1809. Expédition britannique de Walcheren.

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1809. Expédition britannique de Walcheren.

Messagepar AUBÉ Philippe sur 15 Mai 2010, 13:08

Bonjour à tous,

Je voudrais savoir si les Britanniques avaient envisagé, pour l'été 1809, d'autres lieux de débarquement que l'estuaire de la Scheldt, notamment plus à l'est, sur les rivages de la Baltique.

J'aurais aussi voulu savoir si les Britanniques auraient pu débarquer plus tôt, au printemps (avril ou mai 1809).

Merci de vos réponses.
AUBÉ Philippe
 
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Re: 1809. Expédition britannique de Walcheren.

Messagepar MASSON Bruno sur 16 Mai 2010, 06:38

Bonjour,

Quand il s'agit d'expéditions anglaises sur le continent, il convient toujours de penser "but à atteindre" et "limite de temps".

Le gouvernement anglais sais parfaitement qu'il lui est impossible de résister longtemps à l'"attention" de l'armée impériale et de ses satellites, et donc que le point de débarquement doit être facilement défendable (si possible un port fortifié).

Dans le cas de la Scheldt, le but est facilement identifiable, Anvers, non dans le but de l'occuper, mais d'en détruire le contenu et de démolir au mieux les capacités portuaires. Il y a de plus la pression du parti d'Orange qui présente en permanence le peuple Néerlandais comme prêt à se révolter contre l'occupant (que ce soit vrai ou non).

Les Pays-Bas sont aussi une obsession anglaise, du fait de l'Histoire et du commerce, ce qui entrainera des expéditions récurrentes (1799, 1805 redirigée vers Brême, 1807 redirigée au Portugal et en Espagne suite à la demande des Juntas, 1812 abandonnée sur l'avis de Wellington, 1813 redirigée sur la Poméranie, 1814, 1815).

On peut d'ailleurs faire un parallèle avec les expéditions sur la côte atlantique française entre 1794 et 1800.
MASSON Bruno
 

Re: 1809. Expédition britannique de Walcheren.

Messagepar MASSON Bruno sur 16 Mai 2010, 07:38

Examinons maintenant la possibilité de débarquer ailleurs, notamment dans la Baltique.

-Les ports de Brême et de Hambourg sont fortifiés et tenus par les Français, et leur importance stratégique est très faible. De plus, ils sont assez loin dans l'estuaire pour qu'une force limitée puisse interdire la sortie des rivières à toute escadre y ayant pénétré.

-Plus loin, la côte est prussienne, danoise, suédoise, polonaise ou russe. Seuls les Danois et les Polonais sont fortement pro-Français, les autres sont politiquement alliés à la France, même si ils peuvent être plutôt anglophiles par défaut (voir l'"efficacité" redoutable des Russes en Pologne). La population prussienne est en plein ferment, mais le Roi est fidèle à lui-même, incapable de prendre une décision, les Anglais ne savent pas vraiment ce qu'ils vont trouver, des acclamations ou des balles de mousquet, même si Kleist leur promet des colliers de fleurs, il ne représente que lui-même... et les 30 000 Anglais disponibles risquent de vite se trouver très seuls. Sans le soutient actif d'une puissance continentale, une expédition en Allemagne du Nord n'a pas d'utilité, et le gouvernement anglais se souvient que les Prussiens ont déjà failli plusieurs fois à leurs promesses de s'engager à leurs côtés à leurs frontières.

Par contre, une zone où cette force aurait pu être envoyée (et où elle a bien failli arriver), c'est l'Italie, et l'arrivée de 30.000 vétérans anglais sur l'Adige dans le courant de Mai, voire au début de Juin 1809, aurait certainement changé beaucoup de choses dans la préparation de Wagram... Malheureusement, les finances anglaises ne permettaient pas cette expédition
MASSON Bruno
 

Re: 1809. Expédition britannique de Walcheren.

