L'artillerie à cheval prussienne
Publié: 31 Déc 2020, 18:03
Bonjour,
Je voudrais vous présenter cette arme, créée par Frédéric II, et l'esprit qui l'anima jusqu'en 1816. A cette date aboutira une double réforme menée par le Prince Auguste de Prusse, frère du Roi, et général d'artillerie depuis 1813, qui changera complètement l'artillerie prussienne.
Mon but n’est pas de présenter ici les actions mais plutôt l’organisation, la structuration et les évolutions de l’artillerie à cheval.
La création
Pourquoi cette création ?
Contrairement à ce que l'on pense, l'artillerie à cheval n'est pas née en Prusse, mais n'est qu'une réponse à celle de la Russie elle-même une réaction à celle de la Suède.
La création de cette arme est le fruit d’une longue réflexion entamée par le roi de Prusse et ses conseillers militaires, dont le generallieutenant von Dieskau (inspecteur des poudres et de l’artillerie, poste qui comprend aussi les munitions), car Frédéric II a pu constater lors des bataille de Mollwitz (1741) et Chotutitz (1742), l’impact de l’artillerie. Il a aussi constaté l’importance de la manœuvrabilité de celle-ci alors qu'à l'époque les canons sont lourds, peu manoeuvrables et conduits par des civils sous contrat, d'où certains choix, notamment en Prusse, pour des petites pièces. Il est important de noter que la plupart de l’artillerie est de 3£ et dotée aux bataillons d’infanterie. Par exemple, à la bataille de Mollwitz, sur les 60 pièces d’artillerie prussienne présentes, 40 sont de 3£. Les 20 autres sont des 12£ "Drümmer" et des obusiers de 24£.
L’effet dévastateur de l’artillerie fera que le Roi aura même l’envie en 1742 de n’avoir que des pièces de 3£ comme artillerie de campagne, et il faudra toute la force de persuasion de l’inspecteur de l’artillerie pour que ce projet n’aboutisse pas.
Lors de la deuxième guerre de Silésie (1744-1746), la cavalerie prussienne décide de la victoire grâce sa puissance de choc, mais surtout grâce à l’aide de l’artillerie, comme à la bataille de Hohenfriedberg (1745). Le roi Frédéric étant présent, l’idée d’attacher de l'artillerie à la cavalerie naît, mais elle ne trouve pas d’aboutissement avant le retour de la guerre en 1756. Cependant, les changements radicaux en Autriche et en Russie, grâce aux réformes du Prince Wenzel Liechtenstein et du comte Schuwalov, font que la Prusse est obligée de se lancer dans une course aux armements qui coûte très cher à l’Etat.
Avec la troisième guerre de Silésie, plus connue sous le nom de guerre de Sept Ans (1756-1763), l’artillerie prussienne devient inférieure à ses opposantes mais elle arrive à trouver sa place grâce à sa mobilité, même avec des canons extrêmement lourds, canons de 12£ « Drümmer » ou mortiers de 24£, notamment à Rossbach (1757) et Leuthen (1757). Ayant besoin d’être mobile et surtout de permettre à sa cavalerie de disposer d’un appui-feu qui pour le Roi ne peut venir que de l’artillerie, il met en place par le décret du 21 avril 1759 une unité expérimentale avec un train entièrement militarisé, une première dans l'armée, avec 10 canons de 6 ou de 3£ dont le but était de soutenir l'action rapide de la cavalerie (le décret indique cependant qu’elle sera constituée de 6 pièces de 6 livres). Elle sera entièrement perdue à la bataille de Kunersdorf, le 12 août 1759.
(ici l'image montre le pillage d'une victime par les Cosaques, mais le train est d'artillerie).
Elle est aussitôt recréée à l'identique, mais est reperdue à celle de Maxen, le 21 novembre de la même année. Reconstituée très vite, elle va montrer son efficacité dans les batailles de l’année 1760 et surtout à Burkendorf (21 juillet 1762) où l’artillerie à cheval donne la victoire à la cavalerie prussienne.
En 1762, il y a une brigade de 16 pièces de 6£ avec le Roi et une brigade de 5 pièces de 6£ et 1 obusier de 7£ avec l’armée du Prince Henri. Les deux brigades sont dissoutes à la conclusion de la paix.
La raison du choix de ce calibre est d’abord la légèreté des pièces. Le roi de Prusse insistera sur la qualité des munitions et de la poudre utilisées. Il en remerciera particulièrement les frères von Holzmann qui sont ce que l'on pourrait appeler des co-inspecteurs des poudres et des munitions.
