[Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 03 Juin 2020, 09:36

        8) Étude critique de l'accord final d'évacuation du 30 août (appelé par erreur "Convention de Cintra")

        Le préambule présente les négociateurs, et s’appuie sur ce qui a été décidé le 22 pour la suspension d’armes du lendemain. On y fait mention de l’amiral anglais, mais plus de la flotte russe, malgré les désidératas des Français. Junot en est très chagriné, mais ne peut rien y faire, l'amiral russe jouant son rôle dans son coin.

        L’article I spécifie que toutes les places fortes et lieux occupés par les Français seront livrés en l’état où ils se trouvent à la signature ; l’article II que les Français évacueront avec armes et bagages, sans être considérés prisonniers de guerre et seront libres de servir une fois débarqués.

        L’article III que les autorités anglaises devront mettre à disposition les moyens de transport adéquats, et que la destination de l’armée transportée sera un port non spécifié situé entre Rochefort et Lorient.

        L’article IV précise que l’artillerie embarquée sera celle de calibre français, avec ses chevaux, les caissons remplis de 60 coups par pièce. Le reste du matériel d’artillerie, les arsenaux tant terrestres que navals et leurs contenus seront rendus aux Anglais dans l’état où ils sont à la signature de l’accord.

        Jusque-là, rien de particulier, même si on a vu que les chevaux transportés sont un vol manifeste des Français au Portugal, mais contre lequel on ne peut rien faire, étant survenu avant la convention et se trouvant impossible à prouver sans de longues investigations contraires au but premier de l’accord du côté anglais, à savoir libérer rapidement l’armée anglaise pour d’autres opérations. Le choix de la zone de débarquement a pour but évident de différer autant que possible le retour des troupes dans la Péninsule, puisqu’il faudra que les soldats marchent depuis la Vendée ou la Bretagne jusqu’à l’Espagne. C’est de bonne guerre et accepté, ce qui n’aurait peut-être pas été le cas si on avait parlé de Boulogne et Anvers…

        L’article V essaie de préciser ce qui est entendu par « avec armes et bagages », article rendu nécessaire quand le Lt-Colonel Murray a vu la tendance française à emporter tout ce qui n’était pas fermement fixé au sol sous l’intitulé « bagages militaires ». L’autorisation est limitée à la caisse de l’armée, les chariots de l’intendance et de l’hôpital militaire. Le général en chef français est autorisé à vendre tout ou partie de ces éléments s’il le désire, et les éventuels acheteurs sont protégés contre d’éventuelles poursuites après l’évacuation, ce qui est nécessaire pour qu’il y ait justement des acheteurs. Une autre autorisation est donnée aux individus de vendre tout ou partie de leur propriété personnelle (quelle qu’elle soit) sur place, avec la même assurance pour les acheteurs éventuels.

        L’article VI autorise l’embarquement des chevaux de la cavalerie et de tous les officiers, en précisant que, les Anglais ayant peu de transports de chevaux (au 25 août, les transports des 200 chevaux du 20th LD, des 2 troops de l’Irish commissariat et les 600 chevaux du 2nd LD KGL), ils feront leur possible pour trouver d’autres transports sur place. Le fait que ce soient des chevaux portugais n’est pas pris en compte.

        L’article VII signale que l’embarquement se fera en trois vagues pour des raisons de volume, la dernière constituée essentiellement des troupes de places fortes, des équipages, des blessés et malades et de tout ce qui n’a pu être transporté avant. Le premier tiers est prévu pour partir dans les sept jours suivant l’accord, le plus tôt possible.

        L’article VIII précise que les garnisons de Elvas, Peniche et Palmatella embarqueront à Lisbonne et celle de Almeida à Oporto, ou un port plus proche s’il y en a un.

        L’article IX traite des blessés non-transportables lors de l’évacuation. Ils seront confiés à la garde de l’armée anglaise, et seront rapatriés dès qu’ils seront en mesure de voyager, par groupes de 150 à 200 si possible.

        L’article X précise que les navires anglais ayant servi à transporter les Français doivent être avitaillés au plus tôt une fois le débarquement effectué, ne pas être retenus plus que nécessaire, et être garantis contre la prise jusqu’à leur prochaine relâche dans un port ami. (Logique, quoi).
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 05 Juin 2020, 03:52

        Les articles XI et XII précisent les positions des armées ennemies. Les Français se regrouperont dans un rayon de deux lieues autour de Lisbonne et les Anglais s’approcheront de la ville à trois lieues. Les forts de San Julian, Bugio et Cascaes seront livrés aux Anglais immédiatement, et la ville de Lisbonne et ses fortifications au moment de l’embarquement du 2e tiers des forces françaises, ainsi que tous les navires, arsenaux et éléments flottants de la rade de la ville. Les garnisons des places tenues par les Français seront avisées par le Général en chef anglais de l’accord, et ce dernier en informera aussi les forces assiégeantes pour quelles cessent les hostilités. C’est là qu’il aurait été prudent, politique et rationnel d’appointer un commissaire portugais aux négociations, peut-être pas avec droit de véto, mais la prévalence anglaise sur les forces portugaises n’est encore que théorique. Si les assiégeants autochtones décident de dire « crotte » à leurs auxiliaires victorieux mais un poil envahissants, le général en chef anglais s’est ici engagé implicitement à les combattre pour dégager ces forteresses…

        L’article XIII prévoit la nomination de commissaires des deux côtés pour s’assurer de l’exécution des termes de l’accord. Le XIV dit qu’en cas de litige, celui-ci sera réglé en faveur des Français. Oman trouve cet article « étonnant », mais il est présent dans toutes les capitulations de la période que j’ai pu voir ; c’est une précaution qui permet de débloquer une situation qui pourrait faire échouer l’accord.

        Le XV annule et termine tout arriéré de contribution, réquisition ou autre, restant dû à l’armée française à la date de la signature sur la période d’occupation commencée en 1807. Idem pour d’éventuels séquestres mis sur des biens matériels ou immatériels, dont la jouissance est rendue à leurs propriétaires initiaux. Il précise aussi que l’armée française et tous ses membres doivent payer les dettes contractées au Portugal avant le début de l’embarquement. Les Français vont se faire fortement tirer l’oreille pour respecter ce terme, et finalement partiront sans vraiment l’avoir rempli.

        Nous verrons les articles XVI et XVII plus tard, ils sont particuliers et forment la partie vraiment inacceptable de la convention.

        L’article XVIII porte sur la relâche des prisonniers espagnols du port de Lisbonne, et annonce que le général en chef anglais va demander en échange la relâche des prisonniers français faits sur le territoire portugais en dehors des combats (nominalement, le général Quesnel capturé à Oporto et emmené en Espagne ensuite, et le général Maurin capturé à Faro et remis à la Royal Navy), le XIX annonce un échange immédiat des prisonniers entre les deux armées signataires, et le XX l’échange d’otages de rang minimum d’officier supérieur de la part de toutes les parties pour garantie de l’exécution du présent accord. Ils doivent être rendus au débarquement de la 3e partie des troupes en France.

        Le XXIe article autorise Junot à envoyer en France, sur navire anglais, un officier supérieur à Bordeaux ou Rochefort, pour prévenir de l’accord conclu, et le dernier que le général en chef français et son état-major doivent être transportés sur des navires de guerre. Visiblement, Junot n’a pas envie de goûter le confort des transports anglais.

