Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

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Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 20 Aoû 2020, 19:15

J'ai reçu d'un internaute le message ci-dessous, que je relaie avant d'y répondre. Dont'acte !
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Bonjour,

Originaire de la commune d'ASSIEU, Isère, située entre Vienne et Roussillon, je m'interroge quant aux circonstances qui ont accompagné le meurtre de Mathias BETZKA en date du 16 avril 1814, ledit étant natif de Bohême et appartenant à un régiment autrichien de chevau-légers "première colonelle" - tel que relaté dans le registre d'état civil de la commune de St Romain de Surieu contiguë à celle d'Assieu, où le corps a été finalement retrouvé le 23 mai 1814.

Après recherches sur internet relatives à l'Armée autrichienne du Sud ayant opéré sous les ordres du Prince Héréditaire de HESSEN-HOMBURG durant cette période du premier semestre 1814, je n'ai à priori repéré qu'une unité de chevau-légers : Chevau-léger N° 4 "Vincent" appartenant à la Brigade GM Scheiter.

D'après mes sources cette Brigade Scheiter était initialement intégrée fin 1813 et début 1814 à la Colonne BUBNA und LITTITZ qui était entrée en France via la Suisse et s'était répandue sur le Bugey et la Savoie jusqu'à arriver aux portes de Lyon avant d'être refoulée vers la Suisse par l'Armée de Lyon.

Elle a ensuite dû être intégrée au sein de la 1ère Division FML Lederer du 1er Corps d'armée FML Bianchi puisqu'elle elle figurait dans l'ordre de bataille de la Bataille de Limonest le 20 mars 1814, prélude à l'abandon de la défense de Lyon et à la retraite de "l'Armée de Lyon" en direction de Vienne puis Valence.

Il m'intéresserait que vous puissiez me confirmer la cohérence de cette analyse.

Ensuite je vous saurais gré de bien vouloir m'indiquer si l'Armée autrichienne du Sud - notamment sa Cavalerie et singulièrement les Chevau-légers - a effectivement poursuivi l'armée d'Augereau en direction de Vienne puis Valence ce qui légitimerait la présence du Chevau-léger Mathias BETZKA dans la forêt du village d'Assieu en date du 16 avril 1814. Si vous pouviez m'éclairer quant aux circonstances de cette présence - mission dévolue à un escadron déterminé, la "première colonelle" correspondrait-elle au 1er escadron du Chevau-légers N° 4 qui en comportait 6 ? - vous feriez un homme comblé.

Pour l'heure je m'en remets entièrement à vos compétences et me réjouis par avance de votre éclairage.

Bien amicalement à vous.

Yves BERNARD
MANÉ Diégo
 
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Re: Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 20 Aoû 2020, 19:25

Bonjour Yves,

Concernant votre recherche, je vous confirme d’abord la bonté de votre analyse préalable concernant le parcours du Chevau-Légers n° 4 «Vincent» de l’Armée autrichienne du Sud.

Voici l’OB de la Division LEDERER au 15 mars 1814.

1ère Division : FML LEDERER, 3.416 h, 6 pièces
Brigade GM Scheither, 3.416 h
Jägers n° 5 (M), survivants du 11/03, 4 compagnies, 393 h
Grenz IR n° 7 "Brooder", Oberst Von Weinzierl, 1 bataillon, 620 h
Chevau-Légers n° 4 "Vincent", Oberst Gallois, 6 escadrons, 821 h
Hussards n° 1 "Kaiser Franz" (Hongrie) , 2 escadrons de Vélites, 300 h
Dragons n° 4 "Würzburg", Oberst Zarczynski, 4 escadrons, 486 h
Hussards de la Légion Austro-Allemande, Oberst Peuz, 6 escadrons, 756 h
Batterie de Cavalerie (type würst), 6 pièces
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Après l’évitable défaite de Limonest le 20 mars 1814, Augereau abandonne Lyon et se replie sur Valence. Tout ce qu’il y a de satisfait de ce résultat absolument inespéré, le prince de Hessen-Homburg se contente ensuite de venir border l’Isère (prise de Romans début avril) tout en portant sa gauche vers le Dauphiné et Grenoble où, loin de l’influence néfaste d’Augereau, ses lieutenants résistaient.

Il se passe donc peu de choses dans le secteur qui vous intéresse, et ce peu de choses se trouve résumé dans l’ouvrage suivant :

Weil, Commandant M.-H.,
«La cavalerie des armées alliées pendants la campagne de 1814», T4, Paris, 1896.

