1812. L'artillerie française aux Arapiles

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1812. L'artillerie française aux Arapiles

Messagepar MANÉ Diégo sur 07 Aoû 2020, 15:56

L’artillerie française à Salamanca (Les Arapiles) le 22 juillet 1812 (1)
(par Diégo Mané, Saint-Laurent-de-Mûre, juillet 2020)

Confronté à l’indigence contradictoire des sources relatives à l’artillerie française de l’Armée de Portugal engagée à la bataille de Salamanca ou des Arapiles le 22 juillet 1812, un correspondant britannique m’a demandé si je pouvais l’aider.

Constatant la pauvreté sur ce sujet de mon propre OB de cette bataille, réalisé voici plus de vingt ans, j’ai relevé le défi d’y porter enfin les éléments précis qui lui manquent sur l’arme savante, et «gratté» la question.

J’ai tout d’abord exhumé les différentes sources consultées à l’époque, retrouvant les 74 pièces que j’avais indiquées * ...

Napier, William, «History of the Peninsular War», London, 1828-1834.
Appendix XIX, page 384.


Artillery of the Army of Portugal, June 15, 1812 - Matériel.

Canons de 12 £ 2
Canons de 8 £ 20
Canons de 4 £ 33
Canons de 3 £ 5
Obusiers de 6 p 11
Obusiers de 4,3 3

Total 74 pièces

... avant le renfort des 4 ramenées des Asturies par Bonet*, portant le tout à 78 pièces.
* À priori 1x8 £ + 2 x 4 £ + 1 Obusier.
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Sir Charles Oman, «A history of the Peninsular War», Oxford, 1903-1930.
Volume V, Appendices, pages 601+


Source dont je n’ai disposé qu’après celle de Napier, et qui donne directement le chiffre de 78 pièces, lequel à été repris absolument par tout le monde.

Artillery of The Army of Portugal, July 15, 1812 - Matériel.

Canon de 12 £ 7
Canons de 8 £ 21
Canons de 4 £ 36
Canon de 3 £ 1
Obusiers 13

Total 78 pièces

Il donne aussi une liste des 20 pièces qui auraient été prises par les Anglais :

Canons de 12 £ 7
Canons de 8 £ 3
Canons de 4 £ 9
Canon de 3 £ 1
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Sarramon (Docteur Jean), «La bataille des Arapiles» (22 juillet 1812), Toulouse, 1978.

Page 199. «Vers huit heures... Grand Arapile... le duc de Raguse ordonnait qu’on y édifie une batterie. Comme l’escarpement de la pente ne permettait pas aux attelages de traîner jusqu’au sommet les vingt pièces prévues, celles-ci étaient démontées et transportées à bras par les grenadiers.»

Commentaire DM : Les grenadiers du 120e ont monté les pièces de leur division, soit à priori 4 pièces, qui seront toutes abandonnées lors de la retraite. Je ne vois pas qui aurait bien pu monter 16 pièces de plus qui, accessoirement n’étaient pas là.

Je pense que Sarramon a fait erreur sur la base des Mémoires de Marmont qui parlent en effet de vingt pièces, mais qui à mon avis sont celles qui seront déployées sur la position de Maucune, voire aussi Thomières, puisqu’au moins 4 pièces de la réserve seront prises avec les 4 de ce général.
---------------

La 8e division Bonet devait tenir le Grand Arapile. La 1e division Foy, flanquée par la 2e DC Boyer et soutenue par la 3e division Ferey, protégeaient son flanc droit.
«Marmont se tenait prêt à opérer sa manoeuvre débordante avec ses cinq autres divisions marchant la gauche en tête et sa réserve d’artillerie à cheval

Commentaire DM : cela suppose que Marmont se constitua une réserve ad’hoc d’artillerie à cheval avec les deux ci-devant compagnies d’ARC des 2e et 3e DI (qui donc ont reçu en échange de l’ARP) et peut-être l’ARC de la Cavalerie.
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Page 203. Vers une heure de l’après-midi il est prescrit à Maucune (5e DI) de s’établir sur El Castillejo et la Cuquera en soutien de l’artillerie de réserve chargée d’écraser de ses feux le village des Arapiles. ... la 6e DI, y remplaçant la 7e DI, devait occuper le ressaut d’El Sierro où demeurait encore une bonne partie de l’artillerie de réserve.

Commentaire DM :
À supposer la partie traînée par des boeufs, soit semblerait-il les 10 pièces du Parc.
Lemonnier-Delafosse (voir plus bas), indique 30 pièces à la Réserve.
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Page 204. Peu avant deux heures... débutait le mouvement prescrit par Marmont... Accompagnées d’une abondante artillerie destinée à se mettre en batterie sur le rebord septentrional du plateau, les divisions Maucune (5e) et Thomières (7e)...

Page 206. Maucune (5e DI)... se contentait de placer en batterie sa propre artillerie divisionnaire, puis une fraction de celle de la réserve aux ordres du colonel Armand Digeon... qui ouvrait le feu pièce par pièce au fur et à mesure qu’elles étaient mises en batterie.

Page 208. Vers quatre heures, lorsque Thomières s’arrête enfin, la 6e Division Taupin (ci-devant Brennier)... apparaissait sur la barre d’El Sierro, aux côtés du parc d’artillerie.

