Les débuts de l'armée Anglaise et son recrutement (1792-95)

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Les débuts de l'armée Anglaise et son recrutement (1792-95)

Messagepar MASSON Bruno sur 16 Juil 2011, 07:42

Comme indiqué dans un précédent message, l'armée Anglaise à la déclaration de guerre (1er février 1793) n'existe presque pas.

Son effectif (Ranks&Files uniquement à l'Anglaise) ne dépasse pas les 35 000 hommes, desquels il faut défalquer un bon tiers (voire une moitié) en garnisons extérieures (Inde et Canada surtout, mais pas que), car dès que la Navy a un port de relâche quelque par sur le globe, il faut une garnison de réguliers pour la sécurité des installations. Cela va du peloton oublié depuis 20 ans sur une île perdue dans un océan vide, jusqu'à des bataillons entiers en Nouvelle-Zélande ou Australie.

On peut aussi en éliminer entre 2 et 3 000 qui sont "en chemin", de retour ou en direction de ces zones éloignées, et plus de 5 000 embarqués par la même Navy pour combler son manque de matelots. Cette dernière est encore plus en manque d'effectifs, et même les 'press-gangs' les plus agressifs ne pourront jamais compléter les équipages avant la modernisation de la fin XIXe; or le gouvernement Anglais est parfaitement au courant que la seule chose qui peut arrêter une descente Française sur ses côtes, c'est bien sa marine. Malgré tout, rien ne sera fait pour fortifier ses arsenaux avant 1800, et la plupart sont encore situés dans des villes non défendues.

Mais revenons à l'Armée. Les statistiques donnant aux unités régulières 3 années de présence dans les Îles Britanniques pour 50 ans "Abroad", les unités présentes à la déclaration de Guerres sont soit arrivant de l'extérieur (et donc en plein recrutement pour remonter un peu en effectifs), soit se préparant à y partir et donc pas disponibles offensivement.

Or, un grand nombre d'immigrés Français font le siège des cabinets influents de Londres, qui persuadent le gouvernement Anglais de monter des expéditions pour s'emparer des possessions Françaises aux Antilles "qui ne se défendront pas contre les armées du Roi Georges" (ce qui est vrai). Le peu de troupes disponibles va donc être envoyé dans l'endroit du monde le plus insalubre et le plus mortel qui soit à l'époque, l'arc Antillais. Les conquêtes y seront rapides et peu coûteuses en vies humaines du fait des combats. Néanmoins, dès l'arrivée des Anglais dans ces colonies, plusieurs facteurs imprévus (ou du moins non pris en compte) vont se faire jour avec mordant:

-La maladie décime les troupes affaiblies par le transport, alors qu'elles n'étaient pas parties bien en forme d'Angleterre. Les équipages de la Navy sont touchés, mais moins, ce qui entraine des frictions (la discipline est plus forte à bord, et si un mouillage est vraiment insalubre, le navire peut se déplacer, la garnison, elle doit rester). Une unité perd entre 15 et 20% de son effectif par semaine.

-Les Caraïbes sont toujours autant le repaire des pirates (ou plutôt des Corsaires). Français, Hollandais, Américains, Espagnols, sur des navires rapides et peu armés, renseignés par des éléments dans chaque port "Anglais", sont à l'affut de chaque navire peu armé qui sort ou qui rentre, et la Navy a trop à faire pour pouvoir tout escorter. Lorsque la capture des Antilles Française et Hollandaises les a privés de leurs ports d'attache habituels, ils se replient vers les ports Espagnols, voire la côte Américaine, voire de petites anses dans des coins reculés du littoral des grandes îles.

Si on y ajoute l'offensive conjointe prévue en Flandre, le gouvernement Anglais " se doit alors d'improviser, non seulement une armée, mais même une très grande armée" (Fortescue). Les Anglais ont dans les conflits passés utilisé l'artifice des mercenaires (Hessois, Brünswickois pendant la guerre d'Amérique) ou l'armée de l'électeur du Hanovre pour combler leur manque de soldats; mais cette fois, seuls les Hanovriens sont disponibles, et même s'ils sont de grande qualité, ils ne sont pas suffisants. Or, commence à se faire jour une difficulté supplémentaire, le recrutement "normal" est un échec retentissant, car les recrues potentielles ont une peur abyssale des Antilles, et toute unité régulière qui recrute est réputée s'y rendre. De plus, le gouvernement a mis en place deux mesures très contre-productives, la création de la Milice et l'appel aux Volontaires.

