Le sujet est soulevé par un document qui mentionne un "Régiment des Tirailleurs à Cheval de la jeune Garde" dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à aujourd'hui.
Voici le document et la question qu'il a soulevée :
Quelqu'un saurait il ce que c'est ? et éclairer ma faible et ô combien encore très petite lanterne, svp.
S'agit il du 2e régiment de chasseurs à cheval de la Garde ? je ne suis pas sûr, car il me semble avoir vu comme surnom pour ce régiment, les "Hussards de la Garde."
Réponse :
Alors oui, à voir le document, il ne peut s'agir que du futur 2e Régiment de Chasseurs à Cheval de la Garde, car la nomination, datée du 18 mars 1815, soit deux jours avant la rentrée de Napoléon à Paris, ne peut qu'être une anticipation, ledit régiment n'existant pas encore.
La Garde Impériale avait bien été rétablie par un des "Décrets de Lyon" (capitale de l'Empire !) du 13 mars 1815, qui seront confirmés officiellement à Paris dans le "Bulletin des Lois" du 21 mars 1815. Le décret organique du 8 avril suivant détaille l'organisation de la Garde Impériale, mais il n'y figure toujours pas de "2e Chasseurs à Cheval de la Garde Impériale".
Ce n'est que le 15 mai 1815 qu'un nouveau décret institue pour la Jeune Garde "un régiment d'éclaireurs-lanciers", rattaché aux chasseurs à cheval, mais assimilé pour la solde aux lanciers de la ligne. Le régiment devait se former de tous les hommes ayant servi dans la cavalerie de la Jeune Garde (régiments d'éclaireurs, escadrons de jeune garde...) et se compléter avec les surnuméraires n'ayant pu obtenir rang dans les quatre "vieux" régiments.
Donc à ce moment-là il n'est parlé que d'"Eclaireurs-Lanciers", tandis que les intéressés se donnent eux-mêmes volontiers du "Hussards-Eclaireurs de la Jeune Garde", voire "Hussards de la Garde"...
"L'Empereur ... après avoir hésité pour le régiment entre la dénomination de lanciers et celle de hussards, décida dans une lettre écrite le 26 mai 1815 qu'il s'appellerait "2e Régiment de Chasseurs de la Jeune Garde". S'ensuivit un ordre du Général Lefebvre-Desnoëttes communiquant tous les détails et se terminant par : "L'uniforme ci-dessus ayant été approuvé par l'Empereur, il n'y sera fait aucun changement. Et c'est signé et daté du 28 mai 1815.
Alors je ne rentre pas dans lesdits détails, ni dans les discussions uniformologiques relatives, sauf pour une chose qui m'a interpellé car je l'ignorais moi-même et elle peut en intéresser plus d'un. Il s'avère que les cavaliers reçurent en partage les pelisses des Chasseurs à Cheval de la Vieille Garde, que ces derniers ne reçurent pas et qui firent donc la campagne de 1815 en dolman. Dolman que le 2e régiment ne toucha pas, lui (sauf un seul et unique au trompette major, cela ne s'invente pas !).
Autre détail intéressant, du moins pour moi qui aime le bonhomme, on trouve le Capitaine Parquin nommé au commandement de la 6e Compagnie, 2e Escadron. Il semble n'avoir rejoint que durant la première quinzaine de Juin, depuis le 11e Cuirassiers où ce cavalier léger par excellence se trouvait "en pénitence", et encore heureux de ne pas pointer à la demi-solde !
Une dernière question, que personne apparemment ne s'est posée. Ce régiment, censé rétablir les Eclaireurs-Lanciers de 1814, était-il où non doté de la lance ? Nul n'en parle, et le décret de création, très fouillé sur la tenue, ne parle pas de l'armement. Les auteurs des rares illustrations éludent le plus souvent cette question non posée, en représentant volontiers trompettes ou officiers. Je n'en ai trouvé qu'une montrant un cavalier... sans lance, et au "look" très hussard. Enfin, lances ou pas cela reste anecdotique quand on sait que les 968 hommes de troupe de ce régiments disposaient alors en tout et pour tout de... trois chevaux !
La gravure ci-dessus est cependant, comme la plupart des autres que j'ai pu voir, fausse quant ' à la tenue réellement portée puisqu'ici nous voyons une culotte à la hongroise alors que le régiment ne reçut que des pantalons de cheval en drap gris avec bande garance sans boutons.
Pour revenir à la question-titre sur les "Tirailleurs à cheval de la Garde", si le document est fiable, et en l'absence d'aucun autre pour le recouper, je pense qu'il s'agirait alors de l'appellation qu'envisageait l'Empereur le 18 Mars 1815 pour le futur régiment qui, après avoir failli s'appeler "lanciers" ou "hussards" se verra finalement baptiser le 26 mai 1815 "chasseurs", histoire d'honorer ses membres en les dénommant comme leurs anciens des "vieux de la vieille".
Le roi Louis XVIII, de retour, changera derechef le nom du régiment pour celui de "Hussards-Eclaireurs de l'ex-Garde" (et non celui d'"Eclaireurs-Lanciers", ce qui semble écarter l'hypothèse de la lance...) mais seulement le temps de le licencier.
Diégo Mané
Sources consultées :
"Historique du 13e régiment de chasseurs et des chasseurs à cheval de la Garde", par P. Descaves, Béziers, 1891.
"Napoléon, ses dernières armées", par Henri Couderc de saint-Chamant, pages 399 et 400, Paris 1902.
"Les uniformes du Premier Empire", par le Cdt Bucquoy, "La Garde Impériale, Troupes à cheval", pages 87 à 90, Paris, 1977.
"La Garde Impériale", par le Cdt Lachouque, page 424. Paris, 1982.
"Souvenirs et biographie du Commandant Parquin", la biographie par Jacques Jourquin, pages 369 à 375, Paris 2003.
