expédition d'Irlande...
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 4026
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Saint-Laurent-de-Mure (69)

Re: Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne

Messagepar MANÉ Diégo sur 22 Avr 2025, 16:12

J'avais pressenti Denis Boutet, notre expert es-Vendée*, relativement à la 171e Demi-Brigade, et n'ai pas été déçu, comme vous allez pouvoir le constater ci-dessous, qui en outre n'est qu'un début !

Comme ces informations s'inscrivent parfaitement à la suite de mon message précédent je les publie avant ce qui se situe après.

Mon travail sur "L'expédition d'Irlande" attendra donc la fin des opérations de la 171e en Vendée !

* viewtopic.php?f=1&t=1842&p=17182#p17182
----------------

Bonjour Diégo,

C'est avec un certain plaisir que je rebondis sur ton dernier mail dont je ne me suis emparé que depuis peu mais avec grand plaisir.

La question posée relève à mon niveau d'une sorte de défi car ne m'étant à présent focalisé que sur les premiers temps de cette guerre, c'est à dire, grosso modo mai-décembre 1793, je ne m'étais que fort peu intéressé aux événements postérieurs. Or là, c'est carrément septembre 1794 et plus qui vient frapper à ma porte ; si ce n'est pas complètement terra incognita, répondre va demander un peu de travail mais surtout du temps pour compulser les sources.

Franchement, la 171ème demi-brigade m'était inconnue. La première étape consista donc à en suivre la genèse et les évolutions dans le temps.

Probablement sais-tu déjà qu'elle a été constituée des 3 bataillons suivants :
1er bataillon du 94ème régiment d'infanterie (ex : Royal Hesse Darmstadt),
2ème bataillon des volontaires de la Marne,
2ème bataillon des volontaires des hautes Alpes.

Très rapidement :
Le 94ème RI avant la réforme de 1791 portait le n°96. Le I/94 est dans l'armée qui a combattu à Valmy (division Miranda), à Jemappes (division Ferrand, 12ème brigade), à Neerwinden, au siège de Maubeuge (division Ferrand), à Wattignies (détachement au sein de la division Beauregard).
Les deux bataillons de volontaires, au vu de leur numéro, ont été créés lors de la levée de 1791. Le II/Marne participa à la bataille de Valmy (division le Veneur) et à Jemappes (division Ferrand, 7ème brigade), à Neerwinden. Le II/Hautes Alpes a également participé à Jemappes (division de réserve), au siège de Maubeuge (division Colomb)

Bref, ce sont des bataillons expérimentés et disciplinés (probablement recomplétés au cours de la période) qui arrivent en mars 1793 en Vendée, alors que la "Virée de Galerne" est terminée et que les colonnes infernales terminent leur triste besogne.

L'Armée de l'Ouest (remplaçant celle des Côtes de la Rochelle et une partie de celle des Côtes de Brest) est alors découpée en 6 divisions (territoriales) :
la première division, dite de gauche, occupe l'espace entre Nantes, Montaigu et Noirmoutier.
la seconde division, dite du centre (Fontenay le Comte).
la troisième dite de droite a son QG à Doué / Saumur.
la quatrième est plutôt en réserve à Tours.
la cinquième a en charge la côte (la Rochelle, Rochefort, Ile de Ré, etc...).
une sixième division dite du Nord est sur la rive droite de la Loire (Nantes - Angers), elle semble avoir eu une existence limitée.

Les trois bataillons arrivent en mars 1794 et sont affectés à la division Nord.
En juin 1794, ils sont affectés à la 1ère division.
En août et septembre, ils sont au camp de Pont-Charron (Chantonnay), 2ème division.
Entre octobre et décembre 1794, ils sont à Largeasse (entre Parthenay et Bressuire), 2ème division.
Le 31 décembre 1794, ils fusionnent pour créer la 171ème demi-brigade avec N. Spital du II/Marne comme chef de corps, elle compte environ 2400 h d'effectif.
Entre janvier et mai 1795, la 171 DBI est toujours au camp de Largeasse.
En juin 1795, on la retrouve au camp des Essarts en plein territoire vendéen jusqu'en août.
En septembre 1795, elle est à Machecoul avec 2194 h.
Entre mi-novembre et mi-décembre 1795, on trouve un détachement de 276 h à Parthenay.
En janvier 1796, elle n'apparaît pas dans les registres de la nouvelle Armée de l'Océan.
Fin mars 1796, on la retrouve à la division de l'Ouest, subdivision de la Loire Inférieure, à Ancenis avec 1909h effectifs (dont 1449 h présents sous les armes).