        Les trois articles supplémentaires signalent que les civils de l’armée française doivent être relâchés immédiatement, que cette même armée subsistera jusqu’à son évacuation sur ses magasins, et confirme que l’armée anglaise doit permettre l’entrée à Lisbonne du ravitaillement nécessaire à la vie de la capitale.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 07 Juin 2020, 07:55

        L’article XVI, donc, indique que les ressortissants français, ou des puissances alliées à la France, seront protégés, qu’ils soient domiciliés au Portugal ou présent dans le pays « par accident » (j’aime beaucoup le terme…) Leurs propriétés, tant meubles qu’immeubles, doivent être respectées, et ils doivent avoir la liberté, soit d’accompagner l’armée française dans son retrait, soit de rester sur place.

        Quelque soit le cas, ladite propriété leur est assurée, et ils doivent avoir la possibilité soit de la garder soit de la vendre, et d’en faire passer le produit de la vente en France ou dans n’importe quel pays où ils décideraient de s’établir. Il leur est donné un an pour réaliser cette vente à dater de la signature de la convention. Une précision est insérée disant que cette liberté ne s’applique pas au transport (c’est à dire que le transport ne sera pas assuré gratuitement par les navires rapatriant l’armée), et que cette stipulation ne peut servir de prétexte à une quelconque spéculation.(je me demande bien comment Dalrymple pense pouvoir vérifier et s'opposer à cela).

        l’article XVII stipule que les Portugais ne doivent pas être rendus responsables de leurs agissements durant l’occupation du pays par les Français. Ceux qui ont continué à remplir leurs offices sous l’administration française ou ont accepté des charges de cette même administration ne doivent pas être inquiétés, et leur propriété doit être protégée sous l’égide de l’armée anglaise, car "ils ne leur a pas été laissé le choix d’obéir ou non au gouvernement français". Ils leur est aussi laissé la possibilité de se prévaloir des spécificités de l’article XVI.

        Au premier abord, ces deux articles semblent être frappés au coin du bon sens ; mais c’est oublier complètement les limites fixées par les ordres envoyés par le gouvernement anglais. En gros, l’armée est envoyée au Portugal pour libérer le pays, et coopérer avec les autorités locales. L'article XV était déjà limite, en ce qu’il ne traitait pas de matière militaire, mais civile ; mais il agissait pour le bien de la population portugaise, donc peut être accepté dans l’esprit plutôt que dans la lettre.
        Dans ces deux articles, le général en chef déborde tellement de ses prérogatives qu’il se comporte en proconsul.

        Et n’oublions pas que l’autorité de gouvernement insurrectionnelle, la Junta d’Oporto, n’a aucune partie à la négociation, Dalrymple a juste informé son envoyé à son état-major qu’il négociait pour l’évacuation du pays par les Français. Il ne possède aucun blanc-seing pour négocier des éléments de police comme ces deux articles, qui sont du ressort plein et entier du gouvernement civil.

        l’article XVI, en plus, s’il était suivi par des ressortissants français, créerait un noyau d’espions et d’agitateurs potentiels au cœur même du pays et de la capitale. La vente des propriétés ainsi garantie constituerait aussi pendant la première année une source d’évasion de numéraire, élément qui va faire défaut à tous les généraux anglais aux commandes jusqu’en 1814.

        Fort heureusement, les Français du Portugal, ainsi que les Portugais compromis, vont sentir le vent tourner, et s’éclipser avec l’armée, ne faisant que de piètres essais de vente des immeubles présents au Portugal, et personne ne se présentant pour acheter, vont abandonner cette part de leurs avoirs, qui seront réquisitionnés par le futur conseil de régence reconstitué.

        En fin de compte, le général anglais va signer le texte, en informer l’envoyé de la Junte portugaise, et totalement oublier d’envoyer le texte au gouvernement anglais jusqu’au 7 septembre, alors que le premier contingent français est en route pour la France. Il le fera, étant installé dans la bonne ville de Cintra, d'où le nom donné par erreur à l'accord.

        Les mauvaises nouvelles étant la seule chose voyageant plus vite que la lumière, les envoyés de la Junte d’Oporto à Londres auront des brouillons de l’accord signé le 30 août dès le 1er septembre, et protesteront de façon véhémente contre le comportement de l’état-major anglais au Portugal, en particulier des articles XV, XVI et XVII qui sont hors du champ militaire. La cabale médiatique qui va suivre entraînera même le conseil des échevins de Londres à réactiver une de leurs prérogatives datant du XVe siècle pour présenter au Roi une demande pour qu’il diligente une enquête sur les généraux envoyés commander en Péninsule. Ce que le Roi, sans doute passablement exaspéré de l’initiative, les remerciera, en leur faisant remarquer qu’il n’a pas besoin de leur demande pour lancer une telle enquête.

        Et pendant ce temps-là, le gouvernement ne peut rien répondre, vu qu’il n’a aucune nouvelle de Dalrymple…
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 10 Juin 2020, 07:31

        9) Accord maritime séparé -Problèmes d'application de la convention terrestre

        Du côté des « ptits bateaux qui font des ronds dans l’eau », l’accord qui sera conclu séparément entre les amiraux verra les navires russes escortés jusque dans un port anglais, où ils seront gardés « en gage » et non comme prise, « jusqu’à 6 mois après la paix », et les équipages rapatriés en Russie sur navires anglais sans être prisonniers de guerre. La marine russe est en effet très opposée à l’alliance française, qui ne lui apporte rien, et la met en opposition à la Royal Navy pour pas grand-chose, et cet échange de bons procédés en tient certainement compte.

        Les journaux d’opposition anglais tenteront de généraliser le mécontentement dû au traité terrestre au maritime, disant que l’amiral aurait dû insister pour recevoir les navires en prises, mais il n'y aura aucun écho dans le public pour ce point de détail. Les navires seront gardés jusqu’en 1812, et les neuf navires de ligne et une frégate encore « bons de mer »* seront rendus lors du traité de coalition.

        * Un navire en bois sans maintenance se détériore rapidement.

        L’accord dit de Cintra une fois signé, il fallait encore le faire appliquer. Pour les troupes de Lisbonne, pas trop de soucis, si ce n’est que l’atmosphère de la capitale, quand il a été su que les Français allaient partir, est passée de « électrique » à « tempétueuse ». Les assassinats de soldats esseulés se sont multipliés, les manifestations aux cris de « morts aux Français » sont devenues régulières, et même si elles se limitent à beaucoup de bruit, elles vont déterminer les personnes les plus impliquées dans la collaboration avec les Français à choisir l’exil plutôt que de risquer « la vie d’après ». Certaines personnes haïes des Portugais, comme le général Loison, ne peuvent plus sortir de leur cantonnement sans une forte escorte militaire.

        De l’autre côté de la baie, les insurgés de l’Alentejo, sous la direction du gouverneur des Algarves (aussi appelé « Monteiro Mor » ou « Maître de Cavalerie » d’après sa position à la cour du prince Jean), qui s’étaient repositionnés pour mettre le siège sur les places de la côte encore tenues par les Français, vont protester et se plaindre de l’accord qui les force à cesser leur blocus. Cela restera une protestation verbale et les troupes occupantes ne seront pas plus longtemps menacées.

