La campagne anglaise de 1812 et ses suites

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

Modérateurs: MASSON Bruno, FONTANEL Patrick, MANÉ John-Alexandre

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Sep 2012, 17:56

    L'Erreur cruciale de Marmont

    L'attaque du centre se précise alors, avec Maucune se rapprochant de Los Arapiles, défendu à ce moment par les compagnies légères de la 4th et des Guards de la 1st . Toutefois, hors les voltigeurs de Maucune, aucune unité française ne rentre dans le village, et ni Bonnet ni Thomières ne bougent de leur positions. Les premières maisons changent deux fois de mains sans attirer de soutien extérieurs.

    Thomières commence même à abandonner la gauche de Maucune et à se déplacer sur sa gauche, un trou se formant entre les deux divisions.

    En effet, pendant que les Français au centre font ainsi une démonstration bruyante contre l'aile droite anglaise, et sous les yeux de Marmont qui prend un déjeuner tardif au sommet du grand Arapile, commence le mouvement fautif qui va décider du sort de la bataille; Thomières, puis Clausel sortent de la réserve et, défilant derrière Maucune, suivent le sommet du plateau français.

    Clausel s'arrête peu avant d'avoir dépassé la position de Maucune, mais Thomières, lui, continue toujours plus loin. Il est clair que si ce mouvement n'avait pas été voulu et surveillé par Marmont (comme il le prétend dans son compte-rendu), il aurait suffi de peu de temps pour contre-marcher vers la vraie position assignée.

    A ce moment, Wellington, en train de grignoter un peu de bœuf froid d'après certaines relations, est accosté par un aide de camp qui qui signale que l'ennemi continue à étendre sa gauche. Un bref coup d'œil à la longue-vue lui confirmant cette information cruciale, il saute alors en selle puis, suivi de loin par son état-major (Copenhague !) se dirige vers la 5th Division, qui est le point potentiellement menacé par ce mouvement. Lorsqu'il arrive près de son commandant, il y trouve la division parfaitement calme et couchée derrière la crête, l'attaque du village se poursuit mais semble manquer de profondeur; les bataillons de Maucune restent derrière, soutenus par plusieurs batteries mais par aucune infanterie, la plus proche est celle de Bonnet à pratiquement un kilomètre en arrière, Thomières continue son mouvement sur la gauche et se sépare visiblement du centre adverse, Clausel s'est arrêté en soutien arrière-droit de Maucune mais est loin, et Foy et Ferrey ne bougent pas à 3 kilomètres à droite de Bonnet.

    Donc, avec Sarrut qu'on peut distinguer se rapprochant du parc d'artillerie français loin derrière, et Brennier qui est à moitié visible derrière le grand Arapile, l'armée française est déjà coupée en cinq, dont seules les trois parties centrales sont capables de se rassembler rapidement. Wellington sait donc où se trouvent au moins 6 des 8 divisions de l'armée du Portugal, avec des vides immenses entre ses différentes composantes.

    La décision annulée vers midi d'attaquer une armée en position, se transforme vers 15 h en une bien meilleure d'attaquer une armée dispersée et incapable de se soutenir.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Sep 2012, 18:04

    La contre-offensive anglo-alliée

    Le plan simple qui se met alors en place est le suivant: Packeham (3rd), d'Urban et Arentschild à sa droite, attaqueront Thomières, Leith (5th) et Cole (4th) plus Le Marchand soutenus par Clinton (6th), Hope (7th), G. Anson plus tous les Hispano-Portugais disponibles (Bradford, Pack, España) attaqueront le centre ennemi (Maucune, Clausel, Bonnet et ceux qui arriveront), H. Campbell (1st) fera la liaison avec von Alten (light) qui contiendra Foy et Ferrey.

    En aparté ici, il est à noter que c'est une des rares occasions où Wellington ait eu à se réjouir de l'absence de Craufurd à la tête de la Light Div. En effet, placé ainsi en autonomie sur une aile avec un ennemi à égalité (au moins de visu) de nombre , en supériorité de cavalerie, il est à craindre que cette tête brulée de «Black Bob» se serait élancé à l'attaque dès que son chef aurait été loin, et face à Foy (qui est beaucoup plus fin que Ney) se serait fait battre malgré les prouesses de ses subordonnés, ternissant la victoire et l'historique de sa Division...

