Campagne 1813-1814 à l'ouest de l'Espagne - Murray et Suchet

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 10 Sep 2020, 16:54

      Je ne vous poste pas la carte donnée dans le Arteche pour Villena, car bien que très jolie, elle présente en opposition les deux armées. Or il y a plusieurs heures entre le départ des Coalisés et l'arrivée des premières avant-gardes françaises, une telle confrontation relève donc du fantasme.

      Par contre, voici une photo moderne du château, peut-être en meilleur état de nos jours qu'à l'époque, car il a été restauré depuis peu. Néanmoins, cela donne une idée de la position défensive contre des assaillants dépourvus d’artillerie de siège.

      Image

(photo trouvée sur internet, il y en a plein, l'endroit se visite et semble très sympa).
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 12 Sep 2020, 20:50

        4) Action de Biar et arrivée devant Castalla

        Vers midi le 12, Suchet arrive devant la passe de Biar, avec juste les troupes présentes à Villena ; la position est forte, et propice à un combat retardateur en forte infériorité numérique. Tout d’abord la vallée se resserre, son centre étant bouché par le petit bourg de Biar, dont la route sort en serpentant entre deux collines, avant d’arriver au Puerto de Biar, l’entrée dans la passe, où la route continue environ 1 km entre deux parois escarpées, avant de s’élargir à l’entrée dans la vallée de Castalla.

        Adam s’est savamment positionné, avec le Calabrian Free Corp (unité riflée) dans Biar, flanqué de la compagnie légère du 2/27th d’un côté et de celle du 3rd KGL de l’autre, et ses quatre pièces de montagne déployées sur la route derrière le village. Sont déployés sur les collines d’un côté le 1st Italian levy et de l’autre le 2/27th, les Irlandais et les Italiens étant derrière la crête, invisibles des Français. Il va tenir ainsi pendant cinq heures, puis décourager toute poursuite à travers le col, donnant à Suchet sa première leçon de combat anti-anglais.

        Le maréchal français va tout d’abord attaquer le village directement, et être repoussé par le feu des Calabrais. Il tente alors un double enveloppement du bourg pour capturer ses défenseurs, qui abandonnent sur ordre le village, mais les deux colonnes enveloppantes sont repoussées par le feu des Italiens et des Irlandais qui se démasquent quand les bataillons français sont à bonne portée, et rejettent tout le monde en bas dans la pente.

        Suchet, un peu énervé d’être ainsi tenu en échec, envoie alors la majorité de son infanterie, neuf bataillons sur onze (de son propre aveu, 1er et 3e de légère, 14e, 114e et 121e de ligne) pour tenter de saturer la défense, avec les voltigeurs poussés sur l’aile gauche anglaise pour envelopper les défenseurs. Adam doit bien sûr reculer, mais le fait en ordre, contrant le débordement gauche par les légers anglais et KGL de sa brigade, abandonnant néanmoins deux des quatre pièces de montagne dont les roues sont brisées.

        La brigade s’éclipse derrière la crête, et Suchet, après avoir envoyé ses voltigeurs vérifier que les Anglais sont bien partis, envoie un escadron de sa seule cavalerie présente, le 13e Cuirassiers, poursuivre la colonne en retraite dans la passe. Malheureusement pour les cuirassiers, Adam les a vus s’avancer avant de décrocher, et a prévu le coup. Il a placé en embuscade parmi des rochers, à un endroit où la route fait un coude, trois compagnies du 2/27th qui attendent que les cavaliers soient à dix pas pour leur délivrer un feu de flanc qui les envoie en arrière en désordre, bloquant un moment la passe.

        Le commentaire du commandant du 2/27th sur la fin de l’engagement est que « l’ennemi semblait ravi d’être débarrassé de nous ». Au sortir de la passe, la brigade Adam trouve les 81st, Roll-Dillon et un bataillon de Whittingham positionnés en recueil, et s’éclipse derrière ce rideau qui recule lentement devant les avant-gardes françaises pour reprendre sa place sur la position.