Messagepar MASSON Bruno sur 16 Mai 2010, 09:03

Enfin, voyons le cas de la date de l'expédition.

Les troupes concernées sont en grande majorité celles revenues de La Corogne, et doivent être recrutées, reposées, et rééquipées à neuf avant de pouvoir servir à nouveau en campagne, ce qui prend du temps. Ce sont par contre les meilleurs vétérans dont l'Angleterre dispose.

Le 7 mars, Wellesley explique qu'il peut tenir le Portugal avec 30.000 Anglais et les troupes portugaises. Les troupes présentes sur place seront donc portées à ce chiffre et il y sera envoyé. Le manque de numéraire empêche alors de le renforcer avec toutes les troupes disponibles, et interdit pratiquement tout débarquement dans le sud de l'Europe sous peine de risquer le défaut de paiement de ces unités. A la fin du mois, il reste donc en Angleterre un certain stock de troupes disponibles, qui va augmenter régulièrement dans les mois qui suivent, et dont l'utilité sur le continent saute aux yeux.

Ici malheureusement, nous entrons dans une période de transition politique en Angleterre, avec Sir Dundas prenant le poste de commandant en chef le 24 mars, et à qui on demande de fournir 15.000 hommes pour un coup de main sur Flessingue, où l'escadre française est bloquée (le chenal est si étroit et peu profond que les navires doivent débarquer leur artillerie et sortir un par un à un certain concours de la marée et des courants, une opération sensée nécessiter un mois. Mais il faut faire vite, tenir le secret, et l'armée de Moore n'est pas assez reposée (les bonnes unités vont partir avec Wellesley).

Dans le cabinet lui-même, Canning et Castlereagh sont en désaccord sur quasi-tout en ce qui concerne les opérations militaires, mais tout changement est reporté jusqu'à la prorogation du parlement en Juin, causant des délais et des dissensions internes pendant cette période. A l'instigation de Canning, la préparation de l'expédition de Walcheren se fera même à l'insu de Castlereagh, qui a pourtant la charge du War Office !

Le secret est lui même très mal gardé, car Fortescue rapporte que des voyageurs anglais en Espagne en discutent courant mai dans leurs lettres privées... Début Mai, les 30.000 hommes initiaux de l'expédition sont censés être prêts, et l'amirauté appuie pour une expédition rapide de ces troupes car la saison avance, mais le point de débarquement n'est toujours pas décidé, la Scheld ou la Weser ?

Début Juin, les avis aux Horse Guards sont partagés, mais disent tous que si l'affaire de la Scheld est entreprise, elle doit être rapide et promptement menée, avec une chance de capturer Anvers par un coup de main, et de gros risques à toutes les phases du plan. Fin Juin le nouveau cabinet décide de lancer l'affaire dans la Scheld, du fait de l'incertitude de la Prusse, des informations rapportées par le baron Von der Decken d'Allemagne du Nord et de la faiblesse connue des garnisons françaises.

Malheureusement, le prix du fret a considérablement augmenté dans cette fin de printemps du fait de l'expédition au Portugal (les Dispatches montrent que le cabinet n'arrête pas de demander à Wellesley de renvoyer tout le tonnage dont il n'a plus besoin), et les unités ne sont toujours pas équipées à la fin du mois, et l'embarquement ne peut commencer que lors de la 2e semaine de Juillet.

Le 22 arrivent les nouvelles de Wagram, et de l'armistice de Znaïm, l'entreprise est maintenue dans l'espoir d'amener l'Autriche à le rompre, et le matin du 28 Juillet la flotte lève l'ancre...

Comme on le voit, le délai entre les plans et l'expédition de cette force a plusieurs facteurs, dont le plus fort est sans doute politique, Canning étant sans doute trop affairiste pour accepter de faire passer les besoins de la nation avant ses considérations, les autres membres du cabinets trop "mous" et Dundas pas assez efficace. Mais aussi, comme depuis les guerres de la Révolution, dans toutes les campagnes dans l'Europe du Nord, on retrouve le poids mort Frederick-Wilhem III, d'accord avec tous dès qu'il s'agit de ne pas choisir, et qui fera échouer 1809 comme il a fait échouer 1805, 1799 et d'autres avant...

