Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

Messagepar MASSON Bruno sur 22 Déc 2022, 12:46

Salut à tous,
Pour continuer sur la lancée de mes feuilletons de péninsule, je vous livre ici un aperçu de cette campagne peu connue (car somme toute peu glorieuse de part et d'autre), mais qui a vu la seule mise en ligne des troupes de la République Batave, qui malgré bien des désavantages, s'est très bien comportée.
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Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

Messagepar MASSON Bruno sur 22 Déc 2022, 12:50

    I) Bref aperçu historique sur les débuts des Pays-Bas

      1) Soulèvement des 7 provinces
      cela commence par une révolte contre la mainmise espagnole en 1568, autour de trois points principaux, la (mal)gouvernance « coloniale » des autorités établies, les persécutions religieuses de l’inquisition et les taxes prélevées sur le commerce de ce qui était les Pays-Bas espagnols, sous l’égide de Guillaume le taciturne (issu de la maison Orange-Nassau), prince protestant à qui les insurgés ont donné le commandement militaire.

      Le Roi d’Espagne répond en envoyant une expédition punitive sous les ordres de son fils le Duc d'Albe, dont la campagne de terreur répressive, après des succès initiaux, finit par s’engluer dans une situation bloquée typique des guerres de religion de l’époque. Aux exactions des troupes espagnoles répondent les exactions envers les catholiques et modérés partisans de la réconciliation avec Philippe II. La partition est révélée par les deux proclamations de 1579, tout d’abord de l’Union d’Arras (6 janvier), où les provinces plutôt méridionales et catholiques font à nouveau allégeance à la Couronne espagnole, puis de l’Union d’Utrecht (23 Janvier 1579-avril 1580), où les provinces Calvinistes et plutôt septentrionales proclament leur attachement à la liberté religieuse et la défiance à la mainmise ibérique. La suite est l’Acte de La Haye, où les signataires de l’Union d’Utrecht proclament la déchéance de Philippe II en tant que souverain des Pays-Bas.

      En gros 80 ans de guerre bien sale, plus ou moins chaude, qui se terminent par le traité de Münster, corollaire du traité de Westphalie en 1648 mettant fin à la Guerre de Trente Ans. La séparation entre les provinces catholiques au sud, restant espagnoles, et des provinces calvinistes au nord, qui font sécession est actée, et l’Espagne reconnaît l’indépendance des Provinces-Unies.
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 22 Déc 2022, 13:00

        2) présentation géopolitique des Provinces-Unies

        Les « 7 provinces » sont en fait 11, car aux côtés des provinces de plein droit (Zeeland, Holland, Utrecht, Geldre, Overjrissel, Friese, Groningen), qui ont une assemblée qui désigne un délégué ou « régent » à la tête de la fédération, il existe 3 provinces d’empire ou "de généralité" qui sont gérées directement par l’entité fédérale, à savoir Brabant, Vlaanders et Lippe. Ces provinces ont été agrégées à la République après les traités de Münster et de Westphalie, d'où le traitement particulier. Drenthe est un cas à part, car, si elle fait partie intégrante des 7 provinces, elle est trop pauvre pour payer des taxes, et donc ne reçoit pas le droit de participer au gouvernement fédéral et est gérée partiellement comme une terre d’empire.

        lien vers la carte Wikipédia:
        https://fr.wikipedia.org/wiki/Provinces ... landen.svg

        Les provinces élisent aussi un « Stadthouder »( reliquat de la période espagnole, le titre du gouverneur des Pays-Bas Espagnols était déjà le même), qui est le chef de l’exécutif provincial ; Il peut donc théoriquement y avoir 7 Stadhouders en place simultanément dans la république. En pratique, beaucoup de provinces choisissent la même personne, et très vite ils ne sont plus que 2 jusqu’en 1688, puis un seul, traditionnellement choisi dans la famille Orange-Nassau. Le pouvoir est donc partagé entre les régents et le Stadhouder, chacun avec leurs soutiens politiques. Si c’est une république, elle n’est pas pour autant démocratique, car le pouvoir est essentiellement citadin, et souvent limité très petit nombre de grandes familles marchandes de ces cités. Les provinces ne sont pas non plus égales entre elles, car la Hollande, fournissant 58 % de l’impôt, se taille la part du lion.

        Les deux pôles politique du pays sont donc :
        - le camp « Orangiste » qui milite en faveur de la centralisation, de l’action étatique à l’intérieur comme à l’extérieur, la création d’une armée (de mercenaires, contrairement à la marine, les régents ne voient pas l’intérêt d’immobiliser une partie de la population à ce besoin) et d’une flotte nationale capable de défendre les intérêts des « Provinces Unies » partout dans le monde ;
        - et le camp des Régents, qui veut favoriser le commerce et l’intérêt particulier, voire les débuts du Mercantilisme. Cela va assez vite dégénérer vers une tendance au provincialisme voir au nombrilisme.

        La nouvelle nation va se développer sur le commerce maritime, au point qu’à la fin du XVIIe siècle, la marine (marchande et militaire confondues) de la république sera supérieure à la fois en nombre d’unités et en tonnage aux autres marines européennes additionnées.
        Le déclin sera assez rapide, la population des Provinces Unies ne leur permettant pas de posséder une marine et une armée de taille à lutter avec leurs équivalentes espagnoles, françaises et anglaises. Durant le XVIIIe siècle, l’armée Néerlandaise sera régulièrement battue par son équivalente française, et la marine par son équivalente anglaise (avec ou sans l’aide de la française).
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 26 Déc 2022, 16:09

        3) 1747-1780 perte de confiance des Orangistes

        En 1688, le Stadhouder de l’époque, Guillaume III d’Orange conduit la dernière invasion réussie des îles britanniques durant la « Glorieuse Révolution », qui chasse le dernier roi Tudor du trône d’Angleterre, et est nommé à sa place. Il n’a donc plus qu’une influence très éloignée sur les affaires de la république, qui est gérée par les régents par les faits. A sa mort sans enfants en 1702, ceux-ci décident de ne pas le remplacer, et une période de maladministration commence, qui va durer jusqu’en 1747, conjointement à la fin d’une période appelée « Gouden Eeuw » (« Âge d’Or » ou « Siècle d’Or ») qui voit le pays être à la pointe des Arts et de la Culture, car le pays est le plus citadin, industrieux, instruit, tolérant d’Europe. (Ainsi, entre 1680 et 1750, les ouvrage polémiques de l’« Âge des Lumières » de toute l’Europe sont souvent imprimés au Pays-Bas.).

