1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar MANÉ Diégo sur 29 Mar 2014, 11:31

Au cours du décidément très fructueux colloque "Lyon 1814", la conférence de Ronald Zins sur la bataille de Limonest, comme certains passages de son ouvrage relatif "1814, La bataille de Limonest et la chute de Lyon", m'ont interpellé car remettant en question une tenace idée reçue sur la qualité exceptionnelle des troupes envoyées de Catalogne par le maréchal Suchet à l'Armée de Lyon où Augereau les utilisa si mal.

Alors j'ai étudié la question en me posant la suivante :

Des conscrits faisaient-ils ou non partie des unités d’infanterie envoyées par Suchet à l’Armée de Lyon en 1814 ?

et vous livre tels quels les éléments successifs qui en sont sortis qui, vous le verrez, évolueront au fur et à mesure de mes investigations.

Diégo Mané

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Larréguy de Civrieux dans ses souvenirs* avance des phrases donnant à penser qu’une très forte partie de son régiment «de Catalogne», le 116e de ligne, est composé de conscrits au lieu de vétérans.

«Souvenirs d’un cadet (1812-1823)», Paris, 1912.

p123. «A Perpignan, premier séjour sur la terre de France après notre rentrée d’Espagne, nos rangs furent peuplés de cent conscrits environ par compagnie... A Montpellier nos recrues furent habillées de neuf et armées... Je profitai de la désertion de plusieurs...» pour m’habiller de neuf...

Signifie qu’il y avait beaucoup de déserteurs... qui désertèrent avant d’être habillés de neuf, et donc pendant la marche entre Perpignan et Montpellier... et que sauf à profiter de la circonstance, les «anciens» devaient porter leur «tenue d’Espagne», et les «bleus» être vêtus et armés de neuf !

Nonobstant cela souligne aussi qu’il y avait des conscrits «en attente» à Perpignan, qui ne figuraient donc pas au dépôt de Montpellier. D’ailleurs le 116e n’a plus de conscrits portés à ce dépôt alors. Cependant c’est là que ceux restants après la marche sont habillés et armés nous dit Larréguy.
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p124. Le 19 mars à Limonest : «On mit autant d’ordre que possible dans nos rangs, embarrassés par nos conscrits inexpérimentés, nouveaux au métier des armes, transportés presque sans transition de leurs foyers sur le champ de bataille.»

p126. Parlant d’Augereau : «Nous l’aperçûmes à peine au cours de cette journée où il eût été si naturel qu’il inspectât ses nouvelles troupes, composées en masse de conscrits...»
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Comme tout cela ne s’invente pas, il faut donc convenir qu’au moins au bataillon de Larreguy de Civrieux existait la forte proportion de conscrits indiquée, et qui ne se conçoit que si ledit bataillon était réduit aux cadres destinés à recevoir ces conscrits, soit les fameux 120 hommes par bataillon envoyés par Suchet en décembre 1813.

Une patiente lecture s’est avérée inutile pour seulement savoir à quel bataillon appartenait Larréguy, très sibyllin quant’à son affectation.
On sait seulement qu’il appartint au «bataillon Bugeaud», avant de passer sergent-major d’ «une compagnie de grenadiers» qui devrait toutefois être la première du 116e puisqu’il dit être alors le plus ancien sergent-major.
Mais cette hypothèse détruit celle du bataillon de cadres, et celle qui dirait que les trois bataillons soient bâtis de la sorte ne tient pas debout.
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«Nous rencontrâmes au bivouac les débris du brave 13e cuirassiers, horriblement décimé la veille par l’ennemi dans les rues de Villefranche.»

Perplexe je suis. Certes Martinien cite deux officiers blessés à Villefranche le 18, mais il s’agit en fait de la bataille de Saint-Georges et Arnas... et il ne semble pas que le régiment y fut «horriblement décimé».
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Les 1er et 2e bataillons du 116e de Ligne, le régiment de Larréguy, sont donnés par Ducasse (et le SHD aussi d’ailleurs) pour 1500 hommes, et le 3e bataillon 750 hommes, total 2250 hommes, chiffres qui sont trop «ronds» et identiques aux trois bataillons pour n’être pas des estimations.

