1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

Modérateurs: MASSON Bruno, FONTANEL Patrick, MANÉ John-Alexandre

1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MANÉ Diégo sur 04 Avr 2011, 13:39

"Villodrigo, champ de gloire de la gendarmerie d'Espagne, 23 Octobre 1812."

C'est sous ce titre par avance explicatif que je vous propose ce nouvel article :

http://planete-napoleon.com/docs/1812.Villodrigo.pdf

Vous y trouverez bien des choses intéressantes, et pas seulement sur la Gendarmerie, qui cependant reste à l'honneur, d'abord comme l'ayant mérité, ensuite parce-que c'est l'exposition dédiée à cette arme, visible à la Bibliothèque Militaire du Quartier Général Frère à Lyon, qui m'a motivé.

C'est gratuit et intéressant, deux très bonnes raisons pour y faire une visite. Si cela vous a pris un mercredi ou un jeudi, je vous conseille de consacrer aussi un moment au Musée Militaire, non loin de là, et qui mérite aussi franchement le détour. Mais revenons à Villodrigo.

Ce petit combat, sorte de suite à celui de Majadahonda que je vous ai déjà décrit ici,

http://planete-napoleon.com/docs/1812.Majadahonda2.pdf

permet de développer les causes et les conséquences des engagements de cavalerie, comme aussi l'incidence relative des autres armes. Il illustre aussi, on ne peut mieux, les thèses déjà bien développées ailleurs, sur les effets, en termes de pertes et de blessures infligées, par les sabres britanniques, et notamment dans le post dédié suivant

viewtopic.php?f=1&t=497

On y voit aussi qu'une troupe relativement novice en matière de combat en bataille rangée, en l'occurrence les Gendarmes, mais composée d'hommes faits et choisis, disciplinés et bien commandés, montés sur de bons chevaux, peut avoir le dessus sur une autre bien plus expérimentée et qui, à dire vrai, ne me semble avoir aucun autre handicap putatif que celui de son sabre, couplé à celui de son escrime.

Les discussions "générales" sont à poursuivre sur le post relatif aux "sabres britanniques", mais celles particulières au combat de Villodrigo ont toute leur place ici-même.

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MASSON Bruno sur 04 Avr 2011, 16:55

Diégo,

Pour ce qui est de Villodrigo, on a moins de 400 dragons lourds KGL, soutenus par 600 dragons légers anglais sur des chevaux fatigués par les combats précédents, attaqués par le 15e chasseurs, les lanciers de Berg et 2 escadrons de gendarmes de front, plus 2 autres de flancs, tous frais, et il faut cette attaque de flanc pour gagner la mêlée.
MASSON Bruno
 

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MANÉ Diégo sur 06 Avr 2011, 23:35

Oui, c’est la prise de flanc finale par les deux escadrons de gendarmes menés par le CdE Bourgeois, qui sera aussi blessé dans l’action, qui emportera la décision.

Oui, la brigade Anson devait être bien fatiguée, ayant déjà combattu de l’autre côté de l’Hormazuela, et y ayant, si l’on en croit les Français, subi de très lourdes pertes (environ 300 hommes, ce qui me paraît bien élevé).

J’en ai cependant tenu compte "comme si" dans mon article, sinon au lieu de 1.000 cavaliers alliés j’aurai pris les 1.300 donnés sur le plan de JL Arcon, pourtant peu susceptible de favoritisme "franchouillard", ni pro-british d’ailleurs !

Les 1.000 hommes qu’il indique pour les Français, et que j’ai pris aussi, m’ont paru plus réalistes que les 8 à 900 donnés par les différents textes français que j’ai pu consulter.

Je suis en effet allé plus loin et vous ai donné l’Ordre de Bataille au 15 Octobre 1812 des unités françaises concernées, qui indique plus de 1.200 cavaliers à la troupe de Béteille. Alors, qu’il y en ait seulement eu 1.000 de “présents” est bien possible, mais il peut aussi s’agir, parlant de ces 1.000 hommes, des 9 escadrons effectivement engagés dans l’action, sur les 11 présents.

Je n’ai malheureusement pas trouvé d’effectifs alliés plus récents que ceux de Juillet à Salamanca, corrigés des actions de Garcia Hernandez et Majadahonda pour les Heavy Dragoons, et n’ai pu que les évaluer au mieux, comme d’ailleurs ont fait les autres auteurs et donc JL Arcon.

In fine 1.000 hommes de chaque côté ne me semblent pas loin du vrai, mais je reste preneur de tout élément chiffré sérieux susceptible d’affiner la donne.

Pour l’élément central de l’enseignement, que constitue l’affrontement des Gendarmes et des K.G.L., tous deux “frais”, ainsi que l’escadron du 15e Chasseurs qui y participa, il ne faut pas s’abuser du nombre d’escadrons puisqu’ils sont d’effectifs extrêmement variables.

Le 3e escadron du 15e Chasseurs alignait (situation au 15/10/1812) 7 officiers et 181 hommes, alors que les deux premiers escadrons de gendarmes, menés par Béteille en personne, ne comptaient ensemble que 13 officiers et 156 hommes, et en tout seulement 154 chevaux.

De son côté le CdE Bourgeois amènera aussi deux escadrons de gendarmes, forts ensemble de 10 officiers et 157 hommes, mais seulement 156 montures (les gendarmes démontés étant évidemment absents). Total, au plus 181 Chasseurs et 310 Gendarmes contre 4 à 500 dragons lourds K.G.L.

