1815. Le 5e de Ligne.

[MANÉ Diégo]

Je relaie ici une question dont l'énoncé comprend des informations pouvant en intéresser plusieurs.

Dont'acte.

Bonjour Monsieur Mané,
Je vous envoie ce mail pour savoir si vous avez des informations sur les effectifs (nombre de bataillons et nom des chefs de bataillon) du 5ème de Ligne durant la campagne de Belgique de juin 1815.
J'ai vu sur votre site que vous avez fait un remarquable travail sur le 93ème de Ligne pendant cette période. Comme j'ai toujours eu une curiosité historique pour les Cent-Jours et que je collabore bénévolement au site de M. Deschuytener (http://wtl1815.olympe-network.com/main.php), j'ai pensé que vous auriez plus de renseignements que moi sur ce régiment (et pourquoi pas sur d'autres ...?!).

Je vous donne ce que j'ai réussi à trouver :

5ème Régiment de Ligne
Le régiment est reformé en juin 1814, sous la première Restauration et prend le nom de Régiment d'Angoulème à partir :
- des restes des 6 bataillons du 5ème de Ligne
- du 1er bataillon du 114ème de Ligne
- du 1er bataillon des Flanqueurs-Grenadiers de la Garde
(d'après Histoire de l'infanterie en France-Tome IV-page 672, darnault-mil.com)

Colonel Baron Jean Isaac Roussille

Major Baron Jean-François Henry Durand
Aux Cent-Jours, il est placé avec son grade au 5ème de Ligne. Il sera remis en non-activité à la seconde Restauration et obtiendra sa retraite par ordonnance du 16/07/1823 avec jouissance du 08/03 précédent (d'après Fastes de la Légion d'honneur-Tome V-page 269, darnault-mil.com, la base Léonore du Ministère de la Culture, Bulletin des Lois de la République française-1824-N° 620 bis-page

Major Joseph Paul Hyacinthe Raymond de Rascas
(d'après darnault-mil.com)

Concernant les deux majors, lequel est à l'armée du nord ? De Rascas fera une carrière sous la seconde Restauration, est-il resté au dépôt en juin 1815 ? a-t-il quitté l'armée et a-t-il été remplacé ? est-il à l'armée du Nord ????

1er Bataillon
Chef de bat. Augustin Pierre Lefèvre
L'Empereur, à son retour de l'île d'Elbe, le confirme dans son commandement et il fait la campagne de Belgique dans le VIème Corps d'armée. Il sera blessé à la bataille de Waterloo et sera licencié avec l'armée le 10/09/1815 puis mis en demi-solde, état dans lequel il restera jusqu'au 13/03/1822, date de son admission à la retraite (d'après darnault-mil.com, Fastes de la Légion d'honneur-Tome IV, napoleon-series.org)

2ème Bataillon
Chef de Bat. Jean Antoine Bertran
Aux Cent-Jours, il est maintenu dans sa position et fera la campagne de Belgique de juin 1815 (d'après darnault-mil.com, la base Léonore du Ministère de la Culture)

Il est certain que ces deux bataillons forts de 952 hommes (d'après Derniers jours de la Grande Armée-Mauduit-1848 et d'après Couderc de Saint-Chamant) sont bien à l'armée du nord le 10/06/1815. Mais quel sera l'effectif au 15/06 ??
Je me demande s'il ne se passe pas pour ce régiment (et pour d'autres aussi d'ailleurs) ce qui se passe pour le 93ème de Ligne.
En effet, concernant la force de ce régiment, le colonel Roussille écrit dans un rapport qu'il a eu 1200 hommes hors de combat sur 1600 !! Cela fait quand même plus de 600 hommes en plus par rapport aux ordres de batailles « traditionnels » donc au moins un bataillon de plus (voir gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k115356q.image.r=la+sabretache.f758.langFR). Ainsi l'ordre de l'Empereur du 26/05 qui appelle le 3ème bat. au régiment a-t-il peut-être été exécuté (d'après Les inédits napoléoniens de A. Chuquet-page 478)
D'après napoleon-monuments.eu/MONUMENTSENPERIL/89Yonne.htm : le cdb Carré Jean-Baptiste serait à l'armée du Nord ce qui donnerait un régiment à 4 bataillons puisqu'il était cdb du 4ème bat. à moins que le 3ème bataillon ne soit pas à l'armée ??!!...

Si vous avez une idée plus précise, je suis preneur !

En vous remerciant par avance, très cordialement
Jean-marc Boisnard

[MANÉ Diégo]

Réponse DM à JMB (26/09/09)

A cette question-fleuve j’ai bien peur de ne pouvoir fournir qu’une réponse-ruisseau mais, c’est bien connu, les petits ruisseaux font les grandes rivières !

