Échanges sur les guerres de Vendée

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Juin 2019, 14:37

Voici enfin concrétisée la première partie de la "trilogie vendéenne" de Thierry Legrand, soit la dramatique bataille de Cholet du 17 octobre 1793.

http://www.planete-napoleon.com/docs/CH ... 019_v2.pdf

Cette défaite vendéenne précède de peu la "Virée de Galerne", soit l'expédition "outre-Loire" des vaincus, qui sauront encore vaincre lors des batailles d'Entrammes, de Dol et de Pontorson, lesquelles feront l'objet d'autres beaux articles à venir.

En attendant savourez déjà celui-ci car il le mérite.

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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 26 Juin 2019, 14:11

Je vais mel en plusieurs fois (histoire de "digérer" chacune avant de dévorer la suivante) une conséquente communication de Denis Bouttet sur l'exploitation qu'il a faite de diverses sources.

Dont'acte 1 !

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Denis Bouttet, le 05/06/2019

Veuillez excuser mon absence alors que vous produisiez moult contenus intéressants. Pour l'heure, je ne les commenterai pas tous.
J'ai profité de ce laps de temps pour consulter d'autres sources (ouvertes), histoire de trouver des éléments intéressants. Je pense vous livrer 3 lots :  le premier sur l'armée vendéenne, le second, en synthèse, mes commentaires sur la proposition de caractéristiques, et le dernier, d'autres informations sur les armées républicaines. Après cela, je devrais m'attaquer à quelques batailles complémentaires.

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1. A propos de la tactique vendéenne (DB le 05/06/2019)
 
La première source exploitée est les mémoires de Poirier de Beauvais, lieutenant de Marigny, "divisionnaire" d'artillerie. elles apportent un lot d'informations pertinentes de la part d'un témoin à priori compétent. Cet ouvrage répond à celui de Turreau, on est donc sur une source "primaire" et son contenu est plutôt très factuel.  Je ne sais si on l'avait cité précédemment mais il paraît utile de vous partager mes notes de lectures. Morceaux choisis et commentaires personnels.
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Pages 12 & 13 (mais suivantes également) Citations de Turreau approuvées par l'auteur 
"Un attachement invincible à leur parti ; une confiance sans bornes dans leurs chefs ;  une telle fidélité dans leurs promesses qu'elle peut suppléer la discipline ; un courage indomptable à l'épreuve  de toutes sortes de dangers, de fatigues et de privations : voilà ce qui fait des Vendéens des ennemis redoutables, et ce qui doit les placer dans l'histoire au premier rang des peuples soldats."

--> Turreau n'est pas un tendre (père des fameuses colonnes infernales), présent assez tôt dans le conflit, fin politique, il a su profiter des changements successifs du commandement pour se hisser général en chef avec son plan. Son livre est avant tout une défense, et il aura toujours tendance à sur-valoriser l'adversaire. Toujours est-il qu'à travers ces quelques mots, il reconnaît la haute valeur morale des Royalistes.
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"Les brigands, favorisés par tous les accidents de la nature, ont une tactique particulière, et qu'ils savent appliquer parfaitement à leur position, et aux circonstances locales. Assurés de la supériorité que leur donne leur manière d'attaquer, ils ne se laissent jamais prévenir, ils ne se battent que quand ils veulent, et où ils veulent. Leur adresse dans l'usage des armes à feu est telle qu'aucun peuple connu, si guerrier, si manœuvrier qu'il soit, ne tire un aussi grand parti du fusil que le chasseur du Loroux et le braconnier du Bocage."

--> La nature très peu linéaire du terrain du Loroux et du Bocage explique l'avantage qu'en ont les combattants locaux, exercés à évoluer dans ce milieu (il en est de même pour le Marais). Toutefois, je ne sais pas si c'est parce que cette source primaire a été largement citée mais  la qualité de ces chasseurs et braconniers est évoquée de manière très récurrente. Cela me fait penser aux tout premiers Chouans.
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"Leur attaque est une irruption terrible, subite, presque toujours imprévue, parce qu'il est très difficile dans la Vendée de bien reconnaître, de se bien éclairer, et par conséquent de se garantir d'une surprise."

--> Les Bleus ne sont pas familiers du terrain certes, mais c'est peut être aussi le constat d'un manque de troupes légères de qualité.
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"Ils donnent à leur ordre de bataille la forme d'un croissant, et leurs ailes ainsi dirigées en flèche sont composées de leurs meilleurs tirailleurs, de soldats qui ne tirent pas un coup de fusil sans l'ajuster, et qui ne manquent guère un but donné à leur portée ordinaire."

--> On retrouve ici ce que nous expliqua si bien Thierry.
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"Vous êtes écrasé, avant d'avoir eu le temps de vous reconnaître, sous une masse de feux tels que nos ordonnances n'en présentent pas dont l'effet puisse lui être comparé. Ils n'attendent pas de commandement pour tirer, ils ne connaissent pas les feux de bataillon, de file ou de peloton, et cependant celui qu'ils vous font éprouver est aussi nourri, aussi soutenu, et surtout beaucoup plus meurtrier que les nôtres."

--> La difficulté du propos est qu'on n'a pas idée du type de situation évoquée. A mon avis, il s'agit plutôt des situations d'escarmouche (mêmes de grande ampleur) que des batailles massives. C'était sans aucun doute la situation la plus fréquente, notamment à partir de début 1794, date à laquelle il prit son commandement. Sans aucun doute qu'une majorité de ces tirs se fissent à courte portée, à l'abri derrière des couverts.
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"Si vous résistez à leur violente attaque, il est rare que les rebelles vous disputent la victoire, mais vous en retirez peu de fruit, parce qu'ils font leur retraite si rapidement,  qu'il est très difficile de les atteindre, le pays ne permettant presque jamais l'emploi de la cavalerie. Ils se dispersent, vous échappent à travers champs, haies, bois, buissons, connaissent tous les sentiers, es faux-fuyants, les gorges, les défilés sachant tous obstacles qui s'opposeraient à leur fuite, et les moyens de les éviter. Si vous êtes obligés de céder à leur attaque, vous avez autant de peine à opérer votre retraite qu'ils ont de facilité à vous fuir s'ils sont vaincus. Vainqueurs, ils vous cernent, vous coupent de toutes parts ; ils vous poursuivent avec une fureur, un acharnement, une vélocité inconcevables. Ils courent dans l'attaque et dans la victoire, comme dans la défaite, chargent leurs armes en marchant, même en courant, et cet état de mobilité ne fait rien perdre à leur fusillade de sa vivacité et de sa justesse."

-->Cette description nous met en évidence la force du combat en tirailleurs  lorsqu'on est une troupe habituée à ce genre de terrain. Indépendamment de l'importance du combat, cette tactique était commune en toute circonstance. Ce qui tend à prouver qu'une large part des effectifs vendéens peut être considérée comme infanterie légère. Sans doute les unités les plus permanentes.

A suivre...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 03 Juil 2019, 15:03

Denis Bouttet, le 05/06/2019, suite...

2. Propos concernant l'organisation de l'armée vendéenne (DB le 05/06/2019)

Pages 81 & 82 : "L'organisation des gens du pays, classés en compagnies, les compagnies en communes, ne s'est faite à la grande armée qu'au retour de la Loire. J'ai travaillé à cette organisation avec le conseil militaire, à Saint-Aubin de Baubigné, vers le mois de mars 1794 … A la première campagne (1793), il n'y avait aucune troupe du pays organisée. L'armée de Charette, Joly, etc., avait un commencement d'organisation à cette époque ainsi que celle de Bonchamps. Quant à la grande armée, un jour d'affaire, les chefs donnaient leurs ordres aux principaux officiers, ceux-ci à d'autres, et le désir de réussir faisait que tout le monde allait d'accord et s'aidait mutuellement."

