1806, Italie. Maida ou le désastre de Sainte-Euphémie.

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

Modérateurs: MASSON Bruno, FONTANEL Patrick, MANÉ John-Alexandre

1806, Italie. Maida ou le désastre de Sainte-Euphémie.

Messagepar MANÉ Diégo sur 13 Mai 2010, 17:22

Voici une question de Eric Dauriac (du 21 mars 2010)

Je travaille actuellement sur Maida à partir de ton livret.

Peux-tu me dire à partir de quelles sources tu définis les distances de tir des trois volées délivrées par la Light Brigade contre le 1er léger.

Eric Dauriac


Et la réponse de Diégo Mané (le 22 mars 2010)

J'ai trouvé les distances de tir dans EEL où d'importantes discussions ont eu lieu sur Maida.

Jean Lochet disserte sur la question dans le n° 56 et cite des passages de Gunther E. Rothenberg "The Art of Warfare in the Age of Napoléon", London 1977.

Comme tu as mon livret n° 16 tu connais ma position et sur la formation des protagonistes (tous en ligne) et sur le nombre de rangs (trois sauf pour les Lights qui en forment deux seulement). Je te dis cela car le passage de Rothenberg, sans doute influencé par Oman, parle de colonnes par division pour les Français.

Il s'est donc selon moi trompé à ce titre, ce qui entame sa crédibilité pour le reste. Je me suis pourtant rallié à son texte pour le nombre de volées. Je le cite :

"At about 120 yards the first volley inflicted casualties; at 80 yards the second volley cut a deep swath, and the third volley, delivered at 20 yards, broke the attack."

J'avoue m'être posé la question de l'éventualité d'une volée unique puisque ce genre d'occurrence s'est produit en d'autres occasions, mais eu égard à sa cadence de tir élevée l'armée britannique pouvait tirer de loin sans risquer de se trouver pour autant démunie de près. C'est l'hypothèse retenue car aussi la plus logique.

Le rapport de Reynier conforte cette version : "... Les bataillons anglais commencèrent alors un feu très bien nourri, qui n'arrêta pas d'abord la charge des régiments français...", cette charge étant lancée à demi-portée de fusil, soit à peu près les 120 yards du premier feu des Britanniques.

120 yards = 108 mètres = 162 pas, soit au pas de charge de 120 à la minute, largement plus d'une minute, justement, qui est le temps nécessaire à des vétérans britanniques pour délivrer trois volées ("three rounds per minute" !). Ils ont donc eu le temps de recharger après la deuxième volée, de retirer leurs sacs, et durent encore "await the order" avant de tirer leur troisième volée, comme à l'exercice.

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1806, Italie. Maida ou le désastre de Sainte-Euphémie.

Messagepar MANÉ Diégo sur 13 Mai 2010, 17:31

Questions de Eric Dauriac à Diégo Mané le 21 mars 2010, suite...

Et me donner ton avis sur cet échange récupéré sur Napoleon-series qui semble soutenir que 300 français ont été passés à la baïonnette pendant la fuite ?

Hans-Karl & Jean : Three hundred losses to bayonets does sound a lot. The 1st leger lost 21 officers which at a ratio of one officer to 20 other ranks gives 400+ casualties in total. If the 700 men of the Light battalion fired two volleys you might expect to achieve an effectiveness of 5% to 10% per volley, which would translate into approximately 100 casualties from musketry. The balance of 300 neatly compares with the eye-witness account of casualties from the bayonet.

Réponse DM : J'ai, dans mon livret, donné plusieurs éléments chiffrés concernant les pertes des unités françaises. Certains sont contradictoires. L'historique du 1er Léger dit que l'effectif avant la bataille donnait 2.027 présents pour 958 après, d'où, semblerait-il, 1.069 pertes dues au combat et à la retraite. Mais pour aligner 2.400 hommes avec le 42e, si j'en donne 2.000 au 1er il n'en resterait que 300 pour le 42e, ce qui ne cadre pas avec les OBs disponibles. Je pense donc qu'il faut considérer ici que les tous les "présents sous les armes" ne sont pas nécessairement "présents à Maida", d'où l'évaluation du 1er Léger à 1.360 h, ce qui n'empêche pas qu'il aie perdu les 1.069 déterminés au global, mais qui tiennent aussi compte d'un nombre indéterminé de victimes de la retraite (500 en tout et donc disons les 69 qui dépassent de 1.000 pour le 1er Léger).