    Revenons au plan d'attaque, la partie la plus délicate est la mise en branle de Packenham qui, caché à la vue, ne peut rien voir lui non plus. Le général anglais décide alors de ne pas faire confiance à un aide de camp pour un ordre aussi important, mais fait encore une fois parler la puissance de son cheval, en partant «comme la foudre» vers d'Urban d'abord puis son beau-frère. A d'Urban la charge de sécuriser l'aile droite de la 3rd Division, et à Packenham celle de tout pousser devant lui, puis sur le chemin du retour, l'ordre est envoyé à Arentschild de quitter la réserve pour rejoindre Packenham pendant son mouvement.

    il est 15h45, cela fait plus d'une heure et demie que Marmont n'a rien fait pour corriger ses erreurs, et il est trop tard désormais !

    Revenu sur la position de la 5th division (vers 16h), Wellington donne ses ordres au centre, Bradford fera la droite de Leith qui ne bougera que lorsqu'il sera arrivé et que Packenham sera visible, soutenu par Cotton (commandant Le Marchand et G. Anson) et España. Cole suivra le mouvement soutenu sur sa gauche par Pack, entre le village et les Arapiles, puis la 1st fera la jonction. Le temps mis par Bradford pour venir à la hauteur de Leith retardera le début de l'attaque jusqu'après 16h30.

    Avant ce moment, l'armée française se trouve décapitée par la perte de son chef. Peu après 15h30, alors que Maucune lui demande l'autorisation de soutenir ses voltigeurs et d'attaquer la position anglaise, et qu'il semble trouver que Thomière est trop loin, il est touché par un obus venant des deux pièces du Capitaine Dyneley situées au sommet du petit Arapile qui explose près de lui, lui lacérant le bras et lui cassant 2 côtes (sous la 2e Restauration, un Anglais un peu tête-en-l'air lui présentera même le sergent ayant pointé la pièce).

    Contrairement à ses dires, il n'y a pas vraiment de carence immédiate dans la chaine de commandement, car son successeur est Bonnet, et il se trouve au moment de sa blessure au milieu de ses troupes. Par contre il y a pu y en avoir une après car celui-ci se fait blesser à son tour peu avant 17 heures, et le commandement de la fin de la bataille échoit alors à Clausel, qui n'est malgré tout pas très loin non plus.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 30 Sep 2012, 07:25

    Qui se ressemble...
    Le premier contact devant, selon le plan de Wellington, se produire entre Packenham et Thomières, revenons à la formation de déplacement utilisée par celui-ci.

    L'extrême droite est faite par d'Urban (1e et 11e Dragones Portugais) en 2 colonnes de régiment par escadrons, le 11e à l'aile et légèrement en retrait, puis sur leur gauche la colonne des brigades Wallace (1/45th, 1/88th et 74th ) et Portugais de Power (9e et 21e de ligne, 12e Caçadore) et enfin la brigade Campbell (1/5th, 2/5th, 94th et 2/83rd), Arentschild devant compléter le dispositif à sa jonction.

    La division Thomière étant accompagnée d'au moins une brigade de Cavalerie légère de Curto (si ce n'est de la division entière), il eût été compréhensible qu'un escadron soit envoyé en éclaireurs pour découvrir le terrain en avant de la colonne, et le reste sur les flancs, mais en fait ce ne fut pas le cas, et les deux dispositifs se rencontrèrent presque par hasard, le champ de bataille étant assez aveugle dans cette zone.

    D'Urban indique ainsi dans son journal qu'il entendit l'infanterie adverse plus qu'il ne la vit proche, et voulant savoir exactement ce qu'il en était, poussa une rapide reconnaissance suivi uniquement de deux aides de camp jusqu'à la lisière d'un petit bois, où il eut la surprise de voir se rapprocher un bataillon d'infanterie en colonne par compagnies (le 1/101e de ligne), gauche en tête, en avance rapide et sans la moindre vedette ou éclaireur d'aucune sorte sur le front, défilant donc partiellement devant le front que devait occuper Packenham, sans en avoir la moindre idée. Il rétrograde donc immédiatement sans se faire voir, et fait mettre en ligne son premier régiment disponible (le 1er donc), soutenu par le 11e, et par 2 escadrons du 14th Light Dragoons de Arentschild, précurseurs de leur brigade qui arrive sur ses arrières.