        Il est à louer la résilience de ces insurgés qui, battus de façon répétées par les Français, reviennent encore tenter leur chance avec un courage notable.
        Les places de Peniche et Almeida seront remises sans problèmes aux envoyés anglais, l’annonce du retrait négocié ayant été transmis par la Junta d’Oporto aux paysans armés maintenant le blocus; pour Elvas, un autre protagoniste va rentrer en jeu.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 11 Juin 2020, 04:02

        10) Interférence de l'Armée d'Extremadura - extraction de la garnison d'Elvas

        Le blocus autour de cette forteresse est en effet tenu, non par des Portugais, mais par des Espagnols. Or si la Junta d'Extremadura accepte l’accord « de Cintra », et relâche même ses prisonniers appartenant à l’Armée du Portugal en accord avec l’article XVIII, il n’en est pas de même pour le capitan general de la province ! Celui-ci, un certain Galluzo, refuse de se sentir concerné par l’accord anglais et de retirer une brigade menée par le général de Arce qui assiège le Fort La Lippe où se sont réfugiées les troupes de la garnison.

        Cette brigade, armée d’une batterie de campagne, fait de risibles efforts pour bombarder le fort, et envoie régulièrement des demandes de capitulation au commandant assiégé, qui les traite par le mépris. Ce comportement pourrait certes se comprendre militairement, mais en revanche, ce qui est totalement inacceptable c’est que l’officier espagnol en charge en profite pour piller la province portugaise, levant de force des contributions en nature et en numéraire pour son propre bénéfice. Il va jusqu’à vider la caisse des troupes portugaises regroupées par le général Loti (le battu d’Evora, que les Anglais appellent Leite), se rendant totalement insupportable auprès des Portugais qui pourtant sont prêts à pardonner beaucoup à leurs alliés.

        Les troupes d’Extremadura sont appelées en même temps a grands cris à Madrid par la Junta Central pour faire partie de l’offensive contre les Français, mais Galluzo va s’obstiner dans son refus jusqu’à la mi-octobre, et donc ne sera pas présent pour le début de l’offensive de Napoléon.

        Pour en revenir au siège du fort La Lippe, il faudra pour que le général de Arce accepte de lâcher son os que Dalrymple vienne sur place avec le 20th soutenu par deux brigades anglaises complètes sous le commandement de Sir John Hope. Tout cela va retarder la levée de ce blocus jusqu’au 8 octobre, date à laquelle les deux premières tranches de retours sont terminées depuis longtemps.

        Le 2e Suisse et les quatre compagnies du 86e composant cette garnison seront donc les dernières troupes à quitter le Royaume. Les Suisses, diminués d’un certain nombre de soldats ayant décidé de ne pas rentrer, et qui seront incorporés dans le 5/60th, et les Français de deux compagnies perdues quand le transport les contenant va sombrer corps et biens dans le golfe de Gascogne. Plusieurs centaines de Suisses du 4e Régiment et une partie de la légion hanovrienne vont de la même façon faire défection avant l'embarquement et renforcer respectivement le 5/60th et la KGL.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 13 Juin 2020, 04:57

        11) Comme des enfants de cinq ans dans un magasin de bonbons...

        La commission prévue à l’article XIII sera constituée dès le 31 août, elle se compose du général Kellermann du côté français, et côté britannique, du lieutenant-général Beresford (dont c’est la première apparition au Portugal, et qui « parle portugais », en fait « baragouine et a des notions assez vagues de syntaxe et de grammaire dans cette langue » serait plus juste) et de lord Proby (que vient-il faire dans cette galère ?). Elle va essentiellement devoir se pencher sur la définition de ce qui est, ou n’est pas, un bagage militaire…

        Les officiers français, du général en chef au simple sous-lieutenant, ont en effet une idée très large de ce qui peut être autorisé ou plutôt prévoient d’emporter tout et n’importe quoi selon le principe du « pas vu, pas pris » ; Il faudra donc fouiller tous les bagages pour limiter les abus. L’exemple vient d’en haut, puisque l’aide de camp de Junot, Lagrave, partant pour la France le 31 avec le texte signé, s’est éclipsé avant que la commission ne commence ses travaux, et ses bagages n’ont pas été fouillés. Il a emporté, pour le compte de son chef et entre autres, une bible en quatorze volumes, manuscrite et illustrée par les meilleurs artistes du début de la Renaissance Florentine, cadeau d’un Pape du XVe siècle au roi Emmanuel du Portugal. La veuve de Junot la vendra plus tard au gouvernement français pour 85000 francs. On est donc au courant, pour l'éventuel reste et ce qu'il a emporté pour son compte propre, par contre, mystère. Il serait extrêmement étonnant qu'il soit presque le seul à ne pas avoir voulu partir les poches pleines.

        Ce même général en chef, après la signature de l’accord, fera irruption dans les locaux du Deposito Publico de la cour suprême du Portugal, où sont stockées les sommes provenant de successions litigieuses le temps que la justice tranche, et s’appropriera 25000 £ de cash qu’il sera très difficile de lui faire rendre. On trouvera aussi dans ses bagages cinquante-trois grosses caisses d’indigo, d’une valeur de 5000 £, ainsi qu’une grande quantité de spécimens rares provenant du musée d’histoire naturelle de Lisbonne.

        Dans ceux du général Delaborde seront récupérés une grande collection d’oeuvres d’art sacré en provenance des églises de la capitale. Dans les bagages de la quasi-totalité des officiers seront trouvés de nombreux ustensiles sacré en métal précieux, saisis au départ pour payer les contributions ordonnées par Napoléon, et qui ont mystérieusement glissé de la caisse de l’armée jusques dans les biens privés desdits officiers.

        Cette même caisse de l’armée contient de l’or en barre pour une valeur d’un million de livres, mais le trésorier général français essaiera de décamper sans solder les nombreux comptes débiteurs ouverts par le gouvernement français auprès de marchands privés de Lisbonne. Il faudra mettre aux arrêts ce trésorier, un certain Thonnellier, et le menacer de le laisser en prison après l’évacuation française pour qu’il accepte de payer. Au final, les Français quitteront le Portugal avec en caisse l’équivalent de trois mois de paye pour toute l’armée, et laisseront sur place des centaines de créanciers sans recours. Ces détails sont rapportés par Thiébault, qui, en tant que chef d’État-major, a pu les constater et les déplorer.

        Toutes ces déprédations feront que les garnisons d’Elvas et d’Almeida, embarquant respectivement de Lisbonne et d’Oporto après tout le monde, verront leurs bagages arrêtés et pillés par la populace exaspérée, et devront s’en aller contents avec ce qu’ils portaient sur eux, les troupes anglaises ayant beaucoup de mal à empêcher les manifestants d’envahir les transports pour faire un sort aux évacués. Néanmoins, après cet embarquement, il ne reste au Portugal de soldats français plus que quelques dizaines de malades et blessés graves qui seront regroupés avec les blessés anglais dans un entrepôt de Lisbonne. Ceux qui survivrons seront rapatriés au printemps 1809 par les soins de Wellesley, après son retour au commandement.

        On peut néanmoins dire que dès le 15 octobre 1808, la présence de l'Armée du Portugal sous les ordres de Junot est terminée, et le but de la convention dite "de Cintra" est atteint. On peut supposer aussi qu'à cette date, un général anglais un tant soit peu travailleur et dégourdi aurait recherché les routes carrossables jusqu'à la frontière, cherché à communiquer avec la Junta Central d'Espagne pour une idée d'action commune, et constitué un train logistique pour soutenir son armée en campagne. Il aurait aussi profité du besoin d'aller récupérer les garnisons de Almeida et Elvas pour pousser la majeure partie de son armée sur la frontière, permettant une mise en ligne des 35000 Anglais disponibles dès avant le début novembre.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 15 Juin 2020, 08:18

      c) Conséquences anglaises de cette convention

        1) Problème constitutionnel au Portugal

        Mais nous n’en sommes pas encore là. Une fois le retrait des Français assuré, la première tâche à accomplir est de restaurer l’autorité légale du royaume du Portugal. Constitutionnellement, elle réside dans le Conseil de Régence nommé par le prince Jean, mais cette institution n’a jamais été rassemblée à cause de l’arrivée des Français, et une partie de ses membres se sont compromis avec l’occupant, et donc ont perdu toute légitimité.