Comme j'évalue à environ 300 les pertes dues aux trois volées (50-100-150), et qu'ensuite les survivants ont fui plusieurs kilomètres la bayonnette dans les reins, il n'y a rien d'improbable à ce que sept cents d'entre-eux, un par poursuivant, aient été tués ou blessés et pris pendant la poursuite. Un texte britannique parle de 2 à 300 britanniques allongés sur le dos car blessés de face (officiellement 282) et trois fois plus de Français allongés sur le ventre car blessés dans le dos et donc probablement à la bayonnette.

Suite texte Hans-Karl & Jean : The British had discarded their packs and non-combat equipment prior to going into action. I have not come across any evidence that the French did the same. Perhaps the lack of encumbrance on one side enabled the pursuers to cover the ground between them and the pursued at an advantageous rate.

Réponse DM : Là c'est de la logique pure. Celui qui court avec "un lièvre" devant lui court plus vite, et celui qui se retourne souvent pour voir où en est son poursuivant a de fortes chances de faire un faux pas fatal. De toutes façons celui qui n'a pas à se retourner à l'avantage, et l'autre le sait car s'arrêter seul est la certitude d'être joint par plusieurs ennemis.

Allan : "...I know that the French soldier advances to meet the British bayonet with more hesitation, I will not say trepidation, than he would advance to meet any other enemy. The British soldier rejoices in his bayonet. It does not require much skill or manoeuvering to bring an enemy to close quarters. We have only to rush upon an opposing line and decide the issue at once by a hand to hand encounter. No two lines have ever yet crossed bayonets in battle. I was often assured that it was done at the Battle of Maida, but I did not believe it. Long after the battle, Sir James Kempt, who commanded our battalion making that charge, declared in my presence that the bayonets did not cross. The French, while advancing, hesitated, and at last halted, turned round and ran away; but they delayed too long in doing so; the British rushed in, and laid upwards of 300 of them on their faces with the bayonet. Very many years after, I repeated this to Commodore Sandham of the Navy, who said to me: 'I am glad you mentioned this matter to me, for I was that morning a Lieutenant in one of the ships which landed our force in the Bay of St Euphamia, and witnessed the action from our decks. After the battle the men were re-embarked, together with many wounded French soldiers, and it was curious to see the wounded in the sick bay the following morning - all the French on their faces, being stabbed in the back; while all the British lay on their backs, having been shot in front by the volley which the French fired as they advanced to the charge."

Réponse DM : Là c'est affaire d'opinion, et partisane en plus. La mienne est que les Français, s'ils respectaient les Anglais, n'en avaient pas peur. S'ils en avaient eu peur ils auraient eu moins mal car le fait est que très souvent ils payèrent le prix d'être venus trop près. Les hésitations mentionnées ci-dessus ne sont pas liées à la peur de la bayonnette mais au résultat dévastateur du feu et à la désorganisation relative des attaquants. Effectivement, "the bayonets did not cross", car il n'y eut pas de combat mais plutôt une espèce de chasse à courre de masse ponctuée d'exécutions sommaires. La fin du passage relate la même anecdote que j'ai citée plus haut sur les blessés des deux nations.

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1806, Italie. Maida ou le désastre de Sainte-Euphémie.

Messagepar MANÉ Diégo sur 13 Mai 2010, 17:40

Suite questions de Eric Dauriac à Diégo Mané (21 Mars 2010)

Allan, suite...

... it was a headlong rout; General Compere fell badly wounded within our ranks, and his superb brigade were utterly dispersed with a fearful slaughter, which was continued over a long extent of plain, and the lower falls of the hill of Maida....In this direction they were pursued by Kempt and his gallant brigade, who allowed them no time to recover their communication with the rest of the army...