        Les plaintes contre ce genre d’administration se font de plus en plus présentes, non seulement de la part des Orangistes, mais aussi de toutes les familles marchandes qui n’ont pas de représentativité malgré leur importance économique. Le pouvoir en place décide d’ignorer tour cela, approfondissant encore le mécontentement général.

        Pendant cette période, l’armée est complètement négligée, les besoins étant remplis par des contingents mercenaires, licenciés dès que faire se peut. Les unités régulières survivantes ne sont pas ou peu payées, et peinent à se maintenir. L’idée est qu’en maintenant une politique de neutralité, au moins terrestre, et grâce aux nombreuses forteresses et canaux qui coupent le pays, on pourra éviter les dépenses de l’entretien d’une armée nombreuse. Dans le même esprit de parcimonie, l’entretien de ces mêmes forteresses est plus ou moins négligé. Après tout, le peuple flamand a montré sa résilience vis-à-vis des envahisseurs...

        Or en avril 1747, dans le cadre de la guerre de Succession d’Autriche la France déclare la guerre à la République, et se prépare à l’envahir. C’est la panique à la tête des Provinces-Unies, car Maurice de Saxe dispose de 120 000 hommes, qui ont conquis presque l’intégralité des pays-bas autrichiens, et s’approchent de la frontière sud. La population descend alors dans la rue, et force les régents à nommer Stadthouder le prince d’Orange, comte de Nassau, sous le nom de Guillaume IV. Ce dernier ne montre pas grand-chose militairement, Bergen-op-Zoom tombant aux mains des français le 18 septembre 1747, et Maastricht le 7 mai 1748.

        Heureusement, en octobre est traité la paix d’Aix-la-Chapelle, par laquelle Louis XV rend tous les territoires conquis. Guillaume IV est néanmoins en place, et son titre est désormais héréditaire ; heureusement pour les régents, il va se montrer faible et incapable de se faire à la vie politique néerlandaise, et ceux-ci ont vite fait de reprendre leurs mauvaises habitudes.

        En 1751, Guillaume IV meurt, laissant un enfant de 3 ans comme héritier ; la régence est tout d’abord assurée par sa veuve, la princesse Anne d’Angleterre, mais celle-ci, ne comprenant pas un mot de flamand et sans éducation politique, n’est pas à même de relancer les espoirs déçus des Orangistes. Elle meurt elle-même en 1759, alors que le jeune Guillaume V a 11 ans, ce qui est trop jeune pour la tâche. Un tuteur est alors nommé, en la personne de Ernst von Braunschweig-Wolfenbutel, qui va ménager à la fois la chèvre et le chou, en s’attirant les bonnes grâces des régents et en devenant le confident du jeune prince, qui même après sa majorité en 1766, jurera ne de jamais prendre une décision sans son avis. Guillaume V est marié à une femme de tête, Frederika Sophia Wilhelmina de Prusse, sœur du futur Friedrich Willhelm III de Prusse (couronné en 1797) assurant un soutien diplomatique de poids à la république.
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 08 Jan 2023, 09:47

        4) 1780-1787 les débuts et l’essor du parti "Patriote"

        En 1780, les Provinces-Unies se trouvent en guerre avec l’Angleterre, presque par inadvertance, et ce jusqu’en 1784. Le commerce maritime est impossible, les famille marchandes perdent des sommes colossales, et le chômage est fort. Le conseiller du prince est blâmé, à tort ou à raison, pour cette guerre, et un nouveau parti, qui se nomme « patriote » émerge des déçus des deux camps préexistants. Leurs récriminations poussent Ernst von Braunschweig à quitter le pays sans que cela ne résolve rien, et donc les reprochent se portent du conseiller au prince.

        Les « patriotes » commencent à se réunir et à s’armer en « exercitiesgenootschappen », ou corps francs, ouvertement pour contrer la menace autrichienne au sud. Joseph II d’Allemagne, depuis les Pays-Bas Autrichiens, fait mine de vouloir se mêler de la vie politique des Provinces-Unies, désire le départ des troupes néerlandaises des forteresses dites « de la barrière » (Furnes, Ypres, Warneton, Menin, Namur, Tournai) qu’elles occupent sur son territoire depuis le traité du même nom en 1714, et pour l’entretien desquelles les provinces autrichiennes payent annuellement 1.25 million de florins, et la libre circulation depuis l’Escaut à travers la Zélande.

        Après quelques incidents frontaliers, il déclare la guerre à la fin 1784, mais les bataves montrant les dents, et Louis XVI semblant vouloir prendre la défense de la république, la paix est signée au bout de quelques mois, sans aucun combat. Les Néerlandais abandonnent leurs garnisons des forteresses autrichiennes (qui sont de toutes façons en mauvais état) mais la navigation dans l’estuaire de l’Escaut reste interdite à tous ceux qui ne sont pas des Provinces-Unies

        Cette « victoire » enflamme les espoirs des « patriotes », et la république ayant signé un traité d’alliance défensive avec la France, les troubles extérieurs semblent apaisés ; ce n’est pas le cas à l’intérieur, où les corps francs sont de plus en plus véhéments à l’encontre des abus des régents.

