1812. Le combat de Taroutino

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1812. Le combat de Taroutino

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Avr 2012, 15:00

J'ouvre ce post car mon pouce* m'a dit qu'il allait bientôt servir.

* Oui, mon petit doigt est trop petit par rapport à la taille du tuyau.

Quelques mots de présentation cependant.

Le combat de Taroutino prit place le 18 Octobre 1812 entre les débris de la cavalerie de Murat, posés là comme par inconscience, pour "surveiller" les Russes - chose dont ils étaient parfaitement incapables, tant par l'état physique de leurs montures, que par l'ineptie ayant présidé au choix de la position - et une force ennemie au moins deux fois supérieure, et en bon état, elle, qui en outre les surprit totalement, Sébastiani oblige, mais nous en reparlerons sûrement.

Pour l'instant je vous livre un passage intéressant tiré d'une de mes lectures du moment et qui se trouve concerner ledit combat de Taroutino, qu'il éclaire du vécu personnel d'un de ses participants.

Le Capitaine Oriot, 9e Cuirassiers, à Taroutino, le 18 Octobre 1812
(Extrait -pp 81-83- des “Etudes d’Histoire”, 5e série, par Arthur Chuquet, paris, 1912).

“Il passa plusieurs semaines dans ce fameux camp de Vinkovo ou de la famine, qu’on pouvait aussi appeler le camp du froid, ce camp où la cavalerie française, déjà usée, épuisée, acheva de dépérir.

Les chevaux y mouraient en foule. La compagnie d’Oriot n’avait plus que dix hommes montés. Pour nourrir les bêtes qui restaient, il fallait aller quotidiennement jusqu’à cinq ou six lieues chercher de la paille et, pour avoir ce peu de paille, risquer sa vie. Ce fut, rapporte Oriot, une triste existence. Mais dans ce camp il reçut la croix et, s’il ne mangeait que du cheval, il avait, dit-il, une grande douceur... Jour et nuit, Oriot buvait du café, et il assure que c’est le café qui l’a sauvé...

Soudain, le 18 octobre, au matin, une nuée de Cosaques fond sur le camp français. “Voyez, crie un lieutenant à Oriot, les voilà tout près !” Oriot monte à cheval. Les cuirassiers se forment en bataille et l’artillerie tire à mitraille sur l’assaillant. Mais les Cosaques étaient trop. Ils se montraient partout, témoigne Oriot ; on ne voyait que Cosaques, et la terre en gémissait ; il y en avait par devant, par derrière, sur les flancs, et il fallait faire feu de tous côtés. On se replia donc, et, ajoute Oriot, en bon ordre.

Il exécute alors une inutile, mais brillante, prouesse, et qui lui vaut une blessure. Avec quelques camarades il marche derrière son régiment qui n’a plus que l’effectif d’une compagnie. Il voit quatre Cosaques qui, à deux cents pas, pillent une voiture. Que sont quatre Cosaques pour un bon Français ? Il court à eux et les met en fuite. Leur officier se présente. Oriot le provoque et le poursuit au milieu des Cosaques. Il monte un excellent cheval ; il coupe la figure au premier Cosaque qu’il rencontre, puis à un deuxième ; il chasse un troisième dont il tente vainement de percer la peau de mouton. Mais il est entouré, cerné ; il reçoit d’un Cosaque un coup de lance sur la tête, et son casque tombe ; il le rattrape par la crinière et, tandis qu’il se baisse, la lance d’un autre Cosaque lui entre dans la cuisse. Heureusement il est secouru ; ses camarades arrivent et font reculer les Cosaques durant un quart de lieue.

"Vous serez toujours un hussard*, dit le colonel lorsqu’il revit Oriot, est-ce qu’on se bat ainsi pour son plaisir ?" La blessure d’Oriot était profonde ; pour l’envelopper, il déchira le devant de sa chemise, et il ne cessa pas de monter à cheval ; dix jours après, il était guéri.”

* Engagé en 1796 au 10e de Hussards, Oriot n’entra au 9e de Cuirassiers qu’en 1809.

J’ajoute un autre passage, qui ne concerne plus Taroutino (quoique) mais me permet d’illustrer un cas de figure plus général, celui des chevaux d’officiers, toujours plus nombreux en proportion que ceux de la troupe, et jamais utilisés pour remonter les hommes à pied :

“Jusqu’à Smolensk, Oriot réussit à conserver ses chevaux qu’il regardait comme les plus beaux et les meilleurs de l’armée. Il en avait sept...”

Voici donc un officier, un simple capitaine, qui avait sept chevaux à lui et qui n’en utilisait donc qu’un à la fois, tandis que sa propre compagnie n’avait plus que dix hommes montés... et probablement plusieurs dizaines d’autres démontés, qui ne rendaient plus aucun service, mais mangeaient quand même. Les six chevaux “surnuméraires” ne servaient donc pas en ligne, mais mangeaient aussi, comme ceux qui le faisaient... et probablement mieux qu'eux vu leur état excellent alors que les autres animaux “mouraient en foule” et formaient l’ordinaire des hommes.

Aucun reproche particulier à Oriot, puisque cette “institution” était générale. Je souligne juste le mal qu’elle faisait... et l’importance qu’il y avait, non seulement à renseigner la colonne “chevaux” dans les états de situation, mais aussi de détailler ceux relevant des officiers de ceux relevant de la troupe... sauf à compliquer considérablement le travail des bons historiens (les mauvais s’en f......).

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Re: 1812. Le combat de Taroutino

Messagepar HYVRON Jean-Pierre sur 17 Avr 2012, 17:59

Je suis preneur de tous ces petits combats, dommage, crise oblige que j'ai du me séparer de mes cuirs, mais j'ai des cosaques à peindre
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Re: 1812. Le combat de Taroutino

Messagepar MANÉ Diégo sur 15 Avr 2013, 17:23

Je remonte ce post

1. Parce-qu'il le vaut bien

2. Parce-que je viens de mel un article de Thierry Louchet qui en parle principalement et qui vous est présenté ici :

viewtopic.php?f=1&t=1053&p=6600#p6600

3. Parce-que comme dit dans la présentation dont lien ci-dessus, j'ai beaucoup travaillé récemment les ordres de bataille des deux camps et que les recherches relatives se sont avérées passionnantes et expliquent par le menu la reconstitution de l'armée russe en même temps que la fonte inexorable de la cavalerie française.

Pour le combat proprement dit des évidences apparaissent comme telles. Notamment le fait que l'artillerie française à cheval se trouvait de facto à pied et que la moitié des chevaux d'attelages sont morts, obérant gravement la capacité à manoeuvrer de l'arme et expliquant ses pertes en matériel.

Le témoignage du Wurtembergeois de Roos souligne que, malgré la passivité et le mauvais vouloir à s'engager de Koutouzov, seule la réactivité de Murat à sauvé sa troupe de l'anéantissement... qui aurait cependant été inévitable si les Russes, au lieu de le faire à l'aube, avaient attaqué entre dix heures et midi, moment où tout ce qui était encore capable de se battre se serait trouvé, comme chaque jour, dispersé au loin à la recherche de nourriture et de fourrage... et dès lors amené à conjuguer à tous les temps le verbe "être cosaqué"...

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