par MANÉ Diégo sur 08 Déc 2008, 23:44
Les bataillons de grenadiers et voltigeurs réunis (Diégo Mané)
La réponse est plurielle. Pour résumer je dirai que l'on trouvera surtout des Grenadiers Réunis sous la Révolution et au début de l'Empire, et plutôt des Voltigeurs Réunis à la fin. Mais développons le sujet. L'appellation de "Grenadiers Réunis" fait immanquablement penser aux "Grenadiers d'Oudinot". En effet, en 1805, 1807 et 1809, ce général fut amené à commander, par ordre impérial, une division de "Grenadiers Réunis", dont la composition fut à chaque fois différente.
Le point commun, toutefois, fut que les compagnies formant les bataillons desdits "Grenadiers Réunis" furent composées de Grenadiers ou Carabiniers, certes, mais aussi de Fusiliers ou de Chasseurs, ce qui est moins connu. Cette mise au point faite, qui justifiera peut-être un autre article, nous pouvons aborder la généralité. Le plus souvent, les Grenadiers Réunis étaient des unités de circonstance, créées ponctuellement par l'officier commandant l'unité dont ils étaient tirés, régiment, division, corps ou armée.
Mais parfois on les trouvera constitués de manière plus "permanente", toujours à l'initiative du chef "local". Le commandement des bataillons est assuré par des officiers supérieurs issus des régiments d'origine des soldats. Au-dessus, et notamment pour les constitutions "ponctuelles", cela se trouve entre les mains d'officiers de l'état-major ou d'aides de camp des généraux commandants que ces derniers auront voulu "faire mousser".
Plus haut encore, il s'agira bien évidemment d'officiers généraux à la suite de l'armée. On trouve l'existence de telles unités tout au long de la période qui nous intéresse. Davantage sous la Révolution et au début de l'Empire, où la taille des bataillons, constitués à 8 ou 9 compagnies, supportait mieux une telle "ponction". Moins ensuite, avec les bataillons à 6 compagnies, mais surtout à la Grande Armée, ou la présence de la Garde Impériale palliait au besoin de constituer une réserve d'Elite en la tirant de la Ligne.
Au reste on verra plus souvent réunir, après 1808, des Voltigeurs que des Grenadiers, pour remplir les tâches jusque là dévolues à l'infanterie Légère dont la spécificité disparaitra peu à peu au fur et à mesure que disparaitront les vétérans qui la composaient et en avaient fait le service.
Les formations adoptées étaient celles en vigueur dans les règlements, fonction du nombre de compagnies des bataillons... et aussi des circonstances particulières, comme il sied à des troupes françaises en général (système "D"), et à celles d'élite en particulier (voir les Historiques). Quelques exemples non exhaustifs :
1800, Hohenlinden : sur les six divisions d'infanterie présentes, seules deux ont des Grenadiers Réunis : celles de Richepance et Ney, apparemment à l'initiative de ces généraux, Moreau ne s'occupant pas de tels "détails".
1805, Caldiéro : des cinq divisions d'infanterie de l'armée de Masséna, une seule, celle de Verdier, possède des Grenadiers Réunis. Mais il existe une sixième division, dite de réserve, regroupant sous Partouneaux 44 compagnies de "Grenadiers Réunis" en 8 bataillons à 4 ou 6 compagnies.
1806, Saalfeld : la division Suchet compte un "bataillon d'élite" de 645 hommes en 8 compagnies, issues des compagnies d'élite des 3e bataillons des régiments de la division (les 3e bataillons n'ont que ces deux compagnies de présentes à l'armée). Le Général de Division Victor, Chef d'Etat-Major du Ve Corps, sinécure ou Lannes avait trouvé moyen de caser son ami qui, s'y ennuyant sans doute, commanda en personne ledit bataillon d'élite durant toute la bataille (ça c'est de l'encadrement !).
1807, Abrantès : Junot gagnera son futur titre ducal en entrant à Lisbonne, à l'issue d'une terrible marche forcée, avec les 1.500 Grenadiers Réunis tirés de son armée dont le reste se trainait péniblement à deux jours de marche au moins.
1808, Vimeiro : Junot toujours, alignera une Réserve de Grenadiers Réunis confiée à Kellermann, et forte de 17 compagnies en 4 bataillons pour 1.636 hommes. En outre 400 "Voltigeurs Réunis", tirés de la garnison de Lisbonne, rejoindront à la fin du combat.
1809, La Piave : l'Avant-Garde de Dessaix est constituée de 4.300 Voltigeurs-Réunis en 6 bataillons.
1811, Chiclana : la division Leval compte deux bataillons de Grenadiers Réunis sous le GB Chaudron-Rousseau, dont un "hors-ligne" à 439 hommes, c'est-à-dire composé de compagnies d'élite de régiments absents (garnisons), et un autre tiré des compagnies des régiments présents.
1811, l'Albuéra : le maréchal Soult comptait à sa réserve 11 compagnies de Grenadiers Réunis, tirées de régiments non présents à l'expédition (45e, 63e et 95e de Ligne du Ier CA, et 4e Polonais du IVe CA) car restés en Andalousie.
1812, La Moskowa : la division Compans avait formé deux bataillons de Voltigeurs Réunis (à 6 et 4 cies) pour tenir la tête des deux brigades menant l'attaque.
1813, Castalla : l'avant-garde de Suchet compte un bataillon de Voltigeurs Réunis de 600 hommes en 6 compagnies des 1er Légere, 114e et 121e de Ligne, sous le colonel Arbod qui sera tué.
1813, Leipzig : le capitaine Lalo, du 14e Léger, commande cinq compagnies de Voltigeurs Réunis de sa brigade (14e et 22e Légers) avec lesquelles il s'empare avec brio de la Redoute Suédoise et gagne sa croix de Chevalier.
1815, L'Hôpital : le colonel Bugeaud confie la défense du bourg de L'Hôpital aux 3 compagnies de Grenadiers et 3 de Voltigeurs des 3 bataillons des 14e et 20e de Ligne dont il dispose, luttant offensivement et défensivement hors du bourg avec les compagnies de Fusiliers desdits régiments (voir à ce propos l'article "Les mystères de L'Hôpital" que je viens de mettre en ligne).
Bref, tout est possible. Ludiquement, rien ne s'oppose à ce qu'un joueur "français" organise son commandement comme il l'entend, du moment qu'il "part" de l'organisation et des usages de l'époque rejouée. En 1805 par exemple (bicentenaire oblige), on ne peut aligner que des Grenadiers (et Carabiniers) Réunis car les Voltigeurs ne sont pas encore généralisés et, de toutes façons, le service qu'il rendront plus tard est alors assuré par les régiments d'infanterie Légère.
Diégo Mané