Dont voici les passages présentant un intérêt pour votre recherche.

Page 433 : "Résumé des mesures prises (par les Autrichiens) contre le soulèvement national et des dernières opérations des partisans et des paysans armés."

Bien que cela ne concerne pas directement ce qui a pu se passer à Assieu, cela souligne le «climat» qui a pu y jouer un rôle.
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Page 436 : les Autrichiens s’emparent de Romans (2-3 avril).

Page 438 : Le gros des troupes du 1er corps (autrichien) de Bianchi est mis en cantonnement entre Tain et Saint-Vallier.

«La division Lederer fut seule chargée de garder Romans et de fournir des postes de surveillance depuis le confluent de l’Isère et du Rhône jusqu’aux environs du village de La Rivière, près du point où la route de Valence à Genève aboutit à la rive droite de l’Isère.»
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Page 444 : Arrivé le 5 avril à Rives le prince de Hessen-Homburg, décidé à prononcer son mouvement contre Grenoble avec le corps de Wimpfen, donne le 8 avril ordre à Bianchi de se rapprocher de lui en remontant la rive droite de l’Isère.

Page 446 : Mais, informé le 9 avril des événements de Paris, le prince arrête ses colonnes et les ramène sur leurs anciennes positions.
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Suivit une sorte de statu-quo, au moins dans le secteur qui vous intéresse.
C’était donc l’armistice. La guerre était (peut-être) finie...

Mais pas pour tout le monde, certains militaires ayant continué à se battre (surtout dans le Dauphiné), mais aussi et surtout pour les populations, partisans et paysans armés, qui ne furent probablement par plus informés que cela.

C’est peut-être dans ce contexte que certains ont pu saisir l’occasion de nuire encore un peu à l’ennemi qui se croyait préservé par l’armistice. Peut-être ?

Je ne connais pas les détails de la péripétie qui coûta la vie au soldat autrichien, ni pourquoi on parle de «meurtre» en temps de guerre (l’armistice n’est pas encore la paix).

Je suis en revanche étonné que l’individu ait apparemment été tué alors qu’il se trouvait seul, ce qui, en principe, est rare pour des soldats en campagne. Je suppose aussi que le cheval, les armes et équipements n’ont pas été retrouvés.

Peut-être un messager se croyant en sécurité ? Mais alors il faudrait blâmer son chef de l’avoir envoyé seul dans une zone apparemment pas «sécurisée» alors que très récemment encore les Autrichiens avaient eu à «mâter» à coups de fusils les populations rétives de l’Ain, de la Loire et du Dauphiné. Qu’il y ait eu ne serait-ce qu’un «rétif» armé dans la forêt d’Assieu est bien possible... et suffisant.
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Enfin «première colonelle» étant du féminin ne s’attache pas à l’escadron, mais à la compagnie, ou à la «division» de deux escadrons qui était l’unité tactique de la cavalerie autrichienne.

Il pourrait alors s’agir de la 1ère compagnie de la «division colonelle» (commandée au combat par le colonel du régiment) contracté en «1ère colonelle». Un escadron comptait 2 compagnies. Betzka était donc dans la meilleure compagnie de son régiment, la première du premier escadron de la 1ère division, qui comptait les meilleurs soldats. C'était donc assurément "un brave".

La 2e division était en principe commandée par le lieutenant-colonel, la troisième par le 1er (le plus ancien) des Majors (commandants = chefs d’escadron).
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Voila ce que je peux vous dire en l’état. Ayant avec votre accord mis la question en ligne sur Planète Napoléon, elle trouvera peut-être parmi notre lectorat attentif un écho susceptible d’enrichir les éléments de réponse, ce qui s’est souvent produit.

Cordialement,

Diégo Mané
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Re: Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 20 Aoû 2020, 19:33

Voici la réponse d'Yves Bernard à mon message précédent.
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Bonsoir Diégo,

Tout d'abord un immense merci à vous pour ce faisceau d'informations qui éclaire de manière décisive mon questionnement.

De fait étant particulièrement profane sur la période napoléonienne, le seul examen d'internet ne me permettait pas d'y répondre de manière pertinente, notamment pour la période d'avril 1814 dans la région d'Assieu pour laquelle je n'avais aucune visibilité.

Je me suis donc résolu à rechercher la compétence là où elle se trouvait! Et vous en remercie encore vivement.