        Cette défense intelligente n’a pas été gratuite, et la brigade Adam a perdu environ 300 hommes, (les pertes données sur les retours sont malheureusement globalisées avec la bataille du lendemain) ; du côté français, idem, même si Suchet minimise honteusement ses pertes des 12-13 avril, le Martinien donne 2 tués et 12 blessés le 12, ce qui statistiquement peut donner aussi environ 300 pertes dans les rangs. Les pertes des trois bataillons de couverture sont de 29 pour le bataillon de Whittingham (donné par son général), 25 pour Roll-Dillon (dont 9 « manquants ») et aucun pour le 81st.

        En arrivant dans la plaine, Suchet voit la position et les avant-gardes ennemies, mais ne discerne pas le déploiement total de son adversaire. Celui-ci est en position, a quelques ouvrages de campagne sur son front et semble décidé à attendre l’assaut. Il est trop tard pour s’engager le 12, il faudra attendre le lendemain.
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Messagepar MASSON Bruno sur 12 Sep 2020, 20:52

      la carte de Arteche pour l'engagement de Biar

      Image

      elle montre l'engagement du gros des troupes pour faire sauter le verrou du village, avec juste le 3e léger et la batterie en réserve. la position des canons anglais est erronée (devant au lieu de derrière le village) mais ils ne sont pas très importants dans l'action.
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 12 Sep 2020, 21:06

      A Biar aussi il y a un château

      Image

      plus petit que ceux de Villena et de Castalla, comme eux, trace du passé médiéval mouvementé de ce coin d'Espagne
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 17 Sep 2020, 04:35

      en préambule, voici le plan de Arteche pour le 2e Castalla, du moins sa partie nord. Il n'est pas parfait, mais permettra une meilleure compréhension du texte.

      Image
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Messagepar MASSON Bruno sur 17 Sep 2020, 04:42

        5) Castalla, terrain, positions "anglaises" et premiers mouvements français

        Le 13, voyant l’armée de Suchet s’avancer dans la plaine devant sa position défensive, Murray vacille. Son chef d’état-major dit que par trois fois il commence à donner les ordres de retraite sur Alicante, puis trois fois se ravise (peut-être sur l’instigation de ses généraux). Il est pourtant dans une position défensive très forte, où comme à Vimeiro ni la cavalerie ni l’artillerie française ne peuvent vraiment agir, et qu’il a de plus fait fortifier depuis un mois. Il décide finalement de rester se battre, toujours peut-être grâce à l’insistance de son état-major.

        La position de Castalla est à la fin d’une ligne de hauteurs plutôt escarpées, dans un axe E-1/4NE, qui s’estompe presque à l’approche du village, et se termine par un éperon rocheux au sommet duquel se trouve encore aujourd’hui un château médiéval qui domine le village de plus de 100 m. Elle fait alors un virage à angle droit pour prendre une direction S/S-E, le long du Rio Verde, de façon très estompée et parfaitement accessible, hors la présence du cours d’eau, dont le débit n’est pas très important. Ce n’est que plus loin au sud que les hauteurs reprennent et redeviennent un obstacle sérieux. Le terrain est toutefois extrêmement rocailleux dès qu’il s’élève, et est un fort obstacle à l’évolution des troupes montées.

        De l’ouest au village, la partie la plus escarpée occupée par l’aile gauche de l’armée d’Alicante est couverte de maquis, mais son caractère défensif est diminué par la présence d’un ressaut moins haut à moyenne portée d’artillerie, le Cerro del Doncel. Elle est défendue d’abord par la division espagnole Whittingham, puis par la brigade Adams qui s’étend jusqu’au village. Au niveau du village, l’accès est barré par une autre forme de plateau, où se trouve la partie basse du village. Murray, en 1813, en a fait escarper les accès et construire un parapet de terre, qui rebuteront les Français, sans doute à juste titre. Cette zone est défendue par la brigade Mackenzie, avec deux bataillons de Roche et ses quatre escadrons de cavalerie déployés en avant-postes devant le village.

        Au niveau du château, qui est tenu par le 1/58th et sur la partie sud, le barrage que le général anglais a fait établir au delà du champ de bataille a transformé le ruisseau et ses berges en zone marécageuse, qu’il faut traverser pour attaquer la position tenue par la brigade Clinton. Vient enfin le reste de Roche, placé ainsi à l’extrémité de la ligne dans un terrain escarpé, sans doute pour "booster" le moral des Espagnols qui se ressentent encore de leur défaite de l’année précédente sur ce terrain. Le 20th Light Dragoons est placé en réserve au centre, derrière le village de Castalla.