S’il y était rentré 1800 conscrits (cent par compagnie) cela voudrait dire que ce régiment était exsangue avant l’opération, or il est donné pour 1522 hommes, tous vétérans, en trois bataillons en novembre 1813 et n’a vécu aucune circonstance susceptible de l’avoir notablement réduit.

Il s’est donc augmenté de 50%, passant de 1500 hommes à 2250 hommes, et donc il a effectivement et probablement reçu des conscrits, mais dans la proportion d’un tiers et non des 5/6e suggérés par Larréguy... A moins qu’ils aient été «concentrés» dans le 3e bataillon, réduit à l’état de cadres avant l’amalgame, ce qui est possible et logique en l’occurrence.
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... à suivre...
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Re: 1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar THOMAS Didier sur 30 Mar 2014, 09:22

Bonjour,
encore un petit lien.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6465770f/f5.image

lecture interressante en soi qui devrait ravir plus d'un Lyonnais.
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Re: 1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar MANÉ Diégo sur 30 Mar 2014, 14:34

Merci Didier.

En effet, cet ouvrage est des plus intéressants et, chose pas toujours évidente, et de moins en moins au fur et à mesure que l'on s'éloigne des événements, honnête et ne cherchant pas à "réviser" l'Histoire.

Comme j'y ai lu des conclusions, bien qu'établies voici un siècle, très proches des miennes propres, et quelques éléments supplémentaires qui les confortent, je suis ravi de ce soutien inattendu à des thèses que je suis aujourd'hui bien seul à soutenir face aux auteurs contemporains, pour la plupart partisans du "on ne pouvait rien faire, l'ennemi était bien trop nombreux, etc...".

J'ajouterai donc désormais cette source à celles que je cite à l'appui de mes articles relatifs.

Voir à ce propos mon post dédié ici :

viewtopic.php?f=1&t=1249

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Re: 1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar MANÉ Diégo sur 03 Avr 2014, 22:35

Il devient intéressant de comparer les OBs de novembre en Espagne avec ceux de février-mars en France, l’augmentation relevant probablement de conscrits...

1ère division de Catalogne en février)/en Espagne en novembre)/différence.

I/II/1er léger 1293 /1214 / (+79 h)
I/II/16e de ligne 1228 / 1274 / (-46 h)
I/II/20e de ligne 1146 / 1046 / (+100 h)
I/II/67e de ligne 1203 / 1404 / (-101 h)
I/II/7e de ligne 1203 / 821 / (+382 h).
I/II/23e léger 1089 / 1070 / (+19 h)

Total en février : 7162 h en 12 bataillons, moyenne environ 600 h/bon.

«Toutes ces troupes étaient aussi belles que bonnes et animées du meilleur esprit» (Ducasse p149).

On constate aussi que l’effectif n’a que peu bougé, dans un sens comme dans l’autre et donc ici il est peu probable que des conscrits figurent en quantité. La différence conséquente mais isolée au 7e de ligne doit provenir d’un détachement absent de l’OB de novembre.
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2e division de Catalogne (mars) p232/en Espagne (novembre)

I/32e léger 900 / (?)
I/II/79e de Ligne 1800 / 1452 / (+348 h)
I/II/III/116e de ligne 2250 / 1522 / (+728 h)
I/II/102e de ligne 1700 / (?)
III/102e de ligne («pris à Nîmes» et probablement conscrit, lui) 651 h
I/II/115e de ligne 1800 / 2353 mais pour 3 bataillons en novembre