--> Le besoin d'organiser en 1794 s'explique sans doute par l'hécatombe des chefs lors du dernier trimestre 1793 et l'impérieuse nécessité de reconstituer une chaîne de commandement. Sans nul doute,  il exista une organisation dès 1793 mais celle-ci fut tacite et fonctionnait sans trop de difficulté par la mobilisation de tous. Il souligne chez Bonchamps ce qui doit correspondre aux compagnies angevines et bretonnes.
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Page 82 : "Parmi les étrangers, il n'y avait que les Suisses qui fussent organisés. Les Allemands n'ont jamais été assujettis à la discipline ; presque tous étaient dans la cavalerie, où l'on avait cru que le prince de Talmont mettrait de l'ordre, ce qu'il ne fit pas ; aussi ne put-on jamais en tirer parti, si ce n'est dans la déroute de l'ennemi, qu'elle chargeait alors en fourrageurs et avec un courage extraordinaire. Il y avait un corps dit la compagnie française composée de ceux qui venaient de l'intérieur de la France ; ils n'ont jamais été plus de deux cents, et les Suisses n'ont atteint que le nombre de six cents. Quant à l'artillerie, l'organisation en fut complète autant que les circonstances le permettaient. Marigny en était le général en chef. On en fit trois grandes divisions : la première me fut donnée, la Marsonnière fut général de la seconde, et Odaly de la troisième."

-->Là, il me faut citer une autre source intéressante (partiellement exploitée à date) : "Les Suisses dans la guerre de Vendée", Alain-Jacques Czouz-Tornare, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, année 1994, pp. 37-57 (disponible sur le site Persée).  

Les Suisses sont pour partie issus de survivants du 10 août déserteurs de l'infanterie de la  légion germanique suite à la défaite de Saumur. Le maximum énoncé devait être à l'été (ils ont été engagés à l'une des batailles pour Luçon, la troisième je crois).  A Cholet, on peut considérer les effectifs réduits de moitié (voire plus) par rapport au maximum. Les Allemands proviennent donc de la cavalerie de la légion germanique mais jusqu'à cette source, j'ignorasi qu'ils étaient à cheval. Quant à l'artillerie, la notion de division est trompeuse, il faut plutôt comprendre "subdivision". Dans le récit  de ses faits d'armes, l'auteur ne mentionne que des effectifs d'artillerie de l'ordre de la batterie (6 à 8 pièces). Le parc était important (on parle de 130 à 200 canons suivant la période), mais tout n'était pas en usage (trains, chariots, canonniers suffisants pour les servir). Marigny devait également en commander une partie en propre, tant et si bien qu'on peut estimer la puissance de feu maximum à une trentaine de pièces sur le champ de bataille. Je parierai que la répartition des divisions est également géographique puisqu'il s'agit également de fabriquer poudre et munitions à travers le pays et de soutenir les différents "fronts" (bords de Loire, centre, Bas Poitou). Le nombre de canonniers a dû être à divers moments un problème ; en cela je pense à Bonchamps qui leur avait donné une veste rouge pour qu'on les repérât facilement dans une mêlée et qu'on puisse ainsi leur prêter prompt secours. Perdre une pièce n'était pas important mais un artilleur, oui.
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Page 95 : "Toute la ligne pouvait avoir au moins trois milles de longueur ; chacun des trois corps formait une phalange non serrée, mais bien unie, sur douze ou quinze files de profondeur."

--> Cette description du déploiement en bataille est celle de la bataille pour Luçon du 14/08. Cette organisation assez primitive offre un avantage moral lié à la masse (quoiqu'en cas de déroute locale, tout peut basculer), à la protection des flancs, offre une surface de feu intéressante (pour peu qu'il n'y ait pas de problème sur les munitions) mais c'est une organisation pour le choc. Toutefois, cette organisation n'est pas trop manœuvrante et ludiquement se pose la question de l'unité, mais on est là sur l'une des rares batailles rangées.
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Page 97 : "Malheureusement, parmi d'excellents soldats composant le centre, s'y trouvaient mêlés les traînards de l'armée et ceux qui portaient des piques. Ces gens-là prirent la fuite, sans être  même au premier rang, et organisèrent ainsi la déroute du corps de bataille. Les Républicains apercevant de la confusion, la déterminèrent par une charge de cavalerie."

-->Toujours à la bataille pour Luçon du 14/08, voici une analyse d'une déroute de masse mais elle reste insuffisamment détaillée sur le contexte .  Le fait qui m'interpelle, c'est le mélange des troupes de qualités différentes.
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Page 131 : "Quelques jours avant, le Conseil m'avait signé une autorisation pour lever une légion afin de faire la petite guerre, inquiéter les armées républicaines sur leurs flancs, prendre ou détruire leurs provisions en tous genres, et à l'occasion faire des pointes dans l'intérieur de la République… j'insistais d'autant plus à avoir les Suisses qu'étant parfaitement disciplinés et commandés par un homme sage, j'étais sûr avec ce corps d'élite d'établir l'ordre dans ma légion… Voyant que je n'aurais jamais les Suisses, je m'occupai alors de la composition de la légion, dont la compagnie française et les Allemands me faisaient déjà un commencement."

--> Constituée  début octobre, il n'est pas sûr que cette légion perdurât au-delà de quelques jours, l'auteur ne s'étendant pas trop sur ses actions. A Cholet, ce dernier semble reprendre des fonctions d'artilleur. Mais là n'est pas le point qui m'intéresse le plus ;  la différence de qualité que fait l'auteur entre les Suisses et les autres unités "étrangères" semble être un apport intéressant pour ce qui nous concerne.
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Page 155 : Les deux batailles sanglantes gagnées par nous immédiatement après avoir traversé la Loire prouvèrent bien que c'étaient les meilleurs soldats de la Vendée".

-->Simple élément de contexte.
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Page 155 : "Les différentes armées républicaines qui venaient de nous battre à Cholet détruisirent tous les  établissements qui nous fournissaient des munitions ; ce qui fut une grosse perte, car nous avions moulins à poudres, fonderie pour les boulets, et ateliers montés pour tout ce qui concernait l'artillerie".

--> A compter de ce moment, les ressources en munitions de tous types (infanterie, artillerie) vont se raréfier. La performance et la doctrine d'emploi va évoluer : plus question d'assurer un feu continu pendant des heures (ex : Chantonnay, Torfou, Cholet, etc.), il faut chercher la décision rapidement.
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Page 180 : "...et l'ordre d'agir en conséquence fut, me dit-on, confié au commandant de la cavalerie de Bonchamps"

--> Chaque "armée" semble disposer de ses armes, en l'occurrence la cavalerie, qui peut être ensuite rassemblée, tout ou partie, sous un même commandement.

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Page 186: "L'armée ayant refusé de marcher sur Villedieu, cela nous inquiéta beaucoup. Pendant notre expédition de Granville, les têtes avaient fermenté. Comme il y avait trois partis bien prononcés pour trois marches différentes, chacun s'agitait en faveur de celui pour lequel il inclinait ; il en résulta un trouble qu'il est difficile d'imaginer… On prit aussi ce moment pour donner connaissance d'une espèce d'organisation qui était loin d'en être une. C'était une longue nomenclature des titres des différents chefs de corps, à laquelle il était enjoint de les respecter comme tels ; les soldats devaient être divisés par brigades, bataillons, compagnies, etc. La dénomination de telle ou telle personne à un grade militaire n'empêcha pas que la confusion la plus grande ne règnât toujours. Tous les officiers jurèrent de ne jamais se séparer ; l'armée ajouta à ce serment celui de respecter et d'obéir aux ordres des généraux et officiers,..."

--> Après Granville, les dissensions présentes au moment de Cholet et du choix de franchir la Loire, se font jour et divisent une armée déjà bien fatiguée et loin de ses bases. Sans doute faut-il y voir un début de fracture morale. Il faut dire qu'il ne restait plus beaucoup de leaders charismatiques aptes à rendre la confiance à des troupes qui étaient avant tout des volontaires. Toujours est-il pour ce qui nous concerne, cette proposition d'organisation devait être le reflet de ce qui existait et permettait sans doute de repréciser la chaîne commandement. Donc, on n'est pas complètement faux en supposant une organisation de l'armée vendéenne en équivalent de bataillons.
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A suivre...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 16 Juil 2019, 15:52

3. Propos concernant la manœuvre des colonnes (Denis Bouttet le 05/06/2019)

Pages 94 et  suivantes :

"les caissons qui suivaient furent arrêtés un instant par celui de tête, au harnais duquel quelque chose manqua ; Stofflet alors passe et fait filer par ce chemin la tête de sa colonne, forte de dix à douze mille hommes …

Les canons arrêtés, je fus promptement à Charette, que je voyais commençant à s'ébranler, pour l'avertir que l'artillerie qui était là-derrière, n'avait pas encore ses caissons, qu'ils étaient coupés par une colonne conduite par Stofflet ; qu'une autre colonne destinée à faire le centre de la bataille était encore bien en arrière ; que je venais le lui dire pour qu'il suspendît son attaque."