        Suchet, puisqu’on lui laisse l’initiative, décide de tenter de forcer la position en attaquant la division espagnole Whittingham qui fait l’aile. Il envoie aussi toute sa cavalerie (sauf le 13e cuirassiers d’après Arteche) faire le tour de la position par l’est, sans doute pour en apprendre un peu plus, et voir si, par hasard, il serait possible d’attaquer l’Armée d’Alicante dans le flanc/dos…

        Dans son hagiographie, il explique qu’il n’a fait que lancer une diversion le temps de reconnaître totalement la position. Toutefois les 1200 à 1600 pertes qu’il a subies, pratiquement toutes dans les 3e léger, 114e et 121e de ligne de la division Robert (un gros tiers de leur effectif), les deux premiers régiments contre Whittingham, et le 121e de ligne contre le 2/27th de Adams, ne sont sans doute pas de son avis…
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 18 Sep 2020, 11:10

      Petite image de la zone défendue par les "Anglais", vue depuis le nord à travers la vallée (captures d'image de google street view)

      Image

      L'éperon rocheux à gauche est surmonté du château de Castalla; l'extrémité droite correspond à peu près à l'extrémité de la position tenue par Whittingham.

      Petite image prise de la position donnée pour l'escadron du 13e cuirs, en direction des positions du Calabrian Free Corps (à droite) et du 1/58th (à gauche sur le piton du château). Au milieu dans la dépression, il y a une batterie de six pièces

      Image

      la première colline à droite est celle attaquée par le 121e de ligne, et d'où le 2/27th a débouché
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 20 Sep 2020, 08:12

        6) Premier faux mouvement anglo-italo-ibère, positionnements français

        Au début de la bataille, un colonel sicilien vient apporter à Whittingham l’ordre verbal de la part de Murray de mettre sa division en marche vers l’ouest, en vue de tourner le flanc droit français. C’est évidemment un faux mouvement, car cela va ouvrir le front de bataille, et l’ordre ne semble pas prévoir de boucher le trou. Oman et Fortescue voient trois raisons possibles à cet ordre étrange que Murray dit n’avoir jamais envoyé.

        1) Il a bien prévu au début une manoeuvre offensive avec mouvement tournant de Whittingham, mais l’a abandonnée très vite, sans donner contre-ordre à Whittingham, sans doute par oubli.

        2) Le voyant incapable de prendre une décision, et prêt à se replier, son état-major a tenté de le forcer à attaquer en engageant une partie des troupes avant qu’il ait choisi ce qu’il voulait faire.

        3) Le colonel italien, plein de bonne volonté mais ne maîtrisant pas parfaitement l’anglais, a mal compris les instructions qu’il devait transmettre.

        Oman penche plutôt vers la solution 1, Napier et Fortescue vers la 2, moi je n’exclut pas une solution médiane, avec des morceaux de chacune des trois, vu le "bazar" que devait être cet état-major…

        Heureusement, Le général ibéro-anglais n'exécute que partiellement son ordre et commence à n’envoyer que la moitié de sa division (2do Mallorca, 2do Murcia et 5to Granaderos), gardant deux bataillons en ligne (le 2do de Burgos sur la crête, et le Cordoba garnissant un ouvrage de campagne, malheureusement mal orienté plein est, et qui ne sert à rien) et un troisième en réserve (Guadalajara, en contrepente, et invisible des Français). Le mouvement s’exerçant en revers de crête et par des sentiers escarpés, il est long à s’exécuter, et pendant ce temps, Suchet a déployé son infanterie en face de la position « anglaise ». La division Robert est sur le Cerro del Doncel, Habert en face de Adam - Mackenzie et Harispe en réserve dans la plaine.

        La carte de Arteche varie un peu de ce déploiement, en fragmentant le 13e cuirassiers sur un peu tout le front de bataille, et ne laissant à Boussart que les 24e Dragons et 4e Hussards. Selon lui, deux escadrons de cuirassiers avec une batterie à cheval et le 7e de ligne de Harispe en soutien, observent la route à l’est, pour contrer une improbable arrivée de la 3e armée dans ce secteur.

