Un déserteur rentré au 114e de ligne...

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Un déserteur rentré au 114e de ligne...

Messagepar MANÉ Diégo sur 03 Fév 2022, 11:20

Suite à une question d'un correspondant au sujet d'un de ses ancêtres j'ai écrit ce petit essai :

Considérations autour du cas de Jean F... au 114e de ligne en 1810-1811
(par Diégo Mané, Saint-Laurent-de-Mûre, le 2 avril 2021)

Examen sommaire des documents communiqués

1er doc : Jean F..., arrivé au corps le 11 juin 1810, déserteur du 16e régiment d’infanterie légère, amnistié par décret du 25 mars (ou mai) 1810...

2e doc : fusilier au 5e bataillon, 1ère compagnie, Caporal le 1er août 1810.
Rayé pour longue absence le 31 octobre (ou décembre) 1811...

3e doc : ... cite le 114e Régiment d’infanterie...

4e doc : ... certificat (de quoi ?) émanant du Conseil d’administration du dépôt du 114e Régiment à Pau le 1er mai 1815.

Ce dernier document est donc rédigé pendant les Cent jours, alors que le Ministère de la Guerre cherche à recenser tous les militaires «absents sans autorisation» en vue de les rappeler sous les drapeaux.

De fait, cette situation concernait quelques 160.000 individus, déserteurs ou prisonniers revenus de captivité et rentrés directement chez-eux en 1814 et même 1815 (la Sibérie c’est loin), et que les Bourbons, qui n’avaient ni besoin d’eux, ni d’argent pour les payer, avaient laissés tranquilles dans cet entre-deux juridique que Napoléon tenta d’exploiter.

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Pour (essayer de) répondre aux questions posées

Oui, Jean F... a bien déserté du 16e Régiment d’infanterie légère.

Il a bien été amnistié par une mesure générale visant à «récupérer» de la «chair à canon».

Il s’est ensuite rendu lui-même sans avoir été pris par les "pandores", et est devenu ce que l’on appelait un «déserteur rentré».

C’est probablement ce qui lui a valu son affectation au 114e de ligne, un régiment «normal», plutôt que dans un régiment pénal (plus tard appelé disciplinaire).

Il se trouve toutefois alors au 5e bataillon du 114e, soit son dépôt, qui reçoit les conscrits à former avant leur envoi aux bataillons de guerre... Comme lui-même est déjà «instruit» par son passage au 16e légère et qu’il en sait donc plus que les autres, il est à priori nommé Caporal afin de participer à l’instruction des novices, peut-être de sa future escouade.

Édit : Ce raisonnement ci-dessus est celui que j’ai tenu dans un premier temps, avant de constater que les nouveaux arrivants au 114e portés dans les pages précédant et suivant celle qui mentionne Jean F... sont TOUS des déserteurs rentrés, qui à priori ont tous une expérience militaire, si faible soit-elle. Cependant Jean F... est nommé Caporal, ce qui suppose en lui quelque chose de plus que n’ont pas les autres. Connaître son parcours au 16e légère serait peut-être de nature à expliquer cette promotion si rapide.

La différence entre «déserteur» et «rayé pour longue absence» est dans la nuance.
Le "déserteur" à quitté son poste alors qu’il était en service, c’est un fait indiscutable.
Le "rayé pour longue absence" devait jouir d’un motif officiel d’absence, comme un congé, mais s’il n’est pas revenu, quelles qu’en soient les raisons, il n’a pas «quitté son poste».

Ceci dit, en Espagne, il aurait pu tomber plus mal qu’au 114e qui dépendait du IIIe corps de Suchet, le seul chef français à avoir obtenu son bâton de maréchal dans la Péninsule.

Je donne plus bas quelques repères sur le vécu du 114e en 1811, pour le cas ou Jean F... aurait rejoint l’un des quatre bataillons de guerre, ce dont le document communiqué ne fait nullement état, contrairement à d’autres individus cités dans les pages examinées.

Il semble donc probable qu’il n’ait pas quitté le dépôt, ce qui accessoirement (quoique) à bien pu faciliter son «non retour» d’absence, alors qu’en Espagne le sort des déserteurs français, sauf ceux passant carrément à l’ennemi, s’est souvent avéré tragique dès lors qu’inévitablement ils tombaient aux mains des guérillas ou même de la population.

Constaté, à la lecture des trois pages susdites, que beaucoup des intéressés, tous anciens déserteurs amnistiés, ont récidivé, entraînant des condamnations, la plupart par contumace, à «10 ou 12 ans de boulet» (i.e. de bagne). La chasse au déserteur était une des occupations principales des autorités civiles comme de la Gendarmerie. Ceux qui ont tenu la clandestinité jusqu’à la chute de l’Empire ont été chanceux. Les autres beaucoup moins... Car une fois au bagne on n'est pas sûr d'en sortir...

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Au 15 août 1810 le 114e figure à la Division Musnier qui est en Aragon.

2ème Division : GD MUSNIER, Comte de la Converserie, 9.137 h
Brigade GB Paris, 4.464 h
115e de Ligne, 4 bataillons, 2.477 h.
1er Régiment de la Vistule, 2 bataillons, 1.987 h.
Brigade GB Vergez, 4.673 h
114e de Ligne, 4 bataillons, 2.378 h
121e de Ligne, 4 bataillons, 2.295 h

Au 1er janvier 1811 le 114e est présent devant Tortosa, fort de 928 h en 2 bataillons.
Dans la foulée aura lieu le siège, puis la prise d’assaut et le pillage de Tarragona en juin.
Le 15 septembre 1811 le 114e se trouve toujours sous Musnier, mais Brigade Robert.

1ère Division : GD MUSNIER, Comte de la Converserie, 7.669 h
Brigade GB Robert, 3.860 h
114e de Ligne, 3 bataillons, 1.909 h
1er de la Vistule, 2 bataillons, 1.951 h
Brigade GB Ficatier, 3.809 h
121e de Ligne, 3 bataillons, 1.869 h
2e de la Vistule, 2 bataillons, 1.940 h

Alors que le IIe bataillon sera laissé en garnison à Benicarlo (Castellon), les Ier et IIIe bataillons participent à la campagne de Sagunto, combattant le 30 septembre à Segorbe, le 2 octobre à Benaguacil, le 21 à Jerica, et le 25 à la bataille de Sagunto qui précédera la chute de la forteresse. Suivront le siège, puis, le 9 janvier 1812, la chute de Valencia.
Je peux détailler à souhait tous ces engagements qui figurent dans mon Livret n° 18.

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Je pourrai faire un topo similaire sur le 16e légère si l’on m’indique la période pertinente.

Amitiés,

Diégo Mané
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