Les effectifs, la “fraîcheur” et la qualité des unités sont donc assez comparables. La monte est probablement en faveur des Allemands, par construction plus “lourds” que les Gendarmes et bien plus que les Chasseurs.

Interviennent aussi, qu’on le veuille ou non, l’armement et la doctrine, mais en l’occurrence le “sens” des combats (i.e. l'ordre dans lequel ils se sont déroulés) a eu dans la décision finale une importance sans doute capitale, et le dernier disant l'a emporté, et devait l'emporter de toutes façons, ayant encore deux escadrons frais en approche alors que son adversaire n'en avait plus.

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MANÉ Diégo sur 28 Avr 2011, 20:43

Je mel ici un message perso mais relatif de Bruno Masson, susceptible d'enrichir le post. Dont'acte !

Réflexions sur « Villodrigo » BM 19/04/11

Sortie de Burgos des Français: Division d'Infanterie Maucune + Curto + Merlin (+ Boyer? + Autres derrière ?).
Arrêt Maucune à Villa Buniel (c’est où ?), devant les avant-postes anglais, la cavalerie française pousse seule.

1-2 Miles à l’est de Celada del Camino, derrière un pont sur un ravin, il y a Anson + 1 Bataillon light KGL caché en tirailleurs + Mj Dawson RHA + Cpt Ramsay RHA en position, avec Julian Sanchez à droite mais du mauvais côté de l’Arlanzon qui n’est pas guéable ici, et Marquinez à gauche.

Curto engage Anson, qui tient (pendant 3 h dixit Wellington) puis la brigade O’Shee finit par passer, et Anson décroche. Merlin déborde alors et tombe sur Marquinez qui reviens dans l'escadron de gauche du 16e suivi par Merlin, pourquoi pas dans la montagne ?

Pourquoi Maucune n'arrive pas, interférence des Lights importante, de l'infanterie permettrait un succès. Pas la même armée ? Pas de commandement unifié ? 30 pertes dans l'escadron de gauche du 16e, en désordre, perte du colonel Pelly +7 prisonniers.

Anson reflue "en ordre" (comment?) en tout cas pas l'épée dans les reins, avec des retours offensifs jusqu'à Venta del Pozo (avant Villodrigo), donc pendant plus de 15 km.

Ou sont passées les 2 RHA ? Les light KGL ont eu le temps de retraiter en colonne sans menace, Maucune devrait être là.

A Venta del Pozo, présence des Heavies KGL + Bull RHA, Curto + autres (Merlin, Souham ?, Boyer, Caffarelli ?) s'arrêtent pour se reformer et laissent Anson passer le pont sans interférence, ce qui est idiot, faut les pousser dans le pont et faire des prisonniers. Encore une fois commandement ?

Anson se positionne derrière les KGL pour se reformer, mais Cotton les veut en ligne, donc repositionnement de l'autre côté, passage à travers KGL et Bull "pour aller plus vite ?" Faverot peut passer le ruisseau tranquille, Boyer tente de contourner mais ne trouve pas de gué proche, puis Bock charge sans soutien ART (tir trop long?), Anson soutient.

Résultat 1e KGL gagne (contre lanciers et/ou chasseurs) 2e KGL nul (contre Gendarmes?) et Anson perd (contre lanciers) puis 2 Sq Gendarmes tournent le flanc KGL et emportent la mêlée. Encore une fois, que devient la RHA ?

Aucune poursuite réelle, Merlin et Curto ont pourtant eu le temps de passer, les Anglais sont en retraite, pas en déroute, les Français sont à 3 contre 1, l'obstacle est passé, encore une fois pourquoi ? Aucune infanterie anglaise, ni gros tas de cavalerie en présence pour bloquer…

Puis Boyer ayant traversé tente sa chance contre les Light KGL en carrés 3 fois sur chacun près de Villodrigo, mange gras au feu sans résultat, arrosé par Bull qui refait surface ici.

Question en exergue, l'artillerie à cheval, ça existe chez les Français? Si oui, elle est où ?….

Petite explication possible pour Maucune, lui et Clausel ont failli se faire écharper par les Anglais lors d'une reco en force le 21/10, peut-être pas envie de retenter l'expérience?

Pertes anglaises hors KGL heavies (Oman) à Venta del Pozo
11th LD: 49
12th LD: 20
16th LD: 47
1&2 light KGL: 18 (dont une section de 15 tirailleurs coupés près de Cellada, qui rejoignent à la nuit tombée, ont retombe sur les 3 pertes de Beamish).

Oman estime à 200 les pertes du premier engagement, y compris les égarés et chevaux fatigués (donc présents mais « hors de combat »), faisant passer Anson de 800 au matin à 600, et les KGL étant à 400, les Français à 1200/1600 car 2 esc absents.

Le rapport officiel de Wellington est dans la gazette 16669 du 18 nov 1812, page 2320, visible sur le site.

Les 200 pertes d’Anson sont à traiter avec ménagement, car si 15 fantassins (même d’élite) peuvent rejoindre à la nuit l’armée, les cavaliers égarés le feront plus facilement encore. Comme il y aura encore plus d’égarés durant la retraite, difficile de faire le compte. Ça fait tout de même 300/800 à la louche en 1 journée, c’est dur.
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Avr 2011, 16:11

Pour continuer les réflexions du même tonneau, passons du côté des Anglais.

Villa Buniel est indiqué comme se trouvant à 2 miles de Tardajos, ça tombe bien, il-y-a un village appelé Buniel sur l'A62 à une quinzaine de km de Burgos.