        On peut se demander ce que cette armée ferait ici, au milieu du dispositif de la 2e, alors que ses unités les plus à l’est sont aux alentours de Manzanares, à 300 km de Castalla, et d’autres dispersées entre Toledo, Cordoba, Jaen et Sevilla (respectivement 400, 450, 500 et 600 km de là). Par contre, ces troupes sont peut-être en masque contre une possible arrivée de la division Sarsfield de la 2e armée, qui a reçu l’ordre de se rapprocher du front depuis Murcia qui se trouve justement à environ 100 km au sud-est, et dont Suchet connaît vaguement la position.

        Je rapprocherai cela plus d’une incertitude venant des ouvrages espagnols de la période, où les armées de Del Parque et de Elio sont appelées 2e ou 3e armées en alternance ; pour moi, ces troupes se gardent d’une interférence des divisions de Elio, pas de Del Parque, quel que soit le chiffre de l’armée à laquelle elles appartiennent.

        Un troisième escadron de cuirassiers est placé en soutien du 121e de ligne et en liaison de cette unité avec un bataillon de voltigeurs réunis de la division Habert, qui sera le seul à s’engager contre les troupes de Roche, sous la partie basse de Castalla.

        Habert, n’aimant pas du tout l’aspect des redoutes en terre défendant la position anglo-italienne, se contentera de démonstrations sans grand effet, alors que Robert s’engagera sans doute plus à fond que ne l’aurait souhaité Suchet.
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 23 Sep 2020, 04:48

        7) Offensive de Robert

        Six cents voltigeurs réunis des 1e léger, 114e et 121e de ligne, sous le colonel Arbod du 114e, ont en effet été envoyés tourner la gauche de la division Whittingham, pendant que le 3e léger et le 114e de ligne l'abordent de face, le 121e de ligne soutenant à gauche et assurant le flanc. Les attaques de front ne doivent se lancer que dès que le mouvement tournant par la droite sera prononcé, et sans doute le 121e attaquer dans une zone où il ne semble y avoir que des tirailleurs anglais, et qui est séparée de l’affrontement principal par un ressaut rocheux. (Le 121e et le 114e de ligne ne peuvent donc se voir, ce qui n’est pas le cas des Anglo-Espagnols qui dominent cet éperon). Ce régiment, passant dans un trou de la ligne espagnole et arrivant dans le flanc/dos dune unité déjà pleinement occupée de front et de flanc, ne peut que décider de la victoire. (ce déroulement est une conjecture de ma part, mais cela me semble l’explication la plus rationnelle que je trouve à cette attaque décousue).

        Whittingham et ses trois bataillons sont en cours de progression vers l’ouest, en contre-pente, dans des chemins difficiles, quand un aide de camp les rejoint à bride abattue pour informer le général de la progression de trois colonnes ennemies en direction de la position encore tenue par ses trois bataillons de queue. Il fait alors contre-marcher sa colonne, le bataillon du 2do Mallorca pour contrer les Voltigeurs réunis, le 2do Murcia contre le 3e léger et le 5to Granaderos en soutien des unités déjà engagées par le 114e de ligne.

        L’affrontement va durer deux heures, les voltigeurs réunis étant rapidement rejetés dans la pente avec des pertes importantes, dont le colonel Arbod, tué. Sur les deux autres attaques, le combat est plus équilibré, les Français menaçant régulièrement de gagner la crête et étant à chaque fois repoussés par l’envoi de quelques compagnies de renforts espagnols sur le point de crise ; la dernière offensive de la brigade Robert étant repoussée par quatre compagnies du 5to Granaderos, les dernières n’ayant pas encore été engagées.

        Du côté du 121e de ligne, l’engagement ne va pas durer aussi longtemps et être une énième répétition des engagements franco-anglais de la Péninsule ; le régiment est au départ gardé en réserve sur la gauche française, puis envoyé déborder le dispositif espagnol. Juste avant la fin de l’ascension, se déroule un incident pratiquement unique dans les confrontations franco-anglaises de l’époque.

