Bienvenue Florent,
Alors déjà je vais partir sur l’idée que nous parlons de Dragons français, car sinon mes réponses ne seraient pas justes pour les autres nations.
Ensuite, après avoir évacué le fait que les Dragons français jouissent bien de la Faculté de Tirailleur en tant que cavaliers, je vais répondre à la question que j’ai cru comprendre, sur leur rôle relatif à pied.
Lorsqu’ils sont à pied, ce qu’ils n’aiment pas, mais alors pas du tout, les Dragons sont ravalés au rang de mauvaise infanterie, mais française. Or dans L3C les fantassins Français ont tous au moins la FT 1. C’est donc le cas des Dragons, qui disposent d’un fusil plus court que celui des Fusiliers ou Grenadiers (le même que les Voltigeurs), mais plus long qu’une carabine, ce qui leur donne un avantage de portée sur elle.
Lorsqu’ils sont montés, ce qu’ils préfèrent et de loin, ils composent “l’arme intermédiaire” entre la cavalerie lourde (cuirassiers et carabiniers) et la cavalerie légère (chasseurs, hussards et lanciers). En général brigadés entre eux et endivisionnés de même, ils sont parfois brigadés avec les lourds, très rarement avec les légers. Partant, le rôle d’unités de première ligne ne leur échoit qu’en l’absence de cavalerie légère, et avec parfois un succès mitigé (on pense à la prestation d’Exelmans en 1815 qui n’a pas vu défiler, à 500 m de ses Dragons en vedette toute l’armée prussienne en marche pour Waterloo).
Quant’à la capacité de combattre autant montés que à pied elle relève d’un alors déjà vieux fantasme de “faiseurs” militaires, et je vous livre l’opinion du général Thiébault, exprimée en 1811, sur la question : “Formation peu avantageuse : les dragons ne doivent être que de l’infanterie montée de manière à parcourir rapidement des espaces plus ou moins grands, ou de la simple cavalerie : mais vouloir en faire de l’infanterie et de la cavalerie, c’est avoir de l’infanterie médiocre qui coûte trois fois plus que ne doit coûter la meilleure, et de la cavalerie qui ne compense plus ce qu’elle coûte : c’est exiger de la plupart des hommes dont on fait des dragons plus qu’ils ne peuvent faire et apprendre ; c’est étourdir ceux auxquels on ordonne le matin de porter le haut du corps en avant et le soir de porter le haut du corps en arrière ; c’est démoraliser et rendre aussi faibles cavaliers que faibles fantassins des hommes auxquels on dit : à cheval aucune infanterie ne peut nous résister, et à pied, aucune cavalerie ne peut nous entamer : enfin ce n’est qu’avoir, malgré beaucoup de soins et de dépenses, ni infanterie ni cavalerie.”
Vous l’aurez compris, le général n’aimait pas l’institution originelle. Fort heureusement elle avait définitivement vécu, les Dragons étant clairement devenus de la cavalerie à part entière, quand bien même on ait vu de rares utilisations à pied de dragons ayant démonté pour le faire lorsqu’il était impossible de l’éviter, comme on le vit à Cacabelos et la Coruña en janvier 1809, avec là aussi et encore un succès mitigé.
Ce qui a contribué à nourrir la confusion est la “création” en 1805 de la Division de Dragons à Pied Barraguey d’Illiers, qui répondait à un autre impératif que la polyvalence, celui du manque de chevaux lors de l’entrée en guerre. Ne doutant pas du succès à venir Napoléon forma donc trois brigades de Dragons à Pied qui suivraient de même la Grande Armée jusqu’à ce que la capture des montures des vaincus permette de monter ses Dragons privés de chevaux. La théorie était belle, mais la réalité le fut moins.
Quel qu’en soit le responsable, car il ne s’en trouva point, ce qui donne à penser qu’il était au sommet de la hiérarchie, il fut décidé que les dragons vétérans laisseraient leurs chevaux dressés aux conscrits et suivraient l’armée à pied. C’était contrarier ces braves et bons cavaliers mais mauvais marcheurs que de les reléguer au rang de piètres fantassins, comme le confirma leur unique combat de 1805. Pire, les jeunes et inexpérimentés conscrits ruinèrent rapidement leurs montures dont ils ne savaient pas s’occuper, et se firent “manger” par les Cosaques lors de la campagne de Pologne.
Entre-temps on avait brièvement remonté les dragons à pied sur les superbes chevaux saxons capturés... avant de les rendre à ces dorénavant nouveaux alliés. Par diplomatie pensez-vous ? Que nenni, parce-que le caractère “entier” des montures saxonnes ne s’accordait pas du tout aux ex et futurs piétons français qui durent en attendre d’autres. Nonobstant, à la fin des hostilités tous les dragons étaient montés.
Mais cette double conjonction avait ruiné l’arme des Dragons, que Napoléon envoya presque en entier s’aguerrir en Espagne. Bien avant la fin des sept ans de cette “guerre au couteau”, montés sur des chevaux espagnols et armés des terribles lames de Tolède, les “Dragons d’Espagne” s’étaient convertis en la meilleure cavalerie qui soit. En 1814 elle fut rappelée en France par l’Empereur aux prises avec l’Europe en Champagne, et si l’issue finale coûta son trône à Napoléon ce ne fut pas la faute de ses braves dragons.
Je vous engage à lire ou relire l’intéressant article relatant les “Souvenirs d’un dragon de l’Empire” qui illustre fort bien par son vécu tout ce que je viens d’expliquer.
http://www.planete-napoleon.com/docs/NDL15.Sallmard.pdfDiégo Mané