En ce bicentenaire de 1815, quelle personnalité militaire française honorer se diront certains, eu égard à la faillite généralisée de toute l’institution, bientôt dissoute !
Je n’ai pour ma part guère hésité et désigné d’emblée l’éphémère maréchal d’empire Grouchy *, élevé à cette dignité le 15 avril 1815, mais proscrit le 24 juillet suivant (tiens, pile cent jours aussi !), qui ne sera reconnu maréchal de France que le 19 novembre 1831.
* «Maréchal un jour, maréchal (pas) toujours !» (clin d’oeil à notre ami Jeff !).
J’entends déjà les récriminations de la foule des inconditionnels de Napoléon, mais si je suis un fervent admirateur de l’Empereur, et si je comprends qu’il ait, politiquement, eu intérêt à faire porter les bicornes (oui, il y en a eu plusieurs) de Waterloo à d’autres que lui, et principalement à Grouchy, cela n’altère pas mon jugement pour autant.
La légende impériale a fait de Grouchy le plus énorme de tous les bouc-émissaires de l’Histoire de France, mais l’étude impartiale et donc honnête des circonstances militaires ne peut que l’absoudre de toute critique.
Je ne vais pas me livrer ici à une plaidoirie, beaucoup d’autres l’ont déjà fait... en vain. Je soulignerai seulement que le maréchal Grouchy a scrupuleusement respecté les ordres impériaux... et j’ajoute que si tous les chefs (surtout grands, mais aussi «petits») de l’armée française avaient fait de même, la campagne eut été gagnée dès le 16 juin 1815, faisant l’économie de la bataille de Mont-Saint-Jean, qui eût de même été gagnée le 18, si tant est que Wellington ne soit pas déjà parti se rembarquer, ce qui reste probable.
Ceci dit la carrière de Grouchy ne se borne pas à sa malheureuse participation à la campagne de 1815, perdue par d’autres que lui. Il était lieutenant d’artillerie en 1781, à quatorze ans pile, ne passant dans la cavalerie que fin 1786, sous-lieutenant des gardes du corps du roi, compagnie écossaise s’il-vous-plait, avec rang de lieutenant-colonel !
Lieutenant-colonel du 12e chasseurs à cheval fin 1791, colonel du 6e hussards en 1792, maréchal de camp (général de brigade) le 7 septembre 1792. Lutta en Vendée contre Charette avant d’être exclu de l’armée comme noble en 1793. Réintégré en 1794, général de division en 1795. Participa à Quiberon sous Hoche, puis à l’expédition d’Irlande, où, en l’absence de son chef égaré par la tempête, il manqua le coche de Bantry Bay qui l’eût probablement rendu plus célèbre que celui de Waterloo dont on eût fait l’économie !
Fait prisonnier à Novi en 1799 (certains disent volontairement malgré les 14 blessures qu’il reçut ce-jour-là), il protesta contre l’établissement du Consulat, ce qui ne semble pas l’avoir trop desservi puisqu’il commanda une division de Moreau à Hohenlinden en 1800.
J’ai un peu détaillé ce qui précède car c’est bien moins connu que la suite, que du coup je survole rapidement, ne listant que des noms glorieux : Wertingen, Gunzbourg, Zehdenick, Prenzlow, Lubeck, Biezun, Ziegelhof, Eylau, Friedland, Madrid, La Piave, Raab, Wagram, La Moskowa, Malojaroslawetz, Krasnoïé, Bérézina, Brienne, La Rothière, Vauchamps, Craonne, les batailles de 1814 en qualité de commandant en chef de toute la cavalerie de l’armée. Bref, très loin d’être en 1815 le «perdreau de l’année» parfois évoqué.
Alors oui, comme pour tout ce qui touche à 1815, l’homme de l’année ressortirait en demi-teinte dans son uniforme de maréchal, fût-il lui-même invaincu, et je préfère donc vous le proposer ici dans son superbe uniforme de Colonel-Général des Chasseurs à Cheval...
... qu’il porta peut-être, antérieurement, à la tête de ses cavaliers victorieux. En tous les cas je me plais à l’envisager et attire l’attention des figurinistes qui trouveraient là un joli challenge.
Diégo Mané