Further to the above post, Dyneley (officier d'artillerie) himself seems to confirm that many French soldiers were bayoneted and that the pursuit was carried on at a rapid rate:

"Our men reserved their fire until within a few yards of the enemy and then fired in their faces. The French turned tail and those that could run fast enough escaped the bayonet, the whole of the rest were either killed, wounded or taken prisoner; in short, Bonaparte's favourite 1st regiment of infantry was cut to pieces. The field presented the most distressing spectacle, being covered with killed and wounded. From the rapid way our light infantry went off I was unable to follow them, having to mount my guns on horses backs."

Réponse DM : Oui, le 1er Léger a bien été "taillé en pièces" puisque si on le donne à 1.360 hommes dont 60 périront dans la retraite et que 1.000 sont "restés" sur le carreau, seuls 300 ont pu s'en tirer. Avec les "présents-absents" évoqués plus haut ils aligneront par la suite les 958 hommes donnés par l'historique.

Si l'on abonde dans le sens des prisonniers français tous blessés dans le dos cela signifierait que ceux blessés de face, il dut y en avoir lors des tirs britanniques, furent achevés au passage... ou admettre que si la description fut l'occasion d'une comparaison flatteuse pour les Britanniques, la répartition ne fut pas aussi générale que cela.

Quoiqu'il en soit, pour revenir à la question initiale, 300 Français tués à la bayonnette à Maida, la plupart dans le dos lors de la poursuite du 1er Léger, mais aussi sans doute un certain nombre des blessés par la mousquetterie achevés à la bayonnette en passant, ne me paraît pas exagéré en l'occurrence.

Un autre élément intéressant nous est donné par le Six avec la répartition Tués / Blessés des officiers atteints à Maida :

1er Légère : 7 tués (dont 1 CdB et 2 Cnes) et 13 blessés (dont 5 Cnes). Subissent trois volées puis la poursuite que l'on sait.

42e Ligne : 2 tués (dont 1 Cne) et 7 blessés (dont 4 Cnes). Sont décimés à deux reprises par le 78 th Highlanders.

Polonais : 0 tué et 1 blessé (un CdB).
Fuient sans combattre, emportés par le 42e.

Suisses : 3 tués (dont le CdB) et 3 blessés (dont 1 Cne). Soutiennent un combat de feu avec le 78th Highlanders.

23e Légère : 1 tué et 8 blessés (dont 1 CdB). Engagé au feu seulement.

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1806, Italie. Maida ou le désastre de Sainte-Euphémie.

Messagepar MELCHIOR Thierry sur 13 Mai 2010, 20:11

C'est très, très intéressant, tu me confirmes dans mon opinion. 8)
Encore une fois, merci pour tout ce que tu nous apportes, Diégo. :grin:
« Ce ne sont pas les événements qui troublent le cœur des hommes, mais les jugements qu'ils portent sur les événements. »
Épictète (Stoïcien)
Site
Forum
MELCHIOR Thierry
 
Messages: 376
Inscrit le: 23 Déc 2008, 20:34
Localisation: Amance (10)

Re: 1806, Italie. Maida ou le désastre de Sainte-Euphémie.

Messagepar MANÉ Diégo sur 13 Mai 2010, 21:39

Pas de quoi, Thierry, comme j'ai déjà écrit ailleurs, le plaisir est partagé.

A propos de partage, et en tant que de besoin, je rappelle que des extraits significatifs de mon livret 16 "Maida ou le désastre de Sainte-Euphémie", tout entier consacré au sujet de ce post, figurent ici :

http://www.planete-napoleon.com/docs/L3C16.2.pdf

et aident à bien mieux comprendre notre échange plus haut qui, sans cela, passerait pour ésotérique.

Bon voyage dans la douce Italie, pas trop loin de Capoue !

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3897
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)


Retourner vers Histoire Militaire

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 157 invités