par MANÉ Diégo sur 21 Mar 2019, 15:20
Article de Pierre Cazaubon et André Costedoat
dans «l’Echo Béarnais», publié en 1964
(compilé par Diégo Mané en 2019)
Caüses de nouste («choses de chez nous»)
La Bataille d’Orthez
Il y a quelques années je vous ai entretenus du combat bien meurtrier qui vit s’affronter au nord d’Orthez, sur un demi-cercle qui reposait sur Biron et sur Baigts, les armées de Napoléon et celles de l’Angleterre.
Combat meurtrier, oui, mais perdu, ce qui vous laisse à penser que l’étoile de Napoléon déclinait chaque jour. Je vous ai conté alors l’épisode épouvantable du «Ravin des Chasseurs», et la fuite vers le nord de nos armées désemparées et la mise en terre de centaines de tués en ce petit lieu peuplé de pins, à droite de Laclote... Un lieu où il m’arrive de passer parfois, dans les touyas. 150 années recouvrent leurs corps. Les braves gosses... Oubliés, bien oubliés...
Pour vous conter ce combat, je m’étais informé auprès de feu Batcave qui nous a laissé de précieux renseignements.
Un ami que vous connaissez reprend aujourd’hui même ce sujet mais en prenant assise non sur Batcave mais sur l’érudit Ferron*. Ecoutez-le. Et vous verrez que Batcave et Ferron se complètent heureusement.
P.C.
Ferron, Michel, «Les blessés français de la bataille d’Orthez».
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Petite histoire d’un grand fait d’armes.
Je conserve toujours le souvenir d’une des premières promenades du jeudi, organisées il y a près de 50 ans, à l’intention des internes du Collège Moncade d’Orthez. Le but en était le monument du Général Foy et de son sapin centenaire sur la route de Dax. Plus tard, j’ai eu l’occasion de voir, dans une cathédrale de Londres, le nom d’Orthez figurer parmi les nombreuses batailles livrées avec succès par nos «amis» anglais. Deux simples fait qui nous rappellent, si besoin était, le souvenir des combats meurtriers qui se déroulèrent le 27 février 1814 sur les hauteurs de Saint-Boès.
Une armée en déroute
En 1813, l’armée impériale se trouve en mauvaise posture en Espagne. Le 21 juin 1813, la défaite subie devant les armées alliées (Angleterre, Espagne, Portugal) à Vitoria, précipita le mouvement de retraite des hommes de Joseph Bonaparte vers la frontière française. Le général Foy, qui a donné son nom au monument de la route de Dax, tente, mais en vain, d’arrêter à Tolosa (Pays basque espagnol) l’ennemi sous les ordres de Wellington. Il est contraint de se replier et l’Anglais occupe rapidement le col de Roncevaux.
A l’autre extrémité du département, le corps d’armée de Clausel bat en retraite par la route de Jaca et du Somport. Le 7 octobre 1813, Wellington entre en France après avoir réduit à néant les défenses du Maréchal Soult, appelé au commandement de l’armée des Pyrénées avec titre de «lieutenant de l’Empereur». Dès le 15 janvier 1814, le principe général d’un retrait sur la Loire de l’ensemble des armées impériales est acquis avec, dans toute la mesure du possible, les combats retardateurs qui s’avéreront nécessaires. Wellington avance en Pays Basque et est en mesure d’atteindre rapidement le grand axe routier Bayonne-Perpignan par Orthez et Pau, de même que les routes qui, partant de Bayonne, Orthez et Pau, traversent les Landes pour mener à l’intérieur de la France.