Page 212. Marmont s’apercevant un peu tard (que faisait-il avant ? Selon certains il déjeunait avec le honteux grand apparat habituel) des faux mouvements de ses divisionnaires (5e DI Maucune, 7e DI Thomières et Division de Cavalerie légère Curto) demandait son cheval lorsqu’il est gravement blessé et mis hors de combat, laissant son armée sans direction au pire moment possible. Il était environ quatre heures quinze de l’après-midi.

Page 218. La Division Packenham avait dispersé la 7e Division Thomières (†) qui laissa sur le champ de bataille «toute l’artillerie» qu’elle avait mise en batterie.

Commentaire DM : Pakenham aurait pris huit pièces, dont l’artillerie divisionnaire de Thomières, le reste relevant de la réserve.
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Page 219. La 5e Division Maucune... avait... une vingtaine de bouches à feu en batterie sur son front.

Commentaire DM : Maucune n’ayant à priori perdu aucune de ses 6 pièces il faudrait supposer que se trouvaient là au moins une 12aine de pièces de la réserve.
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Page 220. «l’artillerie impériale se repliait derrière son infanterie».

Commentaire DM : On peut supposer qu’elle se remit en batterie un peu plus loin, raison pour laquelle elle y fut submergée plus tard prise de flanc par la cavalerie de Le Marchant.
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Page 223. La cavalerie de Le Marchant s’est arrêtée ... pour ramasser cinq des bouches à feu de l’artillerie divisionnaires de Taupin (5° DI). Il était six heures du soir...

Commentaire DM :
La prise de cinq pièces par Le Marchant est avérée. Selon qui parle elles sont «affectées à Maucune... qui n’en aurait pas perdu, ou à Taupin... qui selon Lamartinière n’en perdit qu’une. Je pense donc qu’il y a là les trois pièces perdues par Sarrut, Taupin et Bonet, plus deux pièces de la Réserve.
Réserve qui, selon Oman, perdit au moins les 7 pièces de 12 £ et l’unique pièce de 3 £, soit 8 pièces, 4 avec Thomières, 2 avec Maucune, et 2 au soir sous Tirlet.
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Page 229. Clausel (2e et 8e DI). «... aucune artillerie ne participait à cette opération

Commentaire DM : ??? Où était -elle ? Dans mon petit travail sur la contre-attaque de Clausel* je la mentionne en deuxième ligne... Et Lamartinière donne 1 pièce perdue par la 2e DI... Mais il s'agit de celle perdue le 18 juillet sur la Guareña.

* viewtopic.php?f=1&t=1603&p=10912&hilit=Arapiles#p10912
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Page 231. «...le...120e évacuait sa position en abandonnant toutes les bouches à feu qui y avaient été hissées...». Il était six heures trente du soir...

Commentaire DM : Je suppose donc les 4 de la Division Ferey qui seule a pu les perdre.
L’hypothèse de Sarramon y plaçant 20 pièces, qui auraient donc toutes été perdues, montant la perte de matériel à 35 pièces, n’est pas «recevable».

Un état postérieur à la bataille donne la 9e/3e RAP, qui revint des Asturies avec Bonet, affectée à la 3e DI... Et la 21e/5e RAP de Taupin affectée à Bonet.
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Page 234. La Division Ferey en défense sur El Sierro bénéficie du soutien des «quinze dernières pièces d’artillerie de la réserve... en batterie sous... Tirlet.»

Commentaire DM : les quinze autres pièces de la réserve étaient donc alors soit prises soit en retraite (Lemonnier-Delafosse indique en effet un total de 30 pièces à la Réserve).
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Page 235. «Ferey faisait reculer... ses bataillons... jusqu’à l’orée de la forêt, en arrière de la crête d’El Sierro et sous la protection de l’artillerie qui devait abandonner dans ce repli deux pièces.

Commentaire DM : Tirlet emmena donc avec lui 13 pièces. Il perdit probablement les deux de gauche de sa ligne, hypothèse encore favorable à la perte de l’unique 3 £, qu'il est logique de déployer sur la gauche de la batterie. Cette gauche aurait alors été constituée, outre les dix pièces du Parc, de cinq pièces de la Réserve dont au moins la piece de 3 £ et une de 12 £, plus trois pieces de l'ARC (ces dernières pouvant se retirer à temps).
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Page 236. ... mouvement rétrograde vers Alba de Tormes... aux alentours de dix heures du soir en amenant tout ce qui restait d’artillerie... Soit 58 pieces si l'on suit Oman.
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Page 239. «Maucune résistait... avec les six pièces qu’il avait sauvées de son artillerie divisionnaire».
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Page 240. L’ordre de marche de la retraite indique le «parc d’artillerie» à l’avant-garde, et deux colonnes entre lesquelles cheminait «l’artillerie de réserve».

Commentaire DM : preuve qu’il s’agissait bien de deux «entités» différentes. Foy et la cavalerie formant l’arrière-garde.
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Page 246. Il est officiellement fait état de la perte de douze bouches à feu (Lamartinière).
Clausel : 1x4£ (perdu le 18 juillet), Ferey : 1x8£+3x4£, Sarrut : 1 Obusier, Taupin : 1x8£, Thomières : 3x8£+1x4£, Bonet : 1x8£.

Commentaire DM : Les Anglais disent en avoir pris 20 dont ils précisent les différents calibres. Cela semble confirmé par les nombres respectifs de pièces qu’ils donnent à l’armée de Portugal au 15 juillet, 78, puis au 1er août, 58.

