Dragons démontés ou non

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Dragons démontés ou non

Messagepar HYVRON Jean-Pierre sur 28 Oct 2010, 08:18

Je suis en train de finir mes dragons français, je dispose des versions montés et démontés. Ma question est la suivante: la capacité de combattre à pied était-elle réelle chez les dragons français et autres nations, ou était-elle de circonstances :?: Je parle bien de démonter, ce qui élimine de facto les dragons à pied en attente de montures. Tout le monde a du voir les gravures de dragons démontés, il y en a une dans le petit précis :wink: , vision de l'artiste ou réelle ?
HYVRON Jean-Pierre
 

Re: Dragons démontés ou non

Messagepar FÉDOR Frédéric sur 28 Oct 2010, 08:39

Amis de l'histoire, des convertis par la force de Louis XIV, de Port Royal & du vent dans les voiles, bonsoir...

En 1805, lors de la Campagne d'Allemagne, Napoléon 1er, faute de remonte, l'armée fait près de 200 000 hommes, constitue des régiments à pied de dragon. Lire sur Iéna aussi. En 1806. Donc cette arme devient endémique d'un nouveau système tactique. Mais en Espagne, on prend le cavalier pour lui faire des missions de reco, pour tenir un village. On emploie cette cavalerie démontée. A la Corogne par exemple, toute l'aile gauche française est constituée de dragons démontés, tenant hameaux et rocailles. En simplifiant. Donc tu as raison pour les deux approches du dragon à pied ; c'est structurel et conjoncturel durant la période napoléonienne ; à la fois arme proprement dite et à la fois arme de circonstance. Selon la période incriminée.

Frédéric Fédor, maréchal et Comte de Peterswald.
FÉDOR Frédéric
 

Re: Dragons démontés ou non

Messagepar MELCHIOR Thierry sur 28 Oct 2010, 08:48

Bonjour Jean-Pierre, :)

Je ne suis pas cavalier mais je présume que les bottes fortes ne sont pas vraiment adaptées à la marche et c'est pour ça que les dragons à pied étaient chaussés comme l'infanterie.
Leurs fusils sont sûrement efficaces puisque les voltigeurs avaient les mêmes !
Pour ma part, je dirais que tu peux utiliser les dragons démontés pour tenir un terrain semé d'obstacles (comme le décrit Frédéric que je salue) mais pas pour des batailles rangées en plaine.
Mais je suis sûr et certain que tu savais déjà tout ça ! :wink:

Bonne journée Jean-Pierre,
Amicalement,
Thierry.
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Re: Dragons démontés ou non

Messagepar HYVRON Jean-Pierre sur 28 Oct 2010, 15:05

Voui Voui, je parles bien des dragons montés qui ont combattus à pied comme à Cacabelos et à la Corogne: ma question est de savoir s'ils continuaient à avoir un entraînement particulier, si oui quelles nations entraînaient les dragons encore de la sorte. Ils n'étaient ni de l'infanterie montée, ni de la cavalerie démontée, puisque chargeant le plus souvent sabre au clair. je pense aussi à la lutte contre la guérilla espagnole, en relisant la bio de Fournier, commandant une brigade de dragons, il fallait bien qu'ils puissent poursuivre aussi les guerilleros dans les Sierras, à cheval ou à pied :?: ou un mixte des deux :?:
HYVRON Jean-Pierre
 

Re: Dragons démontés ou non

Messagepar MANÉ Diégo sur 28 Oct 2010, 22:54

Concernant les dragons, tout étant affaire d’opinion, je vous donne celle d’un expert qui avait son franc parler. J’ai nommé le général Thiébault, s’exprimant dans son “Manuel général du service des états-majors”, écrit en 1810 (Paris, 1813, pages 408 et 409).

“La cavalerie française se divise en grosse cavalerie, en dragons et en cavalerie légère. Les carabiniers et les cuirassiers forment notre grosse cavalerie ; les dragons composent l’arme intermédiaire (1) ; les chevau-légers, les chasseurs et les hussards forment notre cavalerie légère. ...