        Le 4 septembre 1785, un membre des « exercitesgenootschappen » de Leiden est insulté alors qu’il est en uniforme à Utrecht avec plusieurs de ses amis, une rixe puis une émeute s’en suit. L’état de Hollande ordonne alors à la garnison de Den Haag (la capitale) de patrouiller dans les rues pour éviter une répétition de l’incident chez eux. Le Stadthouder rétorque alors qu’il est le seul, en sa charge de Capitaine-Général des forces armées, à avoir le droit de donner des ordres à une garnison ; l’état n’en démord pas, et répète son ordre, dépossédant ainsi de fait Guillaume V de sa fonction.

        Celui-ci décide alors de déménager sa cour à Nijmeguen dans la province de Geldre, entérinant la situation inédite. Le roi de Prusse proteste alors de l’affront fait à son parent par alliance, mais la Hollande n’en tient pas compte. Vous remarquerez que les régents ont complètement disparu de l’échiquier politique. Une partition politique des provinces se fait jour, avec Friesland, Geldre et Zeeland soutenant le Stadthouder, les autres s'alignant du côté "Patriote" avec plus ou moins de véhémence, Utrecht étant en balance.

        En Geldre, deux villes, Hattem et Elburg, sont ouvertement « Patriotes », et sont des points de rassemblement pour cette mouvance politique. Le 21 août 1786, l’état de Geldre ordonne au Stadthouder, en sa capacité de capitaine-général des forces armées, d’envoyer des troupes rétablir l’ordre dans ces deux cités. Dans Hattem, les « patriotes », sous les ordres de Herman Willem Daendels, reçoivent la nouvelle de cet ordre, et se mettent en ordre de défense, et sont renforcés par des corps francs d’autres cités. Daendels obtient même de la ville de Zwolle quelques canons et un peu de munitions.

        La tâche de rétablir l’ordre à Hattem est confiée au Generaal-Major Spengler, qui après quelques escarmouches, prend d’assaut les portes de la ville sans pertes, les « Patriotes » ayant pris la fuite. Les troupes orangistes pillent un peu la ville comme c’est attendu à la suite d’un assaut, puis revienent dans les rangs.

        Malgré le fait qu’il n’ait fait que suivre les ordres de l’état de Geldre, le Stadthouder est traité de tyran par les « patriotes », et le 22 septembre, l’état de Hollande le démet de sa capacité de capitaine-général de ses armées. Cette province commence à se doter d’une armée défensive, sous les ordres du Reingraf von Salm, et compte sur le soutien de la France, du fait de l’alliance défensive

        La province d'Utrecht est, comme je l'ai dit, en balance. Une partie de l'assemblée de la province s'est déplacée à Amerfoort, où ils restent en contact direct avec Guillaume V, le reste étant plutôt "patriotes". En mai 1787, ces derniers apprennent que les responsables d'Amersfoort ont demandé des troupes de Geldre, et décident de répondre en envoyant 300 hommes des corps francs d'Utrecht. La rencontre se fait près du village de Vreesvijk, et les troupes de Geldre déroutent très vite; néanmoins, les patriotes ont quelques morts, qui deviennent immédiatement des martyrs de la cause, et le Stadthouder est à nouveau blâmé.

        La Hollande envoie alors une partie de ses troupes en Utrecht, et les Provinces-Unies sont au bord de la guerre civile.
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 23 Jan 2023, 05:23

        5) la campagne prussienne de 1787

        A ce moment, se produit un incident aux conséquences désastreuses pour le parti « patriote ». La femme de Guillaume V, la sœur du futur roi de Prusse, décide de son propre chef d’essayer de réconcilier les parties en présence ; Accompagnée juste de quelques serviteurs, elle part de Nijmeguen en direction de Den Haag pour rencontrer les autorités de l’état de Hollande.

        Le 28 juin 1787, dans le village de Goejanverwellensluis, juste après la frontière provinciale, elle est arrêtée par des membres des corps francs, et il lui est interdit de continuer sa route. Les assemblées provinciales de Gelre, Utrecht et Zeeland condamnent fermement cette action, mais celle de Hollande soutient l’action entreprise sur son territoire, et la tension s’accroit. La cour de Prusse s’émeut de l’affront fait à sa parente, demandant officiellement en juillet des excuses, que les auteurs soient punis et que Frederika Sophia soit autorisée à se déplacer sans encombre, ce que la province de Hollande refuse.

        En août, la Prusse commence donc à rassembler des troupes dans le duché de Clèves, et adresse à la Hollande un ultimatum sur les mêmes termes le 8 septembre; la province, forte de ses préparatifs, refuse de s’y plier. Gorkum, la forteresse gardant l’accès à Den Haag, est bien approvisionnée et garnisonnée, Utrecht, gardant celui à Amsterdam, est réputée inattaquable du fait des canaux, les troupes sous les ordres de von Salm sont bien en main, et la province compte sur l’intervention de la France du fait de l’alliance défensive établie en 1784.