Mais ce 2e chiffre est-il le fruit d’une simple soustraction opérée par Oman dans sa démonstration (je l'ai déjà pris en défaut de la sorte en d'autres occasions) où relève-t-il d’un quelconque document ?

Au 1er octobre on trouve en effet 60 pièces, détaillées par calibre, mais dont certaines n’étaient manifestement pas là auparavant. L’armée ayant transité par les dépôts de Valladolid et surtout Burgos cela n’a rien d’étonnant... Sauf l’apparition de 4 pièces de 6, calibre insolite pour des Français en Espagne, et qui mérite à elle seule la recherche très approfondie que j’ai menée, mais qui, à priori, ne concerne pas les Arapiles.
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Édit DM le 11/08/2020 : j'ai amélioré plusieurs points ci-dessus. J'engage ceux qui auraient téléchargé le message initial du 7 courant à le détruire et remplacer par celui-ci.

A suivre... les éléments pertinents de la relation de Lemonnier-Delafosse (Lt au 31e Léger).

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Re: 1812. L'artillerie française aux Arapiles

Messagepar MANÉ Diégo sur 16 Aoû 2020, 17:23

Lemonnier-Delafosse*, Lt-Cel, Jean-Baptiste, «Souvenirs militaires», Havre, 1850.
Capitaine au 31e Léger en 1812. Les parties en italique le sont dans l’original.

Page 154. «Composition de l’armée.
Huit divisions d’infanterie ; deux de cavalerie ; soixante-quatorze bataillons, vingt-sept escadrons ; artillerie, huit batteries ; parc de réserve, trente pièces.»

Commentaires DM :
Si l’on s’aligne sur 78 pièces en tout, et déduction faite des 30 du parc de réserve, il en reste 48 aux huit batteries divisionnaires, ce qui prêcherait pour 6 pièces pour chacune, d’autant que quatre de ces batteries sont d’ARC (1e, 2e, 3e divisions et Cavalerie).

La 8e Division Bonet avait rejoint avec ses 4 pièces (l’aurait-on renforcée ? Par quoi ?).
Quoi qu’il en soit cela fait cinq batteries (et au moins 28 pièces) sur huit. Il reste donc 24 pièces en trois batteries (à supposer de 8 pièces) pour doter quatre divisions (4e, 5e, 6e et 7e divisions), ce qui donne à penser qu’une d’entre-elles n’en avait pas... Où que la dotation n’était pas de 6 pièces mais parfois moindre...
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Page 155. «... notre artillerie légère foudroyait déjà ses forces...».

Commentaire DM : Ce qui semblerait dire que la «réserve d’artillerie à cheval» formait, en partie au moins (puisque aussi les 12 £ furent pris) l’artillerie engagée avec Thomières et Maucune.
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Page 159. «La 3e division (Ferey), ainsi formée sur la lisière de ce bois, privée de son artillerie...».

Commentaire DM :
Nous avons peut-être là l’explication des pièces attribuées par les Anglais à Taupin .
En effet, la Division Ferey est plusieurs fois stipulée «en réserve», «de réserve», et lorsqu’elle s’engage c’est clairement sans artillerie, et il le regrette car cela signifie en même temps pas de munitions pour l’infanterie puisque c’est l’artillerie qui les transporte dans ses fourgons (rappelons que Lemonnier-Delafosse était présent à ce combat).
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Page 164. Envoyé quérir des ordres pour le 31e léger resté seul dans le bois à 200 m de la lisière qu’il avait défendue jusqu’au soir, Lemonnier-Delafosse décrit la déroute du reste de l’armée : «... infanterie, cavalerie, artillerie, fourgons, charrettes, bagages, le parc de réserve d’artillerie attelé avec des boeufs...».

Arrivé à Alba de Tormès se trouve un général (probablement Maucune) qui tentait vainement de rallier les fuyards. Avisant le 31e Léger arrivant seul en ordre il le dispose en défense de la tête de pont.

«... une batterie (probablement celle de Maucune) n’avait pu passer, on la mit immédiatement en position...».
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Page 172. Lemonnier-Delafosse disserte sur la prise de commandement de Clausel.

«... on peut dire qu’il le recevait, avec une armée battue, désorganisée, sans un seul élément de vitesse, une médiocre cavalerie, par sa faiblesse en nombre, des parcs d’artillerie attelés de boeufs !...»

On voit à cette dernière assertion, répétée deux fois en peu de lignes, que ce fait, normal dans l’armée espagnole, était considéré comme une déchéance dans l’armée française.
Notons au passage l’appellation différente entre l’artillerie de réserve et le parc d’artillerie.

À suivre... Éléments tirés de la relation de Bruno Masson de la "Campagne anglaise de 1812".

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Re: 1812. L'artillerie française aux Arapiles

Messagepar MANÉ Diégo sur 31 Aoû 2020, 11:38

Éléments présents dans la relation de la «Campagne anglaise de 1812»
par Bruno Masson (d’après les auteurs britanniques) sur Planète Napoléon.

-C’est l’artillerie de Bonet qui serait abandonnée sur le Grand Arapile.

-8 pièces accompagnant la Division Thomières sont capturées par Pakenham.

-5 pièces attribuées (à tort) à Maucune sont prises par Le Marchant.
(je pense qu’il s’agit en fait des 5 données -à tort- perdues par Taupin).

