La campagne anglaise de 1812 et ses suites

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

Modérateurs: MASSON Bruno, FONTANEL Patrick, MANÉ John-Alexandre

La campagne anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 20 Mai 2011, 11:46

un petit aperçu de la totalité de l'article que je suis en train d'écrire; le plan prévisionnel d'abord:

I) Préparations
1) Interceptions et contexte global
2) Cibles Possibles
3) Effectifs en Présence
4) Mouvements préparatoires

II)Bref aperçu du déroulement
1)Du début aux Arapiles
2)Des Arapiles à la Frontière Portugaise

III) Conséquences
1)Du côté Français
2)Du côté Anglo-Allié
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 20 Mai 2011, 11:48

I) Préparations

    1) Interceptions, et Contexte Global

    Wellington, à la Fin 1811, lit parfaitement le chiffre Français, et intercepte entre 2/3 et 3/4 des missives circulant entre les chefs des armées d'Andalousie, du Nord, du Portugal et Madrid. Il est moins au fait de ce qu'il se passe sur la côte est du fait du caractère plus dispersé de la résistance à l'occupation française, et aussi qu'il n'a aucun subordonné en charge d'une troupe Anglaise sur cette côté (les Anglais débarqués sur cette côte viennent de Sicile, et sont sous les ordres directs de Sir W. Bentinck; il ne peut que suggérer des actions possibles, et Bentinck aimerai bien rembarquer ces troupes pour une aventure en Italie. Il n'y a donc aucune assurance qu'ils restent en Espagne)

    Il est aussi parfaitement au courant des affaires d'Europe centrale (du moins autant que le gouvernement Anglais) et d'Amérique du Nord. Il sait donc que le Tsar est un mauvais membre du Blocus continental, que le clash avec les Français est proche.

    Il n'est donc pas surpris par les ordres de retrait des Polonais, de la Garde et des autres troupes qui sont prélevées sur les différents commandements. Par contre, il est beaucoup trop rationnel dans son appréciation de l'obéissance des différents commandants aux ordres de Napoléon, et va parfois "éliminer" de son opposition des unités qui doivent partir, mais qui sont gardées en contravention avec les ordres. Pour lui, un ordre de l'autorité suprême est indiscutable, et doit être exécutée avec la plus grande célérité possible. Il a aussi le souci que parfois, des ordres ne passent pas du tout (tout est intercepté) et donc est obligé de faire preuve de circonspection.

    Les différentes ponctions réalisées lui donnent une quasi-parité avec l'armée du Portugal ou l'armée du Sud, et fragilisent les autres commandements qui seraient en mesure d'apporter du soutien à sa cible. Les deux arsenaux principaux de ces forces (Salamanque, Séville) sont à portée d'offensive de la frontière, il possède toutes les forteresses protégeant les débouchés, et surtout, pour la première fois depuis 1807, il a épongé les dettes Anglaises immédiates au Portugal, et possède (ou on lui a promis) suffisamment de numéraire pour payer ses dépenses en Espagne (où, n'ayant pas le même accord avec les Cortès qu'il a avec la régence Portugaise, il sait qu'il ne pourra obtenir de ressources qu'en payant cash)

    S'appuyant sur les précédentes campagnes Franco-Russes, et prenant en compte que cette fois, les Russes ne peuvent compter ni sur les Autrichiens ni sur les Prussiens pour les aider, mais qu'au contraire ces deux puissances leurs sont opposées; il prévoit une campagne accrochée, mais relativement brève, suivie d'une victoire Française et d'un Tilsit-bis sur le dos des Anglais. Les distances prises en compte, il faut donc s'attendre à revoir toutes les unités retirées d'Espagne revenir à la fin de l'année, augmentées d'autres et surtout de Napoléon lui-même, qui, ayant un héritier, n'a plus de raison valable de laisser une armée anglaise le narguer plus longtemps.

    Il est donc probable qu'il lui faille rembarquer dans le courant 1813, sauf s'il arrive à mettre suffisamment d'obstacles à la conquête du Portugal pour que l'hiver arrive à sa rescousse en rendant les routes impraticables à l'artillerie lourde, ce qui lui gagnerait 3-4 mois de plus, et repousserait l'abandon de la Péninsule à début 1814. or les Prussiens seront près à reprendre le combat en 1813...

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 25 Mai 2011, 07:46

2) Cibles Possibles

Il y avait deux possibilités pour cette campagne:


  • soit partir de Elvas, attaquer le Ve corps et le repousser vers Séville, prendre la ville et défaire l'armée du Sud par morceaux.

    Problème, une telle attaque forcerait la levée du blocus de Cadix, où 10 000 hommes sont occupés à ne rien faire d'utile, et réactiverait le IVe corps qui lui non plus ne gêne personne à Grenade/Cordoue. L'armée du Centre viendrait certainement au secours de Soult, Marmont aussi (il l'a déjà fait une fois), et ce dernier a démontré qu'il était plus réactif que son homologue du sud quand il s'agit d'aider les autres, réalisant ce que le chef Anglais a réussi à éviter jusque là, la réunion de toutes les forces françaises (ou presque) contre lui.

    Wellington se retrouverait alors face à une adversité insurmontable, et devrait retraiter vers la frontière, peut-être même avant d'avoir atteint Séville. De plus, cette retraite devrait s'effectuer dans les plaines de l'Andalousie, face à une cavalerie bien supérieure à la sienne, et donc ne pourrait qu'être très coûteuse.

    La levée du Blocus de Cadix pourrait aussi donner l'occasion aux Cortès de perdre le peu d'armée régulière qu'ils ont à disposition par une bataille rangée perdue d'avance.

    Autre problème possible, le commandant "de remplacement" au Nord serait Spencer, qui a prouvé l'année précédente qu'il ne possédait pas vraiment les nerfs suffisants pour gérer une éventuelle crise. Il a en effet paniqué face à l'avance de Marmont quand Wellington était dans le Sud après Albuera, a reculé trop vite et sans obliger l'ennemi à montrer ses intentions comme le désirait son chef, alors qu'il savait pertinemment que l'Armée du Portugal n'avait ni artillerie lourde pour menacer les forteresses, ni magasins pour soutenir une campagne prolongée, ni même les chariots pour amener des vivres à l'armée depuis ces magasins.

    La maîtrise des mers ne sera pas un atout pour cette campagne, car le littoral Andalous est d'un intérêt secondaire pour Soult, il est à peu près tenu en dehors des incursions de la garnison de Cadix (bataille de Coïn, problèmes autour de Malaga)
    Dernier point, Wellington n'est pas sûr de la réaction de la population d'Andalousie, qui semble s'accommoder de la Présence Française (ou du moins ne pas trop en souffrir), et n'est pas aussi "productive" en renseignements que son homologue du Nord…


  • soit partir de Almeida en direction de Salamanque pour battre l'Armée de Portugal, qui en théorie est la seule armée "mobile" en Espagne (puisqu'elle n'est plus au Portugal), et qui sera le noyau du retour offensif prévisible en 1813.

    Salamanque est assez proche de la frontière (plus que Séville) et surtout n'a pas de fortifications (sauf quelques couvents fortifiés par les Français, sur lesquels il a de bonnes informations). Le terrain au-delà de la ville est plus propice à la défense, ce qui devrait lui permettre de la garder un certain temps si il arrive à occuper les autres Armées Françaises, et surtout à ralentir la remontée de Soult.

    C'est aussi le centre du réseau d'espions Espagnols que Wellington entretien au nord de l'Espagne, ce qui l'inquiète un peu, car il n'est pas sûr de pourvoir garder la ville, et ceux-ci se démasqueront certainement par leur réaction à son entrée en ville; il prévoit donc de les déménager avec ses bagages dans l'éventualité de l'abandon de la ville, sachant aussi qu'il décapite ainsi ses réseaux.

    L'action au nord va aussi faire entrer en action une autre force, l'Armée du Nord, qui aurait servi à couvrir l'armée de Portugal dans l'éventualité d'une campagne en Andalousie, mais pas plus.

    Wellington comprend parfaitement qu'une action au Nord est sûre d'avoir plus d'impact qu'une action au Sud, car elle menace au moins indirectement la communication de Madrid avec la France (le passage par la Catalogne est moins sûr et excentrique).

    Un bonus inattendu est que Napoléon a intimé l'ordre à Marmont de prêter une division à Suchet pour la conquête de Valence. Cette division, retenue aussi longtemps que possible par son général en chef, n'a servi à rien à Suchet, mais n'est pas encore revenue, et donc diminue l'armée du Portugal.

    Autre atout de l'action au Nord, l'Armée du Leon est cantonnée à la frontière du Tras-o-Montes, a été soutenue par les milices Portugaises de Trant et l'Angleterre, et de ce fait est au moins moralement sous les ordres de Wellington (alors que la division de Balesteros fait un peu ce qu'elle veut au Sud, étant rattachée à Cadix et aux Cortès)
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 19 Juil 2011, 11:06

3) Effectifs en présence


  • Armée Française en Espagne:

    l'armée Française après le départ des troupes pour la campagne de Russie comprend en théorie 235 000 hommes "sous les armes" (hors dépôts, cavaliers démontés, non combattants, etc...) répartis ainsi:

    • 48 000 pour l'Armée du Nord, mais uniquement 15 000 hommes disponibles, le reste étant indispensables à la tenue des routes et des points fortifiés entre la France et le centre de l'Espagne. L'action conjointe des Guerillas et de sir Home Popham sur la côte va grignoter cette force disponible et rendre immobile l'armée du Nord jusqu'à la catastrophe de Salamanque. La chaine de commandement est peu claire sur cette armée, Berthier a dit à Joseph/Jourdan qu'elle devait leur obéir, mais Cafarelli lui prétend n'avoir jamais rien reçu à cet effet, et avoir des ordres lui donnant pleine indépendance dans son district. Il n'obéira donc pas avant qu'il soit trop tard.

    • 66 000 pour l'armée d'Aragon/Catalogne. De la même façon, Le roi d'Espagne est censé avoir la main sur l'armée de Valence, mais Suchet va dire que cette entité n'existe pas, et qu'il est lui aussi indépendant. il ne donnera pas les 10 000 hommes que Jourdan demande pour la réserve centrale.

    • 18 500 pour l'armée du Centre, dont 15 000 effectifs et 10 000 "mobiles", mais avec 1/3 de Juramentados peu sûrs

    • 70 000 théoriques pour l'Armée du Sud, dont 54 000 effectifs. la fraction mobile de cette armée est malheureusement inférieure à 30 000 hommes, car le siège de Cadix, les corps d'observation de Grenade et Jaen immobilisent de nombreuses troupes. La perte de Badajoz en Avril représente un peu moins de 5000 hommes.