        Le 13 septembre, la Prusse, signalant explicitement qu’elle n’a aucun grief à l’égard des autres provinces ou du conseil des régents, franchi la frontière néerlandaise avec une armée de 26 000 hommes sous le duc de Braunschweig-Lüneburg . Elle est rejointe rapidement par des contingents orangistes issus de Gelre et Overijssel et se dirige vers Utrecht. Du côté « patriote », les choses vont de mal en pis, le Rheingraf von Salm abandonne la province à l’entrée en guerre de la Prusse, la France ne répond pas aux demandes provinciales et les forces armées commencent à se disperser, souvent avant d’être confrontées aux forces ennemies.
        Utrecht est prise d’assaut par les forces Orangistes, et les patriotes se replient sur Amsterdam. Les prussiens prennent la ville après quelques escarmouches, et la messe est dite pour la province, qui se rend alors à discrétion. les corps francs quittant les Pays-Bas pour le territoire autrichien au sud ou la France. 5 ou 6000 hommes se regroupent en France, où ils formeront la Légion Batave sous Daendels.

        les prussiens ont perdu 221 hommes tués et 15 déserteurs, largement compensés par le recrutement local. Du côté néerlandais, le pouvoir n’a aucune confiance dans sa force armée, et demande aux prussiens de laisser un contingent de 4000 hommes en Hollande, le temps de recruter des mercenaires allemands pour contrôler la province. Le Roi de Prusse est tout à fait d’accord, et propose même de payer ces troupes, ne demandant aux Provinces Unies que leur nourriture, et les derniers prussiens quittent le pays le 6 mai 1788, remplacé par 2900 soldats de Brunswick, 1400 d’Anspack et 1000 de Mecklemburg-Schwerin.

        En Avril 1788, un traité défensif est signé entre les Provinces Unies, l’Angleterre et la Prusse, et en août de la même année un traité d’assistance mutuelle entre la Prusse et les Pays-Bas. Dans le même temps, les relations avec la France se détériorent.

        On a alors une situation un peu ubuesque sur la frontière austro-néerlandaise, avec dans les Pays-Bas autrichiens des regroupements de « patriotes » s’armant et complotant contre le gouvernement des Provinces-Unies, et dans les Provinces-Unies, des groupes de mécontents s’organisant et s’armant (avec l’aide des Provinces-Unies) pour lutter contre le pouvoir autrichien.

        Fin 1789, les « patriotes » belges, sous l’impulsion des Provinces Unies, déclarent la déchéance de l’empereur de ses titres des Flandres, et forcent l’armée qui est envoyée mater la rébellion à la reddition. Juste après, leur gouvernement provisoire se disperse totalement en querelles de personnes, ce qui fait qu’en 1790, l’armée autrichienne du maréchal Bender envoyée par le nouvel empereur Leopold II ne rencontre aucune vraie résistance dans sa reconquête. Les « Patriotes » belges rejoignent leurs camarades néerlandais en France, avec des chefs du nom de Dumonceau, Ghigny et Lahure, avec désormais un but commun, la libération du territoire national
    MASSON Bruno
     
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 04 Fév 2023, 07:56

        6) Fin des Provinces-Unies

        Du côté néerlandais, le pouvoir n’a aucune confiance dans sa force armée, et demande aux Prussiens de laisser un contingent de 4000 hommes en Hollande, le temps de recruter des mercenaires allemands pour contrôler la province. Le roi de Prusse est tout à fait d’accord, et propose même de payer ces troupes, ne demandant aux Provinces-Unies que leur nourriture, et les derniers Prussiens quittent le pays le 6 mai 1788, remplacés par 2900 soldats de Brunswick, 1400 d’Anspack et 1000 de Mecklemburg-Schwerin. En Avril 1788, un traité défensif est signé entre les Provinces-Unies, l’Angleterre et la Prusse, et en août de la même année un traité d’assistance mutuelle entre la Prusse et les Pays-Bas. Dans le même temps, les relations avec la France se détériorent.

        La révolution française va plonger l’Europe dans le chaos, et la Prusse, avec le mauvais exemple de son offensive de 1787, va tenter un gambit improbable qui va se finir à Valmy. La guerre se propage et finit par atteindre les Pays-Bas, soutenus par les autres puissances européennes. L’armée de terre des Provinces-Unies est malheureusement dans un état lamentable, et les « Patriotes » font tout pour empirer les choses, débauchant les recrues par des soldes supérieures dans leurs milices paramilitaires (jusqu’à ce que ce soit interdit sous peine de mort) et rachetant les chevaux de la cavalerie pour les revendre à l’étranger (jusqu’à ce les pénalités rendent ce trafic prohibitif).

        Toujours est-il qu’en janvier 1793, sur un effectif théorique d’environ 54 000 hommes, l’infanterie n’en a qu’un peu plus de 16 000 présents sous les armes, et la cavalerie a 3000 chevaux sur les 6500 prévus. Des unités supplétives émigrées sont soldées par le gouvernement (corps de Béon, de Rohan, de Damas et de Luningen) mais sont à la fois méprisés et estimés peu fiables en tant que « français »; Ces unités seront récupérées par les Anglais en 1795.

        Les campagnes de 93–95 ne seront pas détaillées dans cette étude, mais disons que les Français, avec deux fois plus de troupes, l’unité de commandement, de but et d’organisation, finissent par gagner plus ou moins par inadvertance, et aussi grâce à un hivers très froid qui gèle tous les canaux, neutralisant le caractère défensif de la campagne néerlandaise. C'est le triomphe des "Patriotes", qui sont installés par les armées révolutionnaires à tous les niveaux de gouvernement, les cadres "Orangistes" prenant le chemin de l'exil à leur tour, à la suite de leur chef, entre la Prusse et l'Angleterre. Cette dernière continue la guerre, alors que la Prusse devient neutre pour plus de dix ans.
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 13 Fév 2023, 18:08

      II) Débuts de la République Batave

        1) La nouvelle armée batave, brefs éléments sur la Flotte et refonte de l'infanterie de l'Armée

        La République-Soeur Batave qui est proclamée est la première, et donc celle qui s’en tire le mieux; son secteur militaire et sa politique étrangère sont complètement inféodés à la république française, mais sa politique intérieure est gérée en interne, un statut de Dominion plutôt que de « terre à piller » comme les créations suivantes.