-Ferey avec sa batterie divisionnaire au milieu de sa ligne.
Donc non selon Lemonnier-Delafosse, mais peut-être s’agit-il de la Division Sarrut qui lutta un moment juste à côté, dont on ne parle pas d’artillerie mais qui aurait perdu un obusier.

-20 canons pris, dont 12 de Thomières et Bonet.
(ce qui serait donc 8 «avec» Thomières*, car selon moi Bonet n’en avait que 4**).

S’il y avait vraiment eu 20 pièces sur le Grand Arapile, toutes perdues donc,
et en ajoutant les 15 autres perdues (8 avec Thomières, 5 «avec Taupin» et 2 par Tirlet) on atteindrait 35 pièces perdues... Ce qui ne fut pas... Et me conforte sur une dotation de 4 pièces à la division Bonet. Nous identifions ainsi 19 pièces perdues sur les 20 indiquées, la 20e étant toujours celle perdue par Clausel sur la Guareña le 18 juillet.
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Position finale DM du point de vue des pertes de matériel (édit du 10/08/2020) :

8 pièces prises par Pakenham à Thomières (les 4 de la 7e DI + 4x12£ de la RésArt).
5 pièces prises par Le Marchant (1 de Sarrut, 1 de Taupin, 1 de Bonet, 2x12£ de RésArt).
4 pièces abandonnées sur le Grand Arapile ( les 4 de Ferey).
2 pièces de la RésArt de Tirlet perdues lors de son repli au soir.
1 pièce avait été perdue par la 2e DI Clausel le 18 juillet sur la Guareña.
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À suivre... Éléments tirés des Mémoires militaires du maréchal Jourdan...
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Re: 1812. L'artillerie française aux Arapiles

Messagepar MANÉ Diégo sur 10 Sep 2020, 15:19

Jourdan, Maréchal, «Mémoires militaires», Paris, ...
Donne, pages 411+, un extrait du rapport du duc de Raguse, dont j’extrais moi-même le pertinent sur l’artillerie :

«La 3e division (Ferey) était en seconde ligne, destinée à la soutenir (la 1ère division Foy), les 2e, 3e, 4e, 5e et 6e se trouvaient à la tête du bois, en masse derrière la position d’Arapiles, ..., tandis que la 7e occupait la tête de gauche du bois, qui formait un mamelon extrêmement âpre, d’un difficile accès, et que je faisais garnir de vingt pièces de canon.»

C’est donc ce mamelon et non le Grand Arapile que Marmont fait garnir de 20 pièces.
Ce chiffre de 20 pièce correspond exactement à celui de sa Réserve d’Artillerie.

«... Il y avait, en avant du plateau occupé par l’artillerie, un autre vaste plateau, facile à défendre... je donnais ordre à la 5e division d’aller prendre position à l’extrême droite de ce plateau... à la 6e, d’occuper le plateau de la tête du bois, où restait encore un grand nombre de pièces...»

Les vingt initiales n’y sont donc plus toutes... Restent peut-être les quinze citées plus tard par Sarramon. Cinq seraient en cette hypothèse parties rejoindre la 5e DI... Peut-être celles qui seront (tout ou partie) prises par Le Marchant.

Ajoutons que si l’on prête foi à ce que dit Lemonnier-Delafosse, et pourquoi l’aurait-il inventé, il est probable qu’une partie au moins du Parc d’Artillerie soit attelé de boeufs,
ce qui ne se prête pas aux mouvements rapides attestés par les témoins des deux camps.

«Nous avons perdu 9 pièces de canon, qui, étant démontées, n’ont pu être transportées ; tout le reste des bagages, tout le parc d’artillerie, tout le matériel de l’armée a été ramené.»

Marmont parle-t-il de pièces «démontées» pour leur transport depuis le Grand-Arapile lors de la retraite, donnant alors l’effectif réel des pièces installées sur cette position ?

Où de pièces «démontées» par l’artillerie ennemie ?

Où un peu «les deux mon maréchal» !

Dans tous les cas il n’était plus là, et devait se référer à ce qu’on lui rapporta... et mentir !
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Jourdan donne aussi, pages 415+, un extrait de «Histoire de la guerre d’Espagne et du Portugal» par le colonel Sir Jones Jones (Sic, je pense qu’il s’agit John T. Jones dans «Journaux des sièges entrepris par les Alliés en Espagne», Paris, 1821).

«... 11 pièces de canon... restèrent sur le champ de bataille...»
C’est la deuxième fois que je lis ce chiffre (voir plus bas). Je le rapproche d’un passage de Jourdan, page 409 parlant d’un combat sur la Guareña près de Castrillos, où Clausel fut repoussé avec perte de 3 à 400 hommes et d’une pièce d’artillerie (qui monterait à 12 les pièces perdues) appartenant probablement à la 2e DI (justifiant celle déclarée par Lamartinière).
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Re: 1812. L'artillerie française aux Arapiles

Messagepar MANÉ Diégo sur 24 Sep 2020, 17:07

Contemporain de Napier, un certain James Grant est abondamment cité par les auteurs anglais.

«By this brillantly-executed manoeuvre (l’attaque combinée de Pakenham et Le Marchant), the whole of the enemy left was destroyed. Three thousand prisoners remained in our hands, with two eagles and eleven pieces of cannon; ...».

Lors de l’attaque sur Ferey par Clinton «... after having his ranks ploughed down by a brigade of French artillery, they advanced to a close attack.»