L'arrière-garde est donc positionnée 3 km avant Celada del Camino (23 km de Burgos d'après Viamichelin, et donc 8 km des avant-postes à Buniel). L'armée est le matin à Celada, le reste de la cavalerie de l'armée (Ponsonby + les Espagnols réguliers) ouvre la marche, donc indisponible, alors que Wellington sait que les Français ont de la cavalerie tout autour du ventre, un peu tendu du slip comme décision, enfin bon...

L'armée va faire le trajet Celada/Torquemada dans la journée, 44 km de chemins boueux, pas une promenade de santé fin octobre, même (ou surtout) en Espagne. Les Français sont indiqués comme arrivant fin de matinée sur Anson, 20 km sur les même chemins (encore plus) boueux, en formation car en présence de l'ennemi, pas sympa non plus.

L'accrochage avec Anson est donné pour 3 h de durée, ok l'armée est partie, question, c'est quand que l'arrière-garde bouge ? Ou il y a un général dans l'état-major anglais qui pense que 800 cavaliers peuvent en retenir 6 à 8 fois plus pendant une journée sur un pauvre ravin ?

Autre chose, il-y-a bien un messager qui a appris à Wellington ce qu'il se passait (s'il n'est pas là en personne). N'y-a-t-il pas moyen de faire revenir un peu de CAV en soutient de Anson qui va craquer et Bock qui est pauvre en effectif ? Je veux bien que faire contremarcher une brigade à travers l'armée est improbable, mais la cavalerie ça passe aussi à travers champs, non ?

Ou faire déborder les Français par Marquinez, histoire de les inquiéter sur leurs arrières (Sanchez couvre l'autre rive, il faut quelqu'un là-bas ok, il est très bien placé). Ca sent l'absence d'ordres, comme lors de l'éradication de l'Union brigade par Jaquinot à Waterloo; Cotton/Uxbridge même combat, pas bien finauds sur ce qui n'est pas sous leur nez ?

Cela sent le snobisme wellingtonien, voire le sacrifice assumé (j'ai pas assez pour les retenir, je vais perdre une brigade, voire deux, de cavalerie, mais mon infanterie sera intacte, alors peu importe, de toutes façon les bourrins ça ne sert à rien)

Bon j'exagère, je sais...

Il est dit que 2 RHA sont présentes, soit 12 pièces, ça doit faire des trous normalement, après une autre apparaît, on va supposer que les 2 premières sont "vides". De plus, je sais que la RHA a des boosters à poudre sur ses trains, mais pas une voiture embourbée, pas une roue cassée, rien de perdu sur des chemins défoncés par 30.000 hommes en retraite ? Impressionnant.....

Ensuite 15 km de pique-nique entre 6-800 cavaliers anglais et plus de 4.000 Français, ça c'est de la défense élastique.

Venta del Pozo, le coup du "non c'est pas ce que je voulais, donc l'ennemi présent peu importe, vous vous repositionnez et ensuite on verra si ils ont bougé" ça c'est grandiose de la part de Cotton. Anson pas mal non plus, "la ligne droite est le plus court chemin, tant pis si je gêne tout le monde, je fais comprendre comme ça à mon commandant que je boude".

Le positionnement de Bull aussi, en position depuis un certain temps, mais même pas réglé en hausse, c'est les vacances chez les RHA ?

Finalement, le coup de Wellington dirigeant Bull sur l'attaque de Boyer sur l'infanterie en carré, j'y crois pas, c'est pas son style de s'encanailler à jouer au capitaine d'artillerie. En plus les artilleurs c'est des parvenus qui doivent leur grade à leurs "études Scientifiques" et pas à leurs ancêtres, ce ne sont pas des gens convenables ni fréquentables en dessous du grade de Lieutenant-Colonel....

Voilà voilà, c'est "portnawak" aussi du côté des Anglais !
MASSON Bruno
 

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MASSON Bruno sur 30 Avr 2011, 09:55

Petites précisions sur les commandants de RHA troops concernées :
-Pas de Ramsay commandant de RHA à cette période, mais un W.N. Ramsay en sous-ordre du Bvt Maj Robert Bull (31/12/11). C'est lui qui a chargé à travers les Français pour rejoindre l'armée avec la "I" troop à Fuentes, donc Bull devait déjà être en staff duty à ce moment. on a donc bien une seule Troop ( la "I"), sous les ordres de Ramsay, supervisé par son capitaine en titre, supervisé lui-même par le cdt en chef de l'artillerie à cheval de l'armée. Et malgré tout, incapables de pointer correctement à Venta del Pozo.....

-Dawson inconnu dans la RHA ou RFA, donc jamais capitaine dans cette arme entre 1793 et 1815, ce serait plutôt Downman, capitaine dans la "B" troop, fait la campagne de La Coruna, présent à Benavente et Sahagun (22/01/10 promoted to Major), revient en Portugal en 1811, Field Officer de RHA, au commandement de toute la RHA depuis Fuentes, recevra le Bvt LtCol pour "l'affaire devant Cellada", en 1813, repart en Angleterre pour "very urgent private affairs" et reçoit une affectation à Londres puis dans le Sussex.

Par contre, j'ai le commandant de la "D" troop (6x6£), G. Lefebvre, qui meurt le 23/10/12, circonstances non explicitées, mais grosse coïncidence. Il a du donc y avoir des coups de sabres échangés autour d'une batterie dont personne ne parle, étonnant que les Français ne se donnent pas de la batterie prise, auraient-ils honte de s'être fait repousser par des artilleurs ? ou alors crise cardiaque lors de la marche ? ou alors, comme il n'est pas cité dans les officiers blessés/tués en péninsule, il n'est pas là ?