    • 65 000 théoriques pour l'Armée de Portugal, dont 52 000 effectif, la perte de Ciudad Rodrigo en Janvier va éliminer 5 000 "toutes armes", et une division de 6000 hommes (Bonnet) est fixée par décret Impérial en Asturies. Une fois déduites toutes les garnisons, la fraction mobile de l'armée est de l'ordre de 35 000 hommes
  • Armée Anglo-Alliée au départ de la campagne:

    • Wellington a sous ses ordres au début de campagne un peu plus de 70 000 Anglo-Portugais mobiles, répartis en 17-18 000 sous HIll dans le sud (2nd Div+ Hamilton Port Div+Power Port Brig+Slade+Long Cav Brig) et 55 000 dans le Nord (1,3,4,5,6,7th et Lt Div +4000 cavaliers+ Pack et Bradford Ind. Brig) plus 8-9 000 miliciens (Trant, Wilson et Silveira) pour garder la frontière du Beira,

    • Il est appuyé par les 4 000 Espagnols de la Division Carlos de España , sans doute les meilleures troupes Espagnoles de la péninsule, vétérans de 1809, reste de l'armée de La Romana de 1809-1810, présentes dans les lignes de Torres Vedras, présents avec Beresford dans le Sud ensuite, victorieuses à Albuera sans avoir vraiment combattu, entrainement supervisé par les Anglais, jamais battus....

    • Sont présents aussi pour contrer Cafarelli les 16 000 effectifs de l'armée De Galice sous Abadia, mais dont les meilleures unités et presque toute l'artillerie ont été envoyées en Amérique du Sud combattre les insurgés! Il est heureusement sous les ordres de Castaños qui viendra personnellement l'obliger à bouger.

    • De même Silveira ira soumettre Zamora à un blocus strict depuis sa province de Tras-o-Montes, soutenu (pour ne pas dire retenu) par une brigade de cavalerie régulière sous d'Urban.

    • En Cantabrie, Navarre et Vieille-Castille, les "divisions" de Porlier, Longa, Mina, les Partidas de Merino, salazar, Saornil et autres (constituant en théorie la 7e Armée sous Mendizabal) doivent faire le plus de bruit possible et donner du travail à l'Armée du Nord et à Bonnet

    • la Navy sous Lord Popham, à qui Lord Liverpool a octroyé 2 bataillons de Marines et une compagnie d'artillerie, en plus des unités de ses bâtiments, a ordre de les seconder en mousquets et munitions, plus canons lourds de marine lors des sièges
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 14 Aoû 2011, 09:14

4) Mouvements préparatoires et diversions:

    a) Diversion au Sud

    La liaison directe entre l'Armée du Sud et l'Armée de Portugal passe par un goulot d'étranglement, le pont de bateaux sur le Tage à Almaraz. S'il venait à disparaître, l'axe de progression passerait alors par Madrid, rajoutant une bonne semaine de délai à l'arrivée des renforts du Sud. En bonus, à cet endroit est entreposé le ravitaillement pour la "force mobile" de l'Armée du Portugal, et sa destruction multiplierait les difficultés de déplacement de Marmont dans la campagne à venir. Wellington va donc revenir à une idée qu'il avait eue au moment de la prise de Badajoz, et monter une opération commandée par Hill pour réaliser ce double objectif.

    Ce raid devra emporter de l'artillerie lourde, car le pont et le dépôt sont gardés par 2 fortins qu'il faudra sans doute battre en brèche. Un autre fort garde la passe de Miravete sur la route, mais il semble pouvoir être masqué, ou au moins évité. Il devra aussi se dérouler dans la plus grande discrétion, car l'objectif est loin, et la colonne risque de se trouver bloquée à son retour par un ennemi supérieur en nombre, et donc d'être capturée en intégralité. En effet, la Frontière du Portugal ne pouvant être trop dégarnie de troupes, le raid devra avoir une taille limitée à une division toutes armes.Il faut donc éviter les divisions Daricaud et Drouet qui gardent l'Estramadure, la division Foy qui est au nord du pont, puis revenir au Portugal le plus vite possible.

    Hill dispose pour cela d'environ 17 000 hommes mobiles, mais ne peut dégarnir la frontière du Portugal; le corps impliqué ne comptera que 6000 hommes, ce qui laisse assez de troupes pour interdire tout coup de main sur la frontière, mais est assez fort pour un coup de main sur la garnison des forts. "Daddy Hill" réussira cette action avec brio, sans avoir besoin de son artillerie de siège qui ne pourra passer le col fortifié (la route contournant est impraticable à l'artillerie lourde), puis retournera sur la frontière avant que les Français soient assurés de la taille de la force de raid, et donc ait répondu.
    Wellington demandera aussi à Balesteros de sortir du Contado de Niebla pour menacer Séville, tout en se gardant de se risquer trop. Cette diversion-ci ne réussira pas, car le général, trop téméraire et ambitieux, se fera battre 2 fois en 15 jours avant de retourner se réfugier dans la montagne.

    Ces actions auront un effet inattendu, car Soult s'en servira pour refuser tout aide à l'Armée du Portugal, en prétendant jusqu'aux Arapiles que l'incursion au Nord n'est qu'une diversion, et que Wellington est en fait en face de lui avec 60 000 hommes et se prépare à l'attaquer. Il ne bougera donc pas.


    b) Diversion au Nord

    L'armée du Nord, par une réaction rapide en faveur de l'armée du Portugal, pourrait réduire à néant les efforts des Anglo-alliés en renforçant celle-ci au delà de ce que Wellington peut supporter. Cafarelli a même promis à Marmont de venir avec 8000 hommes dont une forte brigade de cavalerie, dont Marmont aurait bien besoin, car il se sait inférieure en nombre dans cette arme, et sa cavalerie disponible est démoralisée par ses nombreux échecs passés.

    Il convient donc de forcer cette armée à l'inaction, ou au moins de la cantonner à sa propre sphère d'activité. Ce sera le rôle de la Navy et de l'Armée des Asturies, composée en quasi-totalité d'irréguliers aguerris par 3 ans d'affaires de postes contre l'occupant Français, et qui savent retraiter en ordre face à un ennemi trop fort, pour revenir dès qu'il s'est éloigné.
    Le commandement naval de la côte Nord de l'Espagne est assuré par le Post Captain Home Riggs Popham, qui, par de nombreux débarquements de sa brigade navale en coopération avec les irréguliers locaux, va prendre et reprendre les différents postes côtiers français, forçant Cafarelli à revenir en force à chaque fois pour récupérer les positions à grand frais, et lui fournissant de bonnes raisons pour ne pas soutenir Marmont.
    L’abandon des Asturies par la division Bonnet, en contravention des ordres directs de Napoléon, augmente encore la pression, plus le fait que l’escadron de Popham prend des dimensions épiques dans l’esprit de Cafarelli (alors qu’il n’a qu’une demi-douzaine de frégates et quelques navires de rang moindre).
    Les renforts promis vont donc se réduire d’abord dans la correspondance du général de l'Armée du nord à une brigade de cavalerie d’un peu moins de 2000 sabres et de l’artillerie, pour finir par envoyer 600 cavaliers trop tard, qui rencontreront l’armée défaite aux alentour de Burgos.


    c) Diversion à l’Est

    Dans l’esprit de Wellington, Suchet, ayant capturé l’Armée de Valence, se trouve sans adversaire régulier pour le tenir en haleine, et donc peut détacher une force importante au secours de l’armée du Portugal, directement ou indirectement en remplaçant l’armée du centre dans ses garnisons. Il convient donc de lui trouver de l’emploi dans sa sphère d’influence, or les forces régulières sur la côte Est de l’Espagne sont trop réduites et sous des officiers ayant fait la démonstration de leur totale absence de capacité offensive pour pouvoir espérer les voir influer sur Suchet. Il faut donc des intervenants extérieurs.

    Sont disponibles à ce moment, les 2 divisions espagnoles levées et entraînées par les officiers Anglais Roche et Wittingham aux Baléares, mais elles restent des forces sans expérience. Il faut les encadrer avec des vétérans, or le départ de la meilleure partie des armées de Naples et d’Italie pour la Russie supprime la menace sur la Sicile, et libère une grande partie du contingent que les Anglais maintenaient là-bas.

    Le commandant dans l’Île est Sir William Bentinck, qui, lassé des interférences de la reine, a récupéré la majeure partie des pouvoirs, maintenant la paix civile dans le royaume et réorganisant l’armée, qui peut désormais presque tenir les côtes seule, et n’est plus forcée de rançonner la population pour ne pas mourir de faim. 10 000 hommes sont donc disponibles pour une opération extérieure, mais sans beaucoup de cavalerie, car les transports de chevaux manquent.

    Néanmoins Sir William est plus attiré par une action plus proche de ses bases, à savoir la conquête de la Corse, Elbe, une descente en Calabre ou dans les anciens Etats Pontificaux, avec en filigrane le fantasme sous-jacent propres aux libéraux anglais de l’époque de la résurgence de la République Romaine Antique dans ses terres historiques. Le gouvernement Anglais lui démontrera a plusieurs reprises l’inanité de ces objets (descente en Italie), ou leur peu d’utilité (capture de la Corse ou de l’Île d’Elbe), alors que, de l’aveu personnel de Bentinck, une force effectuant des descentes depuis la mer sur des points choisis du long littoral Espagnol ne peut qu’avoir une grande influence sur le déroulement d’une campagne plus importante dans la Péninsule.

    De ces vacillements, et du fait d’évènements politiques Siciliens rendant les 8000 Napolitains sous les armes brutalement moins fiables viendront le fait que, au désespoir de Wellington, seuls 3 bataillons Anglais et 2 KGL plus un rassemblement d’éléments « Etrangers » disparates seront envoyés, sous les ordres de Maitland pour un total de 7000 hommes de qualité variables, les Italiens désertant à un rythme alarmant.

    Ce noyau expérimenté ne partira de Sicile qu’à la fin Juin, trop tard pour influencer la campagne. Ces troupes seront renforcées par Wellington de 1400 portugais et 2 bataillons Suisses pris des garnisons du sud de l’Espagne, plus un train de siège venant de Lisbonne, plus les divisons Espagnoles sus-citées, rassemblant presque 12 000 hommes de plus. Encore pire, les instructions de Bentinck, pointant la priorité du contingent central de cette force vers la sauvegarde de la Sicile condamneront le commandant à l’inaction.