«... according to Napier...» la perte des Français entre le 18 et le 30 juillet, les deux passages du Douro à l’aller et au retour, fut en termes de matériel de «twelve pièces of cannon, excluding of seventeen more taken at Valladolid.»
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Bourdeau, Colonel E., «Campagnes Modernes» T3, IIe partie, page 15, donne à Marmont 77 pièces le 22 juillet. C’est à la fois confirmer les 78 de l’OB au 15 juillet, et la perte de 11 pièces le 22, car la 12e déclarée par Lamartinière fut perdue par Clausel le 18 juillet.
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Réflexion d’ensemble sur le nombre controversé de pièces perdues.

Si l’on abonde sur 12 perdues (dont 11 sur le champ de bataille), puisque les deux adversaires en conviennent, que faut-il penser du détail de 20 donné par Oman ?

Peut-être qu’il inclut des pièces perdues après la bataille, pendant la retraite qui nous est bien décrite comme un chaos absolu...

Où encore, car cela sonne comme une évidence, que l’état des pertes de canons donné par Lamartinière* ne comprend pas les pièces perdues par la réserve de Tirlet.

* Il indique notamment un obusier que les Anglais ne mentionnent pas dans leur butin.

J’avais pensé que l’armée put se refaire à Valladolid, mais j’en doute désormais, ayant trouvé l’information que les Anglais y trouvèrent 17 pièces supplémentaires que les Français non seulement ne purent emmener, mais ne prirent pas le temps de détruire.

Ce n’est donc qu’à Burgos que Clausel put reconstituer à 60 pièces* la dotation d’artillerie que l’on constate dans son OB du 1er octobre, où la répartition des calibres n’est plus la même. * Il est également précisé qu’un mois plutôt il n’alignait que 50 pièces.

J’arrive au bout des ressources dont je dispose sur place pour cette intéressante enquête, et vais donc établir «une organisation possible» de l’artillerie française aux Arapiles, en précisant clairement qu’il ne s’agit que d’un avis, éclairé certes, mais rien de plus que çà !

Il va de soi que quiconque en saurait plus et le partagerait permettrait de faire avancer une vérité largement négligée par tous les auteurs, les rares Français les premiers, et que je me ferai un devoir de publier cette avancée dans mon OB corrigé afin que nul n’en ignore.

Diégo Mané

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À suivre, l'exposé circonstancié de mes conclusions personnelles suite aux éléments précédents.
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Re: 1812. L'artillerie française aux Arapiles

Messagepar MANÉ Diégo sur 29 Sep 2020, 13:06

L’artillerie française à Salamanca (Les Arapiles) le 22 juillet 1812 (2)
(par Diégo Mané, Saint-Laurent-de-Mûre, août 2020)

Je pensais avoir fait le plus dur avec la revue des sources disponibles, mais je me trompais. C’est d’essayer en vain une semaine durant de les faire cadrer entre elles qui me coûta le plus. Quarante feuilles de brouillon plus tard je me suis décidé à recourir, une fois de plus, à mon intime conviction, et à proposer une version «possible» de répartition des 77 pièces de l’artillerie française de Marmont aux Arapiles le 22 juillet 1812.

Passons-là en revue dans les affectations que je leur ai choisies dans mon OB nouveau.

1ère Division Foy : 3e Cie/2e RAC (+4 ouvriers/4e Cie)(3x8£+2x4£+1 Obusier) 72 hommes.
Là, pas de problème, cette compagnie y ayant été affectée avant et après, et n’ayant rien perdu.

2e Division Clausel : 15e Cie/3e RAP (+5 ouvriers/4e Cie)(3x8£+2x4£+1 Obusier) 87 hommes.
Ici cela va encore, cette compagnie se retrouvant clairement affectée à la division postérieurement à la bataille, y ayant remplacé avant l’offensive la 6e Cie/2e RAC affectée à la Réserve d’Artillerie.
C’est cette 15e Cie/3e RAP qui perdit un de ses canons de 4 £ sur la Guareña le 18 juillet.

3e Division Ferey : 10e Cie/3e RAP (par hypothèses)(1x8£+3x4£) 192 hommes.
Là j’ai fait un choix que j’explique. D’abord, comme la 2e DI, la 3e DI a perdu son artillerie à cheval divisionnaire, la 7e Cie/3e RAC, au profit de la Réserve d’Artillerie avant l’offensive. Elle a donc reçu en échange de l’ARP. Mais laquelle* ? Postérieurement à la bataille, le 1er octobre, elle est dotée de la 9e Cie/3e RAP que Bonet avait ramenée des Asturies... Mais qu’il semble encore avoir le 15 juillet... Ensuite j’ai remarqué au fil de mes nombreuses lectures que la Division Ferey était désignée «de réserve», et c’est effectivement le rôle qu’elle joua. Enfin l’effectif bien plus important que les autres divisions qu’elle affiche pour son artillerie divisionnaire prêche pour une dotation «double».

J’avais pensé à un «roque» qu’elle aurait fait avec la 7e DI Thomières avant l’offensive, cette dernière affichant deux Cies d’artillerie au 1er mai, mais voyant son effectif relatif chuter au 15/07 j’y retrouve les mêmes compagnies du Train après la bataille tandis que ses deux Cies d’artillerie sont passées au Parc. Il est donc improbable qu’elles soient passées entre-temps à la 3e DI...