"Nos gens avaient tant d'ardeur, voyant que le centre était à peu près formé, qu'ils s'avançaient sans qu'on pût les retenir, et qu'à chaque instant ils couvraient les pièce de manière qu'il ne fût pas possible de s'en servir. Ennuyé de ne pouvoir tirer aucun parti de l'artillerie, je donnai l'ordre d'atteler les chevaux aux pièces et marcher en avant, modelant le pas des attelages sur celui des soldats pour charger la ligne avec impétuosité."


--> Ces épisodes de la bataille de Luçon, au-delà de l'anecdote, pourraient mettre en lumière 3 points :

1/ l'importance des routes dans l'approche du combat mais également la faiblesse du réseau vendéen (étroitesse, faible nombre de routes). 

2/ A avoir séparé les armes sous des commandements différents, ces armes coopèrent difficilement et l'efficacité collective s'en ressent. Qui plus est, c'est à la valeur du fantassin qu'on donne la prépondérance, preuve que le commandement dans son ensemble reste "amateur".

3/ En choisissant le plus souvent une position défensive, les Républicains ont, eux, la possibilité d'utiliser plus efficacement leur artillerie. Toutefois, le terrain ne leur permet que rarement de la déployer en batterie complète.

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à suivre....
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 22 Juil 2019, 09:43

4. Considérations sur le mode d'attaque préférentiel des Vendéens
(Denis Bouttet, le 05/06/2019)

Sans vouloir faire un procès à Kléber, il me semble que son propos concernant la répartition en aile droite forte, centre moyen et gauche faible me semble devoir être vérifié. Pas ici malheureusement par manque de temps à y consacrer pour l'instant. Toutefois, le propos de Kléber au moment où il l'écrit me semble discutable : d'une part, parce-qu'il n'a participé qu'à un nombre limité de combats et, d'autre part, parce-qu'il s'inscrit dans une (longue) démonstration, un peu théorique où utilisée comme argument pour appuyer son propos.

Mon intuition  ne va pas forcément à son encontre mais m'amènerait à nuancer son point de vue.  La manœuvre dans le paysage vendéen n'est pas simple, les routes sont restreintes et étroites, les espaces cloisonnés. Du coup, faire manœuvrer des colonnes de plusieurs milliers d'hommes est à la fois simpliste (il n'y a pas 36 chemins pour aller d'un point A à un point B) et complexe (cf. point précédent). Qui plus est, les troupes sont engagées au fur et à mesure de leur arrivée sur le lieu du combat, ce qui correspond bien au mode de combat où l'on cherche à contourner les ailes adverses en attendant que le "corps de bataille" arrive sur le lieu et puisse s'engager. Enfin, lorsque l'attaque met en œuvre des colonnes séparées, la coordination des mouvements est très limitée , Charette en a fait les frais plusieurs fois (s'engageant seul sans soutien ou accusé de ne pas soutenir suffisamment l'action de l'armée principale) créant une forme de rupture entre les commandements. Les exemples sont nombreux et c'est sans doute la faiblesse tactique principale des Vendéens car, s'ils avaient réussi à coordonner leurs attaques, Chantonnay aurait vraisemblablement vu la destruction de la Division de Luçon, l'Armée de Mayence aurait perdu la moitié de ses effectifs lors des quatre batailles de septembre, Cholet aurait été défendu...

Mon hypothèse est que l'axe de l'attaque vendéen se fait suivant le chemin le plus court entre la base d'opération et le lieu du combat. Ainsi pendant les opérations de l'Armée de Mayence en septembre et octobre, l'axe de progression républicain est orienté au sud-est (depuis Nantes vers Mortagne et Cholet) alors que la base d'opération de l'armée vendéenne est plutôt Beaupréau, plus au nord de cette progression, d'où un mouvement privilégié sur la droite républicaine.

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... à suivre ...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 24 Juil 2019, 16:51

5. Le rapport d’Obenheim
(Denis Bouttet, le 05/06/2019)

Un autre ouvrage comporte quelques informations complémentaires intéressantes, il s'agit du "Guerres des Vendéens et des Chouans contre la République Française", tome 2. Cette collection a l'avantage de ne citer que des sources primaires, issues des témoins de l'époque. Plutôt orienté regard républicain sur les événements, il contient notamment le rapport d'Obenheim. Cet officier du génie, est probablement ce qu'on pourrait appeler un agent infiltré au cœur de l'état-major vendéen puisqu'il dirige cette arme dans l'armée. C'est donc un témoin de premier plan. Il y aurait d'ailleurs un petit article à faire sur son parcours (il a notamment participé à la défense de Granville avant les troubles...).
 
Pages 85 et 86 : "Les Rebelles occupent un pays d'environ vingt-cinq lieues de longueur sur dix-huit de largeur. Ce qu'ils appellent leur armée est un ramas de ci-devants, d'émigrés, de prêtres, de contrebandiers, d'anciens employés des aides et de galériens, ce qui peut former environ vingt mille hommes, dont sept à huit cents à cheval, mal armés, indisciplinés, et ayant peu de canonniers. Cette armée occupe les principaux postes ; et lorsque les chefs méditent quelque attaque, ils font sonner le tocsin et rassembler dans les postes tous les paysans des environs , ce qui forme à l'instant un grand nombre d'hommes, armés en partie de fourches et de bâtons ".

-->Partie du plan de Ronsin, fin août, base du plan adopté le 2 septembre. Cette description est intéressante car au-delà des chiffres, elle explique la manière dont fonctionne l'armée vendéenne : un corps de troupe campée  autour des principales localités renforcée au besoin par des levées paysannes.
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Page 334 : "Le nombre des insurgés peut s'élever à environ cent mille hommes, dont trente mille seulement armés; leur cavalerie est de douze à quinze-cents chevaux; leur artillerie se compose de quarante-sept pièces".

--> Rapport d'un agent de renseignement républicain (14 novembre)
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Les passages qui suivent sont issus du rapport d'Obenheim. Militaire sans doute compétent, il décrit une armée assez désorganisée. Difficile de juger de l'impartialité de son jugement, car pour un Républicain engagé comme lui, homme d'ordre comme souvent le furent les militaires de métier, il ne peut que juger durement cette armée honnie. Point important, il ne rejoint l'armée qu'à compter de Fougères (début novembre).

Page 338 : "A cette époque , l'armée vendéenne était composée d'environ trente mille fusiliers, deux cents cavaliers en état de combattre, et de dix à quinze mille personnes inutiles, telles que prêtres , femmes, enfants, vieillards, domestiques, etc... , dont deux à trois mille à cheval.  Leur artillerie se composait d'une pièce de douze, de trois à quatre pièces de huit, de trente à quarante pièces de quatre, d'une trentaine de caissons et de deux forges.  Les blessés étaient conduits dans une vingtaine de charrettes. Plus de deux-cents voitures, tant carrosses que cabriolets et charrettes, servaient à transporter des particuliers et leurs effets; aucune ne paraissait employée à porter des choses utiles à l'armée, comme vivres, médicaments, etc...".

--> Ce rapport d'Obenheim est celui d'un militaire à priori compétent. Ces données corroborent celles de l'agent précédent. Si l'on tient compte de l'information ci-dessus sur le parc d'artillerie, je dirais qu'il existe deux types de pièces d'artillerie, celles du parc central commandé et organisé par Marigny, et celles restées avec les divisions et très certainement de moindre qualité. On pourrait assimiler ces dernières à des pièces "régimentaires", d'autant qu'elles doivent être de 4.
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Page 339 et suivantes : "Une douzaine d'individus figuraient comme chefs et formaient un conseil général ; mais nul n'avait une autorité réelle, car, sans un nommé Stofflet, ancien garde-chasse qui avait servi douze ou quinze ans dans l'infanterie, et qui était regardé comme major-général, la moindre de leur volonté n'aurait pu être exécutée. Stofflet seul avait le pouvoir de se faire entendre, soit par lui-même, soit par le moyen d'une demi-douzaine de paysans dont il avait fait des adjudants."