Total en mars : 9101 h/11 bataillons, moyenne 827 h. Si nous ne considérons que les troupes tirées d’Espagne, nous trouvons 5850 h/7 bataillons, moyenne 836 h/bon soit pratiquement le complet de 840 h, et comme les mêmes alignaient 4558 h en novembre, moyenne 650 h, soit l’effectif «normal» d’un bataillon sur le terrain tout au long des guerres de l’Empire après 1808, on doit admettre qu’ils auront reçu des renforts dans l’intervalle, soit conscrits, soit convalescents sortis des hôpitaux, soit les deux, avant que d’être dirigés sur Lyon. Plus de la moitié des bataillons de cette division sont alors donnés pour 900 hommes chacun, carrément en sureffectif et peuvent donc compter chacun 2 à 300 conscrits dans leurs rangs sans altérer pour autant leur valeur à ce stade... à ne pas dépasser !

«Cette division... était composée des meilleurs et des plus braves soldats qu’il fut possible de voir. Ces 20 ou 25000 hommes entre les mains d’un général de talent, énergique et animé de l’amour de la patrie, auraient battu une armée ennemie triple en nombre.»
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Re: 1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar MANÉ Diégo sur 07 Avr 2014, 16:44

Exploitation des Mémoires de Suchet T 2

2 octobre 1813. p342. D’après une correspondance ministérielle «il fallait peu compter sur le renfort prochain de conscrits...» pourtant promis pour début septembre (Pièces Justificatives, note n° 32).
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29 novembre 1813. Par suite, l’ordre de bataille, note n° 36), ne contient que des vétérans, pour 32588 sabres et baïonnettes... donc sans compter les artilleurs, gendarmes, etc...
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26 décembre 1813. p350-351 il est dit que «non seulement le maréchal ne put disposer promptement des conscrits annoncés... mais encore il vit ses effectifs diminués par le départ des Italiens, le désarmement des Allemands, plus 1000 gendarmes, et 800 hommes d’élite qui passèrent dans la garde.»

et surtout p351-352 «De plus, huit mille conscrits ayant été destinés pour l’armée, dans les dépôts de Perpignan, Narbonne, Montpellier, Nîmes, etc., chaque régiment dut envoyer cent vingt hommes formant le cadre d’un 6e bataillon, pour les recevoir, les armer, les habiller et les organiser en divisions de réserve. Mais les divisions de réserve ne rejoignirent point, et ne purent même jamais être formées; et ce fut encore plus de deux mille hommes d’élite, officiers ou sous-officiers, tous vétérans, dont les services furent perdus pour l’armée (voir note n° 37, datée 26 décembre 1813).

Si l’on considère l’OB de novembre 1813, nous avons 29301 fantassins en 50 bataillons. Après la «soustraction» des Italiens et Allemands il reste 26569 h en 46 bataillons, qui perdront encore 2280 h (les cadres des 19 régiments dont on retrouve les dépôts p373) et 778 h destinés à recruter la garde, laissant in fine 23511 h à ces 46 bataillons, moyenne 511 h.
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Si l’on adapte ces calculs aux seules unités de l’OB ayant gagné Lyon (car certaines n’y figurent pas) nous trouvons qu’elles alignaient :

1ère division, 4929 h/12 bons en décembre, et partirent à 7162 h au début février, comptant 7060 présents à Lyon le 16 février 1814 + 1072 h aux hôpitaux à la même date (SHD).

2ème division, 4877 h/8 bons en décembre et partirent à 5850 h en mars.
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10 janvier 1814. Suchet reçoit l’ordre de réunir sa cavalerie sur la frontière, dans le but de l’envoyer sur Lyon.
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14 janvier 1814. Clarke ordonne positivement le départ en poste pour Lyon de 8 à 10000 fantassins et des 2/3 de la cavalerie, plus un équipage de 80 pièces... Mais une tournure finale malheureuse de la lettre du ministre amène Suchet à différer le départ des troupes...
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1er février 1814. p356-357. On voit Suchet, resté sans instructions quant’au sort de Barcelone, finir par y laisser une garnison sous Habert, tandis que Harispe était appelé au pays Basque. Il perdit ainsi en même temps ses deux meilleurs généraux.
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4 février 1814. Note n° 39, p495 Suchet

Il reste 12971 h en deux divisions d’infanterie et une brigade de cavalerie.