J’ai donc «muté» temporairement du Parc à la 3e DI la 10e Cie/3e RAP, seule encore disponible.
Ce n’est probablement pas ce qui s’est passé mais je n’ai aucun moyen de le savoir.
Ce serait dans cette hypothèse elle qui aurait été contrainte d’abandonner ses 4 pièces sur le Grand Arapile. Au 1er octobre on trouve à cette 3e DI la 9e Cie/3e RAP, ci-devant 8e DI Bonet, et bien sûr la 10e Cie/3e RAP est «retournée» au Parc.

4e Division Sarrut : 14e Cie/1er RAP (+3 ouvriers/4e Cie)(2x8£+2x4£+2 Obusiers) 118 hommes.
Pas de souci majeur ici, puisque cette compagnie se retrouve ici avant et après la bataille, où elle aurait perdu 1 Obusier... Que les Anglais ne mentionnent pas dans leur butin... Why ? Mystère !

5e Division Maucune : 11e Cie/8e RAP (+4 ouvriers/4e Cie)(3x8£+2x4£+1 Obusier) 78 hommes.
Pareil. Cette compagnie se retrouve avant et après la bataille, où elle n’aurait rien perdu.

6e Division Taupin (p.i.) : 21e Cie/5e RAP (+4 ouvr./4e Cie)(1x8£+4x4£+1 Obusier) 83 hommes.
Idem. Cette compagnie se retrouve avant et après la bataille, où elle aurait perdu 1 canon de 8£.
Elle sera mutée à la 8e DI après la bataille, la 6e DI n’ayant dès lors plus d’artillerie divisionnaire.

7e Division Thomières : 6e Cie/4e RAP (3x8£+1x4£) 92 hommes, et 18e Cie/4e RAP 100 h.
Voir plus haut sous la 3e DI Ferey le relatif à la 7e DI. Les 4 pièces affichées ont été perdues par Thomières le 22 juillet (dixit Lamartinière), mais le général en ayant perdu 8 (en plus de sa vie) il en manque 4 autres, qui relèvent probablement de la Réserve.

8e Division Bonet : 9e Cie/3e RAP (1x8£+2x4£+1 Ob.) 110 hommes.
Le général Bonet venait de rallier depuis les Asturies où il disposait de 4 pièces d’artillerie, mais, apparemment, pas de train d’artillerie (peut-être comme une sorte d’ «artillerie régimentaire», où encore "de montagne", attelée à mules).

Toujours est-il qu’il lui est encore mentionné 1 compagnie d’artillerie le 15 juillet mais, toujours semble-t-il et selon qui parle sans les pièces qu’à priori il a ramenées et que l’on trouvera plus tard affectées à la 3e DI ci-devant Ferey †. Toutefois Lamartinière attribue bel et bien la perte d'1x8£ à la 8e DI Bonet... Qui donc aurait bel et bien ses pièces avec elle, même si on n’en parle pas au cours de l’attaque qu’elle mena sous Clausel. Après la bataille on trouvera cette artillerie de la 8e DI Bonet à la 3e DI Ferey et l’artillerie de la 6e DI Taupin passera à la 8e DI Bonet. Il est possible que ces «transferts» aient pris place entre l’OB du 15 juillet et l’offensive du 18, mais qui sait ?

Cavalerie : 5e Cie/5e RAC (4x4£ + 2 Obusiers) 95 h, normalement dotée à la 2e DC de Boyer, mais qui semble bien avoir eu la malchance d’être affectée le 22 juillet à la 1ère DC de Curto et/ou à la «Réserve d’Artillerie à Cheval» spécialement organisée par Marmont et envoyée «écraser l’Anglais».

Toujours est-il qu’il est possible que cette compagnie ait laissé ses quatre canons sur le terrain car Pakenham a bien pris 8 pièces «à Thomières»... Ce qui plaide aussi en ce sens c’est le fait que cette compagnie alignera ensuite, et jusqu’en mars 1813, outre ses deux obusiers, quatre canons de 6 £, calibre tout ce qu’il y a de plus insolite pour des Français en Espagne. Quoi qu’il en soit c’est qu’elle n’avait plus ses Gribeauval de 4, peut-être perdus à la bataille du 22 juillet*.
Ajoutons que forte de 196 hommes (train compris) le 15/07, il ne lui en reste que 151 le 01/08 !
* Ceci dit cette hypothèse n’est pas recoupée par les chiffres d’Oman d’où il ressortirait la perte des 8 pièces d’ARP de la Réserve, et donc aucune de l’ARC, qui il est vrai est plus «leste».

Total de ces huit artilleries divisionnaires ci-dessus = 48 pièces, ce qui en laisse bien 30 pour la Réserve d’artillerie et le Parc d’Artillerie, respectivement 20 à la Réserve, ce qui «colle» avec l’envoi de justement «vingt pièces» dans le principe, et laisse donc 10 pièces en arrière au parc d’artillerie.

Réserve d’artillerie : trois compagnies, deux d’ARC et une équipée des 7x12 £ disponibles + 1x3 £.
6e Cie/2e RAC (+4 ouvr./4e Cie) 4 pièces de 4 £ +2 Ob., 103 hommes (issus de la 2e DI Clausel).
7e Cie/3e RAC (+4 ouvr./4e Cie) 4 pièces de 4 £ +2 Ob., 102 hommes (venus de la 3e DI Ferey).
19e Cie/1er RAP (7x12£+1x3£) 8 pièces, 108 hommes (tirée du Parc d’Artillerie).