On remarque donc une absence récurrente des états de situation à partir de mi-octobre (mais également en juillet). État de situation n'équivaut pas ordre de bataille, c'est juste un relevé à une date donnée. Or lorsque les unités sont en campagne, elles disparaissent assez facilement de ces états puisqu'il n'y a personne pour les collecter. Pour l'exemple (et c'est loin d'être le seul), la situation la plus symptomatique est celle de l'armée républicaine lancée à la poursuite des vendéens lors de la "Virée de Galerne" dont on n'a trouvé aucun état de situation à date alors qu'elle avoisine les 10000 h.

La 171ème DB a donc été engagée opérationnellement contre les Vendéens :
entre le 29/06 et le 12/08/1795,
à partir de mi octobre 1795 jusqu'à fin mars 1796.
Cela correspond à la période dite de "deuxième guerre de Vendée" au cours de laquelle les chefs vendéens restants mettent fin aux accords de la Jaunaye et reprennent les armes à la veille d'un débarquement royaliste tant espéré.
C'est Charette qui prend l'initiative le 25 juin en attaquant par surprise le camp des Essarts. À priori, la 171ème DB ne fut point engagée dans ce combat. Le 27, Charette surprend un convoi à Beaulieu sous la Roche (à l'ouest de la Roche-sur-Yon) à environ 40 km de là. Probablement qu'à l'occasion de ces événements, elle fut mise en mouvement.
À partir mi-octobre pour faire face au soulèvement, Hoche crée des colonnes mobiles (instruction du 23 vendémiaire an IV) dont le but est de traquer les insurgés et de couper leurs approvisionnements. Similaire sur le principe aux colonnes infernales, elles s'en différencient du fait de la volonté de ne pas s'en prendre aux populations (trois généraux seront suspendus pour ne pas avoir correctement apprécié l'attendu) et d'obtenir leur appui (dépose des armes, renseignements). La 171ème DB constitua très probablement l'une de ces colonnes.

À noter :
Ces colonnes (a priori relevées tous les 15 jours) ont pour instruction de parcourir en permanence le territoire insurgé, n'emportant avec elles aucune pièce d'artillerie et opérant de manière à pouvoir se porter mutuellement secours. Trois commandants : Travot (capture de Charette), Delaage et Watrin.
Une réorganisation en 8 divisions de cette armée prendra place à compter de début octobre.
La deuxième guerre de Vendée prend fin avec la reddition de Sapinaud le 29 janvier, la capture de Stofflet le 24 février et l'arrestation de Charette le 23 mars et son exécution le 29.

Reste à présent à savoir quel rôle précis a joué la 171ème DB, mais pour cela il va falloir patienter un peu, histoire d'exploiter plus avant les documents.

On pourrait conclure en disant que la qualité miltaire des composantes initiales de la 171ème DB a permis de construire une nouvelle unité fiable et disciplinée, apte à recevoir de nouvelles recrues. Implantée régulièrement au coeur du dispositif républicain en Vendée, elle fut employée comme un socle pour les autres unités (certaines aguerries, d'autres moins) avant d'être pleinement engagée dans l'oeuvre de pacification de Hoche.

... / ...

A suivre donc.

... / ...

Denis
-----------

Et donc je dirai même plus, à suivre...
MANÉ Diégo
 
Messages: 4026
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Saint-Laurent-de-Mure (69)

Re: Sur les traces du fusilier Jacques Berry au 94e de Ligne

Messagepar MANÉ Diégo sur 26 Avr 2025, 10:22

DB=>DM, le 21/04/2025

94e=>171e (2)

Bonjour Diégo,

Je ne pensais pas faire suite à ce message de si tôt mais à la lecture du post sur le forum, j'ai mené quelques investigations complémentaires dont je voudrais impérieusement te faire part concernant les mouvements de la 171ème DB à l'été 1795.

Dans l'état de situation du 11 juin 1795, on trouve présents sous les armes sous le commandement de l'adjudant général Legros :
• I/29ème RI (607 h)
• II/29ème RI (537 h)
• III/formation d'Orléans (406 h)
• II/84ème RI (446 h)
• II/Eure (494 h)
• VIII/Sarthe (215 h)
• I/171ème DB (582 h)
• II/171ème DB (618 h)
• III/171ème DBI(559 h)
• I/chasseurs de Saône et Loire (561 h)
• dét. 3è Cie du 1er bataillon de sapeurs (30 h)
• dét. de la 7ème Cie des guides (6 h)
• gendarmerie nationale (30 h)
• dét. 7ème chasseurs à cheval (105 h)
Le 29ème RI est à Pouzauges et les autres répartis entre le camp des Essarts (chasseurs de Saône et Loire, une partie des chasseurs à cheval) et celui du Château de l'Oie communément appelé camp des 4 chemins (car à au croisement des routes de Nantes-La Rochelle et la Roche-sur-Yvon - Cholet).

Le 25, Charette attaque totalement par surprise le poste des Essarts (le plus petit) et capture une centaine de prisonniers (dont une partie sera exécutée en représailles des exécutions de Quiberon). Legros réagit et envoie deux bataillons en renfort mais sans précision sur leur nature.