Comme l'objectif est de donner un vrai soutien feu à la cavalerie, tous les artilleurs et le train sont des cavaliers et surtout des militaires. En effet, à l'époque l'artillerie coûte cher, manœuvre très mal car le train est la plupart du temps civil, et surtout est très lourde pour une efficacité souvent réduite à moyenne ou longue portée. C’est pour cela qu’à la moindre catastrophe on perd donc beaucoup de canons. C’est comme cela que les Prussiens découvrent les réformes des canons russes et autrichiens. Depuis l’origine, 1713, l’artillerie prussienne n’est qu’une arme de soutien et à pied. Former des artilleurs et surtout des officiers est difficile en raison de l’exigence technique, surtout en mathématiques, de l’arme. La plupart des hommes ne sont donc pas des personnes ayant l’habitude de monter à cheval. Or, le but de l’artillerie à cheval est de suivre la cavalerie. La formation équestre devient donc une priorité aux yeux du souverain prussien tant pour les artilleurs que pour le train. La Prusse sera d’ailleurs l’un des premiers états à militariser tous ses trains d’artillerie et d’équipage.
La course aux armements entre l'Autriche et la Prusse qui se poursuivra après la Guerre de Sept Ans va ruiner l'état prussien, même si des efforts qualitatifs très importants sur la mobilité et l'allègement des pièces seront faits. Une école d’artillerie est prévue afin d’améliorer la formation initiale des artilleurs à tous les niveaux. Seulement, avec la fin des conflits importants et le besoin d’économies, le projet est abandonné.
En 1772, l’artillerie à cheval est constituée de 6 canons de 3£, 16 canons de 6£, et 85 chevaux. Elle est organisée en deux brigades qui doivent servir de cadres pour les temps de guerre. Un projet d’Artillerie-Commando dont le but est de constituer une artillerie à cheval en temps de paix en format réduit constitué uniquement de cadres mais disposant de tout le matériel et des chevaux pour la remonter rapidement en temps de guerre. Cependant, les tensions interétatiques font que l’artillerie n’est pas réduite et en 1778, il y a six brigades de sept tubes (6 canons de 6£ et un obusier de 7£. Chacune dispose de 110 chevaux, 3 officiers, 1 sous-officier, 6 canonniers et 20 artilleurs.
Le rôle de l’artillerie à cheval est maintenant très défini :
- En soutien de l’avant-garde
- En soutien de la cavalerie.
L’absence d’obusiers dans l’artillerie à cheval, puis son introduction, venait de la conception tactique des obusiers. Pour les chefs prussiens, le but de ce type d’arme est de contrer un ennemi situé à un niveau de terrain différent (plus haut ou plus bas). Au départ, le but de l’artillerie à cheval est de préparer l’attaque directe de la cavalerie et donc de tirer à faible distance de l’ennemi. Après les différentes reconstitutions, l’expérience fait introduire l’obusier pour préparer de plus loin une attaque.
Je voudrais vous présenter cette arme, créée par Frédéric II, et l'esprit qui l'anima jusqu'en 1816. A cette date aboutira une double réforme menée par le Prince Auguste de Prusse, frère du Roi, et général d'artillerie depuis 1813, qui changera complètement l'artillerie prussienne.
Mon but n’est pas de présenter ici les actions mais plutôt l’organisation, la structuration et les évolutions de l’artillerie à cheval.
La création
Pourquoi cette création ?
Contrairement à ce que l'on pense, l'artillerie à cheval n'est pas née en Prusse, mais n'est qu'une réponse à celle de la Russie elle-même une réaction à celle de la Suède.
La création de cette arme est le fruit d’une longue réflexion entamée par le roi de Prusse et ses conseillers militaires, dont le generallieutenant von Dieskau (inspecteur des poudres et de l’artillerie, poste qui comprend aussi les munitions), car Frédéric II a pu constater lors des bataille de Mollwitz (1741) et Chotutitz (1742), l’impact de l’artillerie. Il a aussi constaté l’importance de la manœuvrabilité de celle-ci alors qu'à l'époque les canons sont lourds, peu manoeuvrables et conduits par des civils sous contrat, d'où certains choix, notamment en Prusse, pour des petites pièces. Il est important de noter que la plupart de l’artillerie est de 3£ et dotée aux bataillons d’infanterie. Par exemple, à la bataille de Mollwitz, sur les 60 pièces d’artillerie prussienne présentes, 40 sont de 3£. Les 20 autres sont des 12£ "Drümmer" et des obusiers de 24£.
L’effet dévastateur de l’artillerie fera que le Roi aura même l’envie en 1742 de n’avoir que des pièces de 3£ comme artillerie de campagne, et il faudra toute la force de persuasion de l’inspecteur de l’artillerie pour que ce projet n’aboutisse pas.
Lors de la deuxième guerre de Silésie (1744-1746), la cavalerie prussienne décide de la victoire grâce sa puissance de choc, mais surtout grâce à l’aide de l’artillerie, comme à la bataille de Hohenfriedberg (1745). Le roi Frédéric étant présent, l’idée d’attacher de l'artillerie à la cavalerie naît, mais elle ne trouve pas d’aboutissement avant le retour de la guerre en 1756. Cependant, les changements radicaux en Autriche et en Russie, grâce aux réformes du Prince Wenzel Liechtenstein et du comte Schuwalov, font que la Prusse est obligée de se lancer dans une course aux armements qui coûte très cher à l’Etat.