Les compagnies citées sont bien les bonnes. En revanche leurs dotations en matériel relèvent de mes hypothèses parmi le matériel du Parc, pas affecté aux compagnies dans l’état au 15 juillet.
Le choix de regrouper les 7x12£ dans l’unique compagnie d’ARP de la Réserve semble logique. Peut-être est-ce elle que Marmont put in-extrémis atteler à chevaux (voir plus bas). La compléter par l’unique pièce de 3£ est rationnel, qui permet d’atteindre huit pièces.

Parc d’Artillerie : les deux compagnies restantes, dotées des pièces non affectées plus haut, soit :
19e Cie/3e RAP (2x8£+3x4£), 5 pièces, 85 h
20e Cie/3e RAP (2x8£+3x4£), 5 pièces, 82 h

Ce Parc comprenait au 1er mai (seul état mentionnant l’artillerie ante bellum) toutes les pièces non comprises dans les artilleries divisionnaires. Lemonnier-Delafosse nous dit qu’il comptait 30 pièces.

Ôtées les 20 passées à la Réserve d’Artillerie qui fut créée après, il nous reste 10 pièces attelées avec des boeufs, ce qui explique leur utilisation «en retrait» par Tirlet, et ne rions pas car elles
agirent fort bien en soutien actif de Ferey lors de la phase finale et purent ensuite, grâce à l’expertise de Tirlet, décrocher (presque) à temps* malgré la lenteur de leurs attelages.

Deux pièces furent perdues lors de ce repli, sur les quinze alors alignées par le général, mais il n’est pas clair si elles relevaient du Parc où des cinq pièces de la Réserve l’ayant alors renforcé.

Toutes ces hypothèses ne tiennent la route, «the road», qu’en suivant Oman qui donne le détail de 20 pièces perdues (l’Espagnol Alava parle-même de 22 !), alors que Lamartinière (le chef d’État-Major français) n’en liste «que» 12, ces deux sources étant par ailleurs inconciliables. Je suis Sir Charles parce-que la perte de seulement 12 pièces ne «colle» pas avec les sources développées plus haut.

Il est globalement avéré que Pakenham prit 8 pièces à Thomières, et Le Marchant 5 autres lors de ses charges dans le secteur tenu par Maucune. Tirlet en perdit 2 lors de son décrochage final, et toutes celles déployées sur le Grand Arapile, probablement 4 de Ferey, y furent abandonnées, ce qui nous amène à 19 pièces. Ajoutons celle perdue par Clausel le 18 et nous atteignons bien 20 !

Pourquoi donc alors Napier et tous les auteurs français n’en donnent que 11 à 12 ? Probablement parce-qu’ils n’auront eu accès qu’au rapport de Lamartinière, et que ce général n’aura pas eu lors de l’établissement dudit rapport l’information des pertes subies par la Réserve d’Artillerie.
Ensuite le manque de sérieux des copieurs successifs aura donné créance aux erreurs.

Toujours est-il, mais je l’ai déjà dit, que si je suis parvenu à faire coller ces chiffres, cela ne colle toujours pas du point de vue des calibres perdus. De fait, si 12 pertes sur 20 relèvent des divisions d’infanterie, cela laisserait 8 pertes au débit de la Réserve et du Parc. Or Oman annonce la prise de la totalité des sept 12£ et du 3£, ce qui fait bien huit... Mais quid alors des 4 pièces supposées perdues par l’ARC, on l’a vu bien maltraitée dans la déroute de Thomières, or 4x4£ cela «colle» !

Si le mystère ne reste pas entier, et je suis fier d’avoir contribué à le dévoiler en partie, il demeure des zones d’ombre impossibles à dissiper sans avoir sous les yeux le document d’archives original.
Si d’aventure quelqu’un l’a copié ou peut le voir je suis preneur des informations relatives et ferai le nécessaire pour que mon nouvel OB des Arapiles soit encore plus juste que le plus juste d’avant.

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Re: 1812. L'artillerie française aux Arapiles

Messagepar MANÉ Diégo sur 29 Sep 2020, 21:27

Il n'y avait pas de pièces françaises de 6 en Espagne, dis-je depuis toujours, car l'Empereur avait sagement décidé de n'y envoyer que du matériel Gribeauval.

La raison première était que ce système équipait l'artillerie espagnole et que l'on était sûr de "recruter" sur place matériel, pièces de rechange et munitions à l'envi, ce qui se vérifia la guerre durant.
La raison seconde était qu'en même temps le système de l'An XI remplaçait graduellement le Gribeauval aux autres armées françaises en Europe.
Ce remplacement était achevé en 1812 lors de la campagne de Russie, où n'entrèrent en fait de Gribeauval que les pièces de 4 de la jeune Garde revenues d'Espagne... Quoiqu'il en soit, tous calibres et systèmes confondus, aucun canon français ne ressortit de Russie.

Mais voilà que dans le message précédent j'évoque 4 canons de 6 ayant doté une batterie à cheval de l'Armée de Portugal après les Arapiles, et l'oeil vif et humide (normal pour un Père Castor) de Thierry Melchior l'a vu et s'en est ouvert sur les FJH.

" Il semble y avoir eu des exceptions puisque Diégo parle de pièces de 6 livres dans le message qu'il a posté aujourd'hui dans le sujet sur « l'artillerie française aux Arapiles " !