La Milice:
c'est une force d'appoint, qui ne peut sortir de son Pays (Angleterre, Ecosse, Irlande) sans l'accord écrit du parlement local, s'entraîne 3 jours par semaine, est réglée militairement (sous le "Mutiny Act" comme les réguliers) tirée au sort pour 3 ans, et les 3 ans de service immunisent contre le tirage au sort pour les 5 ans suivants. Les remplaçants sont acceptés, et les miliciens reçoivent un "bounty" comme les réguliers (un peu inférieur). Il est interdit au milicien de s'engager dans les réguliers.

Les volontaires:
C'est une force d'appoint également, payée à peu près comme les miliciens (mais pas de "Bounty"), qui est censée s'entraîner au moins 5 jours par mois "sauf impossibilité", dont l'habillement, les statuts et la police interne sont laissés à l'appréciation des officiers choisis en interne. Ils ne sont pas sujets au Mutiny Act, et la participation à une unité de volontaire immunise définitivement à tout tirage au sort présent et à venir. Il n'est pas non plus prévu de les réunir en grosses unités, et celles qui dépassent la taille de la compagnie se comptent sur les doigt d'une main. Leur efficacité militaire est donc équivalente généralement à un club de chasse pour les meilleurs; mais leurs effectifs à la Paix d'Amiens auront dépassés les 600 000 hommes...
MASSON Bruno
 

Re: les débuts de l'armée Anglaise et son recrutement (1792-95)

Messagepar MASSON Bruno sur 16 Juil 2011, 08:04

"Recrutment for Rank"
le gouvernement tente alors une autre possibilité, c'est à dire d'offrir une commission d'officier à toute personne qui apporterait avec elle un certain nombre de recrues. C'est un artifice assez courant dans les armées où les grades sont vénaux; et cela va fonctionner assez bien, l'armée va passer de 60 régiments à plus de 140, et doubler en effectif, mais être catastrophique pour la discipline et la qualité de l'armée. Il y a en effet un certain nombres de problèmes inhérents au système:

-on demande d'amener des recrues. 50 privates font peut-être le gros d'une compagnie, mais l'encadrement n'y est pas. les sous-officiers seront donc distribués par les nouveaux officiers "au faciès", il n'y aura aucun entrainement pour la plupart des unités levées, les désertions seront massives et l'efficacité nulle.

-les plus gros pourvoyeurs seront tout de suite nommés à des grades élevés, on complètera leurs unités avec des compagnies tirées des unités régulières, et certains colonels de 10 ans se verront portés au dessus de capitaines ou Majors de 40.

-il n'y a pas d'âge limite. certains nourrissons bien nés se trouveront capitaines ou plus. Quelle qualité auront leurs unités?

-on va promettre aux recrues qu'elles n'iront pas aux Antilles. Promesse en l'air, mais comme il n'y a pas d'encadrement, cela va mener à des situations de mutineries internes.

au bout d'un an, les nouvelles unités vont être inspectées, et la majeure partie sera trouvée "inutiles" voir même "en état de mutinerie permanente". 50 régiments seront dissous, leurs officiers mis en demi-solde et les soldats versés dans d'autres unités, où on leur apprendra la vie militaire à coup de fouet, pour ceux qui ne seront pas morts aux Antilles. Les officiers vraiment trop jeunes pour servir (15 ans, de mémoire) verront leur grade mis en dormance en attendant qu'ils grandissent, et certain feront une très bonne carrière militaire par la suite.

toujours est-il que c'est cette armée, composée d'unités sous-encadrées, pas entrainées, pas disciplinées qu'on va envoyer en Flandres en 1793-94. La proximité des Hanovriens et leur exemple vont réduire les plus gros défauts, le Duc d'York va prendre une leçon qu'il n'oubliera jamais sur ce qui fait une armée, et les Antilles vont engloutir une quantité faramineuse de troupes pour pas grand chose, à part l'enrichissement des marchands de sucre...
MASSON Bruno
 


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