«Je vais m’occuper de retirer de Montpellier le plus de conscrits que je pourrai...

«J’avais aspiré... à conduire à l’Empereur 40 bataillons aguerris. ... obliger d’en laisser 10 à Barcelone. J’en ai fait partir 12 pour Lyon...» (il en resterait alors donc 18)...

«Si les dix mille conscrits que vous m’annoncez arrivent...»
(Il ne les a donc pas !).
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13 février 1814. Les garnisons de Lérida, Méquinenza et Monzon, soit environ 2000 hommes, sont trompées par un traître et prises.
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18 février 1814. Suchet reçoit l’autorisation de ne conserver que les forts de Barcelone, ce qui lui permettrait d’en tirer 5000 hommes de plus, comme il l’avait demandé... mais il était alors trop tard car la place était investie.
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7 mars 1814. Le maréchal reçoit l’ordre d’encore envoyer une division de 10000 hommes à Lyon.

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8 mars 1814. p369. «Une colonne de neuf mille six cent soixante-un hommes fut réunie à Figuères et mise en route sous les ordres du général Beurmann.»

Il n’est alors plus question que le maréchal les accompagne.
Dommage, car il eut bien évidemment devancé sa troupe de quelques jours, et serait encore arrivé à temps pour tout sauver.
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8 mars 1814, mais probablement chiffres antérieurs. p372-373.

«Au moment où le maréchal Suchet fit partir sa seconde colonne en poste pour Lyon, il s’efforça de donner une impulsion vive à la levée, à l’armement et à l’habillement des conscrits qui, suivant les instructions du ministre, devaient s’organiser pour lui en divisions de réserve dans les départements du Gard et de l’Hérault. Les désertions furent considérables...

Voir tableau page 373 qui, curieusement, indique des effectifs, certes la plupart ni armés ni habillés, pour tous les régiments de l’armée sauf pour le 116e où la ligne correspondante reste vide. Faudrait il en conclure que seul ce régiment reçut des conscrits à son passage en marche sur Lyon ?

Le 1er léger qui n’a qu’1 unique soldat présent serait peut-être aussi dans le cas d’avoir reçu des conscrits à moins qu’ils n’aient été dirigés ailleurs.

Sinon tous les autres sont stipulés «ni armés ni habillés», sauf le 7e de ligne pour lequel sont indiqués 326 hommes non habillés, dont 206 armés.

Quoi qu’il en soit, il est précisé sous le tableau que :

«Ces 1648 hommes destinés pour les régiments de l’armée d’Aragon, et 4752 destinés pour ceux de l’armée de Catalogne, en tout 6400 conscrits, qui auraient fait un renfort utile au moment de former les garnisons des places du Roussillon (pas celles d’Espagne), non seulement ne rejoignirent pas, mais ne purent même jamais être mis en état de rejoindre.»

Autre question soulevée par ce tableau, qui ne parle que de conscrits, et ne mentionne pas les 120 vétérans envoyés par Suchet pour encadrer chacun des 19 régiments qui y sont portés. Où sont-ils ?
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J’ai peut-être trouvé une réponse partielle dans un document du SHD, donnant l’OB de l’Armée de Lyon au 15 février 1814 et portant sous le libellé «Division de Réserve de Nîmes», ou 4e division de l’armée de Réserve des Pyrénées. Les 6e bataillons des 20e, 60e, 67e, 79e et 115e de ligne, et celui du 23e léger y sont portés pour 4.201 h ayant rejoint Lyon le 18 février, avec 18 à 20 officiers chacun, provenant à coup sûr de Suchet.

Au 19 février sont encore à Nîmes les cadres des 18e léger, 5e, 102e et 143e de ligne, «restés en formation jusqu’au complètement à 600 h».

Les chiffres correspondent bien à environ 120 hommes par unité comme envoyés par Suchet.