--> Stofflet qui a été décrit par Mme de La Rochejaquelein, comme un brave sans intelligence est confirmé dans ce rôle crucial. Soit il n'est pas si mauvais qu'il y paraît, soit il n'y avait pas trop d'autres possibilités, soit il s'est fait de sérieuses inimitiés.
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"Cependant, dans les affaires et dans la marche, quelques jeunes gens qui avaient, en différentes occasions, montré de la bravoure, tels que d'Autichamp, Scépeaux, Duhoux, Desessarts, savaient quelquefois rallier les soldats vendéens et les conduire au feu."

"Pérault, commandant de l'artillerie, se montrait bien dans les affaires; mais Marigny était beaucoup plus connu que lui et réussissait de temps en temps, à force de poumons, à faire exécuter quelques détails d'attelage. Cinq à six jeunes gens de peu de mérite portaient le nom d'officiers d'artillerie et n'empêchaient point les chefs de pièce de rien faire qu'à leur tête.
"

--> Est-ce que Poirier de Beauvais faisait partie de ces jeunes gens ?
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"Talmont passait pour le chef de la cavalerie ; mais on avait très-peu de confiance en lui. Outre les deux-cents cavaliers en état de combattre, il se trouvait encore autant et plus de mauvais cavaliers, peu courageux, mal équipés, connus sous le nom de marchands de cerises. On avait formé de la totalité trois ou quatre divisions, commandées par des chefs que les cavaliers ne connaissaient guère que quand ils les voyaient à leur tête."

"Le conseil n'inspirait de confiance à personne. Ceux qui auraient voulu, sinon être de ce conseil, mais au moins commander comme officiers, dénigraient ses opérations et chacun de ses membres en particulier."
"On disait que faute d'organisation, soit dans l'armée, soit en lui-même, il perdait tout son temps à suivre des détails que deux ou trois caporaux auraient réglés mieux que lui."


--> Revoici nos fameux "marchands de cerises".
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"On ne connaissait que deux divisions dans l'armée, encore n'étaient-elles qu'idéales ; les chefs ont essayé deux fois de les séparer seulement pour un jour, et ils n'ont pu y parvenir; par conséquent point de brigades, ni de bataillons, ni de compagnies, etc..."
"Les Vendéens étaient extrêmement mal servis en espions. Ils n'avaient que des idées confuses sur ce qui se passait autour d'eux dans les armées de la République. Lorsqu'ils occupaient une ville, presque toutes les maisons des environs jusqu'à deux ou trois lieues étaient soumises à leurs recherches du matin au soir. Ils en retiraient du grain, des volailles, des harnais ; plusieurs y logeaient, leurs cavaliers couraient sans cesse les chemins. Plusieurs espions des Républicains ont été arrêtés par ce moyen et fusillés. Les gens de la campagne qui venaient grossir l'armée vendéenne ne pouvaient donner que des renseignements très-vagues ; les gens suspects qui s'y réfugiaient étaient, par leur position, dans le même cas d'un autre côté, presque tous les Républicains évacuaient leurs maisons avant l'arrivée des Vendéens , de sorte que ceux-ci ne savaient jamais rien de positif."


--> Voilà ce qui se passe lorsqu'on s'aventure loin de chez soi et qu'on agit en amateurs ;)
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"Ils avaient toujours infiniment de peine à former des attelages. Le ferrage des chevaux, malgré leurs deux forges, les embarrassait extrêmement."

--> hors de leur territoire, sans réelles ressources en propre, tout devient expédient. Malgré tout ceci, ils surent se battre.
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"On assignait quelquefois un lieu pour faire des cartouches, mais le plus souvent les soldats les faisaient eux-mêmes. Ils avaient des moules à balles de toute grandeur. Ils n'avaient aucun moyen de fabriquer de la poudre, mais ils assuraient qu'au besoin un de leurs forgerons leur fondrait et leur calibrerait des boulets (…) Ils n'ensabotaient point leurs boulets eux-mêmes et ne faisaient point de boîtes à mitraille ou à biscaïens."

-->J'en suis à me demander si l'artillerie outre-Loire n'a pas d'autres caractéristiques que celles de la Vendée militaire. Car au-delà de la rive gauche de la Loire, ils disposaient de tout l'arsenal et ressources nécessaires pour le service. Il devait leur rester quelques réserves mais Pontorson (18/11) a dû finir de les consommer.
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"Les canonniers, les maréchaux et les charrons étaient soldés avec des assignats royaux. On ne sait si quelques cavaliers allemands l'étaient aussi, mais ils n'étaient pas les plus à plaindre de l'armée, parce-qu'ils étaient les plus pillards. Nul autre individu de cette armée ne recevait de solde."

--> Décidément, les allemands n'ont pas bonne réputation. Mais il faut noter l'attention donnée aux corps techniques de l'armée particulièrement précieux.
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"Sous le rapport du courage , on distinguait trois classes dans l'armée.  La première, composée de quatre à cinq mille hommes, était toujours prête à marcher, pourvu que Stofflet ou la Rochejaquelein fussent à leur tête. On n'a jamais vu de meilleurs tirailleurs.

La seconde , composée de trois à quatre mille hommes, se tenait toujours à portée de fuir promptement si la première classe ne réussissait pas d'emblée, ou de l'appuyer, quand il ne s'agissait plus que de faire nombre, ou de gagner les ailes pour achever de déterminer la victoire. 

La troisième , composée du reste de l'armée, ne se montrait jamais que quand les actions étaient entièrement finies."

"Il suit de là que l'existence des Vendéens tenait à celle de quatre à cinq mille hommes de la première classe, c'est à dire qu'elle ne pouvait avoir qu'une très-courte durée, car chaque combat détruisait une partie de ces braves, et ne détruisait pour ainsi dire que de ceux-là."


-->Voici qui me laisse songeur quant à la nature (ludique) de cette première classe.
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"1°. Personne n'allait à l'ennemi quand la Rochejaquelein n'était point à la tête de l'armée, et Stofflet, avec les drapeaux, à la tête de l'infanterie.

 2°. Faute d'organisation, nul individu ne se croyait obligé de se séparer de la masse, de sorte que les chefs ne pouvaient faire le moindre détachement sans préalablement faire battre la générale.

3°. Faute d'organisation, il n'y avait aucun officier reconnu pour tel. Ceux qui auraient pu rendre de grands services, s'ils avaient eu des corps particuliers, pouvaient céder à la crainte et se perdre dans la foule, sans reproche.

4°- Faute d'organisation, les braves sentaient la nécessité de se réunir ; ils ne se quittaient point, et dès qu'ils étaient réunis, le reste de l'armée cherchait naturellement à s'en faire un bouclier, et suivait d'un peu plus ou d'un peu moins loin. On comptait si peu sur tous autres que ces braves, que les chefs ne pouvaient empêcher les femmes, les inutiles et la plupart des bagages de les suivre immédiatement, et même de se fourrer au milieu d'eux, quelque inconvénient qu'il y eût pour la marche.
Il est sans doute inutile de dire que, dans leur propre pays, le désir ou le besoin de revoir leur village et leur famille, joint à la grande connaissance des localités, devait rendre leur réunion en masse aussi rare qu'elle était naturelle ailleurs.
"

--> On voit là tous les signes de délitement d'une organisation fragile. L'armée a sans doute perdu de son mordant au fur et à mesure de la Virée de Galerne.
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"Les Vendéens, n'ayant point d'artillerie de siège et ne trouvant pas à vivre deux jours de suite dans le même lieu, surtout hors d'une ville, toute place fermée d'un mur de clôture, ne fût-il que de trois pieds d'épaisseur, était hors d'insulte pour eux. Le moyen d'escalade leur était même interdit car, n'ayant ni organisation, ni voitures, ni ouvriers, ni outils, ni assez de temps à rester dans chaque endroit, ils ne pouvaient préparer ni échelles, ni fascines, de même qu'ils ne pouvaient distribuer le travail ni les attaques ; d'ailleurs, les escalades ne sont praticables que dans l'obscurité et, à l'exception de l'élite des plus braves de l'armée, tout le reste n'était absolument propre à rien pendant la nuit, principalement en hiver."

--> C'est l'officier du génie qui évoque son arme dont il avait la charge dans cette armée.

--> L'armée outre-Loire repose sur un noyau restreint de troupes de qualité, renforcé de Chouans. Le reste, renforcé de levées locales, est tout au plus une milice . On retrouve par là la même classification en trois niveaux qu'en Vendée. Les troupes "régulières" ont, à mon avis, disparu.

