par MANÉ Diégo sur 17 Avr 2019, 20:55
Diégo Mané, le 16/04/2019
Les amis,
Je viens de lire des passages éclairants des mémoires de Kléber sur la manière de combattre des Vendéens.
Ils méritent une citation in extenso que je produirai peut-être plus tard, mais voici déjà pour nourrir notre discussion.
P 478
1° Lorsque l'ennemi marche sur nous, il a ordinairement soin de disposer son armée sur trois colonnes, quelle que soit la position du terrain ; mais une observation assez générale, qu'il ne faut pas négliger, c'est que sa colonne de droite est presque toujours la plus nombreuse et formée de ses meilleures troupes.
La colonne du centre, munie de quelques pièces de canon, attaque, tandis que les autres s'étendent en tirailleurs le long des haies, mais toujours la droite fait la principale attaque.
2° Lorsque l'ennemi nous attend en ordre de bataille, sa colonne du centre est ordinairement placée sur une hauteur, tandis que ses lignes de droite et de gauche occupent des positions avancées le long des haies, dans des fonds, de manière à n'être pas aperçues, lorsque nous marchons sur une seule colonne. L'affaire s'engage au centre, et, tandis que nous nous déployons sur les ailes, la ligne de l'ennemi nous prend en flanc et cherche à nous couper.
3° (bataille de rencontre) Il n'y a point de données déterminées pour le troisième cas, sinon que l'ennemi cherche toujours à prendre sa position habituelle. Quant à nous, tout dépend du coup d'oeil et des ordres des généraux, mais on doit toujours se persuader que l'ennemi cherchera à dépasser notre ligne, en se glissant le long des haies et des genêts.
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p 479-480
Plan de marche et d'attaque sur la route, en supposant que l'on ne puisse marcher que sur une colonne.
1° Il faut d'abord observer que la colonne du centre de l'ennemi est composée de ses plus mauvaises troupes, que les piques et les brocs (crocs ? *) sont presque la seule défense des canons, que tout ce qu'il y a de gens peureux se tiennent derrière et que tous les bons tirailleurs sont sur les ailes, surtout à sa droite.
* DM : Je suppose "croc" : perche armée d'une pointe et d'un crochet, parce-que "broc" ne ressemble pas à une arme.
2° La ligne de l'ennemi forme une file d'hommes qui laissent entre eux quelques pieds de distance, et rarement voit-on deux hommes de hauteur, tandis que nous nous tenons serrés et plus exposés au feu.**
** DM : je ne suis pas sûr de tout comprendre... Sauf que les Vendéens ne sont pas en Ordre Serré mais bien plutôt en "Ordre lâche", au moins dans le sens de la profondeur (que Kléber appelle "hauteur"), voire aussi en largeur, ce qui leur permet de franchir plus facilement les obstacles...
En tous états de causes le général souligne qu'ils sont moins "perméables" au feu que les Républicains. Il semble dès lors logique d'en tenir compte au moins au niveau des pertes infligées par l'artillerie.
3° Le premier choc de l'ennemi est impétueux. L'espèce de désordre avec lequel il court sur nous, en cherchant toujours à nous prendre par le flanc, fait toute sa force.
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p 481
Kléber propose, une fois l'ennemi reconnu, d'agir comme suit. La gauche républicaine choisit une bonne position et la défend, tandis que la droite attaque avec force la gauche ennemie, la coupe ou la tourne. A ce moment la réserve (50 chasseurs à cheval et 6 à 800 fantassins choisis) charge avec force (la redondance est du général) sur la grande route la colonne du centre. "Ce mouvement bien exécuté, doit faire taire promptement l'artillerie des Rebelles et les mettre en déroute."
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p 482
Il ne faut pas se le dissimuler, nous sommes obligés de combattre pour ainsi dire corps à corps, et le premier qui gagne de vitesse a beaucoup d'avantage. Il faut donc chercher, autant qu'il est possible, à charger vigoureusement l'ennemi et à le couper, pour le mettre en déroute.