S'agissant de votre proposition d'étendre la question à l'ensemble des adhérents de Planète-Napoléon il va de soi que j'y adhère volontiers et sans réserve d'anonymat. Plus on est ........

En vous renouvelant encore toute ma gratitude recevez mes plus amicales salutations.

Yves

P.S: je ne vous ai pas précisé que le lieu-dit de la forêt d'Assieu où Mathias BETZKA a été "homicidé" (selon l'expression retenue dans le document d'Etat civil) est depuis cette époque appelé " le RUSSE ".

Certainement un amalgame de la population locale, pour qui la retraite de Russie avait sans doute laissé un souvenir horrible, le soldat russe étant devenu l'archétype de l'ennemi ... Mais ça n'est qu'une interprétation.
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Re: Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 20 Aoû 2020, 19:45

Pour le lieu-dit "LE RUSSE" dans la forêt d'Assieu, cela indique en effet que pour la population locale c'était un Russe qui avait été "homicidé" à cet endroit.

Savoir que le Chevau-Légers n°4 "Vincent" portait une tunique verte, donc de la même couleur que les uniformes de l'infanterie russe, ce qui a probablement conduit à "cataloguer" la victime dans le même "sac".

Cela signifie aussi que ceux qui l'ont catalogué de la sorte n'avaient qu'une très vague idée de la composition des forces les ayant envahis, lesquelles ne comptaient que des troupes autrichiennes ou allemandes, n'ayant aucun Russe dans leurs rangs. Mais ils n'étaient pas de chez nous, çà c'est sûr !

Si le vert désignait le Russe, le blanc désignait l'Autrichien, amenant parfois des erreurs du même genre, y-compris de la part de militaires. Il en fut ainsi du colonel des Gardes du Corps prussiens, abattu par le feu d'un carré français à Haynau en mai 1813 alors qu'il portait le Kollet blanc de son régiment. Le sergent qui l'avait tué crut avoir occis un "prince Autrichien"... Or l'Autriche n'était pas encore entrée en guerre. Ce détail "accessoire" n'était pas du niveau de notre pourtant vétéran. Vert ou blanc, c'est pas bleu. Je tire !

Diégo Mané
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Re: Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 24 Aoû 2020, 19:51

Je relaie un nouveau message d'Yves Bernard.
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Bonjour Diégo,

J'ose abuser à nouveau de votre bienveillance.

De fait le document d'Etat-civil de la commune de St Romain de Surieu s'avère établi par le maire GIVORS en conformité avec l'Avis du Procureur du Roi du 26 mai 1814.

Il est indiqué que cet avis fait suite à la découverte sur la commune de St Romain de Surieu en date du 23 mai 1814 par ce même Procureur du Roi et par le Juge d'instruction en charge de l'affaire du cadavre qu'ils identifient comme étant celui du soldat BETZKA, qui avait été tué sur la commune d'Assieu le 16 avril 1814.

Sans doute la disparition à cette date du soldat BETZKA avait dû susciter des recherches par les militaires autrichiens et une demande d'enquête transmise à la justice française. Les "références" de BETZKA étaient donc connues du Procureur et du Juge qui avaient dû diligenter des recherches sur l'itinéraire supposé du chevau-léger. Aussi le rapprochement entre le cadavre découvert et BETZKA n'a-t-il dû être qu'une simple formalité.

Mais sans doute cette enquête a-t-elle dû mettre en évidence le détail des conditions dans lesquelles BETZKA a été" homicidé" - à 4 heures du soir -. Par qui ? Comment ? Pourquoi ?......... Et ce sont ces éléments qu'il m'intéresserait de connaître. Et voilà le pourquoi de mon appel car je ne sais pas où trouver les archives du Ministère de la Justice retraçant cette affaire. Archives nationales ou départementales ?

Je vous remercie de votre patience et vous renouvelle mes amicales salutations.

Yves.
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Re: Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 24 Aoû 2020, 19:58

Bonjour Yves,

Pour votre complément d'enquête je crains de ne pouvoir être d'une grande utilité.

Ni que les documents que vous pourriez trouver aux Archives départementales de l'Isère* (à Grenoble) vous en apprennent davantage, genre qui à "homicidé" le soldat autrichien ? Et pourquoi ? Même si, bien sûr, on peut en avoir une idée moins que vague, bien que trop "générique" (Partizannn !).