        Un capitaine Waldron du 2/27th sort des rangs et va défier en duel un officier « de grenadiers français » (difficile de savoir qui, venant d’où...) entre les deux armées. Le capitaine anglais tue son opposant et emporte son sabre en trophée, qu’il offrira plus tard au QMG Donkin (sans doute en espérant éviter ainsi la cour martiale qui l’attendait pour cet abandon de poste). Le QMG enverra l’arme, qui est un sabre d’honneur offert par Napoléon, au Prince Régent, et le capitaine Waldron sera récompensé d’un brevet de Major.

        Suchet, sans ses mémoires hagiographiques, renverse le résultat du combat singulier, mais ça ne tient pas pour toute une série de raisons :
        - les sabres d’honneur ne poussent pas sur les arbres en Murcie ; or le Prince-Régent d’Angleterre en a reçu un de la part de Donkin.
        - le brevet de Major du capitaine Waldron est daté du 14 avril 1813 (ils sont généralement antidatés à la date de demande), ce qui prouve qu’il était vivant après Castalla.
        - le seul officier du nom de Waldron blessé en Péninsule est un lieutenant anglais du 5th foot, tenant grade de capitaine au 11e de ligne portugais, blessé à Redinha en 1811 dans cette même unité. (source « liste de officiers tués et blessés en Péninsule »), il sera nommé Capitaine au 37th foot le 2 juillet 1813 et sortira officiellement du service portugais en septembre de la même année. Il n’a donc rien à faire ici...

        Après cet interlude, le 121e de ligne continue sa progression vers la crête, faisant rétrograder devant lui les tirailleurs irlandais, mais à l’approche du sommet, il tombe sur le 2/27th qui surgit sur la crête, l’arrête d’une volée à bout portant, puis, alors que les officiers français essaient de déployer leur unité de la colonne à la ligne, les renvoie en déroute dans la pente par une charge contrôlée. Résultat, 19 officiers touchés et donc sans doute entre 350 et 400 hommes de troupe par terre en environ cinq minutes de combat…
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 27 Sep 2020, 04:45

        8) Opportunités non prises lors du repli français; suites de la bataille de Castalla

        Suite à cet échec sanglant sur la seule partie du dispositif ennemi semblant un tant soit peu accessible (le village est défendu par des retranchements en terre et de l’artillerie en plus des troupes anglo-italiennes), Suchet décide de se replier tant qu’il le peut encore. Ordre est donné à sa cavalerie de revenir au galop (mais elle est loin, il faut le temps que l’ordre lui parvienne et qu’elle fasse le chemin du retour), et Habert/Harispe se déploient en face de ce qui semble être la contre-attaque « anglaise ». Les quatre unités issues de la division Robert se rallient autour du reste du 1er léger non encore engagé et passent en deuxième ligne. La situation est critique pour les Français...

        Le moment est en effet très opportun pour une contre-attaque ; Robert est incapable de s’opposer avec le seul 1er léger (sans ses voltigeurs) à l’avance coordonnée de Whittingham et d’Adam, et Habert ne peut résister longtemps à la pression que pourraient lui mettre la division Mackenzie et la première brigade de Roche.

        On a en effet les six bataillons de Whittingham (fatigués, mais victorieux), les huit bataillons de la division Mackenzie, dont seul le 2/27th a combattu, les trois bataillons de la 1ère brigade de Roche (pas très fringants, mais parfaits en soutien), et quatre escadrons de cavalerie espagnole plus les « Foreign Hussars », contre les deux bataillons restant à Robert et les quatre bataillons (plus un de voltigeurs réunis divisionnaires) de Habert, plus deux escadrons de cuirassiers, incapables de charger dans le terrain présent. Une poussée vigoureuse de la ligne « anglaise » pourrait emporter la première ligne française avant que la cavalerie française n’arrive, ne laissant que Harispe pour empêcher Suchet de se trouver coincé du mauvais côté du défilé de Biar.

        Heureusement pour le maréchal français, Murray refuse d’attaquer avant que Clinton ne soit déployé en soutien ; lorsque c’est fait, les Français ont eu le temps de déployer trois bataillons de Harispe et huit pièces en travers du défilé de Biar, le reste des troupes encombrant la passe derrière eux.