(1) Formation peu avantageuse : les dragons ne doivent être que de l’infanterie montée de manière à parcourir rapidement des espaces plus ou moins grands, ou de la simple cavalerie : mais vouloir en faire de l’infanterie et de la cavalerie, c’est avoir de l’infanterie médiocre qui coûte trois fois plus que ne doit coûter la meilleure, et de la cavalerie qui ne compense plus ce qu’elle coûte : c’est exiger de la plupart des hommes dont on fait des dragons plus qu’ils ne peuvent faire et apprendre ; c’est étourdir ceux auxquels on ordonne le matin de porter le haut du corps en avant et le soir de porter le haut du corps en arrière ; c’est démoraliser et rendre aussi faibles cavaliers que faibles fantassins des hommes auxquels on dit : à cheval aucune infanterie ne peut nous résister, et à pied, aucune cavalerie ne peut nous entamer : enfin ce n’est avoir, malgré beaucoup de soins et de dépenses, ni infanterie ni cavalerie.

... / ...

En l’an 12 (1804), je fus chargé d’organiser à Versailles les 3e, 9e et 15e régiments de dragons, et l’opinion des chefs de ces corps était qu’un dragon qui ne voudrait négliger aucun de ses devoirs, ne pourrait avoir, dans la journée, une heure pour se reposer et pour manger...”

Je vous ai mis le premier de ces trois paragraphe parce-que le général y divise bien la cavalerie française en trois catégories alors que réglementairement les dragons font partie de la cavalerie lourde et qu’il n’existe pas officiellement de “cavalerie médiane” ou “médium”...

Le deuxième paragraphe est le plus intéressant qui regroupe toutes les critiques que l’on a pu entendre sur l’arme des dragons telle que le réglement la concevait... et l’opinion d’un homme de l’art sur ce qu’elle devrait être, soit infanterie portée soit cavalerie, mais pas les deux à la fois car c’est impossible matériellement, moralement et financièrement.

Le troisième paragraphe porte le coup de pied de l’âne. Manifestement, les colonels ne cherchaient pas à appliquer un réglement qu’ils considéraient eux-mêmes inapliquable... et donc les dragons, mal instruits par construction, dans leurs deux rôles, formeront de facto des unités médiocres de cavalerie quand ils auront des chevaux, et des unités médiocres d’infanterie quand ils n’en auront pas.

La deuxième situation cessera cependant en 1807 avec l’afflux de chevaux de capture qui permettront de remonter les "piétons", et en 1808 tous (ou presque) ces cavaliers “médiocres” seront envoyés s’aguerrir dans la Péninsule Ibérique. Ils en reviendront en 1814, cavaliers d’élite accomplis, connus dans nos fastes guerriers sous le célèbre vocable de “Dragons d’Espagne”.

Pour ceux qui ne l’auraient pas lu voici un article illustrant bien, je l’espère, ce processus :

http://planete-napoleon.com/docs/NDL15.Sallmard.pdf

On y voit un jeune “cavalier à pied” très mécontent de son sort jusqu’à ce qu’enfin lui soit attribué un cheval. A l’évidence le service à pied était ressenti comme une déchéance, et une fois monté le cavalier se comportait comme tel, ne descendant de sa monture pour servir à pied que contraint et forcé par les circonstances... comme ceux des autres subdivisions de la cavalerie d'ailleurs !

Au rang des circonstances, celle qui fit créer la division de Dragons à Pied de Barraguey d'Illiers n'était pas le manque de chevaux, car tous ces cavaliers avaient le leur lorsqu'on les en priva.

Il s'agissait des meilleurs cavaliers de leurs régiments, que l'on destinait à l'invasion de l'Angleterre, et donc à être remontés en chevaux britanniques une fois de l'autre côté du Channel.

Vous savez ce qu'il advint du projet de "descente dans les îles britanniques", mais en attendant sa concrétisation on affecta aux chevaux rendus disponibles de nouveaux conscrits que les circonstances, encore elles, empêchèrent d'instruire correctement (à fortiori dans leur double rôle évoqué plus haut !).

Au résultat, lorsque la Grande Armée fit sa célèbre volte-face pour se jeter en Allemagne, ce sont des cavaliers inexpérimentés qui composèrent les escadrons montés, et des cavaliers vétérans qui les suivirent comme ils purent à pied, en très mauvais fantassins de très mauvaise humeur qu'ils étaient.