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p 484
Il ne faut pas perdre de vue qu'en marchant à l'ennemi et en le chargeant vigoureusement, on est presque sûr de le mettre en déroute, surtout s'il s'aperçoit qu'il peut être tourné.
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Commentaire DM : Ce texte aurait été écrit le 4 novembre 1793, donc après Cholet, où les circonstances ne correspondent pas tout- à- fait aux cadres fixés en termes de droite, gauche et centre... Même si, comme dit plus haut, l'ennemi cherche toujours à prendre sa position habituelle... Sauf que là il n'y est pas bien parvenu puisque l'Avant-Garde combat d'abord au centre avant de s'étendre à gauche, et que si le gros forme bien le centre, il n'y a d'abord pas eu de droite, et qu'en tous états de causes elle ne fut pas formée par les meilleures troupes* mais par les moins bonnes.
* C'était quoi "les meilleures", celles de Stofflet ? Les compagnies angevines et bretonnes de Bonchamps ?
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Donc, d'après Kléber, avis tout ce qu'il y a de plus autorisé, loin devant tous ceux qui ont seulement écrit sans avoir participé, voire même participé mais à un niveau subalterne ou "civil", nous avons des constantes très nettes.
L'ordre de bataille des Vendéens affecte autant que possible ses meilleurs éléments, notamment ses "bons tirailleurs", sur les ailes, sa droite étant toujours la plus forte. Par suite le centre est donc composé d'éléments de moindre valeur, "ses plus mauvaises troupes", dont la plupart n'ont même pas d'armes à feu et se reposent sur l'effet des canons avant de se jeter au corps à corps une fois les Bleus débordés sur leurs ailes par les "bons tirailleurs".
Des "moins bons tirailleurs" existent toutefois au centre pour "entretenir" l'ennemi le temps de la mise en place des canons et du mouvement tournant des ailes... Mais ils ne font absolument pas le poids en cas d'attaque sérieuse de l'ennemi, sans compter qu'il n'y a derrière eux que "tout ce qu'il y a de gens peureux"... D'où à la clé des déroutes !
D' après cela je serai tenté de composer la droite des meilleures troupes, affecter les disons "moyennes" à l'aile gauche, et enfin les "mauvaises" au centre. Adaptant cette hypothèse à Cholet, nous aurions les meilleures troupes (Stofflet) à gauche par exception, les moyennes étant alors celles de Larochejaquelein, putativement destinées à la droite, et le centre comme désigné...
Ce qui me gêne là c'est que les compagnies angevines et bretonnes qui semblent "bonnes" se retrouvent avec les "mauvais". Peut-être un effet pervers de l'ordre de marche ? Ou alors a-t-on, là aussi, une sorte de hiérarchie des valeurs, situant lesdites cies à la droite du centre, voire destinées à fournir l'aile tournante en l'absence des "titulaires" ? Bref, il serait intéressant, si c'est possible, de "pister" le positionnement des différentes divisions lors des engagements, pour voir si l'on peut en tirer une constante... Comme celle quasi systématique de Davout, constamment à l'aile droite (la meilleure !) d'Austerlitz à La Moskowa via Iéna-Auerstaëdt, Eylau et Wagram !
Diégo
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P.S. :
Le dernier schéma de Thierry donne clairement la répartition en trois tiers au niveau de chaque division, les tirailleurs formant la moitié du premier tiers... et donc le quart des deux premiers tiers... D'accord... Mais là nous avons un troisième tiers. Parle-t-on du même troisième tiers "global", celui qui ne combat jamais ou presque, et qui se trouve absent de l'OB du 12/04/2019 ?... Mais correspond bien à la description par Kléber des "mauvaises troupes" du centre, démunies d'armes à feu. Si oui la ligne "Batailleur 3" pourrait y correspondre et être renseignée en hors-cota.