        L’autre entité qui a une légitimité patriotique de par sa contribution à la libération nationale est la Junta d’Oporto ; mais c’est une entité auto-proclamée, et son influence dans la moitié sud du Royaume est théorique hors l’autorité religieuse de l’évêque qui est à sa tête.

        Une solution élégante et efficace à ce problème est celle proposée par Wellesley à Dalrymple, demander au Conseil de Régence de proclamer sa restauration, la déchéance de ses membres compromis, et faire pression pour qu’elle coopte à leur place les membres les plus éminents de la Junta d’Oporto.

        On aurait donc continuité dans l’obéissance aux ordres du Prince-Régent, prise en compte des agissements indignes des membres déchus et intégration des forces patriotiques ayant œuvré activement à la libération du pays, sans que l’action anglaise n’apparaisse directement. Peut-être parce que c’est une suggestion de Wellesley, le général en chef anglais ne va pas la suivre.

        Ce qu’il va faire, c’est faire publier une proclamation annonçant que le Conseil de Régence est rétabli, et lui demandant de remplacer ses membres défaillants. Il blesse ainsi une fois de plus l’amour-propre portugais, ne fait pas mention de la Junta qui a amené à la libération du pays, et se comporte une fois de plus en proconsul, allant à l’encontre de la volonté affichée de son propre gouvernement.

        Heureusement pour lui, il a affaire à des vrais patriotes de part et d’autres ; la Junta d’Oporto, à l’annonce du rétablissement du Conseil de Régence, va publier son acceptation de l’autorité dudit Conseil et sa propre dissolution, et le Conseil va coopter l’évêque d’Oporto à un poste vacant, en même temps que le Monteiro Mor et deux courtisans envoyés du Brésil par le Régent.

        Ce conseil de régence cooptera assez vite un membre supplémentaire de nationalité anglaise pour faire la liaison avec l'armée qui maintient son indépendance. Il constituera une autorité rétrograde, chicaneuse, népotique et un peu nombriliste, qui fera à peu près tout ce qu'elle pourra pour gêner le futur Wellington dans ses actions, ledit Wellington de son côté n'étant pas non plus très regardant vis-à-vis des réalités du gouvernement d'un pays comme le Portugal. Ce duo ira cahin-caha jusqu'à la paix de 1814, et dans l'ensemble fonctionnera plutôt mieux que si le Prince Régent était revenu du Brésil.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 18 Juin 2020, 14:48

        2) Départ de Wellesley - mise en place de la commission

        Revenons à Wellesley ; malgré l’arrivée de nouvelles troupes, il est resté sans commandement et sans place attribuée dans l’organisation (si tant est qu’il y en ait une) de l’armée anglaise au Portugal. Questionné par Castlereagh sur une éventuelle campagne en Espagne, il a pointé l’ouest de la Castille et les Asturies comme position la plus efficace de l’armée anglaise, avec comme bases de repli les ports d’Oviedo ou La Coruña.

        A cet endroit, elle est à même de menacer le flanc de l’armée française en Espagne (dont la taille réelle est masquée aux Anglais par les chiffres sous-évalués des Espagnols) sans compromettre sa propre sécurité. Moore suivra plus ou moins les lignes de ce plan de campagne qui lui sera envoyé par Castlereagh.

        Dalrymple lui a bien proposé tout d’abord une place d’envoyé auprès de la Junta Central d’Espagne pour servir de liaison et préparer la coordination des armées coalisées, puis une mission en Asturies pour préparer la future campagne. Wellesley lui a répondu un peu vertement qu’il n’était ni arpenteur ni géomètre, et que d’aller à Madrid sans avoir la moindre idée de ce que les forces anglaises au Portugal avaient décidé de faire, la confiance de leur commandant et les moyens qu’elles possédaient, était une perte de temps totale.

        Il a donc demandé (et obtenu) l’autorisation de rentrer au Royaume-Uni le 18 septembre. Avant de partir, il a affirmé à Moore qu'il le tenait comme la seule tête pensante militaire au Portugal, qu'il était désolé de n'avoir pu servir sous ses ordres, et que le général en chef anglais devait être changé si on voulait voir l’armée débarquée dans la Péninsule être utile.

        Il s’embarque à Lisbonne le 20 septembre et arrive à Portsmouth le 4 octobre. En débarquant, il apprend deux nouvelles importantes. La première est que Castlereagh a envoyé le 25 du mois dernier leurs lettres de rappel à Dalrymple et Burrard, et que l’armée du Portugal est mise sous les ordres de Moore. Il ne perd pas de temps pour proposer au nouveau général en chef de retourner au Portugal pour servir sous ses ordres, et en attendant reprend son poste de sous-secrétaire pour l’Irlande sous Lord Richmond, avec qui il est resté en contact épistolaire et qui l’accueille à bras ouverts.

        La deuxième n’est pas aussi réjouissante, c’est qu’il est considéré comme partie prenante dans les agissements de son chef au Portugal, et que les ennemis de la gouvernance indienne de son frère en ont profité pour traîner le nom des Wellesley dans la boue.

        La décision royale de créer une commission d’enquête sur la fin août au Portugal n’arrivera que le 14 octobre, et cette commission ne commencera ses auditions qu’un mois plus tard. Il est donc demandé au jeune Lieutenant-general de suspendre ses préparatifs de départ pour se préparer à paraître devant ladite commission. Les auditions et la délibération dureront jusqu’au 22 décembre, il ne participera donc pas à la campagne de Moore.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 21 Juin 2020, 06:46

        3) Composition, travaux et décisions de la commission

        Les membres de la commission sont sept :

        - Le General Sir David Dundas, l’auteur du manuel de manoeuvres de l’infanterie anglaise
        - Le General Lord Heathfield, fils du défenseur de Gibraltar dans les années 1780
        - Le General Lord Moira, futur Gouverneur Général des Indes
        - le Lieutnant-General Comte de Pembroke
        - le General Craig
        - le General Nicholls
        - Le Lieutnant-General Sir G. Nugent

        Tous officiers à grande ancienneté, bien connus des cercles du haut commandement anglais, et assez peu enclins à se décider pour l’audace et contre la prudence. Seul parmi eux Lord Moira a commandé en chef, pendant la guerre d’indépendance américaine, assez bien puisqu'il a gagné la bataille de Hobskirk's Hill.

        Les travaux de cette commission vont porter sur six questions se rapportant aux décisions post-21 août, à savoir :

        - La décision de Sir Heny Burrard de ne pas poursuivre au soir de Vimeiro était-elle justifiée ?
        - Sir Dalrymple a-t-il fait une erreur en ne suivant pas l’avis de Wellesley de marcher le lendemain en direction de Mafra ?
        - L’offre d’armistice de Kellermann devait elle être acceptée le 22 ?
        - Si oui, les termes de la convention étaient-ils trop favorables ?
        - La convention de Cintra était-elle justifiée dans les circonstances alors présentes ?
        - Enfin ses termes étaient-ils raisonnables et appropriés ?