RHA troops présentes en Espagne en 1812 :
"A troop" sous Hew D. Ross (5x6 £+1x 5,5" How)
"D" troop sous G. Lefevbre (6x6 £) puis G Beane de la batterie n°14/3e Bat RFA
"E" troop sous R. Macdonald (6x6£)
"I" troop sous Major R. Bull (et Ramsay) (5x6 £ et 1x 5,5" How)
MASSON Bruno
 

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MANÉ Diégo sur 30 Avr 2011, 15:54

J'ai pu consulter le Napier sur la question, ce qui complétera les données d'Oman, Fortescue et autre Beamish communiquées par Bruno, sans préjudice des éléments fournis par les "Dispatches".

Tiré donc du Napier*, en substance...

Le 23 au matin la cavalerie française attaque vivement l’arrière-garde de Cotton, composée de “la cavalerie” et de “quelques” pièces de RHA commandées par Norman Ramsay et le Major Downman, et de deux bataillons d’Allemands sous Colin Halket, ainsi que les “partidas” (bandes) de guérillas Marquinez et Sanchez, ce dernier de l’autre côté de l’Arlanzon (et donc “hors-jeu”).

Dès sept heures du matin les piquets sont vigoureusement chassés du pont de Baniel. Repliés sur leurs soutiens vers le ruisseau Hormaza (Hormazuela) ils résistent quelque temps, le Captain Perse du 16e LD fournit une charge "d'une bravoure distinguée".

Toutefois la cavalerie française force finalement le passage et la britannique se replie derrière Cellada del Camino et prend position dans une plaine, flanquée sur sa gauche par des hauteurs garnies par Marquinez et sur sa droite par la rivière Arlanzon.

Au milieu de la plaine courait un ruisseau marécageux, franchissable uniquement par un petit pont près d’une maison nommée Venta del Pozo. A mi-chemin entre Cellada et ce pont se trouvait un fossé profond, franchi par un deuxième pont devant un petit village. Cotton se retira immédiatement au-dela de Venta del Pozo, laissant Anson au niveau du fossé avec Halket. Le 11th LD et les canons étaient restés en arrière-garde à Cellada.

Malgré une "bravade" (là c'est mon opinion) de deux escadrons sous le Major Money (payée cash !) et quelques boulets, les Français ne s’arrêtaient pas, et les escadrons britanniques se repliaient sur le reste de la brigade tandis que l’artillerie filait directement sur la position de Venta del Pozo.

Cependant le général français Curto menait une brigade de hussards (probablement la brigade du colonel Merlin de l'Armée du Nord : 1er Hussards et 31e Chasseurs) sur les hauteurs et, soutenu par les dragons de Boyer (Boyé), mettait Marquinez en déroute. Un ravin profond entourait ces hauteurs, ne laissant que quelques passages. Les partidas galopèrent vers le tout premier, les hussards sur leurs talons, au moment même où les éléments de tête des Français dans la plaine (probablement les 13e et 14e Chasseurs) attaquaient le 11th LD.

Ce dernier chargea, rejetant la première ligne ennemie sur la seconde, mais les deux revenant ensemble à la charge les Britanniques furent rapidement chassés vers le fossé, dont ils purent franchir le pont grâce à la surprise provoquée par l’infanterie allemande qui tenait le fossé et le village et tint la cavalerie française à distance le temps nécessaire.

Les hussards débordant déjà cette position par les hauteurs, Anson retraita en ordre vers Venta del Pozo sous la protection du 16th LD. A ce moment les partidas de Marquinez, mêlées aux hussards français, vinrent se jeter dans le flanc gauche du 16th LD alors qu’il se trouvait attaqué de face par les Dragons de Boyer (Boyé) qui avaient franchi l’obstacle.

Marquinez fut blessé, et le colonel Pelly du 16th LD, avec un officier et 30 de ses hommes, tomba aux mains des Français, le reste étant poussé en désordre sur les réserves. Les vainqueurs, eux-mêmes en désordre, durent se reformer, et Anson en profita pour franchir le pont de Venta del Pozo et rassembler son monde sur la gauche de la route, où les bataillons de Halket et les canons avaient déjà pris position, ainsi que la cavalerie lourde allemande, “une masse imposante”, qui se tenait en ligne sur la droite et plus en arrière que l’artillerie.

Jusque-là l’action avait été soutenue, côté français, par la cavalerie de l’Armée de Portugal, mais désormais les cavaliers de Cafarelli (de l’Armée du Nord), composés des Lanciers de Berg, du 15e Dragons (Chasseurs !) et de quelques escadrons de gendarmes, tous frais, arrivèrent en ligne sur le ruisseau. Le constatant infranchissable, ils prirent instantanément la courageuse décision de faire par le flanc droit et, malgré le tir nourri de l’artillerie (beaucoup de bruit pour rien), de trotter à travers le pont pour se former de l’autre côté face aux dragons allemands, avec le ruisseau à dos.

La situation était périlleuse pour eux en cas d’échec mais ils étaient "pleins de fougue" et, bien que les Allemands, qui en avaient laissé trop passer, les chargèrent à fond et rompirent leur droite, la gauche des Français prit l’avantage, et les autres se rallièrent. Un corps à corps furieux au sabre prit alors place, mais les gendarmes combattirent "si farouchement", que les Allemands, "malgré leur taille et leur courage", perdirent du terrain et finalement fuirent en désordre. Les Français les suivaient en criant et la brigade Anson, de ce fait débordée et menacée sur ses deux flancs, recula à son tour.