        Clinton commençant à déboucher des rues de Castalla, Donkin envoie alors l’ordre à Mackenzie de prendre la moitié de sa division et une batterie, et de pousser l’arrière-garde sur la cohue qui est derrière. Le divisionnaire commence son approche et déborde la ligne française avec ses Rifles, lorsque Murray, ne voulant pas s’engager avant que Clinton ne soit totalement disponible, lui interdit péremptoirement d’attaquer. Le temps que tout soit disposé, l’arrière-garde française est prête à s’éclipser et, pendant la nuit, l’armée française se met hors de danger par une marche forcée jusqu’à Fuente la Higuera.

        Les pertes de l’armée d’Alicante et de ses renforts espagnols à la bataille de Castalla sont, d’après les « morning returns » de 440 tués et blessés, celles des Français peuvent être estimées entre 1200 et 1600 d’après les officiers touchés ce 13 avril dans le Martinien. Suchet, comme d’habitude quand les chiffres ne lui conviennent pas, minimise ses pertes et les chiffre pour les 11-12-13 avril à 800 alors qu’elles sont plutôt proches de 2000.

        De son côté, Murray singe Suchet en envoyant un communiqué de victoire grandiloquent, affirmant que les Français ont perdu 2400 hommes (ou même 3000) et qu’il a fait enterrer sur place 800 morts français. Wellington n’est pas impressionné, et demande plus de renseignements avant de transmettre à Whitehall ; il ne les aura pas, et ses supérieurs ne seront pas plus convaincus du compte rendu de Murray.

        Suite à la bataille, l’armée d’Alicante suit le retrait français à distance, reprenant pendant un temps position entre Alcoy et La Encina ; puis son commandant décide de se replier vers Castalla, en première étape vers Alicante, où il dit prévoir de devoir retourner, sans qu’on puisse réellement trouver de raison valable. Il restera néanmoins à Castalla, attendant le "Plan de Campagne Détaillé pour l'Offensive de 1813" que Wellington lui a promis, qui par coïncidence a été écrit justement ce 13 avril, et arrivera à la fin du mois.
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 30 Sep 2020, 05:23

      b) Campagne de Tarragona

        1) Préparatifs anglo-espagnols

        4e et dernière (enfin !) occasion. En avril 1813, Wellington a envoyé un plan de campagne avec une ligne à suivre très claire et précise, s’est débrouillé pour que le port soit rempli de suffisamment de navires pour transporter plus de 10000 hommes un peu n’importe où sur la côte. Le but est de soit prendre Tarragona qui est faiblement garnisonnée, ou Tortosa qui doit être « courte » au niveau des vivres, soit Valence qui sera sans doute fortement dégarnie si on fait mine de s’attaquer à une des précédentes forteresses, ou au minimum distraire Suchet.

        Mauvaise idée, il a écrit « qu’il pardonnerai tout, sauf de perdre son armée », s’adressant surtout aux généraux espagnols de Murcie. Murray a pris ça pour lui, et c’est devenu la chose principale des instructions.

        Par rapport à Castalla, le 3e KGL est reparti en Sicile, mais en échange l’armée a été renforcée d’une compagnie d’artillerie anglaise, d’une batterie portugaise, du 2/67 pris dans la garnison de Cartagena, plus un train de siège venant du Portugal. L’armée est donc plutôt plus forte qu’à l’occasion de la récente bataille. Seul le manque criant de transports de chevaux va limiter la présence de l’arme montée au point de débarquement, mais aucune des cibles données (sauf Valence, mais là la cavalerie peut rejoindre par la terre) n’est vraiment dans une zone de grande plaine. Sont donc laissés à Alicante le 2do de Burgos de Whittingham et les cavaliers espagnols et siciliens. Les deux escadrons de hussards de Brunswick, arrivés fin avril, sont eux embarqués.

        Tortosa sera écartée, car trop loin de la mer, trop près de Valence et trop loin de la zone d’action de l’armée de Catalogne. La forteresse est dite aussi en assez bon état de réparation, ce qui n'est pas le cas de Tarragona.