        L’intitulé même des questions pointe vers une décision consensuelle, que la commission ne manquera pas de donner au final par quatre voix contre trois. La justification des décisions des généraux en chef sera néanmoins ternie par une tribune libre publié par les trois membres ayant voté contre la validation des décisions de commandement, stipulant qu’ils considéraient que le commandement de Dalrymple, bien que justifiable sur la forme, avaient privé les armes anglaises des résultats qu’on pouvait attendre de la victoire obtenue juste avant son débarquement.

        Plus encore, le Roi lui-même enverra une lettre officielle au général en chef au Portugal disant qu’Il désapprouvait son comportement durant toute la durée de son commandement. Une telle marque de réprobation royale, bien que dépourvue de toute valeur légale, (car le roi d’Angleterre n’a pas droit de regard sur l’Armée qui agit en Son Nom) peut être comparée à une marque d’infamie indélébile, et exclura son porteur de tout poste étranger ou commandement de prestige.

        Burrard, de son côté, ne demandera plus de commandement, et c’est sans doute dommage car il aurait pu être un subordonné fiable du futur Wellington, voire remplacer Murray sur la côte Est et fesser d’importance Suchet quand ce dernier s’est fourvoyé dans le second Castalla. Son emploi aurait aussi pu se faire aux Indes ou au Canada, qui n’ont pas toujours eu les officiers qu’ils méritaient.

        Le comportement de Wellesley durant les auditions montrera les pires aspects de son caractère, il se montrera hautain, acerbe, et contre-interrogera ses deux anciens supérieurs avec une acrimonie qui, à mon avis, lui aliénera une partie de la commission. Les autres interrogés, Dalrymple surtout, utiliseront des arguments plutôt casuistes pour se justifier, et brosser la commission dans le sens du poil, et quand on voit que la décision s’est jouée à une voix, le futur maréchal a sans doute mal joué sa partie, d’autant que tous les acteurs mineurs, Spencer, Ferguson et les autres officiers invités à s’exprimer, vont dénoncer la prudence des 22-23 août comme ayant fait échouer la majeure partie de la campagne.

        Mais nous sommes alors dans la deuxième quinzaine de décembre 1808, et une autre campagne dans la Péninsule est venue distraire l'opinion publique anglaise, permettant une clôture des auditions dans une certaine indifférence.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 23 Juin 2020, 05:01

      d) Situation des troupes anglaises avant la campagne de Moore

        1) Reprise en main de l'armée et prévisions de campagne en Espagne

        Revenons au Portugal dans les tous premiers jours d’octobre.  Dalrymple est parti le 2, laissant le commandement à son second, Sir Burrard, avec Moore en commandant en second ; les deux généraux s’entendent bien, malgré toutes les circonstances qui auraient du produire le contraire. Mais ils sont tous deux d’abord facile et travailleurs, semblant avoir développé à cette occasion une relation très amicale, et se mettent immédiatement au travail pour permettre à l’armée de bouger au plus vite.

        Ils sont à la tête de 35000 hommes, avec instruction de se porter en Espagne pour se coordonner avec les armées espagnoles contre les forces françaises au nord-est de Burgos. Mais il est impensable de laisser le Portugal sans troupes, et certaines unités ne sont pas capable d'entrer en campagne pour le moment. Certes, Moore est venu avec ses batteries bien attelées et sa cavalerie montée, mais l’artillerie de l’ancienne armée de Wellesley ne peut même plus compter sur les expédients qu’elle a utilisée jusqu'à Vimeiro, et le 20th LD est à peu de chose près une une unité démontée.

        Le 7 arrive une missive du gouvernement anglais mettant assez arbitrairement Moore aux commandes des troupes d’opérations, Burrard étant pour le moment chargé de rester au Portugal avec les troupes restantes. Il est laissé à la décision des commandants sur place la décision de se déplacer vers la zone qui leur est assignée dans le déploiement espagnol par terre ou par mer. Moore choisit la route terrestre, car les premiers rapports arrivant des ports asturiens signalent une impossibilité totale de créer un train logistique sur place.

        Les nouveaux généraux en chef se rendent compte que pendant le mois de septembre leur prédécesseur a commencé beaucoup de préparatifs, mais n’en a vraiment poussé aucun. Le commissariat est plus ou moins dans l’état où Wellesley l’a laissé le 21 août, aucune reconnaissance n’a été menée sur les routes de sortie probables du Portugal, alors que Dalrymple a poussé deux brigades jusqu’aux alentours de Elvas pour faire partir D’Arco et que le 6th a été envoyé en garnison à Almeida.

        Ils n’ont pas non plus d’informations ou de cartes sur ce qu’il se passe au-delà de la frontière, et pour l’immense majorité des autochtones présents à Lisbonne en date du 6 octobre, c’est un peu comme si le monde se terminait à 50 km de la capitale. Il faut donc improviser.

        Du côté de la coordination avec les Espagnols, Dalrymple a envoyé à Madrid à la place de Wellesley, Sir William Bentinck, et une importante correspondance a été échangée entre le chef anglais et le général Castaños qu’il connaît bien. Résultat de cet échange épistolaire, rien ! Pas une information géographique, pas une indication d’axe d’offensive prévue, sans doute parce que le haut-commandement espagnol n’a aucune idée de ces éléments militaires primordiaux. Le 22 octobre arrive à Lisbonne un Colonel Lopez, envoyé espagnol de la Junta Central comme liaison pour la logistique en Espagne, plein de bonne volonté et d’affirmations sur la situation au-delà de la frontière, mais qui semble aussi inexpérimenté dans son travail que ses contreparties anglaises, voire plus.

        Côté intendance, rien n’a été envoyé de plus que ce que Wellesley a été autorisé à emporter d’Irlande ; et la courte campagne depuis le Mondego a démontré que les chariots à quatre roues anglais sont trop lourds, trop larges et trop encombrants pour les routes portugaises. On a pu faire avec les chariots des paysans locaux, renouvelés à chaque bourgade importante car les paysans refusent à chaque fois d’aller plus loin. Cette ressource, si jamais par hasard elle se prolongeait jusqu’à la frontière, est presque sûre de faire défaut en Espagne, où les armées natives et françaises sont déjà passées. Les officiers du commissariat sont eux-mêmes novices dans leur métier, et pas un ne connaît un traître mot de portugais, donc même pour ceux qui sont bien intentionnés, réussir quoi que ce soit tient de l’exploit personnel.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 25 Juin 2020, 05:12

        2) Interrogations de Moore et départ en campagne

        Néanmoins Moore et Burrard vont réussir l’exploit de mettre en branle toute leur armée en une dizaine de jours, et le 18 toutes les troupes présentes à Lisbonne sont en marche ou prêtes à partir.

        Castlereagh a informé Dalrymple vers la fin septembre qu’une forte colonne de renforts, estimés à 13000 hommes, allait le rejoindre, avec un gros contingent de cavalerie dont l’armée du Portugal est peu fournie. Ces troupes, sous Baird, sont rassemblées à Cork dans les derniers jours de septembre, et arrivent en majorité à La Coruña autour du 13 octobre. Par une erreur attendue et parfaitement évitable du haut commandement anglais, la brigade de hussards (7th, 10th et 15th LD) est en retard de trois semaines, et ne débarquera dans le port espagnol qu’entre le 7 et le 15 novembre…

        Le 27 octobre, Burrard a été rappelé lui aussi, Moore lui-même quitte Lisbonne avec la brigade Hill, et les deux dernières unités, le 3rd et le 50th partent les deux jours suivants. Beresford (1/9th, 2/43rd, 2/52nd) et Fane (1/38th, 1/79th, 2/95th) prenant la route de Coimbra-Celorico, Bentinck (1/4th, 1/28th, 1/42nd) et Hill (1/5th, 1/32nd, 5/60th) avec une brigade d'artillerie de 6 léger la route Abrantes-Guarda, Alten (1st & 2nd Light KGL) et Anstruther (3rd, 50th et ??) la route Elvas-Alcantara, et enfin le 18th LD (hussards), le 3rd LD KGL (hussards), les 2nd, 36th,71st et 92nd avec 36 pièces sous Hope, la route Elvas-Almaraz.

