par MANÉ Diégo sur 30 Oct 2011, 20:49
J'interromps l'échange avec Bruno Masson, que je poursuivrai après, pour insérer quelques réponses de nature historique soulevées par notre future reconstitution de Fuentes de Oñoro à Mourmelon les 11 et 12 Novembre prochain. Il s'agit d'assertions répandues que je m'efforce de réfuter. Dont'acte :
Assertion 1 : “Les Français ont le moral très affaibli”.
Réponse 1 : Cette idée, largement répandue est au moins en partie fausse. Le chef de l’armée, Masséna, y croyait et voulait mener son opération à son terme, avec la ténacité qu’on lui connaissait, certes diminuée en rapport de son âge (il n'avait plus l'activité du vainqueur de Zürich).
Les autres généraux étaient en revanche beaucoup moins enthousiastes et, plus fautifs que leur chef, dont la plus grande faute restera de ne pas avoir vérifié l’exécution de ses ordres*, déploieront pour la plupart une incompétence crasse ou une mauvaise volonté évidente, voire les deux réunies.
* “Donner un ordre n’est rien, s’assurer de son exécution est tout” ai-je appris à l’armée.
Reste le moral des troupes, lequel n’était pas si mauvais que l'on aurait pu le croire, malgré Buçaco, Torres Vedras, la retraite, etc...
Certes, l’état physique des troupes n’était pas au mieux, même s’il s’était considérablement amélioré depuis la fin de la retraite, le repos rendu possible, et surtout le fait d’être un peu mieux nourri après tant de privations. Au reste ne se reportèrent en avant que les hommes en état de le faire, et il y en avait bien assez pour le but que s’était fixé Masséna.
Quant ’ au moral proprement dit, tout le monde ayant bien compris qu’au-delà de la gloire qu’elle apporterait seule une victoire permettrait de bons cantonnements, on peut dire que l’on assista à une véritable impatience d’en découdre. Les Dragons aux chevaux fatigués se déclaraient prêts à charger au pas s’il le fallait. Le capitaine Marcel du 69e déclara que ses hommes se levaient fréquemment dans la nuit du 4 au 5 pour s’assurer que les Goddem ne partaient pas. “Tous étaient joyeux de voir l’ennemi décidé à livrer bataille.”
Assertion 2 : Les Français ne combattaient plus en tirailleurs.
Réponse 2 :
Alors si, effectivement, les soldats français isolés se faisaient souvent massacrer par les habitants ou les guerrilleros, en bataille rangée ces deux articles étaient relativement absents, alors que le feu anglais était particulièrement dense et encourageait même les lignards à se disperser quand ils le pouvaient... Et donc les tirailleurs restaient une constante incontournable de toute formation d'attaque française.
Assertion 3 : Les Français n’avaient plus de munitions d’artillerie.
Réponse 3 : Le compte-rendu de l’état des munitions à Masséna par Eblé est du 6 au matin et non du 5 à 14 h 00 comme certains l'ont dit. Il concernait en outre les munitions d’infanterie et non d’artillerie. Les premières n’étaient -et n’avaient jamais été- en abondance, mais la présentation de cette pénurie annoncée aurait été délibérément biaisée par de faux rapports de chefs désireux d’en rester là.
Quoiqu’il en soit, seule la division Ferey et une brigade de Marchand avaient donné le 3. Elles avaient été probablement réapprovisionnées sur le parc le 4, d’où sa pénurie, relative tout de même puisqu’il restait 4 cartouches par homme soit 140.000 si l’on ne compte que les fantassins... et 25 à 30 cartouches dans les gibernes... oui, mais des seules unités ayant combattu jusque-là, soit encore les deux mêmes, plus 3 bataillons de grenadiers réunis de d’Erlon.
Tout le reste de l’armée, soit son immense majorité, n’avait pas encore tiré un coup de fusil ! Je pense donc que ces arguments n’ont été développés et amplifiés, après-coup, que pour justifier la décision finale de ne pas attaquer alors qu’on le pouvait et que la troupe et Masséna le voulaient... mais pas les généraux... !
Pour l’artillerie, c’est pire encore. Il s’avère qu’ hormis les 8 ou 12 pièces conservées par d’Erlon face à Fuentes, voisines du Parc, et qui ont en outre assez peu tiré puisqu’elles ne le pouvaient plus dès lors que des Français étaient en ville, le reste, soit 20 pièces, dont 4 ont canonné brièvement Pozo Velho le matin, contraintes durant la marche de suivre toutes le VIII° CA, qui ne s’est pas engagé, elles n’ont pu s’exprimer un tant soit peu que l’après-midi du 5... avant d’être toutes (sauf une sur laquelle on dénombra 36 impacts !) démontées par les Britanniques bien avant d’avoir manqué de munitions.
Diégo Mané