--> Réflexion ludique sur le moral. Il doit évoluer entre la Vendée militaire et les différentes phases de la Virée de Galerne : le +2 en attaque initial devient un +1 dès que la Loire est franchie et jusqu'à Granville. Ensuite  disparition de tout bonus jusqu'à Angers, et malus de -1 à partir de là (Le Mans, Savenay).
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Page 360 : "On engagea les transfuges allemands à revenir, chaque fois qu'ils le pourraient, nous apporter des nouvelles; ils tinrent parole "

--> Satanés Allemands...

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A suivre....
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 30 Juil 2019, 07:34

6. (Denis Bouttet, le 05/06/2019)
 
En complément, quelques passages issus de l'"Histoire militaire des guerres de Vendée" de H. Coutau-Begarie et Ch. Doré Graslin, Edition Economica 2010, que j'ai exhumé pour l'occasion.

Pages 61 et 62 : "Se distinguent en effet trois types de combattants. Le premier se compose des gardes-chasse, des braconniers, des contrebandiers. Armés de fusils, ils constituent le corps des éclaireurs et sont portés sur les ailes de l'ennemi. Le deuxième rassemble les paysans armés de fusils, réputés pour leur audace. Leur fonction consiste à attaquer la ligne ennemie quand les ailes plient. Enfin, le dernier regroupe le reste des paysans. Souvent mal armés, ce sont eux qui emploient le canon le moment venu."

"Le milieu bocager suppose d'adapter les armes et les modalités de transmission. L'emploi des armes est généralement handicapé par un facteur qui concerne les deux camps : l'humidité."
"Quant à l'artillerie, son emploi est restreint par les difficultés de déplacement des canons comme par l'absence de grands dégagements que nécessitent les tirs à distance".

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Page 281 et 282 : "Avant cette date (le 18 octobre), chaque divisionnaire, indépendant et souvent jaloux de son autorité, a sous ses ordres ses compagnies d'infanterie, sa cavalerie et son artillerie dotée des canons pris aux bleus".
"Chaque général entretenait une garde rapprochée composée de soldats permanents, de domestiques et d'aides de camp. Bonchamps soldait, habillait et entraînait ses compagnies dites bretonnes. Le marquis de Donissan soldait à son compte les Suisses et Allemands".

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Page 286 :  "le 19 octobre, le parc comptait 28 canons : 3 du calibre 12, dont "Marie-Antoinette" ; 5 du calibre 8 et 20 des calibres de 7, 6 et 4 ; les chefs de pièce et les servants étaient d'anciens militaires et des déserteurs républicains."
 
"Les vengeurs de la couronne" est une unité de cavalerie formée de déserteurs issus de la légion germanique (estimée à cette époque à 300 hommes). Ce sont les fameux Allemands à la réputation peu flatteuse. C'est sans doute pour cela qu'on ne les retrouve plus par la suite sous cette désignation pompeuse. A ne pas confondre avec "les chevaliers de la couronne" (je ne serai pas étonné que ce soit Talmont qui les ait ainsi désignés).

"Les chevaliers de la couronne" est une unité de cavalerie de l'Armée de Condé. Y ont combattu Talmont et Frotté qui se rendront célèbres par la suite. Toutefois, une unité  chouanne portera le même nom (voire aussi "Gentilhommes de la Couronne") dans l'Armée catholique et royale de Normandie commandée par Frotté. Mais nous somme plutôt en 1795. Pour l'anecdote, c'est également le titre d'une série de romans à l'eau de rose…
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A suivre...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 06 Aoû 2019, 08:08

7. Les relations familiales dans le commandement de la grande armée
(Denis Bouttet le 05/06/2019).

Cela me paraissait intéressant à noter, car parmi ceux qui ont commandé, plusieurs étaient liés.

Lescure est le gendre de Donissan.
Sa veuve épousera le frère de Henri de la Rochejaquelein.

De  Marigny est le cousin de Lescure.

Fleuriot est un oncle par alliance de Charette, deux de ses fils se battirent à ses côtés.

Scépeaux est le beau-frère de Bonchamps.

Autichamp est le cousin et beau-frère de Bonchamps.

Duhoux de Hauterive est le beau-frère de d'Elbée.
Son cousin germain sert les Républicains et le bat à la bataille du Pont-barré (20/09/93).

Sapinaud de la Verrie est le cousin de Sapinaud de la Rairie.

On retrouve ces chaînes familiales à tous les niveaux du commandement de l'armée (des Essarts, Beauvollier, Bejarry,  etc...).

Certains y virent une forme de féodalité, mais est-ce que le soulèvement populaire aurait pu s'organiser militairement sans ces relations familiales ?

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Fin de cette communication du 5 juin, mais rassurez-vous il y en a eu d'autres depuis, et "le feuilleton de l'été" continue sur "Planète Napoléon".

A très bientôt !
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 12 Aoû 2019, 11:16

Suite et pas fin... (mais faim, c'est l'heure -deux de plus que l'affiché-, alors bon appétit !).

Message Denis Bouttet du 15 juillet 2019

... Comme annoncé précédemment, voici quelques éléments glanés sur les armées républicaines.
Issues du tome 2 des «Annales des guerres des Vendéens et des Chouans contre la République française», voici mes notes de lecture.

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Bataillon de Jemmapes
Page 127 : "Le même jour (13 septembre) , le commandant Bourgeois, d'après les ordres du général Duhoux , se porta , avec cinq cents hommes tirés des bataillons de la Sarthe, Jemmapes, sixième et huitième de Paris, et douze cavaliers de la légion germanique, au dessus d'Érigné pour repousser des postes ennemis qui occupaient Soulaine et les communes environnantes. Un combat s'engagea et se prolongea depuis six heures du matin à midi";

--> une trace du fameux bataillon de Jemmapes issu de la division d'Angers commandée par Duhoux (puis par Olagnier). Ne résoud pas encore le mystère de l'origine de cette unité. Toutefois, il y a une piste issue de «Quatre-vingt treize» de Victor Hugo (très bon roman par ailleurs et surtout documenté) :

"Dans les derniers jours de mai 1793, un des bataillons parisiens amenés en Bretagne par Santerre fouillait le redoutable bois de la Saudraie en Astillé. On n’était pas plus de trois cents, car le bataillon était décimé par cette rude guerre. C’était l’époque où, après l’Argonne, Jemmapes et Valmy, du premier bataillon de Paris, qui était de six cents volontaires, il restait vingt-sept hommes, du deuxième trente-trois, et du troisième cinquante-sept. Temps des luttes épiques. Les bataillons envoyés de Paris en Vendée comptaient neuf cent douze hommes. Chaque bataillon avait trois pièces de canon. Ils avaient été rapidement mis sur pied. Le 25 avril, Gohier étant ministre de la justice et Bouchotte étant ministre de la guerre, la section du Bon-Conseil avait proposé d’envoyer des bataillons de volontaires en Vendée ; le membre de la commune Lubin avait fait le rapport ; le 1er mai, Santerre était prêt à faire partir douze mille soldats, trente pièces de campagne et un bataillon de canonniers. Ces bataillons, faits si vite, furent si bien faits, qu’ils servent aujourd’hui de modèles ; c’est d’après leur mode de composition qu’on forme les compagnies de ligne ; ils ont changé l’ancienne proportion entre le nombre des soldats et le nombre des sous-officiers. Le 28 avril, la commune de Paris avait donné aux volontaires de Santerre cette consigne : Point de grâce, point de quartier. À la fin de mai, sur les douze mille partis de Paris, huit mille étaient morts"

Je n'ai pas fini les recoupements mais à mon avis c'est par là qu'il faut chercher. Qui sait, c'est celui-là même ?

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Ordre de bataille à la veille de Cholet
Pages 231 à 235 : ordre de bataille républicain en date du 8 octobre.

--> Seule différence notable par rapport à celui des mémoires de Kléber, la réserve dispose du I/57e à 246 h et le chef de brigade est Jordy et non Joly*.

* Commentaire DM : ces deux personnages existaient dans les parages à la même époque.

1. Thomas Joly (1748-1820), était le 24 mai 1793 CdB du 4e bataillon de la formation d'Orléans, nommé GB provisoire le 1er juillet, confirmé dans le grade et employé à l'Armée des Côtes de La Rochelle le 30 juillet... mais suspendu le 18 septembre... et enfermé au Temple dont il ne sortira que le 23 avril 1795... Comme CdB ! Il n'a donc pu commander la réserve à Cholet !

