par MANÉ Diégo sur 05 Mar 2021, 10:47
Un échange avec Jean-Marc Boisnard, et relatif à l'artillerie française à Waterloo...
JMB => DM, le 28/02/2021
En regardant les officiers de la 1ère Cie du 2ème d'Artillerie à cheval, une chose intéressante est apparue dans le dossier LH du lieutenant en second Pierre Cornu
www2.culture.gouv.fr/LH/LH046/PG/FRDAFAN83_OL0593040v003.htm
En 1815, il est bien noté à la Grande Armée mais division Girard. Vu de loin, on pourrait croire à une erreur (Girard pour Gérard) puisque la division Girard a déjà sa Cie d'artillerie à pied.
DM : Je pense qu'il faut lire Gérard plutôt que Girard, l'accent sur le "e" étant différencié du point juste précédant sur "i" de Division. En outre, effectivement, la 7e DI avait déjà son ARP.
Enfin, le document est écrit en 1831. Gérard est bien connu et Girard "oublié". En l'occurrence Cornu s'est souvenu être sous les ordres supérieurs de Gérard, ce qu'il était déjà avant l'entrée en campagne... Et se trouva rester d'actualité après les péripéties du "voyage" de "l'Arlésienne" qu'elle fut longtemps.
JMB : Par contre Girard colle avec Charleroi et Fleurus (Ligny)
DM : Oui...
JMB : ...alors que Gérard (IVème Corps) non.
DM : Mais non, oui aussi, même si le IVe CA ne passa pas la Sambre à Charleroi-même mais à Châtelet, le pont voisin. En revanche il lutta bien à Fleurus (Ligny).
JMB : Se peut-il qu'à Ligny, Cornu et sa Cie, qui faisaient partie de la Jeune Garde,
DM : La Cie était dans le principe stipulée "destinée pour la Jeune Garde", mais nous savons qu'elle n'y arriva pas et fut remplacée de Paris par une autre Cie, qui n'arriva pas non plus.
JMB : ...aient été détachés en soutien à la division Girard lors de l'envoi (ou même avant) de la Jeune Garde sur ce secteur ?
DM : Je ne crois pas.
JMB : Ce qui expliquerait le retard voire même la non arrivée à Mont-Saint-Jean le 18/06 (?).
DM : Il est certain qu'elle n'arriva pas à Mont-Saint-Jean, sans quoi elle y serait "restée" (sur place ou à Genappe ou en chemin pour) comme toutes les autres Cies ayant participé à Waterloo. Il m'apparaît comme évident qu'elle resta avec le IVe CA, et que c'est pour cela qu'elle s'en tira, revint avec le "corps de Grouchy", et put par suite participer au "combat de Versailles" (Rocquencourt).
JMB : D'autre part voici deux documents en pièce jointe qui peuvent expliquer (pour partie seulement) la catastrophe subie par la grande batterie (1ère édition) portant essentiellement sur l'artillerie du Ier Corps (l'artillerie de Durutte va y être pulvérisée puisqu'il ne lui reste que 1 sous-officier ou canonnier et 3 officiers dont le Lt en second Sotomayor arrivé après la retraite de Mont-Saint-Jean, lors du licenciement à La-Rochelle en novembre 1815).
DM : Pas vu ce document.
JMB : Ces documents émanent du général Dessales, le premier se plaint à juste titre de ne pas avoir assez de capitaines d'état-major et le second de ne pas avoir assez d'hommes par Cie, surtout à la Cie de Réserve (ce document en est presque "prophétique").
DM : J'ai vu une transcription de ce courrier, probablement dans le travail de Beckett.
JMB : À noter aussi qu'il semble y avoir une certaine dissension ou au moins un manque de confiance entre Ruty et Dessales, ce dernier envoyant ses notes directement au Ministre de la Guerre (qui va d'ailleurs lui signifier de voir avec Ruty, son chef direct) ceci, car, selon Dessales "on" ne tient pas compte de ses remarques.
DM : Ces "dissensions" vont dans le même sens que ce que j'ai mel des souvenirs de Dessales lorsqu'il fait état des consignes de Ruty avant l'ouverture du feu.