    Image


    La charge des Portugais, absolument pas détectée par la colonne française, est un succès total, l'unité ayant juste le temps de serrer les rangs dans la colonne, leur front délivrant un feu qui ralentit les deux escadrons chargeant de face (le colonel Watson qui les commandait tombant gravement blessé au milieu des baïonnettes françaises), mais l'escadron de droite, débordant la formation, prend la colonne de flanc, la disperse et poursuit le bataillon avec le renfort de toute la brigade, lui faisant de nombreux prisonniers.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 30 Sep 2012, 07:28

    Attaque de Packenham
    Cette attaque imprévue, ayant lieu pour ainsi dire à l'avant-garde de la division, et séparée du gros de celle-ci par un espace important (où on voit un subordonné faire en pas assez petit comme son commandant a fait en trop grand, et ne pas garder tout son monde rassemblé) semble avoir alors sidéré Thomières, mais le pire reste encore à venir.

    En effet, juste après ce succès de la cavalerie portugaise, la première brigade de Packenham (Wallace), débouche du couvert légèrement boisé qui l'avait masquée jusque-là sur le front des Français, à moins d'un kilomètre, et se met en bataille à un peu plus de 200 mètres des Français sans arrêter sa marche en avant. Le divisionnaire français n'a que le temps de former une ligne de colonnes mal espacées, et de faire monter au front l'ensemble des voltigeurs de ses trois régiments.

    En réponse, Packenham couvre son front de l'intégralité du 12e Caçadore et ses 3 compagnies du 5/60th en tirailleurs, surclassant par leur nombre les légers français. La batterie divisionnaire française, par contre, se positionnant rapidement en première ligne, se met à faire des ravages dans le bataillon du centre de la brigade anglaise (le 1/88th), qui ralentit légèrement son allure, alors que ses bataillons d'aile, sans véritable opposition en face, continuent sans perdre le contact; le dispositif de Wallace prend ainsi une forme en croissant, le reste de la brigade portugaise Power se formant en deuxième ligne, et la brigade Campbell en troisième ligne. La batterie divisionnaire de Packenham (Douglas) se déploie sur la gauche, et se met à tirer sur la droite du dispositif français par dessus Wallace.

    Image

    Les Anglais sont presque arrivés sur la crête séparant les deux dispositifs lorsque Thomières envoie ses unités charger en soutien de ses compagnies légères qui refluent. Le feu délivré par les premiers rangs fait de nombreuses pertes dans le 1/88th, mais comme toujours, le feu en retour stoppe net l'avance française, qui commence à flotter. La ligne française tire alors une autre volée sans coordination ni efficacité, puis les Anglais reprennent leur marche en avant et le dispositif français s'écroule.

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 30 Sep 2012, 07:31

    Curto dégage les débris de Thomières
    A ce moment, la brigade de cavalerie légère française qui aurait du être là pour soutenir Thomières fait son apparition sur la gauche française, et charge les deux unités à droite du dispositif anglais, à savoir le 1/45th dans la première ligne et le 1/5th dans la troisième.

    Le premier, faiblement inquiété, forme une division en potence de son avance et repousse facilement l'attaque, mais le 1/5th souffre plus, forcé de reculer et de se former en masse, il perd une centaine d'hommes (les retours de fin de bataille lui donnent 126 hommes hors de combat, plus que toutes les autres unités de la 3rd); les 5 escadrons de la brigade Arentschild (1st Hussards KGL et 14th Light Dragoons) contre-chargent alors, dégageant la division (les Portugais de d'Urban étant en train de se reformer à l'arrière avec leurs prisonniers).

    Image

    Cet épisode terminé, la 3rd division et ses deux brigades de cavalerie poursuivent la division Thomières sur le plateau, l'annihilant presque entièrement (101e de ligne 71% de pertes, son colonel et son aigle pris, sans doute par les Dragones Portugais confrontés dès le départ au 1er bataillon, 62e de ligne 77% de pertes, 1er de ligne 13% de pertes. Ce dernier était en queue de colonne, et a sans doute pu garder sa cohésion, contrairement aux autres), Thomières étant tué et la batterie divisionnaire capturée.

