1813 l'affaire du pont d'Echalar

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Re: Une bataille dont VOUS auriez aimé ne pas être le héros

Messagepar MASSON Bruno sur 04 Aoû 2021, 17:11

Encore une petite information sur les Anglais, qui concerne surtout la période de calme qui va survenir après le retour des Français sur leur sol natal.

au début de la campagne de 1813, au Portugal, Wellington a décidé de désencombrer ses soldats, qui allaient devoir beaucoup marcher, et vite. Il a donc été ordonné que toute l'infanterie laisserait ses manteaux avec les bagages lourds de leur régiment, en cale des navires de transport ancrés à Lisbonne, puis à la Corogne, puis à Santander.
il n'a pas prévu que ses troupes se trouveraient à partir de Juin sur la ligne des Pyrénées, et donc, les soldats des brigades chargées de la garde des passes en altitude devront le faire en grelottant emmitouflés dans leur sac de couchage depuis août 1813 jusqu'aux actions sur la Nivelle en Novembre.

Or, les Pyrénées, en automne, à plus de 1000 m d'altitude, c'est pas vraiment l'ambiance soleil, palmiers et Tee-shirt.....
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Re: Une bataille dont VOUS auriez aimé ne pas être le héros

Messagepar MASSON Bruno sur 02 Sep 2021, 06:14

après avoir géré le côté français durant la narration, je vais présenter le côté coalisé, afin de faire sentir ce à quoi Soult a échappé.

côté Espagnol, les ordres de Wellington au général Giron (commandant l'armée des Asturies couvrant la partie montagne de la frontière française) étaient de laisser la division Longa à Yanzi (le village, situé à moins d'1 km du pont sur la rive "espagnole"), soit un peu moins de 5000 hommes et une batterie de 6 pièces, en mettant en exergue la surveillance du pont. Giron, ayant peur d'une éventuelle prise entre deux feux entre Soult et une hypothétique avance française à travers le pont de Vera, gardera la division sur la basse Bidassoa, et n'enverra à Yanzi que le 2e d'Asturie, soit environ 900 hommes. (une unité régulière, anciennement Milice Provinciale, mais régulièrement rabillée et rééquipée par des débarquements d'effets anglais sur la côte asturienne)

le chef de l'unité, en conformité avec la volonté du Generalissimo, enverra 2 de ses compagnies garder les alentours du pont, et c'est ce détachement qui fera des misères à la tête de la colonne française, d'abord en arrêtant la marche du I/120e et causant la panique dans la division Treillard, puis en revenant tirer dans le flanc de la colonne de bagages. Une fois rejetés dans la montagne par le II/120e, ils rejoindront leur unité, que son chef emmènera reprendre le pont au II/118e, jusqu'à être définitivement expulsé par le 64e de ligne.

tout cela étant causé par en gros 250 hommes renforcés ensuite à hauteur de 800, je vous laisse imaginer ce qu'il se serait passé si toute la division Longa avait été là, surtout avec du canon...
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Re: Une bataille dont VOUS auriez aimé ne pas être le héros

Messagepar MASSON Bruno sur 28 Sep 2021, 09:53

Considérant la pince gauche du mouvement d’encerclement lancé à la suite de la 2e bataille de Sauroren, les 6th et 3rd Divisions ont été lancées sur la route Zubiri-Roncesvalles à la suite de la division Foy, sur l’idée erronée que la majorité de l’armée française retraitait par cette route. Jusqu’au 31, Wellington affirmera que plus de 2 divisions françaises s’y trouvent, tandis que 7 autres sont sur la route de la Bidassoa.

Oman prétend que c’est faux, en quoi il a raison, mais aussi tort !

Raison, car, en effet, il n’y a administrativement que la division Foy à cet endroit, mais tort car à cette entité se sont agglomérés, comme indiqué précédemment, une brigade de Vandermaesen, une brigade très abîmée de Conroux (je crois ?), un grand nombre de soldats débandés venant d’un peu toutes les unités de l’armée, le convoi de ravitaillement venant de France rencontré le 30, et le parc d’artillerie de l’armée et sa brigade de dragons d’escorte. Tous ces gens connaissent la route, rentrent chez eux, et voyagent léger au moins le premier jour, ce qui rendent les possibilités pour les Anglais de les rattraper avant la frontière extrêmements faibles. Surtout que ces derniers ont leur artillerie et leurs bagages, et doivent à chaque embranchement vérifier la route réellement empruntée.