        Restent au Portugal le 20th LD, la 1ère (1st & 2nd Line Bn KGL) et la 4e (5th & 7th Line Bn KGL) brigades d’infanterie de ligne (qui n’ont pu être équipées pour la campagne) et quatre batteries d’artillerie de la KGL qui ont cédé leurs chevaux à l’artillerie anglaise, plus les 2/97th et 1/40th. Parmi les 20th, 1/36th, 1/82nd, 1/91st, un fait partie de la brigade Anstruther et Catlin Craufurd commande les 3 autres ; j’ignore aussi leur route, car l’embrigadement sera changé une première fois à l’arrivée de l’infanterie à Salamanca, une deuxième fois à l’arrivée de la colonne Hope et pour la marche de concentration avec Baird, puis une troisième fois après cette jonction.

        Si tout s’était bien passé, il est probable que l’armée de Moore serait entrée à Salamanca autour du 13 novembre, à temps pour jouer un rôle dans la bataille pour Madrid. Malheureusement, son plan initial de marcher pour Ameida et Ciudad Rodrigo par trois routes, à savoir Coimbra-Celorico, Abrantes-Castello Branco-Guarda et Elvas-Alcantara-Coria, est mis à mal par l’information tout à fait erronée qui lui est donnée à Lisbonne qu’aucune de ces routes n’accepte le trafic sur roues, donc l’artillerie, et qu’elles sont peu recommandées pour la cavalerie.

        Oman dit qu’il aurait pu réfléchir au fait que les canons lourds ne poussent pas aux branches des arbres, que ceux d’Almeida sont bien venus de quelque part, et que les guerres de succession espagnole ou de 1762 ont vu des armées passer à cet endroit sans problèmes, mais cette réflexion est quelque peu biaisée, et Fortescue en parle, car la forteresse et ces événements sont assez anciens pour que la route qui a servi ait été partiellement détruite par les pluies d’automne et d’hiver, et jamais réparée car sans utilité pour les paysans locaux qui utilisent des mules.

        Le général Anstruther, alors commandant Almeida, doit être tenu pour principal responsable de cette erreur, pour avoir laissé circuler de telles informations non vérifiées, alors qu’il était passé par ces routes, et avait pu juger par lui-même de leur état, mais il est encore plus incroyable que personne n’ait été capable de lui révéler que quelques mois auparavant Loison avait été capable de transporter du canon tout d’abord de Lisbonne à Almeida, puis d’Almeida à Vizeu, et enfin d’Almeida à Abrantes, sans problèmes particuliers. Loison toutefois a pu trouver la route passable en été sans que ce soit le cas au milieu de l’automne.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 27 Juin 2020, 09:20

        3) Première étape vers Salamanca - péripéties en attendant Hope.

        Le général anglais admettra lui-même dans une missive adressée à Hope, envoyée de Guarda pendant sa progression vers la frontière, que son acceptation passive qu’il n’existait aucune route carrossable entre la capitale et l’une de ses deux seules routes d’approvisionnement extérieure, était inexcusable.

        Il va donc envoyer six de ses sept batteries, ses deux régiments de cavalerie et quatre bataillons sous Hope, par Elvas puis Almaraz-Talavera, ce qui constitue un énorme détour. il existe un seul pont sur le Tage reliant Badajoz et Ciudad-Rodrigo, à Alcantara. On a vu que l’année précédente, la marche de Ciudad-Rodrigo à Alcantara avait coûté à Junot toute son artillerie et entre 25 et 50 % de ses forces. La colonne anglaise qui y est dirigée, informée sans doute de la difficulté de la route, moins pressée, ne comportant que de l’infanterie et mieux dirigée, traversera sans encombre cette zone.

        La colonne Hope passera par pont d’Almaraz et Talavera, se trouvant alors aux premiers jours de décembre presque à portée de frappe de Napoléon qui va prendre Madrid. Mais le risque sera de courte durée, et l’Empereur ne sera pas informé qu’il aurait pu facilement rendre ainsi l’armée de Moore totalement impotente en la privant de cavalerie et d’artillerie. Cette proximité permettra aussi à Hope de croiser la route de San Juan et des débris qui restent des troupes défendant Somosierra, puis de recevoir deux envoyés de la Junta central qui lui parlent de la grande victoire espagnole du 30 novembre où San Juan a sauvé Madrid ; il est même possible que ce soit lui qui les décille sur la réalité de la bataille tellement la Junta a évité de faire connaître la vérité.

        La colonne principale arrivera à Salamanca autour du 13 novembre, et y sera forcée à l’inactivité en attendant Hope et/ou Baird. Auparavant, le général anglais a fait une halte à Ciudad-Rodrigo, où le 6th pendant sa garnison, a eu un comportement déplorable du commandant au simple soldat. Moore va même confirmer une sentence de pendaison contre un soldat, lui qui est adversaire farouche des châtiments corporels. Il réunira l’ensemble des officiers pour les tancer vertement, leur expliquant qu’ils ne feraient pas la campagne car ils étaient incapables de commander leurs soldats.

        La menace annoncée s’ils ne s’amélioraient pas est de demander l’échange avec une autre unité pour incompétence généralisée. En 1811 Wellington mettra en pratique une menace similaire à l’encontre du 85th qui s’est mal comporté et sera échangé avec le 68th. Une fois revenu en Angleterre, l’intégralité des officiers (sauf un rescapé) du 85th sera remplacée, le retour au pays dans ces conditions n’est donc pas quelque chose à prendre à la légère.

        Le général Moore passera trois semaines à Salamanca, particulièrement éprouvantes, apprenant régulièrement un nouveau désastre survenu à l’armée espagnole qu’il est venu soutenir, alors que par sa mauvaise décision il ne peut rien faire et doit absolument passer inaperçu pour que sa faiblesse ne le transforme pas en cible prioritaire. Ses demandes de renseignements sur les forces en présence sont ignorées ou lui parlent d’armées dont il a appris la déroute auparavant. Un exemple, au début de sa marche vers Astorga et Benavente, la Junta central, qui est alors à Badajoz, lui dit que La Romana est prêt à se coordonner avec lui et dispose de 40000 hommes parfaitement équipés. Or l’avant-veille, il a reçu une missive du même La Romana où celui-ci lui avouait n’avoir pour le moment que 5000 hommes sous les drapeaux, armés, mais à peu près nus, et n’avoir rien à leur donner à manger…

        Durant cette attente, il enverra le 5/60th à Almeida en garnison à la place du 6th qui semble s’amender. En effet, les nouvelles recrues « suisses » sont difficile à intégrer et désertent beaucoup. Ce sont même trois déserteurs de cette unité qui confirmeront de vive voix à Napoléon en décembre que Moore ne recule pas vers le Portugal, mais remonte au nord.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Juin 2020, 17:06

        4) Arrivée de Hope, remontée vers la plaine de Leon et Baird

        La colonne Hope arrivera heureusement le 4 décembre à Salamanca, permettant au général anglais de commencer à planifier sa campagne future, qu’il va penser tout d’abord en soutien de la résistance à outrance que les Espagnols lui affirment pouvoir attendre de la ville de Madrid. L’annonce de la capitulation au bout d’un seul jour va lui faire abandonner cette idée, au profit d’une réunion avec Baird et d’une campagne sur les arrières français, qu’il croit toujours environ 110000 en tout sur la foi des rapports espagnols, au lieu des 230000 qui sont déjà en Espagne.