    Du côté Anglais, la 3rd Division a perdu dans l'attaque un peu plus de 500 hommes (all ranks), et va ainsi progresser en poussant les restes de Thomières devant elle jusqu'à arriver dans le flanc de Maucune; Arentschild surveillant Curto en cours de reformation, et d'Urban assurant le flanc de l'infanterie.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MANÉ Diégo sur 30 Sep 2012, 12:59

Bravo Bruno, tu es entrain de nous "livrer" de l'excellent travail avec plans et tout et tout... Je vais peut-être enfin comprendre ce qui est arrivé ce jour-là... qu'il est vrai je n'ai guère étudié (pas envie ?).

Je n'ai jamais eu une bonne opinion des "compétences" de Marmont, et là cela se confirme. Mais il semble bien qu'en outre il n'était pas aidé.

Je savais déjà aussi l'incompétence notoire de Curto (flanc-gardant en arrière et du mauvais côté), mais l'inconséquence de Thomières mérite aussi un blâme. Enfin, on ne va pas l'accabler, il en est mort, mais bon, pas tout seul !

Comment dit-on en British : "Ah ! Que voilà un bon début" !

Diégo Mané
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 09 Oct 2012, 10:08

et pour vous faire patienter le temps que je finisse le schéma de l'attaque du centre, des photos aériennes/ satellites avec les positions des armées au moment de la déroute de Thomières

le plan d'ensemble:
Image

le petit Arapile (échelle 1/800 en gros)
Image

le grand Arapile (même échelle)
Image

(photos google maps/spot)
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 11 Oct 2012, 17:08

    Avance des Anglais au centre

    Le temps pour Bradford de prendre position, les 5th et 4th divisions ont pu prendre leurs dispositions de combat.

    Image

    Leith (5th) s'est placé en deux lignes, la première composée de la brigade Greville (3/1st, 1/9th, 1 et 2/38th) plus le 1/4th pris sur la brigade de 2e ligne (Pringle) pour égaliser le front des deux lignes. La deuxième comporte donc ladite brigade Pringle (2/4th, 2/30th et 2/44th ) plus la brigade Portugaise Spry (3e et 15e linea). Le tout est précédé d'un très fort écran de tirailleurs constitué de toutes les compagnies légères anglaises et du 8e Caçadores en entier.

    Cole (4th), lui est plus faible, devant laisser la brigade Anson (3/27th et 1/40th ) en défense du petit Arapile; il lui reste donc juste la brigade de Fuzilleers de Ellis (1/7th, 1/23rd et 1/48th) et les Portugais de Stubbs (11e et 23e Linea), disposés en une seule ligne de 7 bataillons, derrière un écran de tirailleurs constitué des 4 compagnies légère (dont celle des Brünswick-Öels) et du 7e Caçadores en entier. La Brigade Ellis devant passer à travers le village des Arapiles, ce mouvement prend du temps, ce qui retarde l'attaque de Cole après la réussite de celle de Leith.

    Lors de son avance, il est visible que la 4th division va prêter le flanc à l'intégralité de la Division Bonnet placée sur le grand Arapile, et donc la brigade Portugaise Pack a été prévue spécialement pour garder ce flanc, son général ayant reçu l'entière liberté d'action pour remplir sa mission, ce que Wellington regrettera quand le moment sera venu.

    La 6th Division soutient la 4th, et la 7th la 5th, avec Cotton (Le Marchand, G. Anson) en échelon à gauche. L'opposant de Leith sera Maucune, celui de Cole, Clausel, dont la division (sans doute à l' initiative de Bonnet) vient de boucher le trou laissé au milieu de la ligne française par son chef blessé.

    Les réserves anglaises sont solides, celles du côté français beaucoup plus clairsemées, même si on voit Brennier se hâter de venir se positionner derrière Maucune, et Ferrey quitter rapidement l'extrême droite pour se recentrer, la distance à parcourir étant malheureusement beaucoup trop importante. Seul Sarrut n'est plus visible, mais même son arrivée ne peut réellement changer les choses.

