Quatrième partie
La réorganisation de 1807 à 1815L’armistice signé le 28 juin 1807 scelle la défaite prussienne. Il ouvre une période difficile pour l’égo prussien mais surtout de changements dans l’armée. Pour l’artillerie, il n’y aura que des réformes sans changements radicaux car si l’arme a une place reconnue, d’autant que les principaux leaders de la Réforme de l’artillerie sont des artilleurs ( Scharnhorst et von Gneisenau sont passés par des écoles d’artillerie), elle reste le parent pauvre de l’armée prussienne.
La première étape est la démobilisation des troupes et surtout celui des serviteurs, au sens original du terme, qui sont jugés inutiles et ne seront jamais reconstitués. À cela s’ajoute le renvoi de beaucoup d’étrangers (tous ceux qui ne veulent pas prendre la nationalité prussienne).
En juillet 1808, le prince Auguste de Prusse, le seul membre de la famille royale intéressé par les armes techniques, est confirmé comme général et inspecteur de l’artillerie. C’est sous son inspiration et sa direction que l’artillerie va amorcer un radical changement, même si en pratique c’est le colonel von Pontamus qui dirige la réforme (ce colonel est un ancien de l’arme et il est depuis 1794 dans l’entourage du Roi).
D’autre part, l’artillerie est, dans un premier temps, réorganisée en batteries provisoires entre 1807 et 1809. En août 1809, par un AKO, l’organisation de l’artillerie à cheval est la suivante :
1) L'artillerie montée se compose de 9 compagnies, dont 3 appartiennent à chaque brigade d'artillerie.
2) Chaque brigade a un brigadier spécial.
3) Les trois compagnies de chaque brigade ont comme officiers un stabs-capitain (en tant que commandant), 2 capitaines, 1 capitaine d'état-major, 2 premier lieutenants, 10 second lieutenants (incluant des adjudants).
4) L’état d’une compagnie comprend : 1 chef-artificier, 1 adjudant, 3 artificiers, 9 sous-officiers (y compris l'enseigne porte-épée et le quartier-maître), 20 bombardiers, 1 chirurgien, 2 trompettes, 1 maréchal-ferrant, 112 Canonniers.
5) En cas de guerre, l’effectif d’une batterie est porté à : 5 officiers, 13 sous-officiers, 20 bombardiers,1 chirurgien, 2 musiciens (clairons), 112 canonniers, 4 artisans, 8 soldats de train, 1 maître de chevaux );
Armes et Véhicules: 6 canons, 2 obusiers, 4 chariots à cartouches, 2 chariots à grenades et 2 chariots de réparations;
Chevaux: 92 chevaux de trait, 109 chevaux d'équitation, 2 chevaux de bât et 5 remplaçants . Il y a aussi en sus 6 ordonnances et 12 chevaux d'officiers. (NDLR Les anciens serviteurs sont devenus artilleurs).
6) Chaque compagnie dispose d'une batterie d'exercice (Exercier-Batterie) de 8 canons avec 52 chevaux de trait et 80 chevaux de selle, qui sera utilisée pour parer à une menace proche. (NDLR : ce fait indique que la Prusse s’attendait à une attaque britannique et dans une moindre mesure autrichienne sur son sol).
7) L'ajout du matériel pour les besoins de la batterie de guerre est sous la responsabilité du chef de batterie. Celui-ci doit être présent en temps de paix.
Il apparaît donc que le régiment d’artillerie à cheval est dissous et que l’artillerie à cheval n’est plus qu’une branche de l’artillerie qui s’organise en trois brigades ( Prusse, Brandebourg, Silésie) :
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Brigade d’artillerie de Prusse : chef (il n’y a plus de distinction entre chef et commandeur) : Oberst von Oppen.
1ère compagnie : Capitain von Lange
2e compagnie : Capitain von Schimidt I
3e compagnie : Capitain von Graumann
Sur les 604 membres de ces batteries, 408 ont moins d’un an de service et 151 n’ont pas vu le feu. À la veille, de la campagne de Russie, les trois compagnies comptent 508 hommes, dont 299 ont moins d’un an de service et seulement 112 ont connu la campagne de 1806-1807.
On peut aussi constater l'effectif bien plus important de cette cette brigade par rapport aux autres, fait dont je n'ai pas l'explication.
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Brigade d’artillerie du Brandebourg : chef : Oberst Decker
1. 1ère compagnie (Reitende-Garde-Compagnie) : capitaine von Rentzell
Cette compagnie formera les unités de la garde. L'artillerie de cette dernière est créée dès le 7 décembre 1808 pour tester le nouveau règlement et de nouvelles manières d’utiliser l’artillerie. Elle disposera donc rapidement de matériel neuf, surtout pour les véhicules, et de personnels expérimentés (pour entrer dans la garde, il faut avoir reçu une distinction pendant la campagne). Son chef sera l' oberst Decker.
- 2e compagnie : Major von Scholten
Les deux premières compagnies ont au moment de leur création compté 386 hommes dont 374 ont fait la campagne de 1806-1807.