        Du côté naval, de par le traité signé, la nouvelle république doit armer aux côtés de la France 12 navire de ligne et 18 frégates. La capture de la flotte dans les glaces au Texel fait que cette clause est réalisable, même si, à part l’amirauté, qui est au moins en façade « Patriote », les officiers mariniers et marins sont tous plus ou moins « Orangistes », d‘où un manque de motivation au combat. L’émigration et les défaites de Camperdown et d’Afrique du Sud vont faire chuter le moral et la qualité des équipages. Entre 1797 et 1798, douze navires de ligne et 4 frégates seront construits à grand renfort de capitaux, mais les équipages ne sont constitués que de recrues peu motivées, souvent françaises, déserteurs ou fuyant la justice révolutionnaire.

        Pour l’armée, la nouvelle république fait autant que faire se peut table rase de l’armée néerlandaise. Les régiments existants sont dissouts, et reformés en 6 demi-brigades (à la française) de 3 bataillons de 9 compagnies dont une de grenadiers, avec un effectif de compagnie théorique de 109 hommes.

        Pour éviter de créer des foyers d’agitation, les différents bataillons des anciens régiments sont mélangés dans toutes les nouvelles unités, et les milices « Patriotes » sont amalgamées à la ligne.

        Les mercenaires arrivés en 1787 sont licenciés, les 6 régiments suisses, dont le contrat s’arrête entre 1796 et 1797, ne sont pas reconduits, et les 3 régiments « écossais » sont peu à peu dissouts. Ces régiments sont aussi la source du 1st Regiment of Foot anglais en 1632, dont le 2e bataillon fera la campagne de 1799. Le recrutement de ceux-ci ayant été majoritairement néerlandais depuis plusieurs décennies les Bataves sont regroupés pour créer une 7e demi-brigade.

        Ne restent que le régiment de Saxe-Gota et les 2,5 régiments de Waldeck, à l’effectif théorique de 504 hommes par bataillons, mais en pratique en dessous de mi-effectif. Le 5e bataillon de Waldeck ne présentant au début de 1799 que 99 hommes sous les armes, dont 22 inaptes au service..., le gouvernement batave rechignant à permettre leur recrutement. Brune fera changer cela à l‘été 1799, bien trop tard pour qu’une amélioration se fasse sentir, et ces régiments étrangers seront utilisés en garnison.

        les officiers supérieurs régimentaires de l’ancienne armée sont, pour ceux qui n’ont pas émigré, aussi mis à la retraite, et remplacés par des officiers « loyaux » de deux grades inférieurs, eux-même remplacés par des sous-officiers vétérans au commandement des compagnies. Sont levés aussi 4 bataillons de chasseurs, de 8 compagnies de 164 hommes dont 1 de carabiniers, les compagnies du centre sont armées d’un mousquet riflé, de la baïonnette et du briquet, et les carabiniers de rifles et d’un couteau de chasse long.

        Les unités de garde de l’ancienne armée sont dissoutes, à l’exception des compagnies de Friesche Garde (200 hommes), Groninger Garde (75 hommes) et des deux Amsterdam’sche Garde (400 hommes) companies, qui sont des unités de garnison.
    MASSON Bruno
     
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 21 Fév 2023, 12:46

        2) Cavalerie, artillerie et services

        La cavalerie est elle-aussi refondue en deux régiments de cavalerie lourde, un de dragons et un de hussards, à 4 escadrons de 2 compagnies. Chaque régiment fait 630 hommes, et chaque compagnie 77 ; en temps de guerre, un dépôt est constitué avec tous les non-combattants du régiment.

        L’artillerie à pied est constituée de 4 bataillons de 6 compagnies, pour 33 officiers et 964 sous-officiers et hommes de troupe par bataillon ; elle doit fournir à la fois l’artillerie de place, et en cas de guerre, l’artillerie de campagne. Chaque compagnie d’artillerie de campagne sert 6 canons de 6 livres, d’une facture très proche des pièces autrichiennes, plus ce qui est appelé « train d’artillerie », et qui est plus un parc du matériel, constitué des pièces de siège, de position, des chariots de munitions et de bagages.

        Le véritable train d’artillerie, chargé du déplacement tactique des pièces d’artillerie, est comme celui de toutes les nations de cette campagne, fournie par des contractants civils et de chevaux réquisitionnés. En cas de besoin, chaque département batave devait fournir 800 conducteurs sur réquisition du commandant en chef. En pratique, ces civils refuseront logiquement de se mettre en danger, déserteront dès que possible, vendant le chevaux, le fourrage, les éléments d’équipement qui leur seront fournis, et les artilleurs et leurs officiers devront se charger eux-mêmes du transport nécessaire, ce qui ne fera pas de l’artillerie batave une artillerie très mobile.

        L’artillerie à cheval est présente à hauteur d’une « brigade » de 2 compagnies de 106 hommes et 110 chevaux, servant chacune 4 pièces de 6 et 2 obusiers de 24.

        L’Armée comporte aussi 2 compagnies de « Mineurs en Sappeurs », chacune de 79 hommes, une compagnie de pontonniers de 60 hommes et un « Corps der Genie » de 74 hommes.
        La garde du corps législatif est confié à une partie de l’armée qui est alors sortie des effectifs, et est changé par rotation tous les deux ans ; depuis 1798, ce sont les II/3e halve-brigade et le I/2e Zware Cavalerie qui ont été choisis par loterie, et seront absent du conflit.

        Les chiffres indiqués pour l’armée batave sont malheureusement théoriques, car, ses finances à mal du fait du blocus anglais, et ses coffres vides de part l’indemnité exigée par la France à la signature du traité d’alliance, les unités souffrent d’un taux de désertion élevé ; Les troupes ne sont pas payées, peu équipées et rarement nourries. Les soldats ont même une échappatoire toute trouvée, car les troupes françaises sont mieux loties en tout, et sont prioritaires sur les troupes locales.