Malheureusement pour elle, les Dragons de Boyer (Boyé), suivant les collines, avaient franchi le ruisseau à Balbaces (Balbases, à 4 km de là !) et arrivaient comme la foudre sur sa gauche. Alors les Britanniques rompirent leurs rangs, et les trois régiments mélangés reculèrent en désordre. Les Dragons Lourds allemands, ayant pu finalement distancer leurs poursuivants, s’étaient reformés en arrière et les LD se rallièrent derrière eux.

Gendarmes et lanciers, qui avaient souffert sévèrement de l’artillerie (zéro perte !) et du corps à corps s’arrêtèrent, mais les Dragons de Boyer (Boyé), formant 10 escadrons, revinrent à la charge avec d’autant plus de résolution que les rangs alliés présentaient moins d’assurance et flottaient à leur approche. Les deux lignes antagonistes étaient à cent yards l’une de l’autre lorsque les officiers allemands s’avancèrent, suivis de leur troupe... un court instant, mais l’ennemi était trop puissant, le désordre se remit dans les rangs et seule la vitesse des chevaux anglais prévint une terrible catastrophe, et bien qu’une autre position favorable se présenta plus loin, permettant à la ligne de se reformer, ce ne fut que pour se rompre à nouveau de la même manière.

Toutefois Wellington, "qui était présent", avait disposé l’infanterie de Halket et les canons de manière à soutenir la cavalerie. Ces unités attendaient calmement leur tour d’entrer en action jusqu’à ce que les cavaliers ennemis en pleine poursuite après leur dernière charge leur présentent le flanc en passant. La supériorité de l’infanterie fut manifeste. Une pluie de balles fit vider les étriers à des quantités de cavaliers français jusque-là victorieux et qui, après trois tentatives futiles contre les carrés, battirent en retraite vers les collines, laissant la cavalerie alliée se replier sous la protection des fantassins de Halket...

Les pertes de ce combat furent très considérables des deux côtés**. Les Français souffrirent davantage, mais prirent un colonel (Pelly) et 70 autres prisonniers..."

** Compte tenu des derniers éléments glanés par ces échanges, et corrigés dans le PDF mel,
je trouve 372 Français, dont les 160 dragons perdus inutilement et ne relevant pas du combat de cavalerie proprement dit, contre 514 Alliés dont une centaine d'Espagnols de Marquinez.

* Pages 182-184, T3, “History of the war in the Penisula”, par W. F. B. Napier, Paris, 1839.
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MANÉ Diégo sur 01 Mai 2011, 13:28

Sur les interrogations relatives à l’artillerie à cheval française, absente d’un combat où sa présence eut-été au moins utile, au mieux décisive.

L’Armée du Nord n’en disposait plus depuis le départ des batteries à cheval de la Garde Impériale pour la campagne de Russie.

L’Armée de Portugal n’en avait que deux batteries, dont une formant l’artillerie divisionnaire de la division Foy, non citée dans ces combats.

L’autre était affectée aux dragons. Vu le périple de ces derniers, cités en soutien de Merlin dans l’attaque des hauteurs tenues par les partidas de Marquinez, puis suivant ces mêmes hauteurs jusqu’à trouver un passage à Balbases, à 4 km de là, puis refaire la distance de l’autre côté, avant d’arriver “comme la foudre” dans le flanc de Anson et se faire repousser méchament par l’infanterie de Halkett... si on peut se demander où était l’artillerie à cheval on peut aussi trouver bien des raisons au mieux à son retard, au pire à son absence... comme la possibilité où non pour cette arme d’évoluer sur les hauteurs où de franchir à gué l’Hormazuela à Balbases, où de le faire assez vite.

L’un des régiments de dragons de la division du GB Boyé, le 15e, n’a pas été engagé. Peut-être était-il retardé par les embarras rencontrés par l’artillerie qu’il ne pouvait laisser sans protection ?
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MANÉ Diégo sur 05 Mai 2011, 00:21

Sur les interrogations relatives au commandement français, dire que Souham était en charge des opérations explique déjà bien des choses.

Ce colosse matamore était une malédiction pour l’armée française car son ancienneté (GD depuis 1793 !) l’amenait très souvent à exercer des commandements par intérim, le plus néfaste et dernier qui me vienne à l’esprit étant celui du corps de Marmont en 1814, qu’il livra à l’ennemi en l’absence du maréchal, qui certes l’avait envisagé et même programmé avec son lieutenant, mais en l’occurrence pas encore ordonné, lorsque ce dernier croyant la mèche éventée par l’Empereur prit peur et franchit le pas qui scella la chute de l’Empire.

Pour l’intérim qui nous intéresse cette fois, il fait encore suite à un faux pas de Marmont, aux Arapiles celui-là. Clauzel avait “sauvé les meubles” et profité de la ballade politique de Wellington à Madrid pour réorganiser son armée vaincue. Après-quoi, mal remis de sa blessure reçue à la bataille et se jugeant par suite incapable de tenir son rôle en campagne, il demanda son remplacement. Masséna pressenti ne put dépasser Bayonne, et ce fut Souham qui s’y colla... et ne fit rien !

Caffarelli, pas un génie militaire non plus, en charge de l’Armée du Nord, finit par s’inquiéter du sort de Burgos, “mauvaise bicoque” que l’Anglais ne parvenait pas à prendre, et proposa son aide à Souham pour la dégager. Il détacha 10.000 hommes de son armée et les mit à disposition de son collègue qui fut dès lors contraint de “faire quelque chose” avec ses plus de 50.000 hommes contre un ennemi par ailleurs contraint à battre en retraite pour préserver ses communications avec le Portugal, menacées par le retour sur Madrid du Roi Joseph.