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 14 Oct 2012, 05:55

    Maucune reflue

    L'avancée de Leith jusqu'au plateau français se déroule sous le feu de la nombreuse artillerie française, qui tire à coup sûr et creuse de grands trous dans les unités progressant vers elle.

    Le général anglais fait alors avancer rapidement son écran de troupes légères, qui bat aisément le français et s'attaque alors à son artillerie. Celle-ci se replie hors de vue, et la progression anglaise se poursuit sans aucune gêne, le soleil brillant sur les armes et chaque soldat aisément visible dans la plaine, juste masquée parfois par de grands nuages de poussière chassés par le vent.

    A l'approche du rebord du plateau, les deux armées se trouvent à même de se jauger, et l'artillerie française redéployée en arrière reprend ses feux. Les Français sont alors déployés en carrés de bataillon (peut-être face à la menace de Cotton, qui prolongeait la ligne anglaise, ou face à la menace de Packenham se rapprochant sur le flanc ?), le premier rang un genou à terre et tous prêts à faire feu dès l'ordre reçu, à moins de 100 m de l'endroit où les Anglais deviendraient visibles. La première volée fut française, comme souvent, et délivrée à courte portée fit des ravages dans la brigade Greville.

    La réponse vient presque immédiatement, et encore plus meurtrière puisque délivrée par des unités en ligne. La seconde volée française, sans doute tirée un peu plus haut, fait tomber le divisionnaire anglais et plusieurs de ses aides de camp. La deuxième volée anglaise rompt alors la formation française, qui commence à reculer, au pire moment possible, puisque, passant entre Greville et Bradford, Le Marchand (3rd et 4th Dragoons et 5th Dragoon Guards) vient de prendre pied sur le plateau à moins de 200 mètres de là...

    Image
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 17 Nov 2012, 10:44

    la charge fatale de Le Marchand

    Ce général, qui avait reçu l'ordre direct de Wellington de charger à fond («charge at all hazards») avait formé sa brigade de 1000 sabres en deux lignes, la première constituée du 5th Dragoon Guards et du 4th Dragoons, avec le 3rd Dragoons en réserve, voit à son arrivée Maucune reculer en désordre, avec une division fraîche (Brennier) en train de se former en recueil derrière, et se lance donc.

    Le premier régiment attaqué est le 66e de ligne, dont les deux bataillons, après un feu inefficace, sont sabrés ou se rendent en grande majorité. Laissant les fuyards à la charge des fantassins de Leith, Le Marchand reforme son monde et attaque le régiment suivant, le 15e de ligne. Ce dernier avait pu se reformer et délivre un feu plus efficace, vidant de nombreuses selles, mais sans parvenir à arrêter les Dragoons, qui le dispersent à grands coups de sabres.

    La brigade avait alors perdu sa cohésion, mais les cavaliers, sous l'impulsion de leur chef, se regroupent en masse, et chargent l'ennemi le plus proche d'eux, à savoir le 22e de ligne de la Division Brennier, formé en colonne serrée, sans doute par manque de place ou par peur de se voir désorganisé par les fuyards des unités de Maucune s'il s'était mis en carré. Le feu délivré est tel que l'escadron de tête du 5th Dragoon Guards a presque 25% de pertes, mais cela n'arrête pas le reste de l'unité, qui bouscule les fantassins français; ces derniers refusant de se disperser, combattent avec l'énergie du désespoir et manquent à plusieurs reprises de tuer le général anglais. Après plusieurs minutes de combat, néanmoins, les fantassins français partent en déroute, poursuivis cette fois par les cavaliers anglais n'obéissant plus aux ordres.

    Le Marchand parvient malgré tout à rassembler environ un escadron du 4th Dragoons qu'il mène contre un groupe de fantassins cherchant à se rassembler (quelle unité? Quelle division?), et qu'il rejette dans les bois situés à l'arrière du dispositif français. C'est là qu'il reçoit une balle qui, pénétrant par l'abdomen, lui brise la colonne vertébrale provoquant sa mort dans les minutes qui suivent. C'est à mon avis LA perte la plus irremplaçable de toute la campagne de la Péninsule, car c'est le seul vrai général de cavalerie qui se soit révélé efficace tant en théorie qu'en pratique sur le terrain. Avec lui aux commandes de la poursuite après la bataille, l'armée du Portugal aurait bien pu disparaître en tant qu'unité combattante, et les surprises de cavalerie de la fin de 1812 auraient pu ne pas se dérouler.