        Jusqu’à la campagne, un jeu de chaises musicales va se faire jour entre les deux armées, les deux se « braconnant » leurs recrues, les français sur le territoire batave, les bataves dans le nord de la France et dans les territoires « français » des rives du Rhin. Ces derniers ont en effet l’autorisation de proposer un enrôlement aux prisonniers de guerre français, et sont peu regardants sur la véracité du récit fourni par les potentiels candidats. Plusieurs recruteurs seront arrêtés par les autorités françaises, leurs recrues confisquées et priées de quitter la zone.

        Tout ceci fait qu’au début de la campagne un bon quart des troupes présentes sous les drapeaux bataves n’ont pas plus de 3 mois d’ancienneté, un bon tiers n’est pas du tout néerlandais et les unités sont en sous-effectif. Le seul point positif est que ceux qui sont encore présent depuis un certain temps sont vraiment motivés par la vie militaire, et se comporteront excellemment.
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 21 Fév 2023, 12:51

        3) Le contingent français aux Pays-Bas

        Le contingent français en république batave, qui par traité devrait être de 25 000 hommes, à parité avec l’armée nationale batave, n’atteindra jamais ce chiffre, en droite ligne du manque d’honnêteté endémique de la première république française.

        La république batave étant par traité chargée d’équiper, encadrer, habiller toutes les troupes françaises envoyées sur son territoire au titre de l’« Armée du Nord », l’état français envoie sur son territoire des unités a l’effectif squelettique, des conscrits non équipés, puis dès que l’unité est prête, elle est versée dans une autre armée et remplacée par une autre à rééquiper. Les plaintes du gouvernement batave contre ce comportement conforme ni à la lettre ni à l’esprit du traité signé par les deux pays ne sont pas prises en compte du côté français.

        Par exemple, voici l’OB français de début juillet 1799, alors que la menace anglaise se fait sentir, et que les troupes disponibles sur les côtes de la mer du Nord ont déjà été renforcées (il n'y a pas, et il n'y aura pas de demi-brigades de légère française présentes dans cette armée) :

        CEC Général Brune

        1e div (GB Gouvion-pas-St-Cyr) (3800) HQ Utrecht
        GB Barbou
        II/III/dépôt 42e demi-brigade
        III/dépôt 72e demi-brigade
        Dépôt 5e Chasseurs à cheval

        2e Div (GD Reubell) (5300) HQ Den Haag
        GB Prévôt
        I/42e demi-brigade
        I/II/III/dépôt 54e demi-brigade
        III/dépôt 60e demi-brigade
        Dépôt 11e Chasseurs à cheval
        Détachement 16e Chasseurs à cheval
        1/8e art légère
        12/7e RARP

        3e Div (GD Desjardin) (9300) HQ Bergen-op-Zoom
        GB Osten et Rivaud
        I/II/III/dépôt 15e demi-brigade
        I/II/III/dépôt 48e demi-brigade
        I/II/III/dépôt 49e demi-brigade
        16e Chasseurs à cheval
        ½ compagnie 4/4e art légère
        7e, 15e et 16e co /6e RARP
        5e/7e RARP

        (La présence de l’artillerie est bien plus importante, souvent en détachement, mais leur situation géographique ou administrative exacte est impossible à déterminer faute de rapports fiables).

    MASSON Bruno
     
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 13 Mar 2023, 17:33

        4) Les territoriaux bataves

        Cette présentation ne serait pas complète sans un mot sur une entité dont la création est annoncée dans la convention donnant naissance à la République Batave du 23 avril 1798. Ce texte fondateur appelait ainsi à la création d'unités populaires afin de lutter contre "l'Ennemi, autant intérieur qu'extérieur".

        Cette entité, appelée "Gewapende Burgermacht" devait compter 8 demi-brigades (une pour chaque département) de 3 bataillons, 4 bataillons de Jägers et 4 bataillons d'artillerie, pour un total de 32000 hommes. Initialement, tous les hommes entre 18 et 29 ans (hommes mariés), ou 36 ans (célibataires) devaient y entrer, et les cadres jusqu'au colonel être choisis parmi les signataires les plus aptes. Le Vice-Amiral de Winter, relâché sur parole après la bataille de Camperdown, sera bombardé Inspecteur Général de cette force, et fera ce qu'il peut... Les unités devaient être assignées à leur département, sauf cas de force majeure.

        En réalité, il sera extrêmement compliqué de mettre en œuvre ce plan, certaines régions s'opposant fermement à l'établissement de bureaux d'enregistrement, au point de devoir faire appel à l'armée régulière pour ramener le calme. D'autre part, un peu comme pour l'armée elle-même, mais en pire, il n'y a pas de budget pour mettre en place cette mesure, ni pour armer, équiper, nourrir ou payer ces territoriaux. De toutes façon, le délai entre l'enregistrement des premiers signataires et le débarquement allié sera trop court pour qu'un système d'entrainement basique soit mis en place, et seules deux compagnies seront réellement formées.

        Après le débarquement, un certain nombre de compagnies locales seront déclarées "mobiles"; et 10 compagnies de grenadiers, 7 de fusiliers, 4 de jägers seront rassemblées, pour former le Bataafsch Mobiel Burger Corp à Haarlem, où elles représenteront plus une gêne qu'un atout. Encore une fois, le manque de fonds va rendre ces volontaires peu coopératifs, car ne recevant aucune paie, pas d'uniformes et pas assez à manger, beaucoup déserteront et rentreront chez eux, certain vendant le peu d'équipement qui leur a été distribué pour acheter à manger.

