Suite à "Essling 2009 à Lyon", j'ai promis à certains participants, "choqués" par les caractéristiques que j'ai données aux hussards hongrois, de m'en expliquer à postériori, et d'ouvrir la discussion relative, afin d'en tenir compte pour le remake à venir de Wagram.
Nous discuterons des choix de modélisation dans la rubrique "Les Trois Couleurs", mais j'ai pensé que les éléments historiques avaient pleinement leur place dans la rubrique "Histoire Militaire", ainsi que tous les éléments factuels "à charge" ou "à décharge", ou qui seraient issus de rapports, mémoires, etc..., et peuvent donc intéresser notre lectorat.
Je vous donne ici un extrait de mon "Notes de lecture 11" (inédit) consacré à Désiré Chlapowski. Qu'il vous suffise de savoir que le bonhomme est parfaitement crédible, non suspect de complaisance, et en outre tout-à-fait compétent en la matière, ayant été instructeur de cavalerie dans l'armée prussienne puis polonaise, avant d'avoir "fait polytechnique" dans la française.
Il est officier d'ordonnance impérial lors de la campagne de 1809 et se trouve avec la division Lasalle lors du combat du 20 Mai donné ci-après. Il sera postérieurement Chef d'Escadrons des Chevau-Légers Lanciers Polonais de la Garde et donnera une relation saisissante et circonstanciée du combat de Reichenbach au lendemain de Bautzen (article relatif inédit en réserve, et c'est du lourd !).
EXTRAITS :
P. 135. Considérations sur la cavalerie. Au combat d’Amstetten :
“un régiment de cuirassiers... eut une mêlée avec les hussards hongrois. Je remarquai après la retraite de ces derniers combien le nombre de leurs morts était plus élevé que celui des nôtres.
Cela tient à ce que les Hongrois sabrent tandis que les Français frappent en pointant. Je ne vis pas un seul cuirassier blessé mortellement par le sabre : plus d’une douzaine furent tués par des boulets de canon. On fit environ 100 prisonniers hongrois.”
P. 144. Considérations intéressantes sur un combat de cavalerie soutenu par la division Lasalle au soir du 20 Mai, veille du premier jour de la bataille d’Essling.
Ce combat opposa la brigade Piré (1.388 h des 8e Hussards et 16e Chasseurs), soutenue par la brigade Bruyères (1.053 h des 13e et 24e Chasseurs), aux Hussards “Stipsics” (861 h) et aux Uhlans “Schwarzenberg” (917 h).
Piré s’opposa aux hussards et Bruyères aux Uhlans. Chlapowski nous relate plus particulièrement l’engagement de Piré contre les Hussards “Stipsics”.
“Pour un combat aussi vif il n’y avait pas beaucoup de morts; cependant il y en avait beaucoup plus du côté des Autrichiens que du nôtre; je puis dire positivement qu’il y en avait deux fois plus quoique je ne les aie pas comptés.
Cette disproportion tenait bien à ce que les Hongrois gesticulent trop en sabrant, tandis que les Français pointent, et pourtant les Hongrois ont des chevaux plus légers, plus maniables que les chevaux français. Les Français, sur des chevaux plus lourds et moins agiles, qu’ils ne peuvent diriger à volonté, sont plus attentifs, regardent bien de quel côté leur adversaire les attaque, ont le temps de parer son coup, et enfin d’un coup de pointe bien dirigé traversent la poitrine de leur ennemi.
Les Hongrois ne sabrent pas du plat de la lame, comme les Anglais, mais du tranchant, mais ils sont au grand galop et tournent leur cheval de côté, ils sabrent comme s’ils avaient perdu la raison, et leurs coups tombent au hasard.
Dans cette rencontre, ils nous attaquèrent à plusieurs reprises; les uns se mêlèrent à nous, d’autres retraversèrent notre ligne en revenant vers les leurs après la charge, mais toujours à la débandade. Les Français au contraire, quoiqu’ils perdissent leurs rangs en chargeant, cherchaient toujours à se retrouver ensemble, et à tout instant on remarquait leur attention visible à reprendre leur ligne. Il faut dire à la vérité qu’à la supériorité dans le maniement de leurs armes ils joignaient l’expérience qui manquait aux Autrichiens, expérience qu’ils avaient acquise dans tant de batailles et sous d’excellents officiers.
... Je relate seulement l’état des choses existant à cette époque et ses résultats. Je tiens à montrer que les Hongrois, acharnés dans leurs attaques, avaient bien du mal à se réunir quand ils étaient dispersés et à reformer leurs lignes, tandis que les Français, sachant que leurs chevaux n’avaient pas la même rapidité, n’attaquaient que de près; aussi réussissaient-ils à garder leurs rangs jusqu’à la fin, et après la charge, se réunissaient très vite sur la ligne désignée.
Les Hongrois sabrant au grand galop, ou s’attaquant à des cavaliers isolés, ne sabrent bien souvent que le vent; dans les cas les plus heureux ils ne font que des blessures plus ou moins graves.
Les Français, sobres de gestes, parent les coups et en même temps d’un coup de pointe percent leurs adversaires et les tuent. Moi aussi, j’ai reçu d’un hussard hongrois un coup de sabre au-dessus du genou; son sabre tourna et la blessure ne fut pas profonde, mais le coup était violent et je m’en ressentis pendant plusieurs années.”
En clair, quand ils touchent, les hussards hongrois infligent le plus souvent une blessure peu profonde et/ou un ématôme plus ou moins conséquent, qui ne mettent pas l’adversaire hors de combat...
... Et lorsque ce dernier est un vétéran français sa riposte s’avère souvent fatale.
C.Q.F.Diégo