        Il ne sera renseigné sur leur effectif réel que le 18 décembre, alors qu’il a tout son monde à proximité de Benavente, en même temps qu’une nouvelle anticipatrice que Napoléon s’est retourné contre lui et a passé le Guadarrama. Ce passage n’est réellement effectué que trois jours après.

        Le 12 décembre, après bien des nouvelles contradictoires, et aussi que John H. Frere, ambassadeur d'Angleterre à auprès de la Junta Central, dans sa bêtise, ait chargé un aventurier du nom de Charmilly de chercher à saboter l’autorité de Moore sur ses généraux, Moore quitte Salamanca pour se déplacer à Alaejos sur la route de Valladolid. Le but est le royaume de Leon et le corps de Soult qui est bien esseulé.

        La première étape prévue est Burgos, mais une missive de Berthier à Soult du 10 décembre, interceptée le 13 et présentée à lui le 14 au matin, lui fait obliquer plein nord. Elle contient en effet la position des corps français présents en Espagne, la composition du corps de Soult, à savoir deux divisions d’infanterie et une de cavalerie, indique à ce maréchal que Moore est en retraite sur Lisbonne et donc qu’il peut sans danger s’emparer de Leon, Zamora et Benavente.

        Moore y apprend que l’avant-garde de la Grande armée est à Talavera, prête à s’avancer vers Badajoz, Bessières à la poursuite de Castaños en direction de Valencia, Mortier avec le Ve corps en direction de Zaragoza, que la tête du VIIIe corps sous Junot était arrivée à Vitoria et serait rapidement concentrée à Burgos, et que l’Empereur avec la garde impériale (dont il apprend la présence) était à Madrid qui était calme et soumise. La route de Burgos est donc peu sûre, car le temps d’y arriver, il va trouver Junot en place, avec Soult sur sa gauche et le gros des Français capable de se placer sur la route du Portugal en quatre ou cinq marches. Néanmoins, à part Soult, voire Junot dans une moindre mesure, toutes les forces françaises sont loin de lui ; et son incursion au nord ne peut que forcer Napoléon à abandonner sa marche au sud pour venir à sa rencontre.

        Le même jour, la cavalerie de Steward rencontre des partis de dragons des troupes de Franceschi dans les environs de Tordesillas et les repousse, non sans que les dragons français n’aient pu distinguer la marche de l’infanterie anglaise cap au nord. Franceschi, se sachant en forte infériorité numérique, abandonne alors Valladolid le 15, jour du franchissement du Douro par Moore. La traversée est effectuée en deux colonnes, par Zamora et Toro, et le 20, Baird et Moore sont rassemblés autour de Mayorga, prêts à attaquer Soult qui est en position sur le Carrion.

        Pendant la marche, la cavalerie anglaise la masquant s’aperçoit que Valladolid est vide de Français, et un escadron du 18th LD y entre, capture l’intendant espagnol laissé là par l’armée française, et fait main basse sur environ 3000 £ qui étaient dans sa caisse.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 01 Juil 2020, 16:23

        5) La colonne Baird, création, composition et problèmes de débarquement en Espagne

        L’histoire de la colonne Baird est assez intéressante ; ce général reçoit ses lettres de service le 27 septembre, et ses troupes s’assemblent depuis Cork, Falmouth, et Portsmouth, vers le port de Yarmouth, dans les derniers jours de ce mois. Sa composition à l’embarquement est la suivante.

        Infanterie : (12298 R&F)
        1/1st et 3/1st Foot Guards, 3/1st, 2/14th, 2/23rd, 1/26th, 1/43rd, 51st, 2/59th, 2/60th, 76th, 2/81st, 1/95th (5 Coys), 2/95th (6 Coys)

        Cavalerie : 3100 R&F et autant de chevaux *
        7th, 10th et 15th Light Dragoons (hussards)

        Artillerie : 30 pièces de 6 ou 12 et obusiers légers, 976 chevaux**
        2 troops Royal Horse Artillery 308 R&F
        3 Companies Royal Foot Artillery 719 R&F

        Services : 3 troops Royal Waggon Train
        252 R&F avec 162 chevaux

        Troupes de garnison :
        3/27th et 2/31st qui continueront vers Lisbonne, libérant les 3rd et 1/50th pour la campagne.

        * Le chiffre donné pour la cavalerie est issu de Fortescue, mais il est absurde. J’ai l’embarquement return de deux des trois régiments (10th, 750 et 15th, 700 R&F), ce qui mettrait le 7th à plus de 1500 ! C’est impossible, et non corrélé après durant la campagne ; ce chiffre est donc biaisé :

        -soit en comptant le 4e régiment qui devait embarquer avec les autres mais finalement n’a pas été disponible (le 23rd LD, partira très tard d’Angleterre, arrivera à La Coruña après le début de la retraite et sera redirigé vers Lisbonne).
        -soit une erreur d’interprétation dans un document manuscrit, avec un 2 pris pour un 3, et 2100 est lui, parfaitement plausible.

        ** La présence d’une batterie de 6 pièces de 12 est avérée par le fait qu’il lui a fallu un attelage de 10 chevaux au lieu de 8 pour la tirer. Les pièces de 6 long et les obusiers ont eu besoin de 8 chevaux et les 6 légers se sont contentés de leurs 6.

        Sa cavalerie est encore absente de Yarmouth le 1er octobre, et les chevaux de son artillerie n’ont pas encore rejoint, mais le gouvernement anglais lui dit de partir comme cela, qu’ils arriveront vite. Pas bien rassuré par cette affirmation gratuite, il décide d’attendre au moins son train d’artillerie, et se fait vertement tancer par ledit gouvernement pour avoir cru mieux connaître son travail qu’eux. Il part donc le 11 et arrive en vue de La Coruña le 13 après une traversée très rapide.

        Une fois près du port, il apprend que la Junta de Galicia refuse tout net qu’il débarque, lui disant de se reporter plus à l’est, sans doute pour n’avoir pas à devoir fournir l’équipement à cette troupe. Or il sait que les ports des Asturies sont incapables de fournir les mules et les chariots dont il a besoin pour sortir de ces mêmes ports, la situation est donc dans l’impasse. Heureusement, le 19 arrive John Hookham Frere, ambassadeur du Roi d’Angleterre auprès de la Junta central, et porteur de 3 millions de dollars de subsides.

        Après s’être fait fortement tirer l’oreille, ce personnage accepte de négocier avec les Galiciens pour le débarquement des 13000 hommes qui "poireautent" dans les transports. Après que 15000 Espagnols destinés à l’armée de La Romana aient été détournés vers Le Ferrol (des fois que les Anglais s’emparent de La Coruña !), il est décidé d’envoyer un messager à la Junta Central de Madrid pour qu’elle tranche.