    La présence, ou même l’approche possible de cette force (il sait qu'un grand nombre de transports de troupes se déplacent entre les baléares et la côte, et a entendu parler de la descente anglaise), seront mises en avant par Suchet pour ne rien faire en faveur de Marmont, donc le but sera néanmoins atteint.


    d) amélioration de la communication Nord-Sud au Portugal

    Suite à l’action de Hill à Almaraz, la division de Foy se rapproche de Salmanque, enlevant une menace sur Alcantara, où un pont romain vital sur le Tage a été détruit en juin 1809. Sa restauration permettant un raccourci de cinq à six jours dans les communications entre Badajoz et Ciudad Rodrigo, Wellington décide d’y faire établir un pont volant, capable de supporter tout le trafic possible, même pour des canons lourds, mais pouvant être replié et emmené en quelques heures en cas d’interférence ennemie.
    Le général Anglais gagne ainsi entre dix et douze jours de rapidité de manœuvre sur ses adversaires sans compter leurs difficultés de renseignements.

    Cela fait que Soult pourra croire (ou au moins le prétendre) que Graham se trouve encore derrière Hill trois semaines après qu’il ait rejoint Wellington, et donc 15 jours après que l’offensive ait commencé

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 15 Aoû 2011, 15:20

II) Bref aperçu du déroulement

    0) Problèmes financiers survenus à l'entrée en campagne

    j'ai dit en préambule que Wellington au début de cette campagne est, pour une fois, à jour financièrement. C'est un peu exagéré, mais son système d'approvisionnement en cash est en place, et doit normalement lui permettre de garder les choses en l'état , à savoir les troupes en arriérés de 5 mois et les muletiers Espagnols de 12 mois. Or 3 évènements du début 1812 vont déranger ce bel édifice:

    • Le Royaume-Uni est depuis 2 ans vide de numéraire ou presque. Les marins, soldats démobilisés et personnes revenant des colonies (où ils ont été payés en Guidées d'argent, qui n'ont pas cours dans les Îes Britanniques) sont démarchées par des spéculateurs et des usuriers dès leur descente de bateau pour un change vers du papier-monnaie à 25% au dessus de la valeur faciale. Il n'a pas été battu monnaie locale depuis les années 90, et aucune guinée n'a été émise depuis 1768. Les importations d'argent depuis les Amériques sont redirigées immédiatement vers les colonies et surtout la péninsule, que ce soit au titre des subsides ou de la paie des soldats. Or en cette année 1812, le Mexique est secoué de troubles internes qui dérangent les exportations de métaux précieux.

    • La guerre avec les Etats-Unis, prévisible depuis 1 an et repoussée autant que possible, vient d'être déclarée en juin 1812. les marchands de blé de Nouvelle-Angleterre, qui acceptaient de vendre leur production contre des billets payables à Londres, ne peuvent plus le faire par un décret du Congrès qui interdit le commerce avec l'ennemi. cela amènera presque une sécession desdits états, mais en attendant Wellington est forcé de se rabattre sur d'autres marchés (Magreb essentiellement) pour son approvisionnement en Blé, marchés où seul le numéraire a cours. On peut aussi ajouter que les Corsaires Américains, appâtés par l'aubaine et connaissant les voies de navigations utilisées, vont croiser sans relâche au large du Portugal et déranger les transports.

    • le dernier lieu d'obtention aisée de numéraire est Gibraltar, où des marchands échangent des dollars d'argent Espagnols contre des billets payables à Londres, avec 15-20% de décote. Or, pour financer l'expédition sur la côte Est, des Agents de Sir William Bentinck vont arriver à Gibraltar et vider les coffres en offrant 30 à 40% de bénéfice, avec des traites sur la cour de Sicile qui a un crédit bien plus important que Londres.
    Tout cela fera que Wellington pourra déclarer au gouvernement Anglais à la veille de rentrer en campagne "l'armée est dans un état de parfaite banqueroute...je n'ai pas en caisse de quoi payer les arriérés de l'armée qui sont 5 mois en retard, et c'est encore pire pour les muletiers...." On lui fera savoir par retour qu'il allait recevoir 300 000£ en numéraire pour les 6 mois à venir (alors que cela représente la dépense de 3 semaines) mais que plus rien n'est disponible après. Il aura aussi la mauvaise surprise en entrant à Salamanque de voir ressortir des traites impayées datant de 1808 et signées par l'armée de Moore....
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 03 Sep 2011, 08:10

1) Du début aux Arapiles

    a) Entrée en campagne
    La position de Marmont au début de la campagne est inconfortable ; il sait que Wellington va l’attaquer, il sait en gros avec combien de troupes car, contrairement à Napoléon, il ne manipule pas les chiffres qu’il possède, et ne crée pas de malades dans l’armée anglaise lorsque cela l’intéresse, il sait aussi dans quelle zone. La seule chose qu’il ne sait pas, c’est quand ! Or depuis la disparition de son dépôt d’Almaraz, et dans une moindre mesure même avant, il ne peut pas tenir son armée concentrée sans entamer ses réserves de vivres, il est donc forcé de la maintenir dispersée dans des cantonnements éloignés pour pouvoir la nourrir.

    Or Salamanque est à moins de quatre jours de la frontière, il est impossible pour lui de se rassembler à temps pour empêcher Wellington de capturer la ville, il choisit alors comme point de regroupement la ville de Fuente Sauco, à 35 km au nord de Salamanque sur la route de Toro.

    L’armée anglaise franchit donc la frontière le 13 juin, en trois colonnes, l’aile droite, commandée par Graham, comprenant les 1e, 6e, 7e divisions, éclairée par un régiment de la brigade Anson, l’aile gauche sous Picton comprenant la 3e division, les brigades portugaises de Pack et Bradford et les dragons lourds de Lemarchant, le centre, sous Beresford, avec la 4e, la 5e et la division légère plus les dragons lourds de von Bock, précédés des hussards KGL de von Alten. Il est à noter que les deux commandants d’aile seront obligés d’abandonner l’armée très vite pour des raisons médicales, Picton car sa blessure de Badajoz, pas encore guérie, va s’infecter et lui donner une très forte fièvre (28 juin), Graham à cause de ses problèmes d’ophtalmie, qui vont le forcer à rentrer en Angleterre sous peine de devenir aveugle (6 juillet).

    La marche en avant va se faire pendant trois jours sans rencontrer d’adversaires, et ce n’est que le 16, à deux lieues de Salamanque, que les hussards de l’avant-garde rencontrent deux escadrons de chasseurs à cheval français, qui refusent le combat et se replient au-delà du Tormes. L’armée bivouaque ce jour en vue de la ville et Wellington apprend alors que l’Armée du Portugal a évacué la ville, sauf la garnison des forts.

    Les Français n'ont à ce moment à proximité de la ville que deux divisions d'infanterie, qu'il serait intéressant de submerger avant l'arrivée des autres, mais ce serait risquer des pertes importantes dans l'armée, ce qui n'est pas dans l'habitude du général en chef anglais. Il va donc faire contourner Salamanque au gros de ses forces, ne laissant dans la ville que la 6e division, nécessaire au siège des forts (qui commandent le seul pont en dur de la zone, et donc le seul point de passage sûr pour les chariots de ravitaillement), et prendre une position défensive au Nord-Est, sur les hauteurs de San Cristobal.

    Marmont, averti dès le 14 de l'incursion des Anglais, n'a pas attendu le contact pour envoyer ses ordres de rassemblement et regrouper ses troupes sur le point choisi. Il laisse deux divisions (les plus proches) en couverture, persuadé qu'il est que Wellington n'attaquera jamais (la même erreur qui lui coûtera la campagne). Pour l'instant, les faits semblent lui donner raison…
    Il va même contrevenir à l'ordre direct de Napoléon en rappelant Bonnet des Asturies, pensant avec raison que la possession d'une province est moins importante que de rassembler le plus possible de troupes face à l'Anglois. Malheureusement, il est pour le moment en très forte infériorité numérique, mais même avec tout son monde, il rend 8 000 hommes à son adversaire et est moins fort en cavalerie.

    De son côté, Wellington dispose de 48 000 hommes, mais dont seulement 28 000 Anglais, et si les Portugais ont fait des progrès, ils ne sont toujours pas aussi fiables. Une action offensive peut les voir confirmer ou infirmer cette confiance, ce qui est un risque trop grand pour le général anglais, d'autant plus que les forts de Salamanque représenteraient une menace sur ses arrières qu'il faudrait prendre en compte. Il attend donc plutôt une attaque française sur une position forte, qui lui donnerait une autre bataille de type Bussaco, que Marmont se refuse à déclencher.

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 03 Sep 2011, 08:11

    b) les Forts de Salamanque ( couvents de San Vicente, San Cayetano et La Merced)

    Wellington a été informé de leur construction très rapidement, il a même reçu un schéma de leur disposition. Il a donc prévu d'emporter à la suite de l'armée quatre pièces de 18 livres en fer avec une dotation de 100 coups par pièce, suffisantes pour démolir "trois couvents fortifiés".

    Malheureusement, à l'arrivée à Salamanque, il découvre que ces ouvrages ne sont plus seulement des couvents, mais de véritable fortins, avec glacis (incomplet), fossé, palissades et murs de forteresse, et même si l'artillerie qu'ils possèdent n'est que de l'artillerie de campagne, il faut mener un siège régulier avec tranchées, approche et batteries lourdes, et qu'il n'aura jamais assez de munitions pour les prendre. Six obusiers lourd de 24 pouces provenant du train ayant pris Badajoz sont en route depuis Elvas et doivent arriver le 20, mais ce qu’il faudrait, ce ne sont pas des obusiers, mais des pièces longues de 18 ou 24. C’est d’autant plus gênant que Almeida et Ciudad Rodrigo en regorgent, mais sans affût de transport, donc impossible de les sortir des places fortes. Le responsable de l’artillerie ira jusqu’à emprunter trois obusiers de campagne pour compléter, et deux pièces de 6 comme fusils de rempart jusqu’à l’arrivée des obusiers lourds d’Elvas.

    Pour compliquer la tâche, il n’y a que trois officiers d’Engineers et neuf Military Artificers avec l’armée, ce qui est largement insuffisant pour le siège ou pour instruire les troupes, et la 6e Division qui est en charge du siège n’a aucune expérience dans les sièges, les travaux iront donc très lentement.

    Enfin, les faibles munitions disponibles forceront un arrêt du bombardement le 21, car les réserves ne contiennent plus que 60 boulets de 18 et 160 coups pour les obusiers. Un convoi urgent demandé au 20 par Wellington n’arrivera que le 26, et donc pendant 3 jours les batteries Anglaises resteront silencieuses.
    Le 23, après un changement dans le positionnement des pièces, le feu reprend contre le fort de San Cayetano, et à la soirée tous les coups de 18 livres et 100 obus de 24 ont été tirés sans réussir une brèche réelle. On tente alors néanmoins une escalade à la nuit, entreprise par les 6 compagnies légères des brigades Hulse et Bowes, environ 3-400 hommes, qui sortiront des tranchés, traverseront une partie du glacis sous le feu du fort de San Cayetano de face et de celui de San Vincente de dos, arriveront dans le fossé, ne pourront planter que deux échelles sur les vingt fournies (les autres, mal construites, ayant cassé avant) puis abandonneront l’assaut pour revenir à leur point de départ, perdant 6 officiers (dont le général Bowes) et 120 hommes à tenter l’impossible.