Sources :
"A history of the British Army" The Hon. J.W.Fortescue.
"The Dispatches of the Duke Of Wellington" Col. Gurwood.
MASSON Bruno
 

Re: 1809. Expédition britannique de Walcheren.

Messagepar AUBÉ Philippe sur 16 Mai 2010, 18:27

Merci de tous ces renseignements. Donc, il était impossible que les Anglais, à cette époque, aient pu choisir un autre objectif...

Je n'avais jamais entendu parler de la tentative contre Brême en 1805. Peut-on en savoir plus ?

Edit par Diégo Mané : merci de retrouver cette question et d'y répondre ici :

viewtopic.php?f=1&t=612

Écartons-nous de l'histoire un moment... Imaginons une Prusse prête à la révolte, roi en tête... Quels effectifs les Prussiens auraient-ils pu mettre en campagne ? Les anglais auraient-ils pu les équiper pour compléter les faibles troupes régulières ? Quel aurait été, dans ce cas, le port le plus évident comme objectif ?

Edit par Diégo Mané : merci de retrouver cette question et d'y répondre ici :

viewtopic.php?f=1&t=613&p=2963#p2963

Merci d'avance.
AUBÉ Philippe
 
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Re: 1809. Expédition britannique de Walcheren.

Messagepar MASSON Bruno sur 17 Mai 2010, 05:57

Bonjour,

je rajoute ici un "codicille", pour nuancer la conclusion un peu catégorique qui semble transparaître de mes réponses :wink:

"Il était impossible que les Anglais, à cette époque, aient pu choisir un autre objectif"

oui mais...

Il était possible (fin mars début avril) de rediriger Wellesley et ses troupes (2/7th, 2/24th, 2/30th, 2/48th, 2/53rd, 2/66th, 2/83rd, 4th Dragon guard, 1st Dragoon, 4th Dragoon, 16th Light Dragoon, 1st Ligth Dragoon KGL, en gros 9200 "all ranks" dont 1/3 de cavaliers) vers la Sicile, là y prendre les unités qui y sont stationnées ((10th, 1/27th, 2/27th, 44th, 58th, 62nd, 81st, 3/KGL , 4/KGL, 6/KGL, Watteville's, Corsican Rangers, Grenadiers, 1st & 2nd light infantry battalions, 20th Light Dragoons, "Mounted Infantry", "Calabrians" en gros 16000 "all ranks") et remonter vers l'Adige.

Les troupes siciliennes données sont disponibles, car elles agiront sur la côte italienne pendant le printemps sous Stuart. L'absence de Wellesley au Portugal n'aura aucune influence, sauf que personne n'ira empêcher l'armée de Soult de se mutiner complètement à Oporto; mais c'est vrai que c'était un gros gambit.

L'arrivée de ces 25000 hommes fin Avril-début Mai dans la Vénétie rend la défaite de la Piave moins probable, mais la prise de Vienne rend les décisions prises par Jean plus incertaines (Wellesley est toujours un très jeune Lieutenant-General, et doit obéir à l'Archiduc, mais sans doute pas jusqu'à le suivre en Hongrie et de perdre sa ligne de communication avec la flotte!).

C'est une ligne de conduite hasardeuse, un bon bluff de poker, comme l'aurait été une offensive plutôt au centre de l'Italie, depuis les états pontificaux, soit contre Murat au sud pour détruire le royaume de Naples, soit au nord pour forcer Eugène à venir défendre l'italie du Nord, en tout cas une excellente diversion, qui aurait fixé Eugène avant Wagram.

Mais une fois Wellesley envoyé au Portugal, en effet, la seule alternative restant aux Britanniques était la Scheld.
MASSON Bruno
 


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