        La réponse de cette instance, arrivée le 22, sera que Baird peut débarquer s’il accepte de ne jamais avoir plus de 2 ou 3000 hommes dans et autour de la ville. Une fois ce nombre atteint, il doit les envoyer sur la route de Lugo et ne pas les rassembler avant être sorti de la province, sous prétexte de l’épuisement des ressources. Sur ce point, il est à remarquer qu’il faudra tout de même deux jours entier pour que Frere trouve 4 mules pour tirer sa voiture jusqu’à Madrid. l'épuisement n'est donc pas feint

        Après avoir beaucoup traîné les pieds, l'ambassadeur anglais laissera 300000 £ à Baird pour s’équiper et se mettre en route. Tous ces atermoiements cessent alors, et le général est autorisé débarquer le 26, et à concentrer son armée à Lugo, ce qui lui permettra d’attendre sa cavalerie. Le 4 novembre, toute sa colonne est rassemblée à l’exception de sa cavalerie et de l’artillerie à cheval qui l’accompagne.
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Re: [Portugal 1807-1808] Une campagne (anglaise) tronquée

Messagepar MASSON Bruno sur 03 Juil 2020, 05:23

        6) Une histoire de hussards anémiés (désolé, je devais la faire).

        Cette brigade de hussards a été envoyée avec tant de lente hâte qu’on a oublié de lui fournir des fers et des clous pour ceux-ci ! Donc au fur et à mesure que la campagne se déroulera, les cavaliers anglais seront d’abord ferrés partout, puis juste aux antérieurs (c’est dans cet état que les Anglais battront les cavaliers de Soult, puis on ne ferrera plus que un cheval sur deux aux antérieurs (état de la cavalerie anglaise à Benavente contre Les Chasseurs de la Garde) puis juste les pivots, enfin plus personne après Cacabelos.

        A l'arrivée dans le port espagnol, rien n'est disponible pour débarquer les chevaux, ils sont donc sortis de leurs cales surchauffées pour être placés dans des canots instables juqu'à la plage pour les chanceux, ou simplement mis à l'eau et obligés de nager jusqu'au rivage pour l'immense majorité. Un tel traitement sera très néfaste pour la santé des montures qui auront à prendre la route rapidement après. Heureusement, celle-ci est très bonne sur les premières étapes, pavée, large, et si elle monte fort, c'est progressivement.

        La première marche de La Coruña à Lugo, la pluie, le manque de ravitaillement, vont d’ailleurs rendre 170 chevaux incapables de continuer, et les cavaliers vont les ramener à pied au port, où ils vont retrouver 200 de leurs camarades hussards dont le transport a été intercepté par un corsaire français.

        Après avoir été dépouillés de leurs valeurs et de leurs armes, ces cavaliers et leurs montures ont été renvoyées à destination sous parole de ne plus servir durant cette guerre. Après donc un seul jour, on peut défalquer plus de 370 cavaliers des 2100 embarqués, qui rembarquent pour l’Angleterre avant le 20 novembre.

        Le 8 novembre arrivent les premiers transports de chevaux, sous le commandement de Lord Paget, ainsi que 500000 dollars en numéraire. Le 13 les retardataires du 15th LD sont à terre, et les avant-gardes de l’infanterie de Baird sont à Astorga, ce qui l’étage sur plus de 260 km de mauvaises routes. Le même jour il apprend la nouvelle de la défaite de Blake à Zornoza, puis le 18 à Lugo les prémices d’une seconde défaite du même général qui est sensé couvrir sa marche, et le 22 à Astorga il reçoit une série de nouvelles catastrophiques.

        Tout d’abord la confirmation de Espinosa, puis la défaite de l’armée d’Extremadura devant Burgos, l’entrée des Français à Valladolid et la présence de cavalerie française à Benavente, sur la route qui devait lui permettre de rejoindre Moore. Les habitants semblent avoir perdu l’envie de se battre, et aucune nouvelle des généraux espagnols ou de leur gouvernement ne lui parvient. Le 21, alors que les hussards du 7th campent sous tente à Guitiriz, ils sont attaqués par des loups, dont plusieurs sont tués.

        Deux jours après, il reçoit une missive de Moore lui apprenant qu'il recule vers Ciudad-Rodrigo, et que Baird doit se charger de sa propre sécurité ; le lendemain, il commence son mouvement rétrograde vers Vigo. Sur son chemin, il rencontre l’ancienne armée de Blake, maintenant sous les ordres de La Romana, dont il compte 5000 hommes, « à peine armés, sans uniformes, plus dangereux pour leurs propres officiers que pour l’ennemi ».

        Durant le trajet, le déjeuner des muletiers espagnols est un choc pour les Anglais, il est décrit ainsi:
        "une énorme quantité d'ail est coupée dans une poêle, puis recouverte d'huile et mise sur le feu. Quand le tout est assez chaud, du pain finement tranché est ajouté. Quand tout est bien mélangé, le contenu est transféré dans un plat et placé sur une table autour de laquelle les muletiers s'assoient, avec chacun sa cuillère en bois, qu'ils plongent dans le plat chacun à leur tour. Quand la partie solide est terminée, le plat fait le tour des convives, qui en boivent chacun une rasade jusqu'à ce qu'il n'en reste plus."

        le 7 décembre, Baird reçoit le contre-ordre de Moore lui demandant de revenir aussi vite que possible à Astorga, mais en même temps de préparer des dépôts en vue d’une retraite vers La Coruña, et d’envoyer Paget avec deux régiments et une batterie à Zamora pour réaliser la jonction au plus vite. C’est fait le 11 quand Hope avec l’avant-garde des troupes de Moore arrive dans cette ville.

        Une des premières décisions de Moore vis-à-vis de la colonne Baird sera de prendre un régiment de la brigade Slade (7th LD) pour l'intégrer à la brigade Steward, à l'encontre des demandes du Prince de Galles. En effet, Slade est un membre de l'entourage du Prince, mais Moore se rend compte immédiatement qu'il est incompétent dans son commandement. Steward de son côté, même s'il se prend pour le "Mini-Moi" de Castlereagh, et est somme toute assez stupide et plein de jactance, est un bon brigadier de cavalerie légère (les mauvaises langues diraient que c'est prévu dans le rôle).

        On a vu que le 20 l'ensemble de l'armée anglaise est prête à frapper, et le 21, à Sahagun, le 15th LD charge et disperse le 1er chasseurs provisoire et le 8e dragons de la brigade Debelle, alors que le 10th, retardé et égaré par Slade, n'arrive qu'à temps pour être pris pour des renforts français par Paget qui arrête la poursuite le temps de vérifier leur nationalité.

        C'est aussi environ à cette date que le 23rd LD arrive à La Coruña, avec Sir John Cradock qui a été envoyé commander les troupes restées au Portugal, et 700000 Dollars supplémentaires de subsides. A l'arrivée au port, une missive de Moore donne donc l'ordre au régiment de cavalerie de suivre Cradock, et l'argent est débarqué. L'armée de Moore en rencontrera une partie sur des mules dans la dernière partie de la retraite, les tonnelet de pièces seront brisés dans les ravins du bord de route et les mules employées par le commissariat pour d'autres usages.

        Voilà, la description des actions dans et autour du Portugal dans les deux premières années de la guerre d'Espagne est arrivée à un point qui est assez documenté pour que je n'aie pas besoin de plus m'étendre sur le sujet. Pour la fin de la campagne, je ne peux que vous conseiller la lecture du Livret de Campagne L3C15 « l’Aigle et le Léopard » écrit par Diégo Mané en 2003.
MASSON Bruno
 
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