Et que, de toutes façons, sans aveux circonstanciés de l'auteur, cet auteur peut-être n'importe qui, y compris un gentil camarade de régiment la victime. Je suis désormais curieux d'apprendre qui fut "l'homicideur", et j'espère donc que votre enquête aboutira.

Quand ? En revanche et curieusement, semble parfaitement connu : le 16 avril à 4 heures du soir !?!
Un coup de feu juste après les quatre coups du clocher, avant de trouver la victime tuée par balle ?

* Il semble que les archives judiciaires y soient (série U, ai-je lu).

Je mettrai nos messages sur Planète Napoléon, des fois que quelqu'un en sache plus.

En revanche je peux apporter un petit plus après avoir examiné le document que vous avez communiqué.

Le régiment "Vincent" est bien mentionné, mais le nom est "pris" dans la reliure et en partie masqué (on ne distingue que "vin..." :

"... soldat au régiment autrichien Vincent Chevau léger de la première colonelle...".

Il me semble aussi que le nom de ce malheureux était peut-être BETHZKO au lieu de BETZKA,
ce qui peut-être peut aider pour des recherches en état-civil.

Cordialement,

Diégo Mané
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Re: Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 25 Aoû 2020, 15:29

Je relaie un nouveau message de Yves Bernard.
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Rebonjour Diego,

Et à nouveau un grand merci à vous pour toutes ces précisions ainsi que la parution sur votre site.

D'abord pour le "Vi" de "Vincent" qui n'a pas échappé à votre sagacité alors que j'étais passé allègrement sur cet indice!

S'agissant de l'orthographe du soldat BETZKA si elle apparaît comme telle dans la marge de l'avis de décès et dans le récapitulatif annuel ( cf :pièce jointe ) le maire GIVORD l'écrit "BETHZKA" ou "BETHZKO" dans le corps du document ce qui ne laisse pas de nous interroger quant à ses capacités d'officier d'état civil.

Quoi qu'il en soit j'enregistre les 2 orthographes pour la suite des événements.

En ce qui concerne l'archivage éventuel de cette affaire judiciaire j'ai fait une demande dans ce sens aux Archives de l'Isère Sous-préfecture de Vienne.

Wait and see

En vous remerciant encore de l'intérêt que vous portez à cette question , recevez Diégo mes plus amicales salutations.

Yves.
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Re: Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 28 Aoû 2020, 16:52

Nouveau message de Yves Bernard ; la solution !
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Bonjour Diégo,

Toujours dans ma quête relative à cette affaire, je vous livre le récit des faits résultant de la tradition orale recueillie auprès d' " anciens ” du village d'Assieu :

En date du 16 avril 1814, alors que l'empereur Napoléon a abdiqué et que les troupes coalisées occupent la région, se présente à Assieu l'un de ces soldats étrangers accompagné de deux chevaux. Il s'agit sans doute de l'ordonnance d'un officier qui veut rejoindre le gros de son régiment via LA CHAPELLE DE SURIEU et BELLEGARDE POUSSIEU. Il demande son chemin alentour. Deux habitants, non sans arrières pensées quant aux chevaux, se proposent de l'accompagner pour lui montrer le chemin à travers bois. Arrivés au lieu-dit Les Conches, avec l'aide d'un bûcheron exerçant sur les lieux, la petite troupe règle son compte au soldat et va l'enterrer quelques centaines de mètres plus loin, à la limite d'Assieu et de St Romain de Surieu. Quant aux deux chevaux ils les attachent dans une combe proche afin de ne pas attirer l'attention dans le village.

Deux jours plus tard, une troupe de l'armée d'occupation se présente à Assieu à la recherche de l'ordonnance disparue. Elle suit le chemin que celle-ci aurait normalement dû emprunter, pénètre dans les bois, et, au passage vers la combe, entend les hennissements les deux chevaux affamés. Elle soupçonne le sort funeste réservé à leur camarade. La troupe redescend dans le village, leur chef menaçant de le faire brûler si on ne lui indique pas où se trouve le soldat.

Le maire est mis devant le fait accompli et incite ses compatriotes à la délation. Les coupables sont ainsi vite dénoncés et amenés sur le lieu de l'ensevelissement. Ils doivent déterrer le cadavre, aller chercher de l'eau au village et effectuer la toilette du défunt.