    Il reste que sa charge victorieuse a annihilé trois régiments d'infanterie française, dont le 22e, pour échapper à la fureur des cavaliers anglais, a du se réfugier auprès des fantassins de Leith tout étonnés, leur permettant de prendre sans frais une Aigle et plus de 1500 prisonniers, le 4th Dragoons capturant, lui, cinq pièces de la batterie de Maucune. D'autres fuyards dans leur fuite vont se réfugier qui dans la brigade d'Urban, qui dans la brigade Wallace de la 3rd Division arrivant alors sur leurs arrières, et qui, n'ayant pas suivi l'affaire, se posèrent des questions.

    Image

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 19 Déc 2012, 07:34

    La 5th et la 3rd Division se lient entre elles dans la foulée, et forment un dièdre aigu dans lequel les quatre régiments n'ayant pas subi la charge de Le Marchand (82e et 86e de ligne de Maucune, 17e léger et 65e de ligne de Brennier) se trouvent enfermés, cherchant plusieurs fois à bloquer l'avance anglaise, mais étant en permanence débordés sur leurs deux flancs et sont forcés de décrocher.

    La division Curto, s'étant entre-temps ralliée, fait de son mieux pour soutenir ce mouvement rétrograde par des charges partielles. Un compte rendu d'un des officiers y appartenant parle de charges contre des dragons en rouge, qui ne peuvent manifestement être que des parties de la brigade Le Marchand ralliés, car les seuls autres cavaliers en rouge sont ceux de von Bock, qui se trouvent à la gauche de la light Division, et n'ont pas été en contact avec Curto ce jour-là.

    Le manque d'empressement dans la poursuite par les 3rd et 5th divisions, qui auraient pu facilement mettre à mal les restes de Maucune et Brennier à trois contre un, s'explique par les problèmes rencontrés par la 4th Division, dont l'attaque au centre se passe plutôt mal.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 19 Déc 2012, 07:35

(les dessins sont décidément trop longs à faire; ils sont repoussés à plus tard et en attendant, voici le texte)

Attaque de Cole non décisive

    La 4th division, du fait donc du défilement à travers le village des Arapiles, ne peut commencer réellement son avance qu'à 5h45 (heure attestée par Wachholtz des Brünswick-Öels, qui a regardé sa montre à ce moment pour en fixer l'heure). L'avance des deux brigades se fait aussi sous un feu nourri d'artillerie, car Leith n'est plus dans l'axe de tir, et avec Clausel en train de prendre position en face, les Fuzileers derrière le village et Stubbs à sa gauche.

    Arrivé au milieu de la vallée, Cole découvre que sa gauche est menacée non seulement par les unités du grand Arapile, mais aussi par une unité détachée placée sur un mamelon, le 122e de ligne placé là au début de la bataille par Marmont, en échelon entre Bonnet et Maucune. D'autres bataillons se découvrent derrière le grand Arapile au fur et à mesure que la division avance, et il devient évident que Pack va avoir fort à faire de ce côté pendant son attaque.

    Les hostilités commencent avec Stubbs qui refoule le 122e de son promontoire rocheux, l'envoyant retraiter en direction de sa division-mère, Bonnet, hors de la zone d'action fixée pour la 4th. Pour masquer un éventuel retour de cette unité, ou de renforts venant de Bonnet, Cole détache alors son 7e Caçadores sur son flanc, espérant que Pack suffira à contenir la menace de Bonnet, et continue sa progression, sous la protection des tirailleurs de la brigade Ellis. L'avance est régulière, même si les canons du grand Arapile prennent la ligne en enfilade à longue distance; enfin la crête est atteinte, et un duel de feu s'engage avec les 5 bataillons de la première ligne de Clausel, qui se traduit par le recul des français vers leur brigade de soutien, quelques 150m plus loin.