Les conscrits ne sachant pas s'occuper de leurs chevaux il s'en fit une consommation effrayante, et ceux qui restaient sous leurs faibles cavaliers devinrent du "gibier de cosaques", notamment lors de l'hiver 1806-1807 comme l'illustrent bien plusieurs passages de l'article évoqué plus haut.

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Re: Dragons démontés ou non

Messagepar HYVRON Jean-Pierre sur 29 Oct 2010, 08:09

Si j'ai bien tout suivi, les dragons: infanterie montée au départ, deviennent de la cavalerie "lourde" et démontant seulement au gré des circonstances: Cacabelos et la Corogne par exemple. l'entraînement au combat de fantassin est laissé de côté.
Très bel article que j'avions point lu :oops:
Il ressort ces détails: que les compagnies d' élite portaient encore le bonnet d'oursin en 1812, ça tombe bien c'est le 22ème dragon que j'ai peint, même si mon jaune est plus aurore (car le jonquille ne couvre pas assez)
D'après la gravure, il y a de jolis sapeurs barbus chez les dragons (bon, je le savais notez) mais la gravure est sympa.
HYVRON Jean-Pierre
 

Re: Dragons démontés ou non

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 29 Oct 2010, 09:15

Bonjour à tous :grin:

Concernant les Prussiens, les Suédois et leurs accolytes (Saxons, Mecklemburgeois...) et les Autrichiens, les Dragons sont des cavaliers à part entière depuis le début du XVIIIe siècle.
On tentera de leur donner une capacité à faire de la reconnaissance.

Cela serait fait chez les Prussiens, Suédois, mais pas ailleurs où ils prendront un autre nom ( chevau-légers, dragons légers) mais ils demeuront une cavalerie de combat tant qu'ils seront officiellement montés.

Je dis cela car chez les Suédois, plusieurs régiments seront transformés en infanterie légère et perdront leurs référence de cavalerie.

Chez les Prussiens, les dragons sont une cavalerie de combat qui tent depuis la fin de la guerre de Sept Ans à être la rêgle, même si les noms divergent. Après 1806, et le choc avec la cavalerie française :cry: , c'est surtout les lanciers et les hussards qui tendront à devenir la règle. Les lanciers deviendront la cavalerie de combat type, alors que les dragons seront considérées , officiellement dès 1814, dans les faits seulement à partir de 1816, comme cavalerie légère !

Pour les Saxons, ils ont disparu au profit des chevau-légers !
Pour les Bavarois, la cavalerie est standardisée, même si le nom diverge ( cuirassier,dragon, chevau-léger) depuis belle lurette ( d'ailleurs dans les règles, la cavalerie bavaroise doit être considérée dragon, sauf pour le 7e chevau-léger constitué en 1813, durant toute la période). Il faudra,pour attirer des volontaires, remettre en 1813 les subtilités des différenciations pour avoir des nouvelles troupes (lanciers, hussards, cuirassiers, gardes du corps) mais très vite cela disparaîtra ( les uhlans et les hussards disparaîssent en 1822). Seules des considérations politiques feront conserver les cuirassiers et reconstruirent les uhlans vers 1850

Pour les Autrichiens, c'est plus erratique car leur problème est la conception du rôle de la cavalerie. Le dragon cependant deviendra le modèle à partir de 1830.


J'espère que cela t'aidera

Amicalement
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Re: Dragons démontés ou non

Messagepar MASSON Bruno sur 29 Oct 2010, 17:05

pour terminer, chez les Anglais, la dénomination "Dragoon" ne persiste que parce que les instances des Whitehall sont constituées de vieux barbons imperméables à toute évolution, et que Georges III est du même avis

il faudra attendre sa mort pour que les 4 régiments Anglais costumés en Hussards puissdent cesser de s'appeller "light Dragoons" (et encore, pas tout de suite malgré la volonté de Georges IV)

la notion d'infanterie montée a disparu avant la guerre d'indépendance Américaine, et ne reviendra qu'à la mécanisation au XXe siècle
MASSON Bruno
 


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