    Le siège marque alors une autre pause jusqu’au matin du 26, où le convoi de mules venant d’Elvas apportera suffisamment de boulets pour en finir. Ce jour-là, à 3 h de l’après-midi, les quatre pièces de 18 sont approvisionnées et concentrées sur San Cayetano, et les obusiers tirent des boulets rouges sur le toit et les étages supérieurs de San Vincente. Cette dernière action est la plus efficace du siège, car ce fort se trouve alors rempli de bois de construction et autres matériaux inflammables. Les défenseurs ont dans les 24 h suivantes à éteindre dix-huit foyers différents, le feu anglais réalimentant régulièrement la conflagration par un feu continu. Pendant ce temps, une vraie brèche est pratiquée dans le mur de San Cayetano , et un nouvel assaut ordonné pour le soir- même.

    Cette fois-ci, les assaillants, bien protégés par les tranchées poussées jusqu’à la contrescarpe pendant l’arrêt forcé du feu, descendent dans le fossé presque sans pertes et au moment d’escalader la brèche, voient le fort hisser le drapeau blanc. Malgré les efforts du gouverneur pour gagner du temps, la reddition du fort est effective vingt minutes après. De même sur San Vincente, le 9e caçadores est envoyé pour tester les défenses pendant que l’incendie faisait rage, et le fort se rend immédiatement car incapable de combattre à la fois le feu et les assaillants. Le fort de La Merced, étant plus petit, sans réserve de nourriture ou de munitions, et complètement surplombé par San Cayetano, se rend lui le lendemain matin.

    les pertes françaises durant le siège se montent à 3 officiers et 40 soldats tués, 11 officiers et 140 soldats blessés, et moins de 600 prisonniers indemnes. Les assaillants perdent 5 officiers et 94 soldats morts, et 29 officiers et 302 soldats blessés. Il sera trouvé dans les forts un gros stock de drap, beaucoup de poudre et 36 pièces d'artillerie. Les canons et la poudre sont donnés à Carlos de España, dont un officier fera accidentellement exploser plusieurs barils le 7 juillet, tuant plusieurs soldats et une vingtaine de civils, et détruisant plusieurs maisons. les forts sont méticuleusement détruits après avoir été vidés.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 04 Oct 2011, 20:19

    c) Opérations de Marmont durant le siège

    Le Maréchal, donc, ayant donné ses ordres de concentration sur Fuente Sauco le 14 juin, voit tout son monde (sauf Bonnet qui est encore loin) réuni sur sa position le 19 après-midi. Il décide alors de reprendre l’offensive, et de gêner les opérations de siège par sa présence et ses manœuvres. Il a alors sous la main environ 35 000 hommes, mais sa cavalerie est squelettique (entre 2 000 et 2500 sabres). Il a reçu le jour même la réponse à une missive envoyée le 14 à Cafarelli sur le point des renforts disponibles à l’Armée du Nord en cas d’attaque Anglaise, dans laquelle le général lui promet une division d’infanterie et, ce qui est mieux encore, une Brigade de cavalerie, avec 2 ou 3 batteries, ce qui lui redonnerai l’avantage numérique sur l’armée Anglo-Portugaise à tous les points.

    Jourdan par contre lui a signifié qu’il n’avait aucun moyen de dépêcher des troupes de l’Armée du Centre tant que d’Erlon n’aurait pas obéi à l’ordre de se rapprocher de Madrid pour remplacer les troupes qui pourraient être envoyées à l’Armée du Portugal, ce que Jourdan même présente comme improbable.
    La même lettre lui signale que Soult envoie des messages d’alerte disant qu’il est en présence du gros de l’Armée de Wellington, donc qu’il est probable que la concentration des troupes autour de Almeida ne soit là que pour une diversion, et donc dans ce cas, que ce sera à lui d’envoyer du renfort à l’Armée du Sud, sans se laisser amuser par l’adversaire qu’il a en face de lui.

    Le 15, après avoir vérifié qu’il était bien en présence de plus de 40 000 Anglo-alliés, il signale ce fait à Jourdan, qui, lui, reçoit simultanément l’information de Soult que Wellington est présent en Estramadure avec 40 000 hommes, qui sont « contenus » par les 30 000 de d’Erlon et Daricaud. Ce dernier continuera à nier l’évidence contre toute preuve jusqu’à la réception des résultats de la bataille des Arapiles, où il commencera à proposer au Roi de quitter Madrid pour le rejoindre au Sud, en abandonnant toute communication avec la France d’où viennent argent et renforts. En attendant, l’armée du centre est paralysée par ces données contradictoires, et est indisponible pour aider l’Armée du Portugal.

    Dans le même temps, Marmont prévient Cafarelli que l’attaque Anglaise a commencé, et qu’il a besoin des renforts promis au plus tôt. Le 19, ayant rassemblé toutes ses divisions sauf Bonnet "qui ne doit plus être très loin", et pensant que les renforts de l’armée du Nord en sont au même point, il décide de partir à la rencontre des Anglais, dans le but certain de les obliger à relâcher la pression sur les forts de Salamanque. Il arrive donc face aux positions Anglaises de San Cristobal le 20, et à 4 heures de l’après-midi, s’avance suffisamment près pour forcer Wellington à prendre ses dispositions de combat, avec un peu plus de 25 000 fantassins et 1 500 cavaliers (Foy, Thomière et une brigade de Dragons de Boyer n’étant pas encore arrivés). Il va donc s’établir en contrebas de la position Anglaise qui, elle, est garnie de plus de 37 000 fantassins et 3 500 cavaliers (sans compter les Espagnols), venant même disputer 2 villages situés à mi-portée de canon de la ligne ennemie.
    Cette position est alors plus que téméraire, car le terrain sur ses arrières n’est pas constitué comme il le sera à Salamanque de collines boisées où une armée en retraite peut se défiler, mais de champs de céréales à perte de vue, il n’y a pas de flancs-gardes, et Wellington est parfaitement capable, du fait de sa position partiellement masquée, de transférer sans que cela se voie la moitié de son armée et toute sa cavalerie sur une aile pour envelopper ce qui est présent de l’armée du Portugal et la capturer en presque totalité (alors que la bataille de Salamanque ne représentera finalement que 25 à 30% de pertes, comblées en parties par les dépôts).

    Mais Wellington n’attaque pas, il reste persuadé que les Français vont le faire le 22, et n’est pas loin du compte, puisque Foy (arrivé le jour même avec les manquants) nous rapporte le résultat d’un conseil de guerre ayant eu lieu le soir du 21, le Maréchal exposant sa volonté d’attaquer, appuyé d’abord par Maucune, Ferey et La Martinière, avant que Clausel et lui-même se déclarent contre, rappelant les précédents de Bussaco et Vimiero, ce qui a semblé exaspérer Marmont.

    Le 22 donc, rien ne semble se passer sur le front des Français, et le général Anglais commence à se poser la question d’une offensive. Les conditions sont moins bonnes que le 21, mais la supériorité numérique et la position restent toujours les mêmes. Il ne se lance néanmoins pas, se contentant de faire construire 2 flèches pour consolider les positions des 1st et 7th Divisions, puis de déclencher une offensive partielle des 51st et 68th lights de la 7th sur un mamelon situé en avant du front Français, avec ordre à Graham de soutenir avec la 1st et la Light Division si l'ennemi approchait des renforts.

    Mais rien de la sorte ne se passe, le mamelon est pris sans grosse opposition, les Français reculant jusqu'au village situé derrière, où ils se positionnent en défense pour une attaque qui ne viendra pas; le mouvement Anglais ayant eu pour but de forcer les Français à engager le combat, cela ne s'étant pas produit, aucun autre combat ne sera engagé pendant cette journée.

    Le lendemain matin, l'Armée du Portugal a disparu à l'exception de quelques piquets de cavalerie qui, poussés par les hussards KGL de von Alten, vont reculer jusqu'à la position principale Française située à huit kilomètres en retrait, sur des hauteurs derrière le village d'Aldea Rubia, appuyée à gauche sur la Tormes près des gués de Huerta. L'Armée Anglo-Alliée ne poursuit pas et reste à San Cristobal, sa cavalerie remplissant l'espace entre les belligérant et reconnaissant la position Française.

    Le compte-rendu de Marmont envoyé à Jourdan sur ces quelques journées d'offensives montre une superbe ignorance du danger où il s'est trouvé et des risques pris face à Wellington, indiquant comme seule raison à l'avortement de son attaque le fait qu'il n'est pas au moins en égalité numérique. Il lui faut attendre Bonnet et les renforts de l'Armée du Nord avant de reprendre l'offensive, en se bornant pour le moment à manœuvrer autour de Salamanque pour obtenir un engagement partiel avec l'Ennemi, ou au moins gêner le siège.

    Le 23, Wellington reconnaît personnellement la position Française, et envoie les dragons de von Bock surveiller les gués de Huerta depuis le sud, soutenant la cavalerie au Nord de la Tormes par 2 brigades de la Light Division. Le soir, des dragons Français en exploration traversent la Tormes, rencontrent les piquets de von Bock et se retirent.

    Le 24 au matin, à travers la brume matinale, des coups de canons et de la mousquèterie venant du sud de la Tormes sont audibles depuis le bivouac Anglais à San Cristobal. Wellington et son état-major rejoignent alors le bivouac de la brigade avancée de la Light Division à Aldea Longa, d'où on a une vue dégagée sur la rive sud après la levée des brumes. ils peuvent alors y apercevoir deux divisions Françaises, précédées par une brigade de chasseurs appuyés par une batterie à cheval pousser lentement les dragons lourds KGL, qui se retirent en ordre par escadrons successifs.