Avec la troisième guerre de Silésie, plus connue sous le nom de guerre de Sept Ans (1756-1763), l’artillerie prussienne devient inférieure à ses opposantes mais elle arrive à trouver sa place grâce à sa mobilité, même avec des canons extrêmement lourds, canons de 12£ « Drümmer » ou mortiers de 24£, notamment à Rossbach (1757) et Leuthen (1757). Ayant besoin d’être mobile et surtout de permettre à sa cavalerie de disposer d’un appui-feu qui pour le Roi ne peut venir que de l’artillerie, il met en place par le décret du 21 avril 1759 une unité expérimentale avec un train entièrement militarisé, une première dans l'armée, avec 10 canons de 6 ou de 3£ dont le but était de soutenir l'action rapide de la cavalerie (le décret indique cependant qu’elle sera constituée de 6 pièces de 6 livres). Elle sera entièrement perdue à la bataille de Kunersdorf, le 12 août 1759.
(ici l'image montre le pillage d'une victime par les Cosaques, mais le train est d'artillerie).
Elle est aussitôt recréée à l'identique, mais est reperdue à celle de Maxen, le 21 novembre de la même année. Reconstituée très vite, elle va montrer son efficacité dans les batailles de l’année 1760 et surtout à Burkendorf (21 juillet 1762) où l’artillerie à cheval donne la victoire à la cavalerie prussienne.
En 1762, il y a une brigade de 16 pièces de 6£ avec le Roi et une brigade de 5 pièces de 6£ et 1 obusier de 7£ avec l’armée du Prince Henri. Les deux brigades sont dissoutes à la conclusion de la paix.
La raison du choix de ce calibre est d’abord la légèreté des pièces. Le roi de Prusse insistera sur la qualité des munitions et de la poudre utilisées. Il en remerciera particulièrement les frères von Holzmann qui sont ce que l'on pourrait appeler des co-inspecteurs des poudres et des munitions.
Comme l'objectif est de donner un vrai soutien feu à la cavalerie, tous les artilleurs et le train sont des cavaliers et surtout des militaires. En effet, à l'époque l'artillerie coûte cher, manœuvre très mal car le train est la plupart du temps civil, et surtout est très lourde pour une efficacité souvent réduite à moyenne ou longue portée. C’est pour cela qu’à la moindre catastrophe on perd donc beaucoup de canons. C’est comme cela que les Prussiens découvrent les réformes des canons russes et autrichiens. Depuis l’origine, 1713, l’artillerie prussienne n’est qu’une arme de soutien et à pied. Former des artilleurs et surtout des officiers est difficile en raison de l’exigence technique, surtout en mathématiques, de l’arme. La plupart des hommes ne sont donc pas des personnes ayant l’habitude de monter à cheval. Or, le but de l’artillerie à cheval est de suivre la cavalerie. La formation équestre devient donc une priorité aux yeux du souverain prussien tant pour les artilleurs que pour le train. La Prusse sera d’ailleurs l’un des premiers états à militariser tous ses trains d’artillerie et d’équipage.
La course aux armements entre l'Autriche et la Prusse qui se poursuivra après la Guerre de Sept Ans va ruiner l'état prussien, même si des efforts qualitatifs très importants sur la mobilité et l'allègement des pièces seront faits. Une école d’artillerie est prévue afin d’améliorer la formation initiale des artilleurs à tous les niveaux. Seulement, avec la fin des conflits importants et le besoin d’économies, le projet est abandonné.
En 1772, l’artillerie à cheval est constituée de 6 canons de 3£, 16 canons de 6£, et 85 chevaux. Elle est organisée en deux brigades qui doivent servir de cadres pour les temps de guerre. Un projet d’Artillerie-Commando dont le but est de constituer une artillerie à cheval en temps de paix en format réduit constitué uniquement de cadres mais disposant de tout le matériel et des chevaux pour la remonter rapidement en temps de guerre. Cependant, les tensions interétatiques font que l’artillerie n’est pas réduite et en 1778, il y a six brigades de sept tubes (6 canons de 6£ et un obusier de 7£. Chacune dispose de 110 chevaux, 3 officiers, 1 sous-officier, 6 canonniers et 20 artilleurs.
Le rôle de l’artillerie à cheval est maintenant très défini :
- En soutien de l’avant-garde
- En soutien de la cavalerie.
L’absence d’obusiers dans l’artillerie à cheval, puis son introduction, venait de la conception tactique des obusiers. Pour les chefs prussiens, le but de ce type d’arme est de contrer un ennemi situé à un niveau de terrain différent (plus haut ou plus bas). Au départ, le but de l’artillerie à cheval est de préparer l’attaque directe de la cavalerie et donc de tirer à faible distance de l’ennemi. Après les différentes reconstitutions, l’expérience fait introduire l’obusier pour préparer de plus loin une attaque.