Ce fut toutefois avec la plus grande des circonspections. Il chargea le GD Maucune du commandement d’une Avant-Garde qu’il fit en sorte de ne jamais soutenir. Elle se composait des 5e et 8e divisions et de la cavalerie légère. Il semble, à la lumière des événements, que les dragons de Boyé et la brigade Béteille s’y joignirent. Par ailleurs et sur un axe voisin, le GD Foy semble avoir progressé de sa propre initiative avec sa 1ère division, entraînant derrière-lui la 2e (ex-Clauzel).

Mais toutes ces bonnes volontés ne suffiront pas, deux jours plus tard, à forcer Wellington sur le Carrion où l’Anglais avait dû s’arrêter pour permettre à la moitié de son armée de cuver suite au pillage des caves locales. Foy et Maucune, après des succès partiels, furent repoussés et réduits à attendre un signe de leur général en chef et des troupes qu’il paralysait. Et après on dira que la fortune sourit aux audacieux !

Après le sommet, la base, si j’ose dire. Il est souvent mentionné ici où là, tout au long des désastres de l’Armée de Portugal, le GB Curto. Il est encore cité ici comme commandant de la cavalerie légère de son armée mais, curieusement, on ne parle que des colonels Merlin et Shee et même du major Latour-Foissac, et jamais de leur chef, peut-être ailleurs avec sa première brigade, qui ne semble pas avoir donné.

Egalement affidé de Marmont (“qui se ressemble s’assemble !”), Curto sera de la trahison de 1814 et de la résistance au retour de Napoléon, et conséquemment deux fois couvert d’honneurs par la Restauration. De vraiment tous les honneurs, dont je vous épargne l’énumération, mais pas de sa troisième étoile. De là à penser qu’il ne la méritait pas !

Pour clôre le sujet il faut rappeler que le Commandant-en-Chef officiel en Espagne était le Roi Joseph, mais que son autorité était largement méconnue par les maréchaux et généraux en charge des différentes armées. Au moment qui nous occupe le Roi avait dû se réfugier avec son “Armée du Centre” au milieu des bayonnette de Suchet dans le Valencian. Soult avait dû le rejoindre après avoir abandonné “son” royaume d’Andalousie... on imagine dans la joie et la bonne humeur ?

Non, je plaisante, elle fut exécrable. N’ayant reçu aucun ordre relatif de l’Empereur (qui était à Moscou) Soult n’accepta rien d’autre que le commandement en chef de fait des forces réunies, contre lequel Jourdan, titulaire officiel en tant que Major-Général du Roi, freina des quatre fers. Quant’à Suchet, il argua de ses ordres particuliers pour ne pas quitter “ses conquêtes” et en conséquence on lui “donna l’ordre” de les tenir contre ses ennemis antérieurs... plus ceux que le départ Soult rendait “disponibles”.

Au résultat, “l’offensive contre Madrid” se fit avec suffisamment de lenteur pour que le général Hill put s’en sortir sans mal tandis que son chef s’en tirait de même depuis Burgos, alors qu’un peu de vigueur et d’ensemble, favorisés par la nette supériorité numérique permise par les sacrifices territoriaux inouïs consentis, auraient augurés de mieux.

Qui a dit : “Mon Dieu, qu’est-ce qu’une armée sans chef ?”

Le même qui a dit : “Il vaut mieux un mauvais général que deux bons !”
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar FONTANEL Patrick sur 05 Mai 2011, 05:29

Très intéressant.
Je comprends mieux pourquoi cela se passait si mal en Espagne et je m'étonne presque qu'elle n'ait pas été (re)conquise plus tôt par les Espagnolo-anglolo-portugolo-et autres brunswicko troupes.

J'attends néanmoins une réponse éventuelle de l'ami Bruno qui tient le rôle de contradicteur britishophile, lui aussi avec un style qui lui est propre, mais qui amène souvent un autre éclairage tout à fait bienvenu pour compléter tes propos, Diégo.

En tous cas, merci à tous pour les infos prodiguées et notamment à Diégo qui initie les discussions et nous fait profiter de ses lumières !
La force d'une armée, comme la quantité de mouvement en mécanique, s'évalue par la masse multipliée par la vitesse.
[Napoléon Bonaparte]
FONTANEL Patrick
 
Messages: 1205
Inscrit le: 13 Fév 2004, 17:15
Localisation: Tournon sur Rhône (07)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MASSON Bruno sur 07 Mai 2011, 07:24

je vais répondre, mais à côté, car on sort totalement du sujet de Villodrigo, les problèmes de la retraite de Burgos étant dus en grand partie à la planification de la campagne 1812, et les résultats inespérés de celle-ci.
MASSON Bruno
 

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar BEAUSEIGNEUR Séb. sur 16 Nov 2014, 00:29

Bonjour à vous,
Je fais partie du 12ème Chasseurs à cheval reconstitué, aux côtés de Frédéric Duprez. A ce titre, je m'intéresse plus particulièrement à tout se qui se rapporte aux chasseurs de la ligne. Il m'arrive parfois de visiter ce forum, très informatif. J'ai décidé de passer le pas en m'inscrivant.