- 3e compagnie : Capitain von Merkatz
La troisième compagnie est issue de l’artillerie de Poméranie et en particulier des forces qui ont résisté à Kolberg. Cette compagnie aura beaucoup de mal à se constituer car elle sera bloquée dans sa ville de constitution jusqu’en 1809 faute d’hommes et de matériels. Beaucoup de ses membres initiaux n’étant pas Prussiens déserteront vers la Saxe.
En juin 1812, il y a 444 membres dans les trois compagnies dont 225 ont fait la campagne de 1806-1807. D’autres part, les trois compagnies comptent 138 Krümpern. Les prémices de la guerre avec la Russie, dont la Prusse participera au côté des Français, fera que beaucoup de jeunes officiers et sous-officiers prussiens (un sur trois ) demanderont l’autorisation au Roi d’être retirés des listes pour s’engager dans l’artillerie russe. Ils seront tous réaffectés aux batteries de la légion russo-allemande.
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Brigade d’artillerie de Silésie : chef : Major von Schöler
La brigade n’est organisée qu’en février 1809.
- 1ere compagnie : Stab-capitain von Ferbig
- 2e compagnie : Capitain Lehman
- 3e compagnie Stabs-Capitain v. Rozynski (vacant novembre 1810)
Les trois compagnies disposent de 440 hommes en septembre 1809, dont 298 ont moins d’un an de service et seuls 123 ont connu la campagne de 1806-1807. Cependant, leur vrai problème est le manque de chevaux. Il faudra attendre le milieu de 1810 pour que l’effectif minimum soit atteint, mais souvent avec des chevaux peu adaptés aux besoins. L’année 1811 sera, malgré une belle parade en mars devant le Roi, une vraie galère pour la brigade silésienne et en particulier les troupes à cheval.
En mars 1812, les trois batteries comptent 453 membres dont 380 ont au plus un an de service et 62 ont connu la campagne de 1806-1807, et 178 Krümpern. Elles disposent cependant du matériel et du nombre de chevaux adéquats, d’autant qu’un AKO (Allerhöchste Cabinets-Ordre) du 22 mars 1812 les établit pour les batteries d’artillerie à cheval : 5 officiers, 12 sous-officiers, 20 bombardiers, 2 trompettes et 92 canonniers, plus 2 sous-officiers et 20 canonniers pour compenser les malades.
Il est très important de noter qu’à chaque batterie est attachée une batterie d’artisans (Handwerks Companien), composée pour l’artillerie à cheval de 132 hommes. Ces unités servent à la réparation du matériel. Elles sont aussi des unités de détournements des limitations du traité de Berlin qui limitait le nombre de militaires car beaucoup de ces artisans sont en fait des artilleurs de réserve.
A cela, il faut ajouter des unités provisoires pour toutes les unités d’artillerie qui servent de soutien et préparent la mobilisation générale, même si 17 sur les 45 unités ne seront jamais mobilisées. Elles serviront surtout à fournir les unités de blocus des places fortes et de renforts pour les unités de première ligne. Elles sont formées avec des Krümpern mais elles n’ont que du matériel soit pris à l’ennemi soit réformé.
En 1808, comme pour toute l’armée, l’uniforme change et suit l’évolution de la mode. L’artillerie à cheval suit la coupe des dragons, avec toujours la différence de la couleur (un bleu plus foncé et des couleurs distinctives noires). La garde ne rajoute qu'un double "litzen" (double couture dorée aux cols et aux poignets).
Cette importance du renouvellement des membres vient des restrictions imposées par le traité de paix avec la France, qui limite la puissance numérique de l’armée. Cette limite sera contournée par le système de Krümpern qui permettra dès 1812 (un accord avec la France permet de grossir les rangs de l’armée) de multiplier les soldats et en particulier ici les artilleurs. Cependant, il n’y a pas d’école d’artillerie au sens propre du terme si bien que l’artillerie prussienne ne sera pas capable de soutenir la comparaison avec les autres artilleries, sauf pour la manœuvre des pièces.
Le règlement de 1812, sa date de parution, est l’aboutissement des réformes engagées dès 1807. Il valide l’organisation de l’artillerie et en particulier pour l’artillerie à cheval, son placement (50 pas entre chaque batterie si ensemble, 20 pas entre canons et caissons, 40 entre canons et réserve, 10 entre canons). Il valide aussi le fait que les compagnies sont toutes à 8 pièces de 6£. Il organise le rôle des batteries : soutenir les autres armes et éventuellement faire de la contre-batterie. Cependant, le vrai manque est l’absence d’école d’artillerie, même s’il y a des écoles militaires, qui fait que l’éducation se fait sur le tas et la seule vraie compétence de l’artillerie prussienne est la manœuvre des pièces. Il valide aussi le recrutement, uniquement basé sur des citoyens prussiens.
Clausewitz jugera mal le système prussien mais celui-ci remportera quelques victoires comme à Dennewitz, où l’un des deux généraux prussiens de l’arme, le général von Holtzendorf (l’autre étant le prince Auguste) réussira à concentrer 46 pièces prussiennes et russes contre les 44 saxonnes. Cependant à Ligny, les artilleurs prussiens se seront pas à la hauteur de la tâche.
La reprise de la guerre arrête la réorganisation mais permet d’appliquer les premières phases des réformes militaires. Elles seront complétées seulement avec le retour de la paix en 1814 et en 1815