2. Nicolas-Louis Jordy (1758-1825), était Adjudant-Général Chef de Brigade (Colonel) à l'Armée de Mayence le 21 juillet 1793, et fut envoyé en Vendée avec elle sous Aubert-Dubayet. GB en 1794. C'est donc bien lui qui doit figurer sur l'OB de Cholet.

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Sur le rôle de l'artillerie
Page 83 : "Veuillez, citoyen ministre, nous envoyer des obusiers, sans lesquels on ne peut faire la guerre dans un pays fourré et coupé. »

 --> au delà de la simple évidence, on comprend mieux l'intérêt de ces pièces présentes dans toutes les batteries du système Gribeauval, assurant à ces unités une forme d'autonomie face aux situations rencontrées.

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A suivre...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 01 Sep 2019, 13:23

Informations sur les hommes (Denis Bouttet le 15 juillet 2019)

Page 26 : "Le général Chabot s'est conduit avec valeur dans toutes les occasions. Son courage et sa franchise remportent sur son intelligence." (rapport des commissaires Brulé et Besson).

Page 132 : "Beysser est un Roger-Bontemps , très insouciant pour l'état militaire; il n'en connaissait pas d'ailleurs les premiers éléments."

Page 225 :  "Soldats ! un homme n'est rien , la République est tout ; vous n'êtes pas l'armée d'un général , mais l'armée de la République" (franchement, j'adore).

Page 281 : "Marceau n'était encore qu'adjudant-général , L'Echelle le retint près de lui à son état-major et donna le commandement de sa colonne au général Canuel."

--> s'il est bien une personnalité dont l'ascension foudroyante (et ce n'est pas une gageure) stigmatise à elle seule l'importance de cette guerre de Vendée c'est bien celle de Marceau. De simple officier à la pitoyable Légion germanique, il a su se hisser au rang de général de division en l'espace de moins de six mois et ce, en franchissant tous les grades intermédiaires (à la différence de nombre de généraux politiques).

Bon, s'il n'avait eu Kléber comme mentor, il n'aurait certainement pas eu la même réussite. A la sortie de la bataille de Cholet, il commande en tant que second la colonne de Luçon suite à la blessure de Bard (c'est vrai que la chance lui a souri : Tuncq mis à pied, Beffroy démissionnaire, Lecomte blessé puis tué, Bard blessé, il ne restait plus beaucoup d'officiers dans cette division qui a bien mérité de la Nation lors de l'été 1793).

En abandonnant son commandement à un officier plus confirmé, il rejoint (très provisoirement) l'état-major d'un général en chef très (mais très) politique, suite à l'absence du titulaire (Robert). Soutenu par Kléber, sans qui Léchelle n'était rien (mais absolument rien), il devient donc visible à cette heure où les armées de la République sont sur le point de mettre à genoux leur adversaire.

L'autre atout de Marceau à ce moment-là, c'est qu'il n'incarne pas l'Armée de Mayence que Léchelle a décidé de dissoudre. Tout politique qu'il est, mais tout ignorant de la guerre et des hommes qui la mènent, Léchelle ne s'est certainement pas rendu compte de l'amitié entre Kléber et Marceau (qui date seulement de la bataille de Tremblaye), faisant à son corps défendant "rentrer le loup dans la bergerie". Bref le manipulateur manipulé, pauvre Léchelle incompétent !

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Page 388 et suivante : "A la réunion du conseil (19/11) , Kléber fit sentir en peu de mots la nécessité d'adopter un plan général d'organisation et d'opérations dont l'exécution serait confiée à des chefs capables d'en faire espérer le succès. Il s'agissait de nommer , sous les ordres de Rossignol :

1°. Un général commandant toutes les troupes;
2°. Un général commandant la cavalerie;
3°. Un général commandant l'artillerie;
4°. Enfin un général commandant temporaire, qui ne fut occupé que de la police intérieure de la place et du commandement de la garnison.

Après quelques moments d'hésitation, les représentants adoptent ce projet, et demandent à Kléber de proposer des officiers.  La chose, dit Kléber, était délicate; j'étais bien assuré d'exciter des jalousies, mais le bien du service l'emporta sur toutes les considérations. Je proposai donc Marceau pour commandant des troupes; Westermann pour commandant de la cavalerie; et l'adjudant-général Debilly (i) pour commandant de l'artillerie."

"Ami de Marceau , j'étais certain qu'il n'entreprendrait rien sans s'être concerté avec moi."

--> Destitué à l'issue de la bataille d'Entrammes par le représentant Merlin de Thionville, Léchelle sera remplacé par Rossignol, héros de la Bastille. Il meurt quelques jours après sans qu'on en connaisse les causes (suicide, poison, maladie, etc...). Les nominations officielles arrivèrent quelques jours plus tard conformément à ces dispositions. Le comité de Salut Public ne refusait pas  grand-chose à Rossignol. Marceau devint donc divisionnaire et commandant l'ensemble des opérations. Il avait obtenu son titre de général de brigade suite à son action à Cholet, au même titre que Blosse.

Kléber se contentera d'un rôle de "stratège", il ne sera confirmé comme divisionnaire qu'en début 1794 lorsqu'il prendra la suite de Marceau.

Commentaire DM : le Six donne Kléber nommé général divisionnaire par les représentants sur le champ de bataille de Cholet le 17 octobre 1793. Il commandera ensuite une division comme tel... Mais ne sera effectivement officiellement confirmé GD que le 28 avril 1794.

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Il est également intéressant de constater la curieuse manie de Kléber de se mettre en retrait lorsqu'il s'agit d'exercer de hautes responsabilités ; déjà, il avait refusé le commandement de l'armée suite à la destitution de Canclaux et de Dubayet dont il est resté proche. A une époque où "le titre de général de brigade était un passeport pour la guillotine", l'homme, plus mûr, était-il davantage mû par la cause républicaine que par l'ambition ? Allez savoir.

Commentaire DM : Oui, Kléber semble avoir fui les responsabilités «officielles», et pas seulement pendant «la Terreur» où cela pouvait se comprendre. Il se retrouvera promu Général en Chef de l’Armée d’Egypte par contumace de son prédécesseur Bonaparte !

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A suivre...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 09 Sep 2019, 10:09

par Denis Bouttet (le 15 juillet 2019, suite...)

Informations sur les troupes

Page 280 : "l'avant-garde du général Beaupuy reçut l'ordre de se porter aux ponts de Cé à marche forcée, et celle de Luçon, commandée de la veille par le général Canuel, l'ordre de suivre le mouvement de l'avant-garde , s'il n'existait aucun moyen de passer la Loire à Saint-Florent."

-->Je crois que Thierry a fait le travail de recouper l'OdB de la colonne de Luçon et l'état de la garnison de Cholet en octobre/novembre.

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Page 281 : "Le général Haxo resta à Beaupréau avec les troupes sous ses ordres. Il fut chargé de faire conduire à Nantes les canons, les caissons, les matières combustibles et généralement tout ce que l'Armée catholique avait abandonné. Il devait ensuite fournir différentes garnisons, et, avec une colonne agissante, achever de soumettre le pays. Il fut ainsi détaché de l'armée et se porta dans la partie occupée par Charette."

--> C'est la première manoeuvre visant à dissoudre l'Armée de Mayence. Haxo va donc remplacer Beysser contre Charette. Il emporte donc sa "division" et également Jordy, ancien chef de corps du 10e de la Meurthe, pour reprendre Noirmoutiers.

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Page 292 : "Le général Fabrefonds, autre militaire à peu près de la même espèce que son chef, était à Angers, chargé de la défense de la rive droite de la Loire. Il avait sous ses ordres le général Olagnier à Angers, et le général Moulin aux ponts de Cé."

--> Fabrefonds est, d'une part l'ancien chef de corps du 8ème hussards (qui deviendra le 7ème suite à la défection du 4ème), mais d'autre part le frère de Fabre d'Églantine célèbre polticien qui finira sous la guillotine en avril 1794 comme Dantoniste (avec d'ailleurs Westermann qui commandera ledit-régiment). Dire qu'il s'agit-là d'un général politique, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement, d'autant plus lorsqu'on regarde la suite de sa carrière militaire. On retrouve Olagnier. Moulin fera l'objet d'un célèbre tableau, préférant se suicider plutôt que de se rendre.