        Wellington étant Generalissimo des armées espagnoles, il a pu ordonner à cette armée de Catalogne de se rassembler près de Tarragona pour aider Murray; il l’a renforcée de deux régiments “réguliers” (si tant est que ce terme ait un sens dans l’armée espagnole de 1813), Pontevedra et Principe, envoyés sur ses ordres par mer durant l’hiver. Le général la commandant obéira du mieux qu’il pourra, et se mettra ainsi en danger pour le bien commun.

        De même, le général anglais a ordonné aux armées de Murcie et d’Andalousie de se préparer à attaquer Valence dès que Suchet aurait diminué les effectifs présents pour répondre au mouvement anglais.
        La 3e armée de Del Parque a ordre de quitter Jaen et de venir prendre les postes de la 2e autour de Yecla et Villena, et la 2e de remplacer l’armée d’Alicante autour de Castalla et Alcoy. C’est fait les 25 et 26 mai, et les Anglo-Italiens rétrogradent vers Alicante pour embarquer.

        De ce côté, l’aura du maréchal français et le manque d’activité des généraux espagnols feront que rien n’arrivera. La 2e armée trouvera même le moyen de se faire surprendre et battre un poste avancé au sud de la plaine de Valence après le retour du maréchal français, pour n’avoir pas assez tôt repris les positions défensives assurées.

        Le 31 mai, Murray embarque près de 14000 fantassins, 800 cavaliers et autant d’artilleurs, 24 pièces de campagne et un train de siège venu exprès du Portugal, en direction de la forteresse catalane, sous convoi de l’amiral Halliwell. Pendant la deuxième quinzaine de mai, Murray a de plus reçu de Bentinck l’assurance d’un renfort d’au moins un bataillon allemand et un britannique en provenance de Sicile, prévus pour le rejoindre autour de Tarragona autour de la mi-juin.

        L’amiral anglais Pellew, commandant le blocus de Toulon, a reçu une demande en vue d’une diversion au nord de l’Espagne, et viendra lui-même, le blocus des côtes françaises étant sans doute d’un ennui profond. On verra que son action sera efficace sur les troupes françaises de Catalogne.
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 04 Oct 2020, 07:12

      la carte de Fortescue pour la campagne, retouchée pour supprimer une partie hors sujet et diminuer sa taille. On y voit les progressions des deux colonnes françaises.

      Image

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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 04 Oct 2020, 07:58

        2) État des troupes françaises sur la côte est et impossibilité d'anticipation

        Suchet est très vite informé du mouvement, il savait les transports à Alicante, et se doute bien que c’est pour une attaque sur ses arrières. Malheureusement, il ne peut rien faire pour le moment, il faut qu’il attende de savoir où les Anglais vont débarquer. En effet, les mouvements par mer sont généralement bien plus rapides que par terre, et anticiper un débarquement en un point serait inviter le général anglais à en choisir un autre, ou simplement revenir à Valence submerger les troupes laissées dans le royaume.

        Il est plus fort qu’au moment de la campagne d’avril, car la chasse au dahu ordonnée par Napoléon et menée par Clausel et les troupes de l’Armée du Portugal aux alentours de Zaragoza ont calmé les insurgés aragonais. Le maréchal français a ainsi pu rappeler à lui la division italienne Severoli, augmentant ses forces des 1er léger et 1er de ligne de cette nation (deux bataillons chacun), ainsi qu’un petit régiment de chasseurs (arrivée à Valence le 2 mai). De même, un escadron de chevau-légers westphaliens appartenant à l’Armée du Centre est resté à Valence en 1812, et son commandant n’a montré aucun empressement à obéir aux ordres de retour.

        En prévision de l’action anglaise sur ses arrières, le maréchal français a prépositionné la brigade Pannetier (3e léger – 2 bataillons, 5e léger – 1 bataillon, 20e de ligne – 2 bataillons, Chevau-léger Westphaliens – 1 escadron – la brigade appartient en fait à l’armée de Catalogne, ses troupes, un peu à tout le monde...) entre Castellon de la Plana et Sogorb.

        Le 31 quand il voit passer la flotte anglaise au large, il envoie une missive au général Maurice Matthieu à Barcelona, le prévenant du départ, et l’invitant à augmenter ses reconnaissances le long de la côte, leur point d’attaque pouvant se situer entre Tortosa et Rosas, à maintenir son état d'alerte au maximum et à rendre compte. Lui-même dit se préparer à faire mouvement avec une partie de ses troupes vers le nord, mais ne prévoit pas d’être à Tortosa avant une semaine.