    Comme le terrain défensif de San Cristobal se prolonge au sud de la rivière par des hauteurs encore plus faciles à défendre, Wellington ordonne à Graham de traverser à Gué près de la position Anglaise avec les 2 divisions sous son commandement (1st et 7th ) pour prolonger la ligne et soutenir von Bock. Les 4th et 5th sont aussi rapprochées de la rivière pour être à même de passer si Marmont continue son mouvement avec d'autres unités, et vers midi fait traverser la brigade Lemarchand pour suppléer les dragons KGL qui ont fort à faire. Graham a alors sa droite à l'endroit même où la Gauche de Wellington sera un mois plus tard pour la bataille de Salamanque

    Les Français, estimés à 9 ou 10 000 hommes encore une fois vont jusqu'au pied de la position Anglaise, se déploient comme s'ils allaient attaquer, puis se retirent, couverts par leurs Chasseurs. Ces unité détachées auraient pu se trouver en grande difficulté si les Anglais, en forte supériorité numérique de cavalerie, les avaient poussés au moment de repasser les gués, mais rien de tel n'est entrepris. La fin de la journée voit les 2 Armées de retour sur leurs positions de départ, von Bock, ayant eu une dure journée (même s'il n'a perdu que 5 cavaliers), étant remplacé par von Alten au Sud de la Tormes.
    La lettre de Marmont à Jourdan explique ce mouvement comme une tentative de contourner la position Anglaise et de le forcer à lever le siège. Cette Action, de l’aveu même de Marmont, s’est vue contrecarrée par l’action rapide du corps de Graham.
    (En commentaire, on pourrait observer l’inanité de ce mouvement, réalisé avec un détachement incapable de soutenir une contre-offensive ennemie, coupé du gros des troupes par des gués, sur des lignes excentriques alors que l’Ennemi a le centre. On peut aussi objecter à l’argument de la défense imprévue que nous ne sommes pas au fin fond des steppes australes, mais à moins de 10 km de Salamanque, un des QG de l’Armée du Portugal depuis plus de 2 ans. Il n’y a pas de service topographique dans cette partie de l’Espagne, aucune étude n’a été réalisée dans cette zone où Marmont sait qu’on va se battre depuis 6 mois au moins, ou personne dans son Etat-Major ne sait-il lire une carte ?)

    Le 25 se passe sans changement, Marmont attendant des nouvelles de Cafarelli qui manquent de se matérialiser, et Wellington attendant le convoi de munitions pour reprendre le feu contre les forts. Cela n’empêche pas la continuation des tranchées, et le 26, à l’arrivée du convoi de poudres, elles atteignent presque la contrescarpe de San Cayetano. Du côté Français, la journée est mauvaise, puisqu’en concurrence du feu renouvelé contre les forts, une missive de Caffarelli, datée du 20, arrive enfin, pleine de mauvaises nouvelles.
    Le général y fait mention de l’arrivée des navires de Lord Popham, dont il exagère grandement la puissance, et dit que la division de renfort doit être redirigée vers la côte, donc que son renfort ne dépassera pas une brigade de cavalerie et de l’artillerie, si un tel détachement est même possible. Il est alors clair que rien n’étant parti de Vittoria le 20, il ne faudra pas attendre de renforts autres que Bonnet avant longtemps.

    Le 27 au matin arrive le dernier coup, un message du gouverneur de Salamanque, signalant qu’il ne peux plus résister que 72 heures au maximum. Il faut donc pour Marmont se résigner à perdre la garnison, ou forcer ce qu’il n’a pas voulu faire le 22, attaquer Wellington. Il se résout à prendre cette dernière solution et prépare un mouvement tournant, qui l’aurait amené mathématiquement le 29 sur le terrain où il sera battu 3 semaines plus tard, mais avec 6 000 fantassins et 1 000 cavaliers de moins, les anglais étant eux diminués d’une seule brigade, soit environ 3 000 hommes, remplacés par le même nombre d’Espagnols de Carlos de España, absents eux en Juillet.

    Heureusement pour lui, le feu d’artillerie dans la direction de Salamanque cesse pendant les préparatifs, et on apprend quelques heures après la chute des forts. Plus rien ne le retenant sur la Tormes, Marmont décide de se retirer vers le Nord, puisque c’est la direction d’où lui viendront ses renforts. Il abandonne par là-même sa communication directe avec Madrid, mais les informations données par Jourdan ne contiennent aucun espoir d’aide de ce côté. En 3 marches forcées, il rejoignit Rueda et le Douro, arrivant le matin du 1er juillet, terminant cette partie de la campagne en ayant perdu Salamanque et une partie de l’espace qu’il occupait habituellement, mais en gardant son armée intacte, et donc empêchant toute avancée Anglaise sur Madrid.

    Wellington, ayant laissé passer 3 occasions d’infliger un revers cuisant à son Ennemi direct, commence alors à regretter sa passivité de Juin, car rien de décisif n’avait suivi son entrée en campagne ; il a gagné une ville qu’il sait ne pas pouvoir défendre si les Français se regroupent, et ce moment ne peut que s’approcher, les diversions engagées ne pouvant indéfiniment tromper les commandants Français. Deux informations désagréables du sud lui arrivent, premièrement que Ballesteros a, par imprudence, été sérieusement battu à Bornos le 1er Juin, son armée n’étant pas détruite, mais hors de combat pour le moment, la deuxième que le Général Slade s’est fait ridiculiser par le Général Lallemand dans un combat qu’il aurait dû gagner le 11. Les pertes sont équilibrées, mais c’est un précédent fâcheux, les Anglais ayant toujours battu les cavaliers de Soult jusqu’à présent.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 17 Oct 2011, 17:35

    d) quinze jours d'interlude (1er-15 Juillet 1811)
    On observe alors une chose assez rare dans une campagne militaire, une suspension de fait des opérations des deux camps, sans concertation ni accord. En fait, chacun attend l'arrivée d'un renfort décisif pour la suite de la campagne.

    - Du côté Français, Marmont attend Bonnet et ses 7000 hommes, qui rétabliront la parité numérique des deux armées; d'après ses missives à Jourdan, c'est la seule chose qui l'empêche de reprendre l'offensive contre les Anglais. Il va aussi prendre une résolution extraordinaire dans le but de réduire sa sous-capacité en cavalerie, et d'utiliser l'énorme dépôt de cavaliers démontés présents à Valladolid.
    Les officiers de l'Armée du Portugal ont pris la mauvaise habitude de s'acheter des montures et des animaux de bât supplémentaires, totalement en contradiction avec le règlement, ce qui allonge les colonnes de marche et concurrence la recherche de remonte pour la Cavalerie. Il n'est pas rare de voir des capitaines, voire des lieutenants, possédant un, voire deux chevaux, plus une ou deux mules de bât. Marmont prend pendant la première semaine de Juillet la résolution de faire appliquer le règlement à la lettre, rachetant pour une somme minime tous les chevaux ainsi libérés, pour s'en servir à remonter des cavaliers de dépôt et étoffer ses régiments. Avec les 94 chasseurs de l'escadron du 28e de Chasseurs qui sont avec Bonnet, cela lui permet de faire passer sa cavalerie d'un peu plus de 2200 sabres à 3200 en moins de 10 jours, à peine 300 de moins que les Anglo-Alliés.

    Il est néanmoins à noter que ces chevaux, bien qu'étant entraînés à la guerre, ne le sont pas au service d'escadron et aux manoeuvres au "botte-à-botte", ce qui pourrait expliquer le fait que, dans la deuxième partie de la campagne, la cavalerie française qui n'était pas très efficace contre ses adversaires anglais, aura désormais tendance à fuir même devant les cavaliers portugais.

    Un autre renfort que Marmont attend, mais là sans grand espoir, est la brigade de cavalerie légère promise par Cafarelli. Celle-ci, ne partant de Vittoria que le 16 Juillet, ne sera pas disponible à temps pour avoir une quelconque utilité dans cette campagne.

    L'arrivée tardive de Bonnet peut s'expliquer par le fait qu'il sait que l'armée de Galice est susceptible de l'intercepter durant sa marche avec 15 000 hommes, et de lui interdire le passage d'un des nombreux défilés situés sur la route directe entre les Asturies et Valladolid. Il partira donc de son propre chef le 14 Juin (ayant entendu parler du regroupement des Anglais sur la frontière, il l'interprétera avec justesse comme l'annonce du début de campagne de Wellington) et, suivant la côte, récupère les nombreux postes qu'il y a établis, puis passant par Santander, Reynosa, Palencia, il arrive à Valladolid le 6 juillet, avec 6500 fantassins, sa batterie divisionnaire et son escadron de chasseurs.

    -Du côté des Anglais, Wellington, qui a suivi son adversaire et s'est installé de l'autre côté du Douro, attend Santocildes et l'armée de Galice. Ils ne sont pas censés le rejoindre, mais avec leurs 15 000 hommes pousser sur les arrières de l'Armée du Portugal, qui sera alors forcée de détacher des troupes pour les contenir. Cette attente est exacerbée par le message de D'Urban qui, le 2 Juillet, lui apprend qu'il est à Castronuevo, au nord de Toro, et qu'à part les garnisons de Toro, Astorga et Zamora, il n'y a plus un Français dans les plaines du nord du Leon. Malheureusement, ses 800 sabres, et les 4 000 miliciens de Silveira (qui avancent tout doucement, mais avancent tout de même) restent négligeables pour Marmont, même positionnés sur son arrière droite. Qu'est-il arrivé à l'armée de Galice ?

    Cette armée, capable de mettre en campagne plus de 13 000 hommes (mais seulement une batterie et très peu de cavalerie), a reçu la demande expresse de Wellington de se mettre en campagne dans la deuxième quinzaine de Juin (le général anglais n’est pas le supérieur de Santocildès, le commandant de l’armée, donc ne peut lui en donner l’ordre). celui-ci a reçu avant sa propre entrée en campagne l’assurance que ce sera fait. Le 14 Juin, Le général Castaños est arrivé à St Jacques de Compostelle pour gérer la campagne, mais décide de laisser le commandement sur le terrain à son prédécesseur.

    Il avait été suggéré de faire le siège d’Astorga avec une division réduite, et de pousser avec le gros en direction de Benavente et Leon, de façon à menacer Valladolid et les magasins de l’Armée du Portugal, ce qui aurait forcé Marmont à détacher une division pour les protéger. Au lieu de cela, et dans le plus pur style Espagnol, Santocildès vient faire le blocus d’Astorga avec le gros de ses troupes et n’envoit vers Benavente qu’une division de 3800 hommes, trop peu pour s’aventurer plus loin. En apprenant leur avancée, le commandant de Valladolid se prépare même à incendier ses réserves et à s’enfermer dans le couvent fortifié qui est prévu à cet effet ; malheureusement, les choses à Astorga n’avancent guère, tout l’état-major Espagnol déclarant ce siège impossible à réaliser sans artillerie lourde. Il faudra que le commissaire Anglais auprès de la Junte de Galice fasse remarquer que les arsenaux de La Corogne et du Fereol sont pleins pour que des canons soient envoyés à l’armée, n'y arrivant que le 2 Juillet.

    En attendant, les 15 000 hommes de l’Armée de Galice sontimmobilisés par les 1500 de la garnison d’Astorga. Santocildès envoyant régulièrement des rapports optimistes prévoyant la prise d'Astorga dans les jours suivants, et son arrivée à Benavente avec le gros de son armée, Wellington se trouve alors dans une expectative permanente, et fait donc tous les préparatifs pour une reprise de l'offensive dès que les Galiciens auront fait sentir leur présence. Cette expectative se teinte d'impatience à mesure que le temps passe, mais forcer le Douro face à Marmont, avec une trop faible supériorité numérique pour compenser les doutes sur la fiabilité des Espagnols et Portugais, juste pour gagner quelques jours, lui semble trop hasardeux.