Eh bien je persiste et signe. "Pas de pièces françaises de 6 en Espagne". Celles dont je parle et qui équipèrent une batterie de l'artillerie à cheval française de l'Armée de Portugal après les Arapiles ne sont à mon avis même pas l'exception qui confirme la règle car, j'insiste, il ne peut s'agir de pièces françaises.
Il n'existe alors aucune raison pour cela. Ni ordres en ce sens, car l'intelligente décision impériale de n'employer que du Gribeauval n'a pas changé, ni pénurie de matériel Gribeauval dont on a dirigé des centaines de pièces capturées sur la France.
Non, le seul problème était qu'Il y avait bien plus d'artilleurs et de canons disponibles que d'animaux de trait pour les tirer.

Alors une explication ? Je vous en donne une, la seule plausible que j'aie trouvé, mais que je n'ai pu conforter par une preuve tangible, et quand je vous aurai dit quoi vous comprendrez pourquoi, le cas échéant, on ne s'en sera pas vanté.

Il s'agissait très probablement de pièces de 6 britanniques de capture. Non prises aux Anglais sur un champ de bataille car il n'y en eut pas, mais saisies dans un port espagnol dans un lot d'armes et de munitions dont les Anglais abreuvèrent la Péninsule*.
Elles devaient dormir à l'arsenal de Burgos qui permit de réarmer l'Armée de Portugal après ses pertes des Arapiles, car l'arsenal de Valladolid tomba aux mains de Wellington avant qu'on puisse enlever les canons qu'il contenait (pas de chevaux, pas le temps, pas le moral, pas le tout, quoi !).

* 124 canons en 1808-1809, 58 livrés en 1812 aux troupes espagnoles du nord.

Nous savons que ces matériels britanniques, qui plus est neufs, étaient supérieurs, au moins en "souplesse" (ce qui dut plaire à des artilleurs à cheval) aux vieux Gribeauval franco-espagnols. Rien d'étonnant dès lors à ce que nos "hussartilleurs" aient préféré se réarmer avec, à l'instar de nos fantassins qui délaissèrent leurs vieux fusils (ah ! Noiret !) Charleville à chaque fois qu'ils tombèrent sur un lot de Brown Bess flambant neufs et munitions à gogo avec de la bonne poudre anglaise !

"L'approvisionnement de ces pièces de 6 livres devait être contraignant contrairement à celui des pièces type Gribeauval qui pouvaient utiliser les munitions espagnoles !"


Les Britanniques étant d'une extrême générosité dans la dotation de munitions accompagnant ces matériels, du moment qu'il s'agissait de les utiliser contre les Français, il n'y a jamais eu, à ma connaissance, de pénurie relative. Probablement des centaines de coups par pièce livrée. D'ailleurs, compte tenu des célèbres préceptes "il ne faut pas gâcher"... et "il faut rendre à César ce qui appartient à César", autant consommer ces munitions en les tirant dans les tripes de leurs fournisseurs, quitte à détruire les canons vides ensuite. Moi, à la place de nos artilleurs à cheval de l'époque, je n'aurait pas résisté au "Deal", et crié "Enjoy" avant chaque décharge !

Bon, nous nous sommes un peu éloignés de l'artillerie française aux Arapiles, pardon, mais tant que je suis dans le péremptoire, puisque je travaille en parallèle sur l'artillerie française à Waterloo, petit écart éphémère de même pas trois ans (et après je m'arrête), je conclus ce message comme je l'ai commencé :

Il n'y avait pas de pièces françaises du système Gribeauval à Waterloo !

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Re: 1812. L'artillerie française aux Arapiles

Messagepar MANÉ Diégo sur 31 Oct 2020, 15:00

Ayant eu l'opportunité de consulter l'Historique des 3e d'artillerie (à pied et à cheval) j'ai pu constater que les pertes d'artilleurs n'ont pas été "conséquentes" à la bataille des Arapiles.

En effet, le 3e d'ARP eut 2 hommes tués, et la 7e Cie du 3e d'ARC eut 1 canonnier tué. Il n'est pas mentionné de blessés ni de prisonniers alors qu'il y en a probablement eu. Nonobstant, le faible nombre de tués est indicatif de pertes globales faibles, les canonniers ayant eu le temps de comprendre ce qui allait leur arriver s'ils restaient seuls "aux pièces".

L'Historique donne pour 1812 (sans préciser davantage la date) l'information suivante pour le 3e d'ARP.

9e Cie, 71 h, à la 3e DI
10e Cie, 67 h, au grand parc
15e Cie, 82 h, à la 2e DI
19e Cie, 70 h, au grand parc
20e Cie, 82 h, au grand parc

Pour le 3e d'ARC il n'est mentionné que la 7e Cie qui faisait partie de la Réserve d'artillerie.
------------

Par ailleurs est apparue une lueur d'espoir pour les éléments qui nous manquent afin de préciser les affectations divisionnaires des pièces ; les documents qui potentiellement les indiquent ont été repérés aux Archives Nationales et un volontaire s'est présenté pour les consulter dès que possible, soit le 21 février 2021 lui a-t-on répondu...

"Mais c'était avant le drame, bien entendu", soit l'annonce du confinement v2, qui risque de compliquer les choses "non urgentes"... Or celle-ci attend depuis 2,08 siècles, donc patience !

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