        Du côté des troupes françaises de Catalogne, le général Decaen chasse les fantômes avec les brigades Lamarque, Beurmann et Petit, entre Figueras, Gerona et Vich, sans grand résultat pour le moment, si ce n’est d’empêcher les insurgés pressés par Clausel de passer de l’autre côté de la frontière provinciale.

        Maurice Mathieu est donc laissé à Barcelona avec une garnison réduite à 3 à 4000 hommes, difficilement suffisante pour tenir la grande ville et ses alentours proches. Decaen et lui-même sont prévenus du probable débarquement anglais quelque part sur leur côte, mais sans information supplémentaire, les ordres de Clarke ("vice-Napoléon") doivent continuer à être obéis.
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 07 Oct 2020, 16:43

        OB des troupes « anglaises » embarquées pour l‘expédition :

        Cavalerie : Colonel Lord Frederick Bentinck (environ 800 all ranks)
        20th Light Dragoons (2 Escs)
        Hussards de Brünswick (2 Escs)
        Foreign Hussards (1 trp)

        Advance Guard : Colonel Adams (environ 2500 all ranks)
        2/27th
        Calabrian Free Corp
        2nd Italian Levy

        1st Division : Major-General William Clinton (environ 2500 all ranks)
        Brigadiers :
        Colonels Havilland-Smith et Hornstedt
        1/58th
        4th Line KGL
        Estero Regiment (2 Bns)

        2nd Division : Major-General John Mackenzie (environ 4000 all ranks)
        Brigadiers :
        Colonels Warren et Prevost
        1/10th
        1/27th
        1/81st
        de Roll-Dillon Bn
        1st Italian Levy

        Division Whittingham : (mis sous le commandement de Clinton) (environ 5000 all ranks)
        Bataillons Guadalajara, Córdoba, 2do de Murcia, Mallorca, 5to Granaderos.

        2 batteries anglaises, 1 portugaise et 1 espagnole pour 24 pièces de campagne, plus 1 compagnie anglaise et 1 portugaise attachées au train de siège.

        Pour un total dépassant les 15000 combattants.
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Re: [Espagne 1813] Murray à Tarragona - un échec exemplaire

Messagepar MASSON Bruno sur 07 Oct 2020, 17:06

        4) Petit aperçu des troupes de l’armée française de Catalogne (la province étant "française par décret", ne l’oublions pas).

        Commandant en chef, Général Decaen

        Division de Cerdagne, Général Quesnel (un peu plus de 3000 hommes)
        102e (2 Bns) et 143e de ligne (4 Bns).

        Division de Catalogne Supérieure, Général Lamarque (environ 2500 hommes)
        32e léger (1 Bn), 60e de ligne (1 Bn) et 3e régiment provisoire.

        Arrondissement de Gérone, Général Noguès (environ 3000 hommes)
        60e (2 Bns), et 115e de ligne (1 Bn).

        Arrondissement de Barcelone, Général Maurice Mathieu (7000 hommes)
        18e léger (2 Bns), 5e (2 Bns) et 79e de ligne (2 Bns) 1e de Nassau (2 Bns), 29e Chasseurs à cheval (1 esc).

        Garnison de Lerida, Général Henriot (1500 hommes)
        42e de ligne (2 Bns).

        Garnison de Tarragone, Général Bertoletti (1500 hommes)
        20e de ligne (1 Bn) 7e de ligne Italien (1 Bn).

        Brigade Beurmann (2400 hommes)
        23e léger (2 Bns), et 115e de ligne (2 Bns), 29e Chasseurs à cheval (1 esc).

        Brigade Petit (2000 hommes)
        23e (2 Bns) et 67e de ligne (2 Bns), régiment de Wurzburg (1 Bn).

        2 escadrons du 29e chasseurs et 1 du 1er hussards sont dispersés avec les différents ensemble, par sections ou pelotons, rajouter un gros millier de Gendarmes et 1300 artilleurs et sapeurs.
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