    Les deux armées se trouvent positionnées comme suit:

    les Anglais ont leur gauche, constituée de la 3e Division, des Portugais de Bradford et Pack, des Espagnols de Carlos de España et de la cavalerie de Le Marchand et von Bock près du confluent entre le Douro et le Trabancos, où le passage est facilité par le terrain, qui force l'ennemi à se positionner en retrait du fleuve, les 4e, 5e, 6e Divisions et la division légère, formant l'aile droite, se trouvent en face de Tordesillas, devant Rueda et La Seca. Ils ont les cavaliers de von Alten sur leur front et leur extrême droite couverte par Anson. La réserve se compose des 1e et 7e Divisions, en garnison a Medina del Campo. Le tout pouvant se rassembler pour l'offensive ou la défensive en moins d'un jour.

    Les Français se tiennent aussi dans un position concentrée, entre le confluent de la Pisurga avec le Douro à gauche, et la position surplombant le gué de Pollos à droite. Mais le 5, pour contrer la possibilité pour Wellington de contourner son dispositif par l'ouest en utilisant les gués de Castro Nuño et plus bas, Marmont détache la division de Foy aux alentours de Toro. C'est bien sûr insuffisant, car 5 000 hommes ne peuvent garder près de 7 kilomètres de rivière face à une offensive appuyée.; c'est pourquoi, dès l'arrivée tant attendue de Bonnet, il l'envoie soutenir Foy. Il garde donc 6 Divisions concentrées autour de Tordesillas, lui donnant 35 000 hommes aptes à intervenir où que se prononce l'offensive; de plus, le pont de cette ville, le seul en état de la zone, lui permet un retour offensif rapide s'il le décide.

    Les dix premiers jours de ce face-à-face étonnent beaucoup les généraux Français, les plus réfléchis d'entre eux l'attribuant à l'attente du renfort de Hill, qui, et les plus fermement convaincus de cela étaient Joseph et Jourdan, pouvait apparaître sur le Douro en moitié moins de temps que son opposant d'Erlon. La véritable raison est explicitée dans la Dispache envoyée à Lord Balthurst le 13 juillet. Wellington y annonce sa réticence à attaquer un ennemi en égalité (voir légère supériorité) numérique, possédant trois fois plus d'artillerie que lui sur une position défensive. Il n'est pas soucieux du résultat, mais cela lui couterait trop de pertes pour que ce soit utile dans sa campagne. La solution de son côté ne peut venir que des Galiciens.

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 20 Déc 2011, 20:13

    e) Reprise de l'offensive par Marmont, surprise sur le Douro

    Après deux semaines à attendre l'attaque Anglaise, Marmont commence autour du 15 à avoir des fourmis dans les jambes. L'arrivée de Bonnet et sa razzia sur les chevaux surnuméraires l'amènent proche du chiffre qu'il avait annoncé à Joseph comme nécessaire à sa reprise de l'offensive. De plus, les nouvelles du Nord ne sont pas bonnes, Cafarelli lui signale une escadre (fantôme) de 6 navires de ligne au large des côtes, avec une force de débarquement (imaginaire) de réguliers Britanniques, donc rien ne vient, le 11 juillet rien n'est parti de Vittoria, et tout semble concourir à ce que cela continue. Il se sent forcé de réavancer, sous peine d'être accusé devant Napoléon d'être timoré. Joseph lui ayant annoncé que rien n'était à attendre du côté de Madrid, et la résolution courageuse de l'Armée du Centre de tout tenter pour le renforcer ne lui sera jamais connue, les deux copies envoyées le 9 via Segovia (seule route de communication disponible) ayant été interceptées par la Guerilla et amenées à Wellington. Les seules instructions qu'il a reçues dans la deuxième quinzaine de Juin du GQG sont de profiter du fait que Wellington n'a pas toutes ses troupes pour le battre. Les estimations du GQG donnent à l'armée Anglo-Alliée 50 000 hommes (au lieu de 49 000) mais seulement 18 000 Anglais (alors qu'ils sont 30 000). la différence de qualité entre estimation et réalité est certainement la cause des déboires de Marmont. Il sait aussi que les vivres d'Astorga ne dureront pas au delà du 1er Août, et donc qu'après cette date, 10 000 Espagnols risquent de se trouver sur ses arrières.

    On ne peut qu'admirer sa façon de repartir à l'offensive une fois sa décision prise, par une feinte à l'Ouest, le côté que Wellington est le plus à même de surveiller car menaçant sa communication avec le Portugal, suivie d'un mouvement général à l'Est.

    Le 15 Juillet, les Divisions de Foy et Bonnet reçoivent l'ordre de réparer le pont de Toro, de repousser l'écran de cavalerie Anglais qui est de l'autre côté du Douro et de traverser le fleuve. Dans le même temps, le gros des Français, avec le Maréchal, se déplacent ostensiblement de Tordesillas à Toro et l'extrême gauche Française rejoint Tordesillas. Le contre-mouvement Anglais consistant en un débordement vers l'Est en vue de couper Marmont de sa base de Valladolid n'est pas crédible du fait de la différence dans le traitement du ravitaillement entre les deux armées. Marmont pouvant abandonner ses communications temporairement, Wellington non. Celui-ci est totalement trompé par la feinte, attribuant le mouvement Français à une interférence de l'armée de Galice, forçant les Français à prendre l'offensive par le chemin le plus direct, pour pouvoir ensuite rapidement dégager ses communications, ou alors à l'annonce de l'offensive de l'armée du centre, annoncée par les deux messages de joseph interceptés et qui auraient été reçus par d'autres copies. C'est ce qu'il annonce à Graham alors en route pour l'Angleterre pour les raisons médicales précédemment signalées dans une lettre du 16.

    Ses ordres du même jour, déjà prêts pour répondre à cette menace potentielle depuis plusieurs jours, mettent la quasi-intégralité de l'armée Anglaise en marche, tout en gardant une force de couverture face à Tordesillas pour surveiller le pont. La gauche doit se déplacer vers Castrillo sur le Guarena, la réserve vers Canizal et Fuente la Peña sur le Guarena, via Alaejos sur le Trabancos, de la droite, la 6e Division et 2 régiments de Le Marchand sur Fuente la Peña, la 5e Division sur Canizal et la brigade von Alten doivent suivre la 1e Division. Seuls restent la 4e Division, la Division légère et la brigade de cavalerie Anson pour faire l'arrière-garde face sous le commandement de Sir Stapletton Cotton, ne se déplaçant que jusqu'à Castrejon sur le Trabancos.

    Tous ces mouvements sont réalisés dans la journée, et le 17 au matin, alors que les unités approchent leurs positions en vue de résister à une avance en direction de Salamanque par la route de Toro, arrive la nouvelle surprenante que les deux Divisions ayant traversé le Douro ont rebroussé chemin le 16, démoli le pont et repris la route de Tordesillas, de même que toutes les troupes Françaises, que les unités d'arrière-garde ont traversé à Tordesillas et sécurisé les alentours, et que le gros Français est prêt à passer ce même pont. Le matin du 17, les divisions de Maucune et Clausel, devancées par la cavalerie légère de Curto occupent Rueda et La Seca, abandonnées par les Anglais quinze heures auparavant, le reste des troupes suivant, sauf Foy et Bonnet qui prennent un raccourci en traversant au gué de Pollos. À la nuit, l'armée Française est concentrée à Nava del Rey, l'arrière-garde Anglaise est découverte à Castrejon, le reste des Anglais étant dans le triangle Canizal-Castrillo-Fuente la Peña face à la route Toro-Salamanque.

    Marmont a alors la possibilité pour le 18 d'infliger un revers partiel aux unités d'arrière-garde Anglaise, avant qu'elles ne puissent se replier ou être renforcées par le reste de l'armée. Pour Wellington, n'ayant reçu des informations vérifiées sur la position française que le 17 au soir, il est trop tard pour donner des ordres à Cotton, puisqu'il prévoit de se porter sur place tôt le matin du 18 avec l'ensemble de sa cavalerie disponible pour coordonner la retraite, en espérant que ces troupes ne soient pas engagés trop fortement par l'ennemi. Les derniers ordres de celui-ci sont de s'arrêter sur ses positions le temps que son chef se soit assuré des mouvements Français.

    Le 18 au matin donc, dès 7h, Wellington arrive à Castrejon avec Le Marchand et von Bock pour trouver son subordonné aux prises avec les avant-gardes Françaises, mais sans que celui-ci, sans ordres depuis la veille, ne soit engagé trop fortement pour pouvoir rompre le combat. Ce dernier a expédié des patrouilles dans la direction où les vedettes Françaises ont été aperçues la veille, dans le but de savoir ce qui se cache derrière. Si la force en présence s'était trouvée limitée, il entendait la rejeter sur ses soutiens, sinon d'en référer à son supérieur. Ces patrouilles se trouvent immédiatement en présence de la Division Curto, qui les rejette sur la brigade Anson placée en recueil en avant de Castrejon, puis les français mettent en place deux batteries à cheval qui commencent à tirer sur la cavalerie, de leur côté très vite soutenus par les RHA de Bull et Ross qui neutralisent leurs homologues.

    C'est à ce moment-là que se déroule un évènement qui aurait pu avoir de très graves conséquences, car une erreur d'interprétation d'un ordre verbal d'un membre du staff de Wellington fait que ce dernier, Beresford et Cotton se trouvent au milieu d'un escadron français et doivent se défendre sabre en main pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce que l'escadron ayant commis l'erreur revienne les dégager et presque annihiler l'unité Française. Il n'en reste pas moins que quelques coups de sabres chanceux auraient pu à ce moment décapiter l'armée Anglaise, en la privant de ses 3 plus haut gradés au milieu de la campagne.

    La cavalerie Anglaise, en nette infériorité numérique, se maintient néanmoins facilement, mais l'intégralité de l'armée du Portugal est bientôt visible, en deux colonnes, l'une soutenant la cavalerie, et l'autre tentant par Alaejos de couper la retraite de Anglais vers la Guarena et le reste de l'Armée Anglo-Alliée. Wellington donne alors l'ordre de la retraite par Tordesilla de la Orden, les deux divisions d'infanterie étant masquées sur la route principale par la brigade Anson, alors que les dragons lourds de Le Marchand et von Bock retiennent la colonne Nord en se retirant par brigades alternées. La 5e Division, positionnée en recueil à Tordesilla de la Orden, se joint au mouvement de retraite qui se termine après un long combat trainant sur plus de 10 kilomètres jusqu'à la Guarena, la colonne du Nord menaçant en permanence de se faufiler entre les unités Anglaises et la sauvegarde représentée par la rivière, derrière laquelle les attendent leurs compatriotes. Mais après une courte halte de quelques minutes sur les bords de la Guarena, les trois Divisions orphelines rejoignent le gros de l'armée, et prennent leur place dans la ligne de bataille vers midi.

