1805. Expédition britannique en Allemagne du Nord.

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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1805. Expédition britannique en Allemagne du Nord.

Messagepar MANÉ Diégo sur 16 Mai 2010, 22:45

J'ouvre ce post à la suite de la question suivante de Philippe Aubé :

"Je n'avais jamais entendu parler de la tentative contre Brême en 1805. Peut-on en savoir plus ?"

Eh bien l'ami Bruno se fera sûrement un plaisir d'éclairer ta lanterne, mais ce sera aussi plus clair pour tout le monde sous ce nouveau titre, sans compter que celui ouvert pour Walcheren 1809 ne demande qu'a être développé avec le temps !

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Re: 1805. Expédition britannique en Allemagne du Nord.

Messagepar MASSON Bruno sur 17 Mai 2010, 07:52

En effet, je vais ressortir des éléments que j'avais communiqués à Diégo il y a quelques années sur l'opération anglaise en Allemagne du Nord en 1805, qui aurait pu amener une catastrophe pour "Bonypart", nonobstant la folie du roi de Suède et le Roi de Prusse qui est égal à lui-même.

La position anglaise à l'été 1805 est assez forte, la France n'a plus la flotte nécessaire pour envahir les Îles, et le camp de Boulogne a été rompu, ce qui libère une vingtaine de milliers de soldats anglais, assistés par la KGL qui en mi-1805 compte déjà 2 régiments de cavalerie, 2 bataillons léger, 4 de ligne et 5 batteries, pour un peu plus de 7000 hommes, dont 6000 sont disponibles (le reste est composés de cadres et de recrues en formation).

La première possibilité envisagée par Pitt est une descente à Boulogne pour détruire la flottille, et une "étude de faisabilité" est demandée à Moore, qui très vite condamne l'entreprise comme trop hasardeuse. On se redirige alors soit sur les Pays-Bas (déjà et encore) ou l'Allemagne du Nord. cette dernière est choisie assez vite, car les Russes proposent 30 000 hommes, le Roi de Suède est furieux contre Napoléon depuis l'assassinat du Duc d'Enghien et le Roi de Prusse propose 100 000 hommes contre le Hanovre (sa marotte permanente).

le 7 Septembre, l'armée Prussienne est sur le pied de guerre, mais interdit l'entrée des Russes sur son territoire (contrairement au traité qui lie les deux puissances), tout en affirmant à Duroc (ambassadeur Français à Berlin) qu'il lui faut le Hanovre pour rester neutre. Alexandre envoie deux ultimatums polis pendant ce mois, menaçant de violer la frontière si on ne lui permet pas le passage, mais sans aller jusqu'aux actes...

Les Anglais continuent leurs préparatifs, avec une première vague de 11 000 hommes dont 6000 de KGL prête à embarquer début octobre, suivie par une deuxième de 6000 et une réserve de 12 000 en Angleterre. Le 6 octobre, le Roi de Prusse apprend la violation d'Anspach, et entre dans une violente colère. Il envoie leurs passeports aux émissaires français, invite les Russes à pénétrer son royaume et envahit le Hanovre, en appelant les Anglais à débarquer. Ces dernier embarquent donc la première vague entre le 16 et le 25 octobre, et arrivent à Cuxhaven le 17 Novembre.

Mais entretemps, la nouvelle de la victoire de Ney à Elchingen le 14 Octobre arrive à Berlin, et le Roi vacille. Il interdit aux Russes de progresser, et décide d'éviter même de rencontrer le Tsar, qui arrive à Berlin le 25 et "remonte" Fréderic-Guillaume. Duroc part sous la menace, un ambassadeur prussien est envoyé le 3 Novembre à Napoléon pour lui signifier que si il n'est pas sur le Rhin le 15 Décembre, la Prusse rentrera en Guerre avec 180 000 hommes.

En même temps, début Novembre une convention est signée entre les Suédois, les Russes et les Anglais, selon laquelle un corps de 20 000 Russes et 12 000 Suédois devait partir de Stralsund pour se diriger vers le Hanovre, là rencontrer les 25 000 Anglais sous Lord Cathcard et se joindre à l'armée prussienne censée les y attendre. A ce moment, des idées d'action contre Walcheren depuis le Hanovre se font jour dans le cabinet de Pitt (obsession, obsession...).

le 8 Novembre, le général Van der Decken, envoyé en avance, annonce que les Russes et Suédois progressent vers l'ouest, que les Prussiens sont sur l'Ems et occupent Bentheim, tenant le passage vers les Pays-Bas, mais vivent sur le terrain et molestent la population.Tous les Français disponibles se sont regroupés à Hameln, sous blocus d'un détachement prussien. Le Duc de Brünswick (commandant en chef prussien) attend avec impatience l'arrivée de autres contingents pour libérer son armée en vue de l'offensive. Il propose 15 000 hommes pour l'avancée en Flandres.