Les communications transversales entre cette route et le reste de l’armée Anglo-alliée ne sont pas meilleures dans ce sens qu’elles n’ont été pour les Français aux alentours du 25 juillet, et donc dès que cette colonne disparaît à la vue de Wellington, elle peut être considérée coupée, et le général anglais n’en aura de nouvelles que vers le 2 août. Elle n’exercera donc aucune influence sur le combat de Yanzi.
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Re: Une bataille dont VOUS auriez aimé ne pas être le héros

Messagepar MASSON Bruno sur 28 Sep 2021, 10:12

Pour la poursuite directe du gros des Français, il convient de se souvenir que la 2nd division, sous le commandement supérieur de Hill, a combattu tout d’abord à Maya le 25, où la brigade Fergusson a perdu environ la moitié de son effectif, puis ensuite a résisté à 1 contre 3 les 27-28-29 aux efforts (pas très appuyés il est vrai) des troupes de d’Erlon.

Au 30 juillet, c’est encore la même brigade Fergusson qui fait la tête, alors qu’elle ne compte plus qu’à peine 1000 hommes en additionnant ses 3 bataillons (50th, 71st et 92nd). Steward l’envoie néanmoins à l’assaut des positions défensives françaises, où se trouvent 7000 combattants postés. Le premier assaut est inefficace (ça vous étonne ?), donc on recommence avec les mêmes, soutenus par la brigade Pringle et deux pièces d’artillerie qui ont été montées à grand peine, sans plus de résultat, si ce n’est de laisser Fergusson blessé et prisonnier dans les rangs français. A la fin de la journée, le 92nd Gordon Higlanders est à moins de 100 « effectives » sur les 750 qu’il comptait le 24.

Un troisième assaut, mené par la brigade Pringle, avec la 7th division menaçant le flanc Français, et les arrières de ceux-ci ayant été enfin dégagés par le reste de l’armée française, met la division Darmagnac en retraite (peut-être volontairement), et la 4th division, qui est enfin arrivée en soutien de la 2nd, prend la poursuite en main. Elle a besoin pour cela de passer à travers les bagages de la 2nd et les débris français, un processus lent.

quand on sait que Steward, commandant cette division, a trouvé le moyen lors des combats de Maya/Roncesvalles d'être absent, et donc que Fergusson n'a pas pu être soutenu ni renforcé à temps, et n'a pu retraiter en bon état que parce qu'une brigade de la 7th est intervenue sans ordres, les combats de juillet auront bien marqué la limite de sa compétence.
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Re: Une bataille dont VOUS auriez aimé ne pas être le héros

Messagepar MASSON Bruno sur 27 Oct 2021, 05:52

La colonne Clausel dont je n’ai pas parlé, était sensée faire l’arrière-garde de l’armée française dans la retraite le long de la Bidassoa. Ca n’est « sans doute pas la meilleure des idées que Soult ait eue » pour être politiquement correct, car elle est très diminuée, la division Vandermaesen n’a plus qu’une brigade (l’autre est avec Foy), Conroux est détruite en tant qu’unité combattante et Taupin a beaucoup souffert des deux Sorauren.

La raison est sans doute purement géographique, et dans le fait que Soult n’a pas le temps de faire défiler cette « lieutenance » à travers le reste des troupes avant d’être attaqué,

au 1er Août, elle est placée en travers de la route à la sortie de Santesteban (Doneztebe aujourd’hui) et sur les pentes sur la rive droite de la Bidassoa. Elle y est attaquée par les divisions de Cole (4th) et Dalhousie (7th), alors que Vandermaesen fait la première ligne, soutenu par Taupin, Conroux, lui, étant parti sur la route en direction de Sunbilla.

Clausel nous raconte l’histoire d’un combat retardateur assez acharné, avec les deux armées luttant pour atteindre les premiers la crête surplombant son ennemi, course gagnée par les anglais, et faisant subir des pertes considérable aux deux camps, avant de décider d’abandonner le combat et de fuir à travers la montagne en direction d’Etchalar.

Malheureusement, les rapports de pertes des unités engagées disent tout autre chose, la 4th division n’ayant au cours de la journée (donc y compris contre la division Darmagnac plus tard) que 3 morts et 45 blessés, et la 7th division rien du tout. Du côté français, les pertes ne sont pas non plus considérables, pouvant être estimées à 100 à 150 tués/blessés/prisonniers. Il est donc plus probable que Clausel n’ait opposé qu’une résistance symbolique avant de voir son commandement se disperser.
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Re: Une bataille dont VOUS auriez aimé ne pas être le héros

Messagepar MASSON Bruno sur 13 Nov 2021, 10:35

    dans les coalisés, il ne reste qu'à compter les tours et détours réalisés par la Light Division, et la raison pour laquelle Alten n'a pas pu intervenir plus fortement le 1e août à Yanzi

    Celle-ci est idéalement placée au 29 juillet, autour du village de Zubieta, à moins de 8 km de Santesteban (Donetzebe), où la colonne française va passer avant de s’engager dans la basse vallée de la Bidassoa en direction de Yanzi. Malheureusement, ce même jour, un ordre de Wellington l’envoie vers Lecumberri (Lekunberri) sur la route Tolosa-Yrurtzun, pour éviter un hypothétique mouvement de contournement de sa gauche par les français. C’est une marche d’environ 35km, sur une route peu carrossable, que la division prend le 29 au soir, s’arrêtant à Saldias au milieu de la nuit, plutôt fatiguée.