    En prolongation de ce mouvement rétrograde, une attaque partielle est déclenchée par Clausel, qui commande la colonne Nord, sur la 4e Division en train de prendre sa place dans le dispositif. Il semble que ce général, pensant voir l'opportunité d'attaquer avant que cette division soit positionnée, l'ait saisie sans en référer à son chef. Envoyant une brigade de Dragons (5e et 15e, général Carrié) contourner la ligne ennemie en passant à gué en dessous de Castrillo, il fait attaquer de face la Division Brennier à travers ce village, sa Division la soutenant. Les dragons se trouvent confrontés à la brigade von Alten qui, les laissant commencer à traverser le gué, charge sans attendre qu'ils se soient reformés de l'autre côté, les culbutant avec une perte de 8 officiers et 150 hommes, dont 94 prisonniers pour la plupart blessés, plus le général qui, séparé dans la mêlée se rend à un Hussard KGL; la dureté du combat est attestée par les pertes de la brigade Anglaise pour la journée, se montant à 135 tués et blessés (y compris certains tombés plus tard dans une charge contre de l'infanterie).

    Durant l'échec de cette manœuvre, Brennier lance son attaque sur la 4e Division, apparemment en 3 colonnes de régiments, sur un front bataillonnaire. Wellington, alors présent sur place pendant qu'ils gravissent la pente, lance en contre-attaque la brigade W. Anson (3/27th et 1/40th) en ligne, soutenue par la brigade Portugaise Stubb (11e et 23e Régiments) en colonne. La Division Française stoppe alors pour essayer de se déployer, mais se trouve écrasée par le feu de la ligne et reflue en désordre vers la Guarena. Von Alten envoit alors une partie de sa cavalerie pour les rejeter de l'autre côté de la rivière, et Clausel doit déployer le 25e Léger de sa propre Division pour arrêter la poursuite, unité qui souffre un long moment sous le feu de la batterie de Cole (6 officiers blessés dans le Martinien).

    L'après-midi se termine sans plus de combat, les Français étant de l'aveu même de leur chef complètement épuisés par 3 jours et une nuit de marches continuelles; les pertes du 18 juillet se montent pour les Français à plus de 700 (41 officiers dans le Martinien) contre 525 dont 50 traînards fait prisonniers pour les Anglais
    Wellington se trouve alors à nouveau sur une position défensive couvrant la route directe vers Salamanque, attendant que son adversaire ose l'attaquer. Pour Marmont, son incapacité à forcer un engagement partiel avec l'arrière-garde Anglaise le replace sur sa position de départ, et annule tous les avantages que sa manoeuvre de l'avant-veille ont pu lui apporter.

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 27 Jan 2012, 06:34

    f) la Marche Parallèle

    le Matin du 19 se passe sans incident, Marmont conduisant une reconnaissance complète de la position Anglaise, en vue de découvrir un point faible. Comme il n'y en a pas il décide à 4 heures de l'après-midi de mettre son armée en marche au sud, dans une tentative de contournement à moyen terme, ou pour forcer Wellington à perdre la cohésion de son armée par des marches en miroir trop rapides pour les Anglo-Portugais. Wellington fait de même pour suivre ce mouvement, et les deux armées se placent en lignes parallèles, à très longue portée de canon, chacune capable de se mettre en bataille par un « à Droite » ou un « à Gauche » en moins de 10 minutes. Des tirs d'artillerie sont échangés durant la journée qui causent quelques pertes de part et d'autres, mais le soir voit les deux armées camper en vue l'une de l'autre sans que rien ne soit gagné.

    Le 20 au matin voit les 2 armées reprendre leur marche en avant, puis, après avoir passé le Guarena (sans opposition car l'armée Anglaise est loin, et la rivière n'est pas à cet endroit un obstacle), Marmont fait obliquer la course des Français vers le Sud-Ouest, les deux itinéraires devant forcément se croiser quelque part après le village de Cantalpino. La 1e Division Anglaise l'avait déjà traversé, lorsque Marmont fait installer plusieurs batteries sur une petite éminence à quelques centaines de mètres du village, qui commencent à tirer sur les premiers bataillons de la 4e Division qui s'y engagent. Wellington interdit alors à Cole de s'arrêter ou de répondre, mais l'envoie passer derrière le village, mouvement suivit par tout le reste de la colonne. Ce changement de direction offre alors le Sud à l'Armée Française, qui se trouve effectivement en mesure d'obliger le général Anglais à choisir à terme entre ses communications avec le Portugal et Salamanque. Il assure aussi aux Français de pouvoir passer le Tormes aux gués de Huerta, qui lui auraient été fermés sinon. De nombreux officiers Anglais se demandent alors pourquoi leur général refuse ainsi le combat, mais ce dernier n'est pas prêt à prendre le risque d'un combat sur un terrain qu'il n'apas choisi. Les bagages anglais commencent à perdre le contact avec l'armée du fait de la rapidité du mouvement des deux lignes, et les Portugais de d'Urban, qui jouent les serre-files, ont de plus en plus de mal à faire rejoindre les trainards.

    Dans la fin de l'après-midi, l'espace entre les deux armées augmente, le contact étant maintenu par des vedettes de cavalerie, Wellington ayant décidé de bivouaquer près de Cabeza Vellosa et Aldea Rubia, sur le terrain occupé par les Français en Juin après leur retraite de devant San Cristobal puis de se battre sur place si les Français attaquaient, ou de passer le Tormes à gué, si les Français le passaient à Huerta; la 6e Division et les cavaliers de von Alten sont détachés à Aldea Lengua pour maintenir le contact. Les feux de bivouacs révèlent à la nuit que les Français se trouvent postés de Babila Fuente au sud à Villarubia au Nord.

    Il est clair au matin du 21 pour les deux généraux que cette marche parallèle arrive à son terme, car le choix crucial pour les Anglais entre les communications et Salamanque peut être prévu pour la journée du 22. De fait, si le général Français poursuit sa politique de manœuvre en sécurité, il repoussera les anglais au Portugal sans risquer une bataille, et ainsi gagnera la campagne sans aide extérieure.
    Dans sa position du matin du 21, Wellington, ne peut se risquer de l'autre côté du Tormes tant que son adversaire n'a pas débuté ce même mouvement (sinon il risque une attaque en force sur sa position actuelle alors qu'elle n'est tenue que par une arrière-garde), et se trouve obligé d'attendre les premiers rapports du lendemain sur les déplacements ennemis pour donner ses ordres.

    Le matin du 21, Wellington choisit de reculer jusqu'aux hauteurs de San Cristobal, prêt à passer le Tormes par les gués d'Aldea Lengua et de Santa Marta si son adversaire passe la rivière. Ce même matin, Marmont s'étant assuré qu'il n'y a plus d'Anglais assez proches pour l'empêcher d'effectuer sa traversée, commence le long processus de passage, gardant ses unités groupées et à même de répondre à une offensive sur l'une ou l'autre des berges. Dans l'après-midi, le mouvement français étant prononcé, les anglais commencent le leur, et à la tombée de la nuit, seuls restent de l'autre côté la 3e Division et les cavaliers de d'Urban, observant le reste des unités Françaises encore en position là où la tête de l'armée Française a passé la nuit. Ce n'est qu'après que ces derniers eurent enfin bougés que l'arrière-garde Anglaise pu rejoindre leurs camarades, Wellington craignant que ce détachement attaque et capture Salamanque dans son dos. La nuit voit les anglais sur l'ancienne position de Graham au 24 juin, et les Français concentrés au sud de Calvarisa de Ariba et Machacon, leur cavalerie gardant les deux villages, à l'exception donc des deux arrières-gardes, restées sur la rive Nord du Tormes.

    Ce même soir du 21 se déroule un événement dont l'importance sera cruciale pour la fin de la campagne; Carlos de España, dont un bataillon gardait le château commandant le gué à Alba de Tormes, le trouve trop exposé, coupé qu'il sera de l'armée principale dès que les Français auront passé la rivière. Il lui envoi donc l'ordre de se retirer, puis questionne le général Anglais sur les ordres à donner à cette unité. Ce dernier ayant indiqué qu'il fallait le laisser en garnison à sa place, de España n'ose pas lui dire avant la fin de la bataille des Arapiles qu'il a ordonné le contraire, et ainsi Wellington cru pendant les deux jours qui suivirent que cette porte était fermée à l'armée Française.

MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 27 Jan 2012, 06:37

    g) «the beating of 40 000 men in 40 minutes», la bataille de Salamanque

    Escarmouches du matin

    Au matin du 22, les deux armées sont hors de vue l'une de l'autre, à la fois du fait des campements un peu éloignés, mais aussi du terrain vallonné et boisé situé au sud du Tormes. Le premier soin des deux commandants est donc de reprendre contact avec l'adversaire, malgré les caprices du terrain. Rien ne prédispose cette journée à être plus qu'une répétition de sa précédente, Marmont expliquant dans sa Missive disculpatrice à Berthier que son but était de continuer à tourner le flanc gauche Anglais, la Dispatch écrite le 21 au soir par Wellington indiquant que dans une telle situation, il avait résolu d'abandonner Salamanque plutôt que sa communication avec le Portugal. Dans cette même idée, il fait partir au matin ses bagages et tous les impédimenta de l'armée sur la route de Ciudad Rodrigo, causant un vent de panique dans les rues de la ville parmi la population civile, parfaitement au courant par ailleurs de la proximité de l'armée Française. Les riches cachent leurs biens, ceux qui s'étaient compromis dans leur accueil chaleureux des anglais se préparent à un départ précipité, tous reprochent à leurs libérateurs de Juin de laisser la ville aux Français sans un combat. L'arrière-garde Anglaise, traversant le Tormes par le pont de la ville, le fera sous les récrimination de la foule criant qu'on les abandonne.

    De plus, Wellington sait que la journée du 22 est la dernière qui ait des chances de lui être favorables, car la brigade de cavalerie du général Chauvel, en provenance de l'armée du Nord, doit faire sa jonction dans les 36 heures, et les 15 000 hommes sous Joseph sous quelques jours. Ces arrivées de renforts ne sont par contre toujours pas connues du général Français.