    Malgré ce succès, l'avance est stoppée, Cole est blessé à ce moment et les brigades cherchent à se reformer sur place lorsque la menace de flanc se précise. Les choses s'étaient mal passées à l'arrière gauche, Pack avait attaqué le grand Arapiles et avait complètement échoué.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Jan 2013, 10:10

Attaque de Pack repoussée

    Ce général, voyant que pendant sa progression, Cole allait prêter le flanc à tous les Français présents autour de la hauteur, avait choisi d'user des ordres discrétionnaires laissés par Wellington et d'attaquer le mamelon.

    Disposant son 4e Caçadores en tirailleurs, il les fait soutenir par les 4 compagnies de grenadiers de ses régiments de ligne, suivis de ses deux régiments en colonne, le 1er à droite et le 16e à gauche. La progression des troupes légères se déroule facilement, faiblement confrontés à quelques compagnies légères qui refluent en désordre devant eux, lorsqu'à 4/5e de la montée, un obstacle constitué d'une terrasse, et donc d'un mur de pierres de plus d'un mètre de haut se présente. Pour le franchir, il faut mettre l'arme à l'épaule ou l'abandonner au pied du mur pour pouvoir utiliser les deux mains.

    Les Caçadores sont entrain de passer l'obstacle lorsque le régiment français tenant la hauteur (le 120e de ligne), qui n'attendait que cela, se présente sur la crête, délivre une volée destructrice suivie d'une charge (typiquement anglais comme défense, isn't it ?). Le bataillon léger, dans l'incapacité totale de se défendre pendant son ascension, est rejeté au bas du mur avec pertes, puis le régiment français, sautant au bas de l'obstacle, continue sa charge, emportant d'abord les grenadiers puis les deux régiments, pris au milieu de la montée.
    La brigade perd 368 hommes (15% de son effectif initial) en moins de 10 minutes, et court alors se réfugier derrière le 1/40th qui est en réserve au pied du petit Arapiles.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Jan 2013, 10:12

Contre-Attaque de la division Bonnet

    Le brigadier commandant l'ancienne Division Bonnet choisit avec sagesse de ne pas poursuivre plus loin, mais, son front dégarni de menace immédiate et gardé par le 120e entrain de se reformer, d'attaquer le flanc de Cole avec la brigade Gauthier (118e et 119e de ligne) soutenue par le 122e reformé.

    Le 7e Caçadores, placé en flanc-garde par Cole, fait ce qu'il peut, mais est submergé par les attaquants, et les Français arrivent dans le flanc de Stubbs au moment où Clausel envoie toute sa division contre-attaquer la 4th Division. Cette dernière lâche prise en commençant par son aile gauche, (logiquement, puisque c'est le premier point attaqué de deux côtés). Toute la Division redescend en courant se reformer au bas du plateau français.

    Cet échec donne alors à Clausel (parvenu au commandement suite à la blessure de Bonnet) l'opportunité de choisir la suite que va avoir la bataille ; il peut accepter la défaite, replier les restes des trois divisions battues derrière celles toujours en place (Bonnet, La sienne plus Ferey et Sarrut qui viennent d'arriver, et les Dragons de Boyer). La leçon aura été cuisante mais pas définitive, et l'arrivée le lendemain (mais çà, seul l'état-major anglais en était informé) de l'Armée du Centre et de la brigade de cavalerie de l'Armée du Nord aura tôt fait de combler les pertes, et de repousser Wellington sur la frontière.

    Ou il peut tenter le tout pour le tout, profiter du revers de Cole et Pack pour s'infiltrer entre Leith et le petit Arapile pour percer le centre anglais ; on peut alors espérer obtenir une sorte de match nul renvoyant les deux armées sur leurs positions de départ. Heureusement pour le général anglais, c'est cette dernière solution que le général français choisit.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Jan 2013, 10:17

Le gambit de Clausel

    Il met donc Sarrut en recueil des divisions de l'aile gauche (Maucune, Thomières et Brennier), et avance à la suite des bataillons défaits de la 4th division pour essayer de les rejeter sur leurs soutiens (6th et 7th Divisions) avec sa division à droite, celle de Bonnet (moins le 120e de ligne toujours en garde du grand Arapile) à gauche et les trois régiments de Dragons disponibles de la Division de Boyer sortant de derrière la hauteur, Ferey reste en réserve sur le plateau.