    Le 30 au matin, ils repartent à travers la montagne, en direction donc de Lekumberri, qui est atteinte à la nuit. Pendant toute la marche, le canon se fait entendre sur leur gauche, correspondant au 2e Sorauren et au combat de Hill et d’Erlon à Beuntza. Alten se trouve alors complètement coupés à la fois de Hill et de la 7th Division, et passe le 31 à attendre des ordres et à faire reposer la troupe.

    En fin d’après-midi, un aide-de-camp de Wellington « plus mort que vivant du fait de la fatigue» arrive enfin et apprend la victoire du 29, demandant à Alten de retourner à Elgorriaga pour couper la route aux troupes françaises qui pourraient prendre la gorge de la Bidassoa, tout en affirmant que le gros de l’armée de Soult se retire en France par le Puerto de Velate et la passe de Maya. Son but est juste de se remettre en contact avec la 7th qui est envoyée de façon accessoire sécuriser le Puerto de Arraiz (Arraioz) où rien d’important n’est prévu au moment de la rédaction.

    Alten pars à nouveau pour une marche de nuit, mais s’arrête à Leitza après un peu moins de 15km de chemins de montagne de nuit. Certains critiques lui reprochent de n’avoir pas poussé jusqu’à Saldias, où il aurait été plus proche du but, mais ça représente encore 16km, et c’est la 2e marche de nuit en 3 jours, pour ce qui n’est, de ce qu’il en sait, qu’un repositionnement stratégique. La différence est notable, car le 1er au matin, c’est à cet endroit que les ordres de Wellington (du 31 à midi) le trouvent juste avant le lever du jour, qui cette fois lui demandent de marcher le plus vite possible pour interdire le passage de Santesteban (Donetzebe), ou au pire à Sunbilla, à l’armée de Soult.

    Alten démarre alors dès le lever du soleil, mais à Elgorriaga, après 25km de marche épuisante sous le soleil d’août, il apprend que les français ont quitté Donetzebe tôt le matin même. La light division est donc envoyée alors par la très mauvaise route de montagne qui fait Elgorriaga-Aranaz (Arantza)-Yanzi par la crête de Santa Cruz (Atzurdi Punta, au niveau de Sunbilla, 2,5 km mais pratiquement 900m de dénivelée positive pour arriver à 1004m d’altitude). La montée en est raide et épuisante, les officiers devant mettre pied à terre pour mener leurs chevaux par la bride, sur un schiste argileux, qui fait décrire cette montée comme se passant « de pierre bancale en pierre bancale, entourés de boue épaisse ».

    sur cette crête, à 4h de l’après-midi, la Light Division aperçoit enfin l’ennemi, quittant Sunbilla en une masse désorganisée, poussée en queue par la 4th division, dont les tirailleurs avancent en combattant l’arrière-garde française. Problème, le village sus-cité est situé à 4km et 900m plus bas, de l’autre côté de la Bidassoa, et est déjà presque dans les mains de leurs compatriotes de la 4th ; descendre ici ne servira à rien et est très dangereux pour des soldats fatigués. Le divisionnaire décide alors de prolonger la marche jusqu’à Yanzi dans l’espoir d’au moins couper la route à une partie des fuyards.

    Mais la marche déjà accomplie a épuisée cette division d’élite, dont nombre de soldats sont déjà tombés d’épuisement. Alten décide alors de laisser un court temps de repos à ses soldats, puis d’entreprendre la descente vers Arantza (7km à vol d’oiseau, dénivelée -1000 +500m) avec ceux qui peuvent encore suivre. Au village, il laisse encore sa 2e brigade, plus fatiguée car ayant mangé la poussière de la 1ère toute la journée, et fait la dernière partie du chemin avec le reliquat de la brigade restante, qui fermera la porte de Yanzi (encore 9km et 600 m de dénivelée) aux français, mais sera donc incapable d’avancer plus loin, ayant ainsi entre le 31 soir et le 1er fin d’après-midi parcouru plus de 70 km et environ 6000m de dénivelée totale (en gros +3000 et -3000), avec 2 haltes assez courtes en plus ou moins 20 heures

    une performance de Très Grand Malade...
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