    Au moment de la reprise de contact, le terrain n'offre à chacun des deux généraux qu'une vision très partielle des armées respectives. Les Français n'ont qu'une seul division en vue (la 7th), et les Anglais ne sont capable de discerner que la Division Foy, qui fait l'avant-garde, les autres étant dissimulée derrière de petites collines. Il s'ensuit une escarmouche entre les Voltigeurs de cette même division Foy et les piquets anglais, renforcés ensuite de l'intégralité du 2e Caçadores et du 68th light. Marmont réplique alors en soutenant ses légers par une batterie et des dragons, et le combat continue toute la matinée, et jusques au début de l'après midi. Le seul résultat notable est que le général Victor Alten reçoit une balle dans le genou lors d'une charge du 1st Hussards KGL, qui l'oblige à quitter le champ de bataille et à remettre le commandement de sa brigade au commandant de ce régiment, Arentschild.

    Au début de l'après-midi, voyant que les français se contentent de garder leurs positions, et voulant disposer de la 7th Division pour d'autres tâches, Wellington remplace les troupes des avant-postes par des compagnies de Rifles du 95th venant de la Light Division, qui assure l'arrière-garde pour la journée. Rien de concluant ne se précisant dans cette zone, l'attention des deux généraux en chef se reporte sur d'autres points.

    Entre les routes des deux armées se trouve un vallon aux pentes peu escarpées, où on peut distinguer deux mamelons, offrant chacun un accès assez aisé vers l'extérieur de la vallée mais plus pentu vers le centre. Le plus petit (appelé le petit Arapiles) se trouve du côté Anglais, et est occupé par la 4th Division depuis la veille au soir, à l'extrême droite du dispositif Anglais. Le plus grand a été laissé vide de troupes par Wellington, qui, dans la pénombre du soir, l'a cru hors de portée d'artillerie, alors qu'il n'en est qu'à mi-portée.

    Une fois l'épisode du matin terminé, ce dernier en arrivant au sommet du petit Arapile peut voir une division Française se diriger vers le sommet du grand, soutenues par deux autres débouchant de derrière la crête. Il tente alors de battre de vitesse les Français en y envoyant le 7e Caçadore, mais ce dernier perd la course, et est rejeté dans la pente avec des pertes, se reformant derrière le petit Arapiles. La Brigade W. Anson de la 4th Division prend alors position sur et autour de cette éminence (3/27th derrière la crête, 1/40th en bas à gauche), pour contrer le déploiement de la Division Bonnet sur la hauteur jumelle.

    Laissant Foy avec Ferey et un régiment de Dragons de Boyer en soutien à l'extrémité droite de son dispositif, le Maréchal Français regroupe alors les 5 Division Françaises (visibles par moment de l'endroit où se trouvait Wellington) restantes légèrement en retrait et dans la continuité du grand Arapile, où elles s'arrêtent un moment, menaçant d'une attaque frontale peu conforme aux manœuvres des jours précédents, ou d'un mouvement groupé de débordement. Tout semble présager une continuation du mouvement de la semaine.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 18 Juin 2012, 14:28

    Manoeuvres au centre

    Au vu de ce redéploiement, le général anglais modifie le sien en conséquence; les Portugais de Pack se placent à côté du 1/40th de la Brigade W. Anson en contre pente du petit Arapile (seul le 3/27th reste couché juste derrière la crête, soutenant 2 pièces de Sympher), le reste de la 4th Division (les Fuzileers de Ellis avec les 4 dernières pièces de Sympher et les Portugais de Stubbs) entre la hauteur et le village des Arapiles. À la gauche de ce centre, et en potence du nouveau front présenté par les Français, se trouvent échelonnés la 7th, la 1st et la Light Divisions puis la cavalerie de von Bock et 2 escadrons de Victor von Alten, les deux divisions légères partiellement engagées à distance avec Foy. A droite, Wellington fait rapprocher les forces de son aile gauche, à savoir les 5th et 6th Divisions, les Espagnols de España et les Portugais de Bradford jusqu'à Las Torres, d'où ils peuvent soutenir sa droite ou sa gauche selon le besoin. En arrière de ce dispositif se trouvent les brigades de Le Marchand, G. Anson et Arentschild (commandant la brigade Victor von Alten moins 2 escadrons).

    Simultanément à ce mouvement général, il donne un ordre ô combien important à ses troupes restées sur l'autre rive du Tormes, à savoir la 3rd Division sous Packenham et les 500 sabres restants de la brigade Portugaise d'Urban (un régiment escortant les bagages envoyés vers la frontière portugaise), de se porter entre Aldea Tejada et La Penilla, à l'Est de la grand-route vers Ciudad Rodrigo. A cette place, ils peut servir soit de réserve à l'aile gauche, soit de point d'appui à l'armée entière si cette dernière se voit forcée par les Français de rétrograder en abandonnant Salamanque.

    Il se trouve que par là même ils se positionnent de façon idéale pour déborder l'armée française en cas de mouvement imprudent.

    La traversée de Salamanque se fait vers midi, donnant lieu à des scènes de panique au milieu de la population, car il semble alors que l'armée anglaise ne tentera même pas de défendre la ville qui l'avait si chaleureusement accueillie, et l'exposera sans sourciller à la fureur vengeresse des troupes françaises. Les troupes de Packenham prennent leurs positions à deux heures de l'après-midi, bien masquées par un creux du terrain et derrière un bois, où elles restent un moment l'arme au bras, écoutant la canonnade qui s'intensifie au lointain.

    Vers 11 h, Marmont gravit le grand Arapile pour surveiller le dispositif anglais, dont peu de choses sont visibles. Il semble avoir vu la Light et 1st Divisions prendre place, les brigades Ellis et Stubbs à côté du petit Arapile et les 5th et 6th Divisions plus Bradford prenant position. La brigade Pack doit aussi être visible partiellement derrière la hauteur anglaise. Tout semble indiquer une attaque massive contre Bonnet qui est un peu isolé en pointe, et contre Foy/Ferey qui va alors manquer de cavalerie.

    Un tel ordre est en effet envoyé vers midi, avec la 1st contre le grand Arapile et la Light contre Foy, puis contremandé très vite, semble-t-il sous l'impulsion de Beresford trouvant qu'il est trop tôt. Ce moment d'ouverture à l'influence extérieure est si contraire à l'esprit de Wellington, qu'il ne peut s'être produit que dans un moment d'incertitude et de doute sur l'ordre juste envoyé. La personne dont il émane aussi a du jouer grandement, car le maréchal portugais est une des seules personnes qu'il estime assez pour ne serait-ce que l'écouter. Mais c'est aussi la première fois que Wellington envoie l'armée qu'il a tant préservée à l'attaque, qui plus est d'une position forte, sans avoir d'avantage certain, et un peu de nervosité se comprend aisément.

    L'attaque ayant été annulée, le AAG Colonel Delancey est désigné pour établir les routes de repli des diverses parties de l'armée, et les heures d'arrivées sur la position suivante, les hauteurs au-dessus d'Altea Tejada, derrière le Zurgain. Cette annonce fait rapidement le tour de l'état-major, causant un mécontentement certain, car tous attendent avec impatience le combat, et les manœuvres de la dernière semaine ont fait grandir le ressentiment, que seul l'aura du grand général à leur tête garde encore secret.
MASSON Bruno
 

Re: La campagne Anglaise de 1812 et ses suites

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Sep 2012, 17:47

    14h, Mouvements offensifs au Centre Français

    A ce moment (un peu avant 2 heures), Marmont commence à abandonner son attitude prudente et, ayant par erreur pris le convoi de bagages sortant de Salamanque, visible au loin, pour un début de mouvement de repli, se persuade qu'il n'a en face de lui qu'une forte arrière-garde, qui lui faut attaquer pour gagner les trophées qui lui manquent pour couronner sa campagne. (encore un exemple des généraux de Bonypart qui, comme le leur reprochait leur maître, mais aussi à son exemple, « se font des tableaux » au lieu de rester dans la réalité).

    Il commence donc à étendre sa gauche, sans doute pour déborder « l'arrière-garde » qu'il voit (4th, 5th et 6th divisions plus Bradford et Pack) le long du plateau qu'il occupe à ce moment, plateau qui présente du côté de l'ennemi un long glacis en pente douce permettant à toute son artillerie de jouer à plein, mais avec le désavantage qu'il est beaucoup trop long pour le garnir en sécurité avec moins de 50 000 hommes; car entre la position de Foy près de Calvarisa de Ariba et le mamelon du Pico de Miranda, il y a près de dix kilomètres.

    Maucune sort donc de la réserve derrière le grand Arapile et commence à prolonger le front de Bonnet sur sa gauche, puis, s'avançant face au village des Arapiles, envoie ses voltigeurs en disputer les maisons pendant que la batterie divisionnaire l'arrose de ses boulets.
    La batterie Française de Bonnet, amenée à bras d'hommes au sommet du grand Arapile (elle y sera capturée en entier car incapable de redescendre rapidement), force les deux pièces anglaises de Sympher au somme du petit Arapile à rejoindre le reste de la batterie près des Fuzileers puis se joint à sa consœur dans le bombardement du village, puis deux batteries de la réserve d'artillerie de Marmont s'ajoutent au feu en se déployant à droite de Maucune. Le 122e de ligne de Bonnet est alors envoyé en avant saisir un ressaut de terrain devant le grand Arapile.

    Wellington réplique d'abord en envoyant la batterie de Lawson de la 5th Division tirer sur les colonnes de Maucune soutenant l'artillerie, les faisant rétrograder, mais elle se trouve alors forcée de se repositionner dès que, deux autres batteries Françaises la prenant en écharpe depuis les pentes du grand Arapile, elle se trouve à contre feu. Elle se redéploie donc un peu plus haut derrière le village, et recommence ses tirs de soutien. Wellington amène ensuite la troop E de la RHA (de la 7th Division) sur les pentes du petit Arapile (deux pièces au sommet, les 4 autres plus bas à côté du 1/40th) pour répondre au feu Français. (Le déploiement par 2 fois de 2 pièces d'une batterie sur 6 au sommet de la hauteur semble indiquer qu'il n'y avait pas de place pour plus à cet endroit).

    Le feu Anglais est alors jugé très efficace, mais avec 3 batteries en position contre 6 du côté Français, seul la bonne disposition des troupes derrière tous les masques possibles et la longue portée semblent avoir empêché de fortes pertes à l'Armée Anglaise lors de cette phase.

    Wellington, se voyant sur le point d'être attaqué de front, ce qu'il désire le plus au monde depuis un mois, met alors son armée en position défensive. La 5th Division est envoyée depuis l'arrière de la position sur la crête en prolongement de la 4th, la 6th se place derrière cette même 4th, la 7th abandonne à la light Division l'escarmouche avec Foy et se redéploie derrière la 5th , en ligne avec la 6th . La cavalerie ne bouge pas de Las Torres, et Packenham est gardé caché dans la position de recueil d'Altea Tejada.
MASSON Bruno
 

Suivant

Retourner vers Histoire Militaire

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 29 invités