    Ce choix est à mon avis une erreur, car il envoie à l'attaque deux divisions d'infanterie qui ne sont plus fraîches ni intactes (la première brigade de sa division a mal vécu le duel avec la 4th, et les trois régiments de Bonnet ont déjà fourni une bonne charge) plus une division de Dragons amputée d'1/4 de son effectif, à l'assaut de trois divisions anglaises (6th, 7th et 1st) intactes ou peu s'en faut (les compagnies légères de Guards de la 1st ont combattu dans le village, et le 68th light et le 2e Caçadores tiraillé contre Foy le matin) soutenues par la brigade espagnole de d'España et les cavaliers de G. Anson, sans compter la deuxième ligne de la 5th Division qui n'a pas donné. Il attaque donc à 1 contre 2 la grande barre d'un L, ce qui n'est pas très sain.

    Il semble plus raisonnable de laisser Bonnet et Clausel sur place et attaquer le flanc dégarni de Leith avec Sarrut et Ferey, en envoyant Boyer déborder la gauche de Leith, démasquée par la retraite de Cole. Les divisions de réserve de Wellington étant loin, il aurait été possible de faire subir un échec à ces unités victorieuses peut-être, mais désorganisées et fatiguées par leurs combats précédents avant que les 6th et 7th puissent entrer en ligne, puis reformer le front avec les deux brigades peu entamées de Maucune et Brennier.

    L'attaque portant d'abord sur les unités déjà battues de la première ligne anglaise rencontre tout d'abord un franc succès. Bonnet dans sa marche en avant attaque le 1/40th qui s'était avancé en recueil et le repousse facilement, s'approchant du petit Arapile d'où la troop E lui fait subit de lourdes pertes. Clausel, poussant la brigade Ellis devant lui, atteint le fond de la vallée et commence à remonter du côté anglais; les Dragons enfin, chargeant la brigade Stubbs, la désorganisent, même si des éléments du 11e linea finissent par réussir à former un petit carré avec des compagnies rassemblées, et à repousser le gros de l'attaque. Certains escadrons vont jusqu'au front de la 6th division, qui s'avance vers le combat, et chargent à plusieurs reprises le 2/53rd de la brigade Hulse qui, formé en carré, repousse leurs assauts. Un peu plus à droite, la brigade de Fuzileers et le 23e Portugais forment un carré multicolore, se préparant à repousser un assaut qui ne se manifestera jamais, Clausel ayant été bloqué par une menace sur son propre flanc.

    En effet, pendant la progression de cette division, Beresford prend la brigade Portugaise Spry de la 2e ligne de la Division Leith et lui fait faire un «à gauche» puis attaquer le flanc de la division française menaçant la brigade Ellis. Celle-ci doit alors s'arrêter et faire front dans cette nouvelle direction. Une fusillade nourrie s'engage entre les 5 bataillons portugais en ligne et les 10 français en colonne, qui voit Beresford prendre une balle dans la poitrine, mais sans autre résultat probant. La brigade Spry a malgré tout rempli son office, Clausel étant stoppé.

    La Division Bonnet subit un sort beaucoup plus difficile, car avançant seule dans la plaine, son aile gauche démasquée par l'arrêt de Clausel et son aile droite par les dragons, qui après leur charge sont repartis à l'arrière se reformer, se voit confrontée aux deux brigades anglaises de la 6th division, supportées par la brigade portugaise du Conde de Rezende et par les Espagnols de Carlos de España, flanqués si besoin était à gauche de la 7th et à droite de la 1st Division en ligne. Les neuf bataillons sont enfermés dans un fer à cheval de feu qui leur fait perdre toute cohésion et les renvoie sur leur position de départ avec 1/3 de pertes. Leur retraite découvrant les arrières de Clausel, cette division aussi doit repartir vers la crête.

    Le général français a joué, et perdu; il ne lui reste plus qu'à tenter de sauvegarder le plus de troupes possible en retardant la poursuite jusqu'à la nuit. La 1st Division, non engagée pendant l'action, débordant le grand Arapile, le 120e de ligne doit s'en enfuir pour ne pas être encerclé, et la batterie qui y a été installée à grand peine y est abandonnée.
MASSON Bruno
 

PrécédentSuivant

Retourner vers Histoire Militaire

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 27 invités