Alors allons-y, dans l’ordre :

Nombre de bataillons et effectifs.
J’ai ce qu’en dit Scott Bowden dans mon exemplaire dédicacé d’“Armies at Waterloo”, savoir :

1er bataillon, 25 officiers et 441 hommes, total 466.
2ème bataillon, 17 officiers et 469 hommes, total 486.

Soit ce qu’on trouve dans tous les OBs relatifs. Il y a également des infos sur le nombre d’officiers tués ou blessés, tirées du Martinien, et diverses petites choses, mais rien d’aussi fouillé que ce que j’ai pu voir sur le site de M. Deschuytener, que je suis allé visiter, et qui vaut le déplacement pour tout un chacun qui s’intéresserait à l’Armée du Nord.

D’autres renseignements sur ce régiment ?
Eh bien je peux vous dire que lorsqu’il se recomptera après Waterloo (à Laon 23-26 Juin) il lui restera 29 officiers et 325 hommes (source Bowden d’après le SHAT).

Comme il est porté dans le Martinien 22 officiers comme tués ou blessés à Waterloo (dont le colonel Roussille et le CdB Lefèvre), et qu’il y en avait 42 avant, il devrait en rester 20 et non 29... sauf si certains, blessés légers, ont repris leur place dans les rangs... ou si d’autres sont venus rejoindre le régiment avec de nouveaux bataillons comme ce fut le cas pour le 93e de Ligne... qui n’est certainement pas le seul.

Qu’il avait 82 officiers et 1.541 hommes, total 1.623 en trois bataillons le 1er Janvier 1815, basé à Grenoble et Fort-Barreau (source “Napoléon, ses dernières armées” par Couderc de Saint-Chamant).

Chiffres sommes toutes assez proches des 1.600 avant la bataille et des 400 après annoncés par le colonel Roussille dans son récit, repris dans le “Plancenoit” des éditions Tondeur... qui me permet toutefois de dire que quelque chose ne colle pas, puisque le colonel précise que “Le 5e Régiment perdit donc en tout, tués ou blessés, 21 officiers” et, comme il les répartit entre les 1er et 2e bataillons, cela exclut d’office la présence d’autres bataillons (qui n’auraient alors perdu aucun officier “pendant cette bataille désastreuse”, ce qui n’est pas logique).

Alors ? Des renforts qui auraient porté les deux bataillons à 800 hommes chacun avant les combats ? Personnellement j’en doute puisque Napoléon avait prescrit d’envoyer les bataillons dès qu’ils atteignaient 600 hommes (beaucoup partirent avec moins) et qu’il est plus logique de voir arriver un troisième bataillon, voire un quatrième, que de voir monter avant les effectifs des deux premiers ... mais bon, je n’étais pas à Waterloo et le colonel Roussille si, et quel intérêt aurait-il eu à grossir ses pertes ?

Un petit comparatif avec le régiment voisin de brigade (à 3 bataillons) :

5e de Ligne : Waterloo 42 Of. + 910 h (-22 Of.) / Laon 29 Of. + 325 h.
Déficit du 5e de Ligne : 13 Of. + 585 h = 598 h (1.200 dixit Roussille !).

Si l’on applique aux soldats le % de retours des officiers soit 9/22, il aurait pu y avoir 239 blessés à rejoindre et donc 564 pertes à Waterloo et 586 avec les officiers, l’amenant bien à moins de 400 h.

11e de Ligne : W. 61 Of. + 1.135 h (-18 Of.) / Laon 44 Of. + 575 h.
Déficit du 11e de Ligne : 17 Of. + 560 h = 577 h.

Bien sûr ce “déficit” ne correspond pas seulement à des pertes de la bataille de Waterloo, mais aussi certainement à des soldats capturés après la bataille ou encore “restés en arrière” (= déserteurs).

Ce que je peux aussi ajouter c’est que Napoléon compte dans son tableau prévisionnel au 15 Août 1815, que j’ai repris dans mes OBs, les régiments à deux bataillons pour 1.100 h (soit une attrition hors-combats de 100 h), les 3e bataillons pour 700 h, et pas encore de 4e bataillons !

Ce n’est qu’au 1er Septembre 1815 qu’il envisageait disposer de tous ses régiments au complet de 5 bataillons de 840 h chacun.

Bref, des réponses qui soulèvent bien des questions... comme d’habitude ! ... Mais qui peut-être vous auront aussi un peu éclairé.

Diégo Mané