Voici ma première contribution :

(texte issu des carnets de la sabretache 1894)
NOTE SUR LE COMBAT DE VILLADIEGO

La belle et sanglante affaire de cavalerie survenue le 23 octobre 1812 à Villadiego, semble mériter d'être mentionnée plus en détail que ne le fait l'historique déjà publié du 15ème chasseurs. A la vérité, les archives ne possèdent pas de rapports émanant directement des officiers qui y commandèrent la cavalerie de l'Armée du Nord, ou ses divers groupes. Un très grave accident de cheval avait condamné le général de la Ferrière à laisser partir sa brigade sans lui, et ses trois chefs de corps furent blessés tous trois dans l'action, particulièrement le colonel Beteille, de la légion de Burgos, qui commandait à sa place et fut retrouvé nu sur le champ de bataille, où il avait été laissé pour mort. Toutefois, les rapports du général en chef comte Caffarelli et plus encore ceux du général baron Buquet, commandant la gendarmerie de l'armée d'Espagne, éclairent suffisamment les péripéties de cette action, où une mêlée de cavalerie des plus vives se termina à l'honneur de nos armes.
Lorsque l'armée du Nord de l'Espagne quitta Vittoria le 11 octobre 1812 à 6 heures du matin, la cavalerie présentait un total de 95 officiers, 1260 cavaliers et 1437 chevaux, y compris les escortes et les ordonnances de gendarmes-lanciers près des états-majors. Le 15e chasseurs partait avec 36 officiers, 427 hommes de troupe et 499 chevaux, en quatre escadrons. Le reste de la cavalerie se composait de l'escorte du général en chef, forte de 100 cavaliers détachés de tous les corps, de l'escadron d'avant-garde consistant en 230 lanciers de Berg avec 12 officiers, et enfin de quatre beaux escadrons de la gendarmerie de Burgos, troupe de vieux soldats ayant repris par les soins du général de la Ferrière l'ensemble d'un régiment de cavalerie.
Voici dans leurs passages essentiels les rapports successifs sur le combat de Villadiego, la place nous manquant aujourd'hui pour les reproduire entièrement; les trois premiers sont adressés au duc de Feltre, ministre de la Guerre.

Vittoria, 29 octobre 1812
Monseigneur, la cavalerie de l'armée du Nord ayant fait, le 23, près de 7 lieues sur la grande route de Burgos à Valladolid, est enfin parvenue à atteindre les Anglais près de Villadiego. Leur retraite était protégée par les dragons rouges et bleus; ils avaient une seconde ligne soutenue par deux pièces de canon et de l'infanterie. Dix escadrons, dont six de cavalerie légère et quatre de la gendarmerie de la Légion à cheval, n'eurent pas plus tôt aperçu l'ennemi que des dispositions furent prises pour l'attaquer et le culbuter; celui-ci en position voulut épargner à nos braves la moitié du chemin. Leur choc fut si terrible que notre cavalerie légère en fut un peu ébranlée. Deux escadrons de gendarmerie reçurent l'ordre d'enfoncer les Anglais, bientôt leur première ligne fut forcée, la seconde ne put également résister. La mêlée s'engage, les deux autres escadrons de gendarmerie vinrent alors y prendre part; elle fut alors générale. L'intrépidité de nos braves obligea bientôt l'ennemi à quitter le champ de bataille et à gagner au large dans le plus grand désordre. La gendarmerie s'est couverte de gloire et a fait à l'ennemi le plus grand mal...
...Les Anglais continuent leur retraite, serrés et harcelés par notre cavalerie. Leurs prisonniers assurent que c'est la première fois de cette guerre que leurs dragons rouges ont montrés le dos.
Barron BUQUET.


Cigalès, près Valladolid, le 30 octobre 1812
Monseigneur, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Excellence de la levée du siège de Burgos et de la retraite de l'armée anglaise de devant cette ville le 22 de ce mois.
L'armée de Portugal se mit en devoir de la poursuivre et j'appuyai son mouvement. Dès la veille la cavalerie était entrée en ligne. Le 23, cette cavalerie, les deux autres régiments qui appartiennent à l'armée du Nord, la cavalerie légère et les dragons de l'armée de Portugal rencontrèrent près Villadiego l'arrière-garde ennemie. Elle fut chargée à fond par la gendarmerie, le 15e chasseurs et les lanciers de Berg; jamais charge ne fut plus brillante, ni plus décidée. La mêlée fut terrible et coûta à l'ennemi plus de 300 hommes. Par une fatalité qu'on ne peut concevoir, la division de dragons qui était en ligne à droite de ces corps et devait les soutenir, se porta au grand trot sur la droite et disparut. Si elle les eût appuyés, la cavalerie anglaise était détruite, deux bataillons anglais qui étaient formés en carré dans Villadiego étaient pris...
Malgré ce contretemps, notre cavalerie continua à se battre avec le plus grand succès, enfonça les deux lignes, fit des prisonniers et lorsqu'elle se rallia et voulut fournir une seconde charge, l'ennemi la refusa et se retira en toute hâte. Elle avait devant elle la meilleure cavalerie anglaise.
A la droite, le 1er de hussards et le 31e chasseurs manœuvraient pour tourner la gauche de l'ennemi. Les difficultés du terrain et du chemin ne permirent qu'au premier de charger le 16e régiment de dragons légers où il fit des prisonniers, entre autres le colonel, et qu'il mit en fuite.
Votre Excellence jugera de l'acharnement avec lequel on s'est battu lorsqu'elle apprendra que le brave colonel Beteille et six officiers de la Légion de gendarmerie ont été blessés ; que dans le 15e régiment de chasseurs, le colonel et tous les officiers, excepté deux, ont reçu des coups de sabre ou des contusions et que les lanciers de Berg ont eu dans leur escadron plusieurs officiers blessés...
L'absence du général La ferrière a été un malheur réel, les résultats eussent été bien plus grands...
Général CAFFARELLI


