1809. Hypothèse d'intervention prussienne.

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1809. Hypothèse d'intervention prussienne.

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Mai 2010, 19:43

Ayant mal compris une question de Philippe Aubé je me suis attiré le gentil message suivant :

Bonjour mon cher Diego,

Je me permets ce petit message privé pour lever une ambiguïté créée par la maladresse de ma prose. Je pensais à l'hypothèse d'un sursaut prussien en 1809, pas en 1805. D'où, dans mon esprit, l'importance de l'intervention britannique au niveau logistique.

Il me semble avoir lu quelque part que les uniformes fournis aux portugais avaient une couleur bleu foncée car ils étaient initialement destinés aux prussiens.

J'ai bien à l'esprit la caractère a-historique de cette hypothèse. Je l'envisage d'un point de vue ludique uniquement.

Au plaisir de vous lire.

Philippe Aubé
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Re: 1809. Hypothèse d'intervention prussienne.

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Mai 2010, 20:03

Alors autant l'hypothèse d'une intervention prussienne en 1805 est parfaitement crédible, autant on peut douter d'une telle possibilité en 1809 (d'où aussi ma confusion).

Il faudra la catastrophe de Russie pour rendre possible la "révolte" prussienne de 1813, ET la guerre d'Espagne, qui mobilisait 300.000 Français et en avait tués autant, pour en permettre le succès.

Donc alors oui, nous nous plaçons dans une démarche plutôt "ludique" que d'aucuns trouveraient déplacée dans cette rubrique se voulant à forte connotation historique.

La solution consiste à aborder ces composants "ludiques" sous leur aspect purement historique, lequel peut, lui, se trouver parfaitement à sa place ici. Je rappelle donc les questions de Philippe :

Effectifs disponibles de l'armée prussienne en 1809 (je crois savoir que c'est 40.000 h en tout).

Capacité d'icelle à mettre davantage de monde en ligne, sous quel délai, à quelles conditions ?

Capacité de projection britannique en termes d'équipements pour les troupes ainsi levées. Ports ?

Et la sous-question sur les pantalons bleus des Portugais qui auraient été destinés aux Prussiens.

Sur cette dernière j'apporte mon grain de sel. J'ai parmi mes troupes des Prussiens de 1813-15 qui sont vêtus par les Anglais à l'aide d'effets initialement prévus pour les Portugais. L'inverse, quoi !

Bien, si j'ai oublié quelque chose, maintenant que c'est le bon post Philippe peut y intervenir !

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Re: 1809. Hypothèse d'intervention prussienne.

Messagepar MASSON Bruno sur 18 Mai 2010, 05:35

Bonjour,

Tout d'abord une mise en relation avec ce que j'ai écrit sur la descente anglaise en 1805 et celle-ci, potentiellement réalisée en 1809.

Dans les deux cas, l'armée principale française (et alliés) est en Autriche profonde, et dans les deux cas, a du rapatrier la majeure partie de ses garnisons pour faire face à des pertes importantes dans la campagne (et garnir les voies de communications étendues). Dans les deux cas, une offensive anti-française est assurée du soutien d'une partie de la population (plus encore qu'en 1805) et ne craint pas des problèmes de partisans sur ses arrières.

Les différences par contre sont flagrantes, la Suède est en révolution et en guerre contre le deuxième allié principal de la coalition de 1805, la Russie. Cette dernière est alliée (au moins sur le papier) à la France et forcée d'agir (même extrêmement mollement) contre l'Autriche et ses alliés car la France a été attaquée (alliance défensive).

La Russie elle-même est fortement occupée ailleurs, et ne réagira pas bien à de nouveaux développements en Europe centrale. Elle a en effet une armée en Finlande, mais aussi une en Turquie, car la Porte a été encouragée à créer un front contre la Russie par la diplomatie anglo-autrichienne. Diégo a donné dans un autre message le chiffre des troupes qui (n')interviendront (pas) en Pologne en soutien des Polono-Saxons, mais la frontière polonaise et la frontière prussienne c'est au même endroit (à peu près) ! Donc quitte à ne rien faire en Pologne et risquer d'aider des Polonais, autant aller ne rien faire en Prusse Orientale et y gêner le moins possible les Prussiens...