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Page 303 : " O'kelly, du soixante-deuxième régiment, vieillard de soixante-dix ans"...

--> Ce nom apparaît dans l'ordre de bataille de Cholet, on en sait donc un peu plus sur lui.
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Page 370 : " les gendarmes des trente-cinquième et trente-sixième divisions et la légion des Francs le font renoncer à cette tentative. "

--> On retrouvera ces unités soit dans dans l'avant-garde légère (Bouin Marigny) soit avec Westermann (cf. p 373 également). Le 7ème hussard (page 367, ex-8ème) est également dans l'avant-garde légère. Il est difficile (pour l'instant) de s'y retrouver entre les troupes commandées par Westermann et Bouin-Marigny dans cette phase de poursuite de l'armée vendéenne car il y a eu plusieurs prises de commandement à quelques jours d'intervalle.

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Page  416 et suivante  : " Lorsque je pris le commandement des armées réunies, j'y remarquais une ligue formée par une grande partie des généraux de l'Armée de Mayence (nom qu'elle a beaucoup de peine à quitter). Cette ligue avait pour but de faire perdre la confiance des généraux sans-culottes et de mettre à leur place des intrigants. Ils étaient même parvenus, par des inculpations fausses, à faire destituer par les représentants du peuple, les braves Muller et Canuel. Leur joie éclatait pendant ce temps et n'a cessé que lorsque les représentants, convaincus de la vérité, leur ont rendu la justice qu'ils avaient droit d'attendre, en les réintégrant dans leurs fonctions.

Tu m'as demandé ma façon de penser sur le compte de Marceau ; en bon républicain , la voici : C'est un petit intrigant enfoncé dans la clique, que l'ambition et l'amour-propre perdront. Je l'ai suivi d'assez près et je l'ai assez étudié avec mon gros bon sens, pour l'apprécier à sa juste valeur. D'après les renseignements que j'ai pris , il était l'ami et le voisin du scélérat Pétion. Il dit hautement que la Révolution lui coûte vingt-cinq mille livres. Il a servi d'ailleurs dans la ci-devant légion germanique dont les principes étaient plus que suspects. Le représentant Prieur, qui est ici, a fait les mêmes remarques que moi. En un mot, je suis forcé de te dire qu'il inquiète les patriotes, avec lesquels d'ailleurs il ne communique pas. 

Quant’ à Kléber, depuis huit jours il est concentré; il ne dit plus rien au conseil, il parle souvent de Dubayet, avec cependant assez de prudence pour ne rien laisser apercevoir de leur ancienne amitié. C'est un bon militaire qui sait le métier de la guerre, mais qui sert la République comme il servirait un despote. 

Bouin-Marigny vient d'être tué ; il était temps , il était de la clique, ci-devant noble, dont les parents sont avec les brigands, ainsi il n'en faut plus parler.

Westermann est toujours le même. Je t'ai parlé de sa conduite à l'égard de deux officiers de la trente-cinquième division de gendarmerie, dont il a tué l'un à coups de sabre et blessé l'autre. Il vient d'en tenir une pareille contre un aide-de-camp du général Muller. Il n'y a pas d'horreurs qu'il ne dise contre ce brave sans-culotte, et la seule chose qui le désole est de se voir commandé par des gens qui ne veulent pas servir son ambition. J'ai communiqué tes intentions à son égard (liste de destitutions) au général Marceau qui m'a répondu se charger de tout, ainsi que pour ceux qui se trouvent dans le même cas.

Un certain Damas, nommé général de brigade par les représentants du peuple, et ne jurant que par l'Armée de Mayence ; un nommé Savary, adjudant-général, attaché au génie, sont fort liés avec Marceau et Kléber. On ménage la chèvre et les choux, on se bat quand on veut, on fait de même, et enfin il est temps de renverser ces projets au nom de la patrie et je t'invite à remédier à ce désordre.

Je me conforme aux intentions du Comité de Salut Public et je pars pour le commandement des Côtes qui m'est confié. Partout je serai le même, je ferai mon devoir, et surveillerai avec le même zèle. » De concert avec les représentants et le général Marceau, j'emmène avec moi le général Robert qui m'est absolument nécessaire. Tous les généraux de l'armée de Brest sont employés dans l'armée réunie, et c'est le seul qui me reste dans lequel j'aie confiance. "


 --> Dans cette lettre au Ministre Bouchotte, Rossignol déverse son fiel envers les officiers de l'Armée de Mayence au moment où il tombe en disgrâce. Sans doute est-ce lui qui obtiendra la destitution de nombre d'officiers de l'armée (Haxo, Kéber, Westermann, Bouin-Marigny), que toutefois Marceau n'appliquera pas. Rossignol était avant tout le représentant du Comité de Salut Public. Il incarnait l'action publique mais n'était militairement pas compétent et il le savait. Très certainement jaloux de ces officiers compétents (et qui ne se laissaient sans doute pas faire), il les laissait aux commandes mais "par derrière" leur savonnait méchamment la planche, comme on dit. Il se défiait donc des Mayençais, de leur esprit de corps et de leur influence dans l'armée. Je "plains" également Robert qui a servi Léchelle, Rossignol et Turreau, trois généraux très politiques, quoi que cela dût bien l'aider à obtenir son grade de divisionnaire en novembre alors que, comme Marceau, il n'était que capitaine en juin. Pour l'anecdote, hostile à Marceau, il mourut un mois avant ce dernier, non pas sous le feu ennemi mais en se suicidant.

Une première étape dans le morcellement de cette Armée de Mayence avait été franchie plus tôt. En liquidant le commandement sous Nantes, il avait besoin d'hommes nouveaux : Haxo remplaçant Beysser face à Charette, Vimeux remplaçant Canclaux à Nantes. Les réorganisations successives, suite à la traversée de la Loire, au 4 novembre et au 20 du même mois, ainsi que les pertes successives, eurent vite fait de diluer cette Armée de Mayence dans l'Armée de l'Ouest.

à suivre...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Sep 2019, 09:39

Par Denis Bouttet (le 15 juillet 2019, suite...)

Informations concernant la colonne de Luçon

Le 11ème hussard est issu du 24ème chasseurs à cheval (dont Robert fut officier) renforcé des restes de la Légion Germanique (dont Marceau fut officier), de hussards de la Liberté (à ne pas confondre avec les hussards de la mort qui seront versés dans le 14ème chasseurs à cheval), d'hommes de la cavalerie révolutionnaire (i.e. cavalerie nationale), de cavaliers jacobins et de levées de 1793. Formé à Amboise en juin 1793 et commandé par le colonel Avice, il rejoindra l'Armée du Rhin partir de septembre avant de revenir en Vendée en novembre 1794. Toutefois, comme souvent alors, une partie (pour faire simple, un escadron de type dépôt) restera en Vendée et participera aux batailles de Luçon, Cholet et Challans.

La cavalerie de la colonne est donc majoritairement composée du 14ème chasseurs à cheval (2 escadrons) mais également de cavaliers du 11ème hussards (intégrant plus ou moins certaines formations de cavalerie nationale identifiées dans les ordres de bataille) et de gendarmes. Du coup, il n'y a pas d'autres escadrons du 14ème dans cette colonne (impact sur les OdB).

--------------
 
Concernant la bataille de Pontorson

Brigade Westermann : 35ème et 36ème div. de gendarmerie, bataillon des Francs, cavalerie (légion du Nord, ex-9ème hussards ?).

Brigade Bouin-Marigny : bataillon de Cassel, grenadiers réunis, 7ème hussards (ex-8ème hussards).

Cavalerie de Marigny (300 h) puis Westermann (?) : 14ème chasseurs, 7ème hussards (?), artillerie.

-------------
 
Il y a encore du travail à faire sur les différentes réorganisations de l'armée Outre-Loire mais je regarderai çà plus tard ; j'attaque la rédaction d'un article sur les batailles de début septembre (Chantonnay, attaques des camps sous Nantes, Pont de Cé...).