L’investissement d’Orthez
Pourquoi la ville d’Orthez devient-elle subitement le point névralgique ? Wellington estime que la voie d’Orthez est la plus avantageuse car elle permet de lui donner la clé des communications entre Saint-Sever et Mont-de-Marsan. Il agit en conséquence, traverse le gave d’Oloron dans la région de Sauveterre pour surprendre Orthez et empêcher une réunion des troupes françaises gardant l’Adour inférieure et la rive droite des gaves. Le 24 février le général espagnol Morillo met le siège devant Navarrenx et l’anglais Picton fait son entrée à Sauveterre le 25. La position d’Orthez devient précaire. La hauteur de Magret à 800 mètres de Départ est encore tenue le 25 par le général Villate mais Wellington en personne le refoule dans le faubourg. La rue des Aiguilletiers est transformée en barricade sur la partie que parcourt aujourd’hui la voie ferrée. A midi, le vieux pont d’Orthez, témoin de tant de faits historiques, saute en partie à la suite de l’explosion d’une mine disposée sous la grande arche, la plus ancienne, par le génie français. Le Maréchal Soult a confié à la cavalerie le soin de la garde du gave, de Pau à l’Adour, mais dans la matinée du 26, l’Anglais Beresford traverse ce même gave dans les environs de Peyrehorade et, se dirigeant vers Orthez, vient s’installer sur un plateau à l’est de Baigts. D’autres éléments anglais, qui ont traversé le gave à Lahontan et Berenx, le rejoignent rapidement. Soult, dont le quartier général se trouve à l’hôtel «La Belle Hôtesse» d’Orthez, réalise que la bataille est proche et inévitable. D’ailleurs, Napoléon y est résolu et donne des ordres en conséquence. En ville apparaissent déjà les signes avant-coureurs d’un cataclysme ; la population, les employés du trésor, les percepteurs des finances commencent à fuir vers le nord. Le pillage des biens commence à s’organiser. C’est la grande panique.
Les hasards d’une bataille
Le choc se produit à l’aube du 27 février, par une belle journée d’hiver, dont le climat du Sud-Ouest est coutumier à cette époque. Soult pensait à tort que le gros des troupes ennemies se trouvait sur la rive gauche du gave devant Orthez, alors que les mouvements du corps de Beresford avaient eu lieu à l’ouest. Il est donc surpris puisque la bataille se déroulera au nord-ouest de la ville, l’agglomération urbaine constituant seulement la base des opérations. L’armée française, bien qu’inférieure en nombre, compte de bons généraux, parmi lesquels le général de division Harispe, un Basque de Saint-Etienne-de- Baïgorry et le général Foy. Le décor est austère et tourmenté ; les hauteur dominant Orthez, côté Saint-Boès et le village même de Saint-Boès, avec son église à mi-hauteur sur le versant est du plateau, enserrée dans un ravin difficile, marécageux à l‘occasion. Les troupes françaises occupent les collines qui, à l’est et au sud-est, entourent la forte dépression de terrain et l’église du village. Les positions du général Foy s’appuient d’un côté sur la route de Bayonne et d’un autre côté sur le gave, à 500 mètres de la route de Dax.
Sous les ordres du maréchal Beresford, l’attaque anglaise démarre subitement et se développe, côté Saint-Boès, vers l’extrême droite du dispositif français. Soult doit donc se tenir sur la défensive face à une attaque visant au débordement des ailes françaises en faisant porter l’effort sur Saint-Boès. Les 3e et 6e divisions anglaises s’emparent des hauteurs à proximité du village et arrivent en vue des premières maisons. mais l’attaque ennemie parvient, tant bien que mal, à être contenue dans ce secteur et aussi à l’autre aile. Reste alors la ressource de l’attaque au centre et le général Foy se trouve immédiatement en première ligne. Il est blessé par balle à l’omoplate gauche et doit céder le commandement de sa division, qui perd du terrain malgré le courage déployé. Le combat semble tourner à l’avantage des Anglais. Les mouvements offensifs de l’ennemi se multiplient tout le long de la ligne de front et nos troupes, voyant la route de Dax coupée, s’écrient : «Nous sommes coupés, l’ennemi est sur la route...». La retraite est difficile et s’opère vers Sallespisse et Sault-de-Navaille par la route de Bordeaux. La poursuite engagée par les alliés se termine sur le Luy de Béarn à Sault-de-Navaille. A la fin de cette journée mémorable du 27 février on pouvait considérer les combats comme terminés.
Dès le 28 Wellington entreprendra de continuer à poursuivre Soult avec trois colonnes : la droite par Lacadée, Saint-Médard et Samadet, le centre par la route de Bordeaux, la gauche vers Saint Cricq-Chalosse.
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A suivre, partie II. LE BILAN
"Veritas Vincit"