Malheureusement, il n'y a pas un officier russe pour accueillir le Roi de Suède à Stralsund, tous sont partis à Berlin voir le Tsar, et Gustave-Adolphe, vexé, annonce qu'il rembarque et rentre chez lui. Le retour du Comte Tolstoï et les assurances des ministres présents le calment, mais plusieurs jours sont perdus.

Entre temps, les deux vagues Anglaises sont débarquées entre Cuxhaven, Bremenlehe et l'Ems, ont avancé sur la Weser inférieure, entre Verden et Blumenthal, avec des avant-gardes sur la Hunte, les Russes poursuivant la ligne jusqu'à Hameln et les Prussiens observant le Sud, avec le QG de Brünswick à Hildesheim.

Et là, ils se trouvent bloqués, car les réquisitions françaises et prussiennes ont épuisé le pays, et les moyens de transport sont difficiles à trouver. Il est néanmoins décidé d'attendre les premiers froids qui gèleront les canaux pour progresser vers les ports des Pays-Bas. La réserve Anglaise est néanmoins envoyée et débarquée sur l'Ems dans les premiers jours de Décembre.

Malheureusement, le 14 arrive la nouvelle d'Austerlitz, et le haut-commandement prussien s'interdit alors tout mouvement offensif. Une fausse rumeur de défaite française suivant cette bataille renouvelle un peu les espoirs, mais le 29 arrive l'information de l'armistice autrichien, ce qui bloque les Prussiens, et les Russes (mis sous les ordres prussiens par Alexandre), alors que le Roi de Suède refuse d'obéir en quoi que ce soit aux Prussiens, voire de dépasser l'Elbe, tant que ces derniers ne seront pas plus tranchés dans leurs actes. La position anglaise est alors difficile, car des troupes "françaises" se massent en Flandre, le froid avance qui risque de bloquer les ports, et le devenir des autres contingents est douteux.

Le 7 Janvier Lord Cathcard est avisé par l'envoyé prussien que son maître va sans doute traiter avec les vainqueurs, et le 14 il reçoit de Londres un exemplaire du traité signé entre Talleyrand et Haugwitz le 15 Décembre à Vienne, dans lequel Napoléon donne le Hanovre à la Prusse pour qu'elle se tienne tranquille. Il commence alors les préparatifs de rembarquement vers Cuxhaven, le 13 février tout est près et le 15 la flotte retourne en Angleterre, ayant augmenté les rangs de la KGL de plus d'1/3 pendant la période.

Voilà l'"Offensive en Allemagne du Nord" en 1805, battue par les mésententes internes, car franchement l'opposition française était risible, et l'opportunité était parfaite, mais avec un lunatique et un incertain qui se disputent aux commandes, c'était peu réalisable.
MASSON Bruno
 

Re: 1805. Expédition britannique en Allemagne du Nord.

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Mai 2010, 20:47

Merci, Bruno, pour ce cours magistral dont j'ignorais bien des arcanes tant les intervenants, Angleterre, Russie, Prusse et Suède ont des visées divergentes, mais aussi parfois "convergentes" au sens négatif.

Il semblerait bien, en effet, qu'Anglais et Prussiens visaient tous deux le Hanovre.

Est-il alors déraisonnable d'envisager qu'ils ne puissent s'en éloigner sans remords ?

Je vois bien les Anglais l'occuper, après tout c'était selon eux toujours une possession de la couronne, mais je les vois mal s'enfoncer dans le continent en s'éloignant dans le processus et du Hanovre et de la flotte.

Les Prussiens lorgnant aussi sur le même territoire, leur engagement contre les Français de la Grande Armée, que ce soit en Bavière, Autriche ou Moravie, ne pouvait que le dégarnir au profit des Anglais. Et y laisser une force conséquente pour le garantir diminuait d'autant l'armée d'opérations !

Pas simple comme équation, sans compter qu'il valait mieux ne pas laisser trop seuls les Suédois en Poméranie ni les Russes en Pologne, des fois que leurs appétits relatifs ne se réveillent aussi...

Décidément, en 1805, la thématique des Français était encore la plus simple de toutes.

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