        Le 17 septembre, à partir de ces hommes et d'autres volontaires, sera formée la Bataafsch Legioen, qui devait sur le papier représenter 3000 hommes; en réalité, seuls 2 faibles bataillons seront constitués, commandés par le Colonel van Oosterom. Le premier bataillon sera tout de suite envoyé au nord d'Aalkmar, où il recevra...une paire de chaussures par personne, puis de là vers Ooterleek, où les articles du code militaire lui seront lus. 4 compagnies du I/4e Halve-Brigade se chargeront de lui apprendre les rudiments du métier de soldat.

        Quelques-uns participeront à la bataille du 19 septembre, avec efficacité si ce n'est bravoure, sur une partie accessoire du front. Une partie du II/Bataafsch Legioen participera elle à Bergen et Castricum, étant signalée pour sa bonne tenue dans le compte rendu de Brune du 7 octobre. Le reste fera du travail de garnison, et une partie des compagnies locales de la Gewapende Burgermacht sera essentielle dans les événements qui auront lieu dans l'Est de la République durant l'invasion, territoire complètement vidé de réguliers pour répondre à la menace principale.
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 20 Avr 2023, 08:58

      III) Les méchants envahisseurs

        1) L'armée anglaise

          a) L'entrée en guerre en 1793 et la campagne de 1794-95

          L’armée anglaise s’est trouvée en 1793 plongée dans un conflit qu’elle n’avait pas les moyens humains de mener à bien. Avant cette déclaration de guerre, elle comprend 81 bataillons, généralement de 8 compagnies, en 77 régiments de ligne, 8 bataillons en 3 régiments de garde, 30 régiments de cavalerie et 40 compagnies d’artillerie en 4 bataillons, plus 6 pour l’establishment d’Irlande, pour moins de 50000 hommes (Establisment pour 1792 : 17000 en Grande Bretagne, 15000 dans les colonies, 10700 en Inde, et 4500 pour l’artillerie et les services). L’establishment irlandais, qui es distinct, est de 15000 hommes (11800 réels) dont au maximum 4000 peuvent servir dans les colonies, plus 6 compagnies d’artillerie.

          Les chiffres réels sont bien plus bas, avec 15700 au pays, 13200 dans les colonies dont moins de 2000 venant d’Irlande. Le grand total des troupes sous les drapeaux n’atteignait pas les 45000 hommes. À ça s’ajoutent les 30000 miliciens présents dans les îles britanniques, deux régiments coloniaux dans les Caraïbes et quelques fencibles au Canada.

          Rien n’est disponible pour renforcer les postes éventuellement à risque, renouveler les garnisons (le temps moyen entre deux séjours en métropole est supérieur à 60 ans pour l’infanterie…), ou prévoir une intervention terrestre quelconque. La défense même du territoire est impossible dans l’état des forces disponibles, la guerre d’indépendance américaine a « tué » l’esprit de l’armée anglaise en la forçant à des techniques inappropriées au continent européen, et la défaite à miné son moral et/ou sa confiance dans son commandement suprême.

          Les deux éditions du nouveau règlement de Dundas (1787 et 1792) ont commencé à reposer les bases d’une « re-régularisation » des troupes, mais leur diffusion est encore assez restreinte en dehors des îles britanniques. Le fait est que l’établissement militaire présent est constitué de recrues peu entrainées, sous des officiers déboussolés, qui seraient incapable de repousser une invasion étrangère, qui pourrait bien, si elle se présentait sous les couleurs de la liberté professée par la nouvelle République Française, trouver la population anglaise partiellement indifférente aux problèmes gouvernementaux.

          Les expérimentations de Pitt et Dundas sur ces points pour lever des troupes d’auxiliaires et le trafic de recrues qui en découlera sont totalement hors sujet ici, mais je ne saurais trop vous recommander la lecture de l’ouvrage de Fortescue « The County Lieutenancies », écrit avec les sources qui lui ont servi à sa somme sur l’armée anglaise.

          Toujours est-il que cet appel d’air sur le marché des recrues, qui auraient peut-être pu se retrouver parmi les réguliers, font que l’armée anglaise a un mal terrible à atteindre les chiffres de l’augmentation de l’« Establishment » qui a été voté au parlement, et qui est pourtant assez faible. Le « coût » de la recrue pour la milice (c’est-à-dire le montant à verser pour décider un civil à s’engager) montera en effet au-dessus de 80£ en 1794, et c’est pour un engagement de quelques années, pour un service à temps partiel, réservé au territoire anglais. Pour l’armée, c’est-à-dire un engagement à vie, sans certitude de jamais revenir au pays (voir le temps moyen entre deux rotations en Angleterre donné plus haut) on dépasse à ce moment-là les 100£.

          Cette armée anglaise n’étant alors encore qu’un rassemblement de régiments ayant tous leur propre économie, il n’est pas facile de faire coïncider les unités recevant les recrues et celles qui en ont le plus besoin. D’autant plus que les pertes subies dans ces premières années par les unités envoyées dans les « Indes Occidentales » (c’est-à-dire toutes les îles des Caraïbes) font que les unités qui sont sur le départ pour ce théâtre d’opérations se trouvent immédiatement désertées par les volontaires éventuels. La solution essayée par le gouvernement pour pallier ce problème est appelée « Raising for Rank », c’est-à-dire qu’en produisant un certain nombre de volontaires à l’engagement, une personne se voit automatiquement octroyer une commission militaire d’un niveau donné. Cela va avoir un certain nombre de conséquences néfastes.