Burgos, 8 novembre 1812
...Le colonel Faverot du 15ème chasseurs a été blessé, ainsi que son cheval, renversé, foulé au pieds des chevaux. Il a montré un courage, un sang-froid et une résolution au-dessus de tout éloge. Cet officier n'est point titré et une marque quelconque de satisfaction de Sa Majesté le comblerait de joie.
...Ce qui prouve le bon esprit inspiré par le colonel Beteille, c'est la durée de la mêlée, le mal que la légion a fait au meilleur corps de la cavalerie anglaise et le peu de blessés qu'elle a eus. Les Anglais ont perdu de leur aveu près de 300 hommes et la légion n'a eu que 31 blessés, dont 7 officiers et un brigadier tué d'un coup de canon. Le chef d'escadron Bourgeois, après s'être bien montré dans la mêlée, rallia sa troupe dans un instant et offrit une seconde charge à l'ennemi qui l'a refusée, ce qui prouve combien cette légion avait acquis d'ensemble et d'aplomb.
Général CAFFARELLI


D'après le journal des marches et opérations de l'armée, la mêlée avait durée huit à dix minutes, les hommes combattant corps à corps. Le général Bucquet compléta ses premiers rapports en écrivant de Vittoria le 16 septembre au prince de Wagram :

...Le 22 octobre, les dix escadrons détachés de l'armée du Nord bivouaquèrent à Villatoro d'où, le lendemain de grand matin, ils quittèrent la division Foy pour prendre la tête de l'avant-garde de l'armée de Portugal. Après quelques heures d'allure forte, ils atteignirent la cavalerie anglaise à une demi-lieue à peu près de Villadiego; elle était en position, protégée par quelques pièces d'artillerie et quelques bataillons d'infanterie. Un accident de terrain obligea nos escadrons à rompre la ligne pour prendre une direction de colonne sur le premier escadron et revenir ensuite à une nouvelle formation de bataille. Les escadrons d'avant-garde, le 15e de chasseurs et les deux premiers escadrons de la gendarmerie étaient à peine arrivés en ligne, que l'ennemi entama la charge; elle fut repoussée avec succès; les deux escadrons de gauche de la légion sous les ordres du capitaine Caudel continuant leur mouvement isolé de colonne, vinrent se former sur la droite des deux lignes ennemie et complétèrent le succès d'une mêlée qui dura huit ou dix minutes. L'ennemi fut complètement battu, il eût été détruit si les dragons de l'armée de Portugal, destinés à faire la réserve, ne se fussent pas inutilement prolongés trop à droite...

Le lecteur peut apprécier maintenant les circonstances au milieu desquelles le colonel Faverot exigeait de son régiment l'exécution régulière des prescriptions du règlement.

Général V.
BEAUSEIGNEUR Séb.
 
Messages: 5
Inscrit le: 14 Nov 2014, 20:45
Localisation: Bordeaux (33)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MANÉ Diégo sur 16 Nov 2014, 23:39

Merci Sébastien pour cet apport important à notre sujet.

Je souligne cependant que l'orthographe "Villadiego" est fautive ; il convient bien de lire "Villodrigo".

Cette dernière localité était plus "petite" (et probablement absente sur la carte consultée trop rapidement par le premier "copiste"* que les autres auront "suivi") que la première qui figure aussi dans la même région, mais pas du tout à la bonne place. CQFD !

* Je ne peux croire, en effet, que les officiers ayant rédigé les rapports aient pu TOUS se tromper sur la bonne orthographe et donc le bon lieu (assez distant et dans une autre direction), alors qu'ils connaissaient forcément l'autre pour avoir longtemps manoeuvré dans le secteur.

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar BEAUSEIGNEUR Séb. sur 17 Nov 2014, 00:14

En effet, rien qu'en lisant la première phrase du rapport du Baron Buquet, le doute n'est plus permis. Je m'essaie à déterminer le lieu exact de la bataille, pour le plaisir de l'exercice. J'ai le sentiment que l'on peut la replacer à proximité immédiate des localités de Villaldemiro ou de Villaquiran de los Infantes (présence de montagnes, distance de Burgos, affluents du rio Arlanzon).

Voici ce que l'on peut lire à propos des blessures reçues par Faverot de Kerbrech dans son dossier LH :
A été blessé de trois coups de sabre à la tête, à l'épaule et au bras gauche en chargeant avec son régiment la cavalerie anglaise a villarodrigo en espagne le vingt trois octobre 1812.
BEAUSEIGNEUR Séb.
 
Messages: 5
Inscrit le: 14 Nov 2014, 20:45
Localisation: Bordeaux (33)

Re: 1812, Espagne. Le combat de Villodrigo.

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Nov 2014, 09:27

Notre ami Didier Thomas me communique en rapport un intéressant lien que je vous donne ci-après :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1 ... villodrigo

Il s'agit d'un article paru dans la Sabretache en 1897, et sans doute n'est-il pas le même que celui vu par Sébastien, qu'il nous date de 1894, puisque cette fois le titre stipule bien VILLODRIGO.

Hélas comme souvent (presque toujours en fait) la numérisation mutile cartes ou dépliants d'un format plus grand que les pages "ordinaires", et nous sommes privés du plan illustrant le texte. Dommage.

Nonobstant l'emplacement où se déroula le combat de Villodrigo ne fait aucun doute, et ressort bien du croquis de JL Arcon que j'ai donné dans mon article à l'origine de ce post ; il se situe entre Celada del Camino et Villodrigo sur la route de Burgos à Palencia.

http://planete-napoleon.com/docs/1812.Villodrigo.pdf

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Suivant

Retourner vers Histoire Militaire

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 42 invités

cron