Les Prussiens, eux, sont en train de récupérer de leur "Grosse Katastrophe", le système des Krumper fonctionne déjà, mais le nombre des réservistes doit être très faible (là je laisse la place aux "espécialistes" de la nation, j'en sais rien!)
Par contre l'élan national est le même qu'en 1813, et je pense que la Landwehr aurait le même succès de recrutement. Côté équipement, par contre, c'est pas la folie des soldes, ou peut-être justement si !

L'Angleterre est à ce moment en train d'équiper les Portugais et les Espagnols (pour ces derniers, c'est une action quasi-permanente jusqu'en 1811 vu la facilité de dispersion des armées espagnoles successivement engagées), les Portugais ont 70 000 hommes "sous les drapeaux", mais seuls deux bataillons sont suffisamment équipés et entrainés pour l'offensive d'Oporto, puis huit pour couvrir Elvas au moment de Talavera, les piques sont encore une arme prépondérante dans les rangs portugais ; plus le rééquipement de l'armée de Moore qui a la priorité (c'est la seule réserve de troupes utilisables de la nation anglaise).

Côté argent, là, c'est la misère (enfin presque). Toute dépense sur le continent doit être payée en espèces, et le gouvernement a un manque de numéraire catastrophique en 1809. A tel point que Wellesley à son arrivée au Portugal trouve 800 000 £ de créances impayées venant de Moore, qu'il ne peut régler, et donc que son crédit sur place est nul pour ne pas dire négatif ! Il est donc obligé de partir en campagne avec seulement 10 000 £ en caisse, ce qui ne couvre pas 15 jours d'opérations... Les créances de Moore vont le plomber jusqu'en 1812, et encore, du fait de ses appuis politiques, reçoit-il la priorité sur d'autres théâtres d'opérations.

Autre preuve, au moment de l'entrée en guerre autrichienne, les émissaires vont demander deux millions immédiatement et 400 000 £ par mois pendant la durée de la guerre, ce qui sera refusé car impossible, du moins avant la prorogation du parlement (Juin), en rappelant que l'Angleterre verse déjà 150 000 £ par mois au vu d'accords antérieurs. Néanmoins, Le gouvernement est prêt à faire des efforts en cas de soulèvement, mais ça aurait été plus long en 1809 qu'en 1813.

Revenons plus à fond dans les événements d'Allemagne du Nord en 1809.
MASSON Bruno
 

Re: 1809. Hypothèse d'intervention prussienne.

Messagepar MASSON Bruno sur 18 Mai 2010, 06:58

Les troubles en 1809 en Allemagne :

Il y a bien sûr le Tyrol, qui se soulève début avril 1809 et qui va absorber au fur et à mesure l'armée Bavaroise.

En Prusse, le Tugendbund fonctionne sous l'autorité de Scharnhorst et Gneisenau, et en décembre 1808, après avoir arraché au Roi une promesse d'intervention aux côtés de l'Autriche, des émissaires sont envoyés à Vienne pour discuter de l'alliance avec l'Autriche.
Mais fin Décembre1808, le Roi se rend à Saint-Petersbourg pour discuter avec le Tsar, laissant des ordres à Gneisenau pour la mobilisation de l'armée. Le Tsar, par contre, recevant très bien le couple royal, leur conseille de se soumettre à Napoléon, ce qui plait bien à la timidité du Roi. Il suspend alors la mobilisation, et, sans les remontrances de certains ministres, se serait même rétracté des avances faites à l'Autriche.

Gneisenau se retranche alors sur l'idée de la création d'une Légion Allemande, composée de patriotes et sous commandement autrichien, mais avant que cela puisse se faire, les hostilités commencent et l'agitation devient générale. fin Mars, le roi fait presque demander à Gneisenau la mise sur le pied de guerre de l'armée, mais encore là le Tsar le ramène à la réalité, en lui disant que comme l'Autriche est l'agresseur, il doit se conformer à son alliance française. L'armée russe est donc en train de se concentrer face à la Galicie (même s'il a secrètement assuré à Schwarzenberg qu'il donnerait des ordres stricts d'éviter tout combat). Le Roi abandonne alors tout préparatif...