Le 18 juin, Hoche réclame à Canclaux, chef de l'Armée de l'Ouest un renfort de 3 000 h pour faire face à la menace royaliste.

Dans un document en date du 28 juin, Canclaux développe ses réflexions pour répondre à la demande. La première conclusion est qu'il ne peut dégarnir de trop ses positions et que la seule option est d'abandonner le camp du Château de l'Oie (attenant à celui des Essarts) pour libérer des troupes. Il développe deux possibilités :
• Disposition 1 : Les 2 bataillons du 29ème RI (1618 h) passeront la Loire. La 143ème DB formera la garnison de Nantes. Le bataillon des chasseurs de Saône et Loire (570 h) et un bataillon de Seine et Marne (418 h) partiront aussi. Les trous laissés seront comblés par arrangement des unités : la 171e DB (1836 h) ira au camp de Palluau.
• Disposition 2 : Aux 2 bataillons du 29ème RI sont adjoints ceux de la 171ème DB avec un arrangement différent des différents postes.
Nota : au regard de l'état du 11/6, les effectifs ont été recomplétés des absents (dépôt, congés, hôpitaux, etc...).

Dans sa correspondance du 9 juillet au Comité de Salut public, Canclaux déclare qu'au regard du rembarquement royaliste et à la menace de débarquer ailleurs, il re-déploie la 171ème DB de manière à couvrir la côte entre la Vilaine et le Croisic. Il dépêche également sur la place, le général Grouchy, son chef d'état-major.

Nota : c'est donc la disposition 2 précédente qui a été retenue.

Le 11 juillet, toujours au Comité de Salut public, il informe de ses dispositions et décrit la 171ème DB comme "une brave et bonne demi-brigade". Un rapport de Grouchy l'informe de la réquisition de nombre de bateaux par les Royalistes et suspecte une opération.

Le 12 juillet, il informe le comité que le débarquement escompté a eu lieu à Suscinio dans la presqu'ile de Rhuys et la force royaliste est estimée au 2500 h. La 171ème DB est portée à leur rencontre sous la direction de Grouchy.

Le 13 juillet, fausse alerte, les forces royalistes (dont le nombre est revu entre 1200 et 1500 h) on soit réembarqué soit se sont dispersées. Grouchy reste en alerte ("si le général Grouchy trouve l'occasion de tomber sur ce rassemblement, il le fera bien à coup sûr et l'on peut s'en rapprocher à sa valeur, à son zèle, à ses talents militaires et au courage des bonnes troupes à la tête desquelles il se trouve").

Nota : il me semble bien que ce sont les Chouans de Tinteniac (la fameuse "armée rouge") qui ont réussi à passer entre les mailles du filet. À confirmer donc.

Enfin, le 22 juillet, Canclaux demande audit comité le retour de ses 3800 h pour faire face au soulèvement vendéen outre-Loire.

En conclusion, on apprend que :
• la 171ème DB a bel et bien été envoyée combattre dans le Morbihan envahi mais elle ne sera pas engagée.
• la colonne de renfort fait environ 3800 h et que de fait, elle est composée du 29ème RI, de la 171ème DB mais également de la Légion nantaise. Il serait d'ailleurs étonnant qu'il n'y ait pas eu un détachement de cavalerie pour éclairer la route.
Le 29ème RI et la 171ème DB rejoindront leurs cantonnements initiaux de juin en août. Si l'on en croit l'état au 12 août, ces unités n'auraient pas perdu un homme sous les armes...

Enfin, pour le plaisir, voici un état des officiers généraux de l'armée de l'Ouest au 24 juillet* (Canclaux est toujours le général en chef mais est toujours subordonné à Hoche).

* Edit DM : j'essaierai de vous mettre ce tableau dans l'article en dur illustré qui suivra sur le site une fois le "feuilleton" terminé.

Outre un célèbre général de brigade en devenir qui ne rejoindra pas (Buonaparté), on retrouve Burac :
• l'ancien lieutenant-colonel de l'infanterie de la Légion germanique,
• nommé général de brigade pour avoir notamment ramené les caisses de l'Armée des Côtes de la Rochelle après la déroute de Saumur,
• qui s'est vu confier la mission de formation des 22ème et 23ème régiments d'infanterie légère à l'été 1793 sur les restes de cette même légion,
• et qui a été mis en disponibilité en septembre car noble.

Il y a encore deux ou trois petits détails à creuser concernant la colonne envoyée sur Quiberon (notamment la présence d'artillerie, de cavalerie, et plus de précisions sur les effectifs) mais ce sera pour plus tard.

Suite au prochain épisode donc !

Denis

---------------

Oui, oui, encore !

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 4026
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Saint-Laurent-de-Mure (69)


Retourner vers Histoire Militaire

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 5 invités

cron