L'affaire est ensuite mise entre les mains de la justice du - nouveau - roi Louis XVIII - c'est le sens de notre recherche faite auprès des archives de l'Isère pour corroborer ce qui précède - , l'un des " homicideurs " n'ayant pas survécu longtemps au soldat BETZKA car décédé à Assieu en août 1814.

Par la suite, les habitants d'Assieu, peu au fait des réalités politiques et géographiques de l'époque, ont dénommé le lieu de l'enterrement de l'ordonnance Mathias BETZKA, le "RUSSE" bien qu'il fût ostensiblement natif de BOHEME tel que constaté dès le 1er juin 1814 dans le registre d'état civil de St Romain de Surieu.

Je tenais à vous faire part de ces éléments compte tenu de votre contribution essentielle à cette recherche.

Pour compléter encore l'approche, pourriez-vous m'éclairer quant à la dénomination de "VINCENT" associée au 4ème CHEVAU-LEGERS : était-ce le nom d'un personnage célèbre de l'histoire militaire autrichienne ? auquel cas pourquoi ce nom d'origine apparemment française ?

Merci encore pour votre investissement.

Très cordialement.

Yves.
MANÉ Diégo
 
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Re: Le brave soldat Betzka, Chevau-Légers n° 4 "Vincent"

Messagepar MANÉ Diégo sur 28 Aoû 2020, 17:45

Bonjour Yves,

Finalement c'est la piste locale (Payzannn !), la plus logique, qui l'emporte.

Les Autrichiens ont été bien accommodants, leurs "amis" Bavarois auraient probablement brûlé le village, quand bien même les coupables aient été dénoncés. Qu'un seul ait "perdu la vie" dans l'affaire n'est pas cher non plus. Logiquement les trois auraient du "y passer". Comme je le subodorais le "problème" est venu des chevaux...

Pour votre dernière question, en effet Karl Baron de Vincent était une "personnalité", tant militaire que politique, de l'Empire d'Autriche. Né en 1757 à Florence, il était Français, Lorrain pour être plus précis, et pour cette raison attaché aux Habsbourg (-Lothringen !), entrant à leur service.

En 1790 il est capitaine aux déjà célèbres "Dragons de Latour", le futur "Chevau-Légers de Vincent" dont il deviendra l'inhaber (propriétaire) de 1806 à sa mort en 1834 à Nancy. Il sera dans l'intervalle passé par tous les grades, étant General-Major (general de Brigade) à Hohenlinden 1800, et Feld-Marechal-Lieutenant (général de division) à Ebersberg, Aspern-Essling et Wagram 1809. En 1815 il est l'officier de liaison autrichien auprès de Wellington, probablement le seul Autrichien blessé à Waterloo !

Le Baron de Vincent était de ces généraux-diplomates. Il remplit de hautes missions diplomatico-militaires dès 1806 à Paris où intrigue déjà (en fait depuis toujours) son ami Talleyrand. Il est le représentant du Kaiser Franz lors de "L'entrevue d'Erfurt" en 1808. Il est l'ambassadeur d'Autriche à Paris en 1814 après la chute de Napoléon, et l'est encore à son retour. Poste qu'il retrouvera après la deuxième abdication de l'Empereur, et conservera jusqu'en 1826... Etant dans l'intervalle nommé en 1818 General der Kavallerie (équivalent Général de Corps d'Armée). Prend sa retraite en Lorraine.

Alors oui, effectivement, une "célébrité" autrichienne de l'époque.

Ajoutons que "son" régiment (il en était "propriétaire") jouissait d'une réputation méritée depuis longtemps et qu'il entretint malgré son changement de nom, notamment en sauvant la situation au soir du premier jour de Wagram. Le 10e Légère français venait de couronner le plateau au-dessus de Baumersdorf. L'infanterie autrichienne de Hohenzollern flottait, prête à se débander, offrant la victoire aux Français...

Survient l'archiduc Charles qui s'adresse au régiment de cavalerie autrichienne du secteur : "Chevau-légers de Vincent, n'êtes-vous plus les Dragons de Latour ?" -Si, si, se récrient les soldats en brandissant leurs sabres, nous le sommes !! Alors suivez-moi, reprend l'archiduc, et bien que blessé il mène en personne les charges. Il en faudra trois pour repousser le 10e légère qu'Oudinot avait laissé sans soutien, reportant la victoire de 24 heures avec 50000 tués et blessés supplémentaires à la clé.

Donc un grand régiment, aussi "grand" que son propriétaire. Ils allaient bien ensemble !

Diégo Mané
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