Les patriotes se tournent alors vers l'Angleterre, avec la quelle ils sont en contact depuis longtemps, et Kleist (sans que Blücher ou un autre chef de l'agitation ne soit au courant) se fait envoyer en Angleterre pour demander une aide d'urgence et un débarquement. D'après lui, toute l'Allemagne entre le Rhin et l'Elbe était prête à prendre les armes sans attendre la Prusse, et était déjà fournie en mousquets, ne demandant que de la poudre, des canons et de l'argent.

Il promet alors de lever 10 000 hommes entre Rhin et Weser sous commandement Anglais, d'occuper Hambourg, Breme et la Frise pour assurer les communications anglaises, de surprendre Magdebourg avec l'aide de la population, et avec l'aide de la flotte anglaise de capturer Stralsund. Il assure aussi que l'armée westphalienne est prête à déserter en masse aux Anglais, ainsi que l'armée prussienne si le Roi ne déclare pas la guerre, avec comme assurance de livrer Stettin pour lui forcer la main.

Il demande de la part de l'Angleterre l'envoi d'une force de 6000 hommes en Hanovre pour supporter le soulèvement, d'une flotte en Baltique et l'établissement de dépôts d'armes sur la côte. La réponse est que l'Angleterre est prête à établir des dépôts en Héligoland, à envoyer des navires en Baltique pour surveiller les fleuves et maintenir les communications, mais il n'est pas question pour le moment de débarquer au Hanovre. Ses demandes financières sont aussi diminuées de 50 à 30 000 £, et un officier est envoyé avec lui pour vérifier la véracité de son récit et vérifier l'état d'esprit du Roi de Prusse (mi-Avril).

le 22 avril, Dörnberg, colonel de chasseurs westphaliens, mène un soulèvement de paysans jusque près de Kassel, où ils sont arrêtés par les réguliers westphaliens (ceux qui devaient déserter en bloc, paraît-il) et sont dispersés par quelques volées. L'insurrection s'écroule immédiatement et Dörnberg s'enfuit en Bohème.

En Mai, Schill soulève son régiment de Hussards et se dirige vers Wittenberg pour y soulever la population. Il y refuse pourtant toute aide des patriotes et d'armer les volontaires qui accourent. Il se dirige alors vers Magdebourg, qui est peu garnisonée et pleine de matériel, mais s'en détourne au premier signe de résistance et se rend en Mecklembourg sans tenter d'empêcher la concentration de troupes contre lui. Entouré de Danois et de Néerlandais, il se retire à Stralsund et y est exécuté.

Ces deux échecs sont les deux seules manifestations réelles de soulèvement mais ne sont par contre pas connus en Angleterre avant juillet, et en même temps les patriotes prussiens et le gouvernement autrichien pressent le gouvernement anglais de débarquer un contingent sur la Weser ou en Italie, allant même jusqu'à demander la chose directement à Stuart en Sicile. De son côté, le gouvernement anglais est prêt à tout, mais se rend parfaitement compte que les 25 à 30 000 hommes à sa disposition ne peuvent servir que de force d'appoint à une armée principale, dont ils ne voient pas la trace...

L'expédition de Wellesley au Portugal est donc logique et sûre, l'armée de Moore restant à disposition pour un une action annexe sur la côte nord de l'Europe, mais certainement pas une expédition en profondeur sans soutien régulier fort.
MASSON Bruno
 

Re: 1809. Hypothèse d'intervention prussienne.

Messagepar AUBÉ Philippe sur 23 Mai 2010, 09:00

Merci pour cette mine d'informations.

En effet, pour les uniformes, je me suis trompé : ils étaient destinés au Portugal et équipèrent de la Landwehr.

Je viens de parcourir, à nouveau, l'excellent With Eagles to Victory de John H. Gill (éditions Grennhill Books, ISBN-1-85367-130-4). Il indique (p.180) que l'un des objectifs de l'Archiduc Ferdinand d'Este, à la tête du VII Korps Austro-Hongrois, était d'attirer la Prusse dans le conflit.
AUBÉ Philippe
 
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