          Tout d’abord, ces nouveaux officiers vont se trouver souvent placés dans des régiments existants (là où une place de ce rang existe en fait), au-dessus d’officiers de métier qui auraient dû pouvoir y prétendre. Ensuite, les futurs officiers ne sont pas allés prospecter les marchés pour trouver des volontaires, mais en général se sont adressés aux mêmes trafiquants qui sévissent pour la milice. Moyennant quoi, les recrues annoncées ne sont pas toujours réelles, ou contiennent une bonne partie de « professionnels » de l’engagement, qui viennent, s’engagent, puis désertent presque aussitôt pour tenter leur chance ailleurs. L’un d’entre eux réussira à empocher ainsi 17 primes à l’engagement, avant de se faire reconnaître par un recruteur malin, et sera forcé de retourner dans la première unité où il avait signé, disparaissant ensuite dans la grande tombe du golfe du Mexique.

          La pléthore d'officiers nouvellement créés va faire monter le nombre de régiments d'infanterie au-dessus de 150, et les régiments de dragons légers de 14 à 35, unités qui auront en général une durée de vie assez courte, les recrues étant versées dans des régiments de chiffre inférieur et les nouveaux officiers mis en demi-solde et non affectés.

          Cela donnera pour la campagne de 1793-95 des officiers incompétents, absents, ou non-formés, commandant à des soldats mal nourris, mal entrainés et peu enthousiastes.
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    Re: Den Helder 1799, l’heure de gloire de la République Batave

    Messagepar MASSON Bruno sur 22 Mai 2023, 16:01

          b) Tas de chiffres presque pas hors sujet

          Pour une vue plus précise des différences entre « Establishment » et effectif réel de l’armée britannique durant ces premières années de guerre, voilà un petit comparatif année par année. Pour info, l’« Establishment » est voté en janvier-février de chaque année, et sera combattu chaque année jusqu’ au milieu du XIXe siècle par entre 25 et 40% des élus, qui demandent à hauts cris la suppression de l’armée comme une dépense inutile et un outil d’oppression du peuple anglais.
          Après la Guerre de Crimée et les reportages sur l’armée anglaise que les reporters publieront, les demandes de suppression de l’armée vont disparaître, et l’ombre de Cromwell cesser de peser sur les relations Parlement-Armée.

          1793 : pour un Establishment (de paix) voté de plus de 67000 hommes, 46000 concernent les réguliers (1), et 17000 recrues viendront remplir les dépôts, et compléter les 39000 homme présents à l’armée.

          1794 : pour la première année de guerre, l’Establishment voté est de plus de 195000 hommes, dont 112500 dans les réguliers. 34000 mercenaires et 38500 recrues anglaises ne permettront toutefois que d’atteindre les 85000 hommes.

          1795 : l’Establishment explose une nouvelle fois, car il faut aller conquérir les Antilles. Le Parlement demande 276000 hommes, dont 170000 réguliers. 36000 mercenaires et 40500 recrues permettront de dépasser les 124000 soldats.

          1796 : l’Armée des Flandres est rentrée, l’Establishment demandé n’est plus que de 235000 hommes, dont 140000 réguliers. Bon nombre d’Allemands sont rentrés chez eux à la fin du contrat avec leurs pays, les mercenaires ne sont plus que 20200, et la perspective d’aller mourir aux Antilles ne passionne pas les recrues potentielles, qui ne sont pas plus de 16000. L’armée se maintient néanmoins au dessus de 111000 hommes.

          1797 : l’Establishment est à nouveau réduit un peu pour des raisons budgétaires, passant à 223000 hommes, dont 137000 réguliers. Les mercenaires ne sont plus que 12000, et les recrues stagnent à 16000, les chiffres de l’armée s’effritent à 104000 hommes.

          1798 : la peur de la rébellion irlandaise, et le besoin de l’Inde forcent à nouveau à remonter l’Establishment à plus de 254000 hommes, mais seulement 105000 hommes pour le Royaume-Uni, beaucoup d’unités étant passées en Irlande. Les mercenaires continuent de diminuer, souvent en mourant dans les îles à sucre, et ne sont plus que 4800. L’effectif réel de l’armée anglaise se maintient à 102500 grâce à 21500 recrues.

          1799 : la rébellion irlandaise est terminée, mais beaucoup d’unités de seconde ligne (Yeomen, Fencibles, Milices) sont immobilisées dans la 2e île pour des opérations de « police » et de répression, l’Establishment irlandais reste pléthorique. Les préparatifs d’une deuxième coalition font que l’Establishment est à nouveau poussé à 257000 hommes, mais seulement 108500 réguliers pour la Grande-Bretagne. Les mercenaires stagnent à 4000 hommes, mais l’autorisation d’enrôler des miliciens fait que le recrutement annuel dépasse les 41000 hommes. Les pertes dans les Antilles et l’Inde font que l’effectif réel ne dépasse qu’à peine les 115000 sous les armes.

          1800 : l’Irlande est « pacifiée », et l’invasion des Flandres est un échec ; on redescend donc vers un Establishment comparable à celui de 1797 à 226000 hommes. De même, nombreuses sont les unités à retraverser la mer d’Irlande, et l’Establishment régulier bondit à 145000 théorique. L’Expédition d’Egypte a fait basculer les esprits vers la Méditerranée, où de nombreuses nouvelles unités locales de mercenaires sont levées, faisant bondir le nombre de locaux payés par l’Angleterre à plus de 14000 hommes. La fin du drain antillais et les 17000 recrues permettent à l’armée anglaise de posséder plus de 140000 présents sous les armes.

          1801 : l’Acte d’Union, qui réunit les deux Establishments anglais et irlandais en un seul rendent les chiffres de cette année peu comparables. L’Establishment est de plus de 288000 hommes, dont 177000 réguliers, pour 149000 présents, mais je n’ai pas de chiffres pour les mercenaires ni pour les recrues annuelles.


          (1) Sont retirés les miliciens, l’artillerie, les Yeomen & Fencibles.

          (À tous ces chiffres il faut bien sûr ajouter 1/8e pour l'encadrement)
    MASSON Bruno
     
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