JMB : Une autre note est aussi intéressante : le 29/04, le général Dessales écrit en observation, contresignée par le général d'Erlon, que les capitaines commandants les Cies d'artillerie attachées aux divisions d'infanterie ou de cavalerie "prendront les ordres directs des lieutenants généraux qui les commandent" (les sus-dites divisions)
DM : C'est tellement normal en campagne, lorsque les Cies sont séparées les unes des autres, chacune avec sa division, qu'on se demande pourquoi le préciser ?
JMB : "MAIS dans l'action, ils seront comme celles des divisions impairs (? dernier terme difficile à comprendre)
DM : L'histoire des divisions paires et impaires doit signifier que les Cies divisionnaires 1 et 3 forment la première division, et les Cies 2 et 4 forment la 2e division, ce qui ne peut se produire que sur un champ de bataille réunissant toutes les susdites batteries, qui, coup de bol monumental pour l'ordre desdites batteries à Waterloo, se trouva constitué de fait par l''ordre dans lequel les divisions d'infanterie du Ier corps se déployèrent, soit 1ère, 3ème, 2ème, 4ème, alignant donc en premier la division impaire, que, dans la plus belle des théories, aurait du prolonger la division paire.
JMB : ...sous la surveillance des officiers supérieurs qui commandent les deux batteries" (donc les chefs d'escadron ou de bataillon d'artillerie).
DM : Pareil. C'est normal, sur le champ de bataille, pour l'artillerie, d'obéir aux chefs de son arme, qui ont en l'occurrence particulière le pas sur les généraux !
JMB : Cette note peut expliquer pourquoi personne n'a prévenu Dessales du "bond" en avant de Cies d'artillerie de la grande batterie. Je pense qu'il aurait du rajouter, ce qui aurait du être évident, mais bon... c'est pas noté..., que les chefs d'escadron ou de bataillon d'artillerie sont et restent sous ses ordres directs.
DM : En l'occurrence là oui puisque Dessales était artilleur, et c'est bien lui qui ordonne aux Cies divisionnaires de 6 £ d'aller s'aligner sur les 12 £ qui, elles, en revanche, auraient effectué ce "bond" sans son ordre à lui... Mais très probablement sur l'ordre de Ruty, CEC de toute l'Artillerie et qui avait dépêché un de ses officiers "à lui" pour commander les Réserves !
JMB : Tout ceci ne présage, bien sûr, pas de la catastrophe à venir
DM : Pas "tout ceci", en effet, mais cependant le "court-circuitage" probable de Dessales par Ruty est bien constitutif du 1er faux mouvement... qui entraîna le 2d ordonné par Dessales... qui fut fatal à la Grande batterie, mais aussi et auparavant compte tenu de l'échec, pour ne pas dire désastre, subi par l'infanterie du 1er corps... et de l'absence de soutien par la cavalerie. Une triple faute !
JMB : ...mais quand même, à postériori, ça commence à faire beaucoup : manque d'effectif des Cies,
DM : Oui mais non. Cela ne pouvait qu'entraîner un ralentissement du service des pièces... Qui n'étaient pas servies quant elles furent submergées. Cela diminua même le nombre des victimes et/ou dispersés.
JMB : ...manque d'officiers d'état-major,
DM : Préjudiciable au service, en effet... Mais sans effet dès lors que le "court-cicuit" est (le fait du) général (en chef de l'arme) !
JMB : ...mésentente (et/ou manque de confiance) entre officiers supérieurs,
DM : Oui, là c'est sûr, et le problème peut être étendu à toute l'armée, "excellente jusqu'au grade de colonel" a écrit Lachouque, ce qui sous-tend que pour lui l'excellence ne caractérisait pas beaucoup de généraux.
JMB : ...note incomplète qui pourrait donner une certaine liberté de décision à des officiers d'état-major pendant les combats...
DM : Je redis que cette note était inutile au regard des habitudes normales de l'arme. Mais peut-être, neuf à ce poste, Dessales a-t-il cru bon de les répéter, et le libellé, prêtant le flanc aux interprétations brouillonnes de cette époque troublée, est passé du statut d'inutile à celui d'inutile et dangereux ?
"Veritas Vincit"