A suivre...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 23 Sep 2019, 15:49

Par Denis Bouttet (le 17 juillet 2019)

Le bataillon de Jemmapes

En tout premier lieu, la piste précédemment annoncée (sur la base du roman de Victor Hugo) mène à une impasse. En effet, il existe deux bourgs appelés Avrillé : l'un en Vendée (vers les Sables d'Olonne) l'autre en Mayenne. Si un bataillon de Paris a opéré c'est dans la zone d'Avrillé en Vendée, assez loin donc du fameux bataillon de Jemmapes qui lui opérait vers Angers.

Pour rappel, voici les principales références à ce bataillon repérées à mon niveau :

Etat de situation au 21 juin 1793 de la Division Duhoux.

Etat de situation au 02 août 1793.

28 juillet 1793 : le Représentant Philippeaux annonce au Comité de salut public que les bataillons de la Sarthe et de Jemmapes ont permis de reprendre Les Ponts-de-Cé.

Ordre du 11 septembre 1793 de Rossignol au général Duhoux d'envoyer à Doué le bataillon de Jemmapes et celui de Maine-et-Loire.

Rapport Benaben, pages 27 & 32.

Lettre du citoyen Charlery, commissaire du département auprès de l'armée, 17 septembre 1793 (où l'on apprend que le bataillon est commandé par le Lieutenant-colonel Isaac).

"Les héros de la Vendée", ou biographie des principaux chefs vendéens, p180 (bof).

"La Belgique sous domination française (1792-1795)", E. Cruyplants, tome 2, p512 et plus.

La nouvelle explorée a pour origine une citation de l'"Histoire de la révolution française" de A. Thiers (volume 1, livre 10, p232). Cela concerne la bataille de Jemmapes :

"Un certain ébranlement s'était manifesté dans tout le centre, et nos bataillons commençaient à tourbillonner sous le feu des batteries. Le duc de Chartres (futur Louis-Philippe) se jette au milieu des rangs, les rallie, forme autour de lui un bataillon qu'il appelle bataillon de Jemmapes, et le porte vigoureusement à l'ennemi. Le combat est ainsi rétabli, et Clerfayt, déjà pris en flanc, menacé de front, résiste néanmoins avec une fermeté héroïque."

Il s'est donc agi d'identifier parmi les bataillons présents à Jemmapes, ceux qui ont ensuite combattu en Vendée et auraient pu se faire connaître sous cette désignation.

De tous les bataillons de volontaires, je n'ai repéré que trois "candidats" :

-le 1er de Mayenne et Loire (Maine et Loire) mais à l'analyse des ordres de bataille, il est écarté.

-le 4ème des Ardennes mais ses effectifs ne correspondent pas.

-et enfin le 1er des deux-Sèvres. Ce dernier avait quasiment tout bon : il était dans une des brigades du centre à Jemmapes, ses effectifs semblent correspondre, il a fait partie de la garnison de Valenciennes réaffectée soit sous Lyon soit en Vendée mais il n'est arrivé à Angers qu'en janvier 1794, dommage.

Restait la piste dite de filiation indirecte, c'est-à-dire les bataillons en Vendée, formés à partir d'autres unités ayant participé à Jemmapes. Concernés alors les bataillons de la formation d'Orléans mais, là encore, l'analyse des ordres de bataille ne laisse pas entrevoir de possibilité. Fin de la piste.

La piste suivante est issue d'un retour aux sources avec notamment le rapport Benaben (p32) qui fait état de soldats belges et de deux noms de capitaines, et la lettre de Charlery qui identifie le nom du commandant.

La piste belge m'amène à consulter l'historique de tous les bataillons en recherche de nom d'officier. Et là, je retrouve un Issac au 1er bataillon de chasseurs de Jemmapes  (et un Fontaine aux 1er bataillon de chasseurs de Gand).

Le site de Sehri stipule que le bataillon est parti le 17 mai pour une destination inconnue et qu'il se retrouve en novembre à Péronne où les bataillons belges sont restructurés.

Malgré plusieurs incertitudes/incohérences (qui étaient en partie la cause du rejet antérieur), à ce stade, je considère que la destination de ce bataillon était la Vendée et qu'il a combattu au Pont de Cé le 17 septembre, qu'il a participé à la poursuite de la Virée de Galerne, avant de rejoindre, quelques jours plus tard, la Belgique, et intégrer le 5ème bataillon de tirailleurs belges qui rejoindra l'armée française.

Du coup, j'essaierai de lever les incohérences un peu plus tard...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 01 Oct 2019, 15:22

Denis Bouttet, le 29 juillet 2019

Désolé de m'obstiner avec ce sujet mais il me manquait une preuve quant à sa situation.

La source est le journal militaire de 1793, source disponible sur Gallica et que j'avais un peu négligée car pas très simple à utiliser. Elle recense au fil de l'eau les mouvements de troupes et les nouvelles réglementations. Bref, c'est un must pour faire de l'archéologie.

Page 300 :
"Les 2e bataillon de Saint-Amand, 31e de la Réserve, 2e du 72e régiment, 2e du 78e régiment, partent d'Alençon le 15 mai pour arriver à Tours.
Le 1er bataillon de Jemmapes, et le 1er bataillon de Saint-Amand, partent le 17 et 18 et arrivent les 23 et 24.


Si la destination n'est pas très claire dans le libellé, on peut supposer qu'il s'agit de Tours. D'ailleurs ces 2 bataillons se retrouvent dans les ordres de bataille de la division de Saumur à différentes périodes.

Le 1er bataillon de Saint Amand est un bataillon de volontaires nationaux du Nord formé le 8 septembre 1792. C'est donc en l'état une bonne unité.

A cette page, il est également intéressant de voir tous les autres mouvements d'unités dirigées vers la Vendée en mai.

Sur le site des archives de Vendée, perdu dans la correspondance, vous trouverez également cet ordre de bataille des troupes restées à Saumur et daté de mi septembre. Il est particulièrement intéressant car c'est un des plus tardifs que nous ayons avant Cholet.

Je ne l'ai pas recroisé avec les autres que nous avons (notamment pour la division Chalbos). On y retrouve des unités déjà bien connues. Mais le 8ème hussards n'est présent qu'avec sans doute un escadron.

Commentaire DM : était joint l'OB d'archives des "Troupes qui composent l'Armée à Saumur le 16 septembre 1793", et que je compilerai à l'intention du lectorat lorsque j'en trouverai le temps.

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à suivre...
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Re: Échanges sur les guerres de Vendée

Messagepar MANÉ Diégo sur 07 Oct 2019, 17:34

"Abondance de biens ne nuit pas" dit un proverbe, mais parfois on se perd au milieu de tant de choses, et on en oublie... Que je vous mets donc à contre-temps ci-après.

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Réponse DM au message précédent

Salut Denis,

Ne sois pas désolé, car dans ce domaine tu  n'étancheras jamais ma "soif".
Tu peux donc continuer à nous "abreuver" sans fin.

En outre, tu l'as vu, cela nourrit Planète Napoléon sous la forme du "feuilleton de l'été", qui, si j'en juge par le nombre de vues du post, est assidûment suivi par bien du monde.

Les OBs de la période sont rares, et je mettrai probablement "au propre" ceux que tu nous communiques. Si tu en trouves d'autres du même métal, je te rappelle en être friand.

Donc merci pour tout cela et "bonne continuation"

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Communication Denis Bouttet le 17 juillet 2019

Egalement voici le rapport de Thomas Baudry, agent de renseignement au service de la République. Au delà du fait que l'écriture est jolie, ce rapport est une source primaire, qui a du servir à bien d'autres travaux. Toutefois, il ne documente que les tous premiers mois de l'insurrection.

Commentaire DM : 10 pages d’une calligraphie superbe...

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Salut Diégo et merci pour ce prompt retour.
Tu verras, il n'y a pas beaucoup à lire ;)

Les OdB proviennent du site en ligne des archives départementales de Vendée qui a reçu une partie du fond du SHAT et qui les a numérisés. Sauf que ces deux-là sont bien cachés !

L'OdB du 21 juin est utile pour soutenir un éventuel article sur la bataille de Saumur.
L'autre a à priori un peu moins d'utilité concrète pour l'instant.

Je vais continuer à vous alimenter au fil de l'eau du fruit de mes recherches. Normalement je devrais me concentrer sur la période de début septembre avec en cible un article (mon tout premier!) sur les trois batailles quasi simultanées de l'offensive vendéenne : Chantonnay, Nantes et Pont de Cé.

A bientôt donc et n'hésitez à me faire part de vos interrogations, c'est une bone source de motivation.

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