Il paraît évident que la «division de Réserve de Nîmes», puisqu’elle fut dirigée sur Lyon ne pouvait pas l’être sur les Pyrénées et qu’il s’agissait dès lors, pour les conscrits restants, de contribuer à la formation de 7e bons, les 6e étant partis.

Si dans cet état il ne reste vraiment que des conscrits, c’est donc qu’au moins un bataillon (normalement le 6e) de chaque régiment serait déjà parti avant avec ses cadres vétérans, contribuant, pour la 3e division, celle de Montpellier, à fournir les garnisons requises pour les places du Roussillon.
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p543. 2 avril 1814, Suchet à guerre

«... La désertion des conscrits est effrayante; ainsi malgré mes soins pour constituer une petite armée, je ne pourrai y parvenir. J’ai eu beaucoup de peine à former la garnison de Figuères à mille neuf cents hommes. J’ai laissé un bataillon de ligne à Mont-Louis; je forme deux bataillons de conscrits aux dépôts des 143e et 115e pour le fonds de la garnison de Perpignan; ...»
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p383. Situation au 5 avril

Il reste au maréchal 10329 fantassins et 1088 cavaliers.

Sur ce nombre, dit le maréchal, il doit compléter la garnison de Figuères et garnir les sept places du Roussillon qui nécessitent 7200 h...
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p544. 6 avril 1814, Suchet à Soult

Parlant des places tenues en Espagne par l’armée de Suchet : «Les troupes que j’y ai laissées sont pour la moitié composées de conscrits, comme vous l’avez fait à Bayonne.»

Donc à supposer que les conscrits «antérieurs», soit autres que les 10000 promis, n’ont pas été incorporés aux unités «aguerries» (Soult fit pareil) mais utilisés à compléter les garnisons.

J’ai pu constater que Soult n’utilisa pas ses conscrits, qu’il laissa dans leurs «divisions de réserve», réduites à «faire nombre» pour l’une et comptant donc à la garnison de Bayonne pour l’autre.
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À suivre...

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Re: 1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar MANÉ Diégo sur 22 Avr 2014, 14:50

CONCLUSION (S)

Il est impossible, à partir des éléments dont j’ai disposé, de tirer définitivement au clair si les assertions de Larréguy de Civrieux concernent ou non d’autres régiments que le sien, pour lequel même il reste bien trop vague (nous ne savons pas de quel bataillon il relève, et cela change le raisonnement).

Pour le 116e de ligne, donc, l’assertion de la présence de nombreux conscrits est confortée par l’absence du moindre conscrit au dépôt de Montpellier début mars. On peut dès lors supposer, puisqu’il dit les avoir trouvés à Perpignan, que lesdits conscrits montaient en ligne avec leurs cadres, formant normalement le 6e bataillon, lorsqu’ils furent croisés par leur unité mère qui les absorba.

Quoi qu’il en soit, contrairement à tous ceux de la 4e division de Réserve (celle de Nîmes), on ne trouve à l’Armée de Lyon aucun 6e bataillon issu de la 3e division de Réserve (celle de Montpellier). Ils seront donc restés sur les Pyrénées, et si celui du 116e est bien celui croisé par Larréguy, il aura probablement été rebaptisé 3e bataillon puisqu’absorbé par les cadres de ce bataillon dont la troupe aura complété les deux autres à 750 hommes.

Les chiffres consultés permettent d’admettre que le 116e fut à ce moment composé pour un tiers de conscrits, proportion parfaitement assimilable par le régiment d’élite qu’il était, sans obérer sa capacité combative. Par exemples évocateurs, cette proportion de conscrits fut celle de la Grande Armée de 1805, celle d’Austerlitz, et celle du corps de Davout en 1812 !

Maintenant, en principe, on procédait à l’amalgame dans tous les bataillons du régiment. Le choix de conserver tous les conscrits dans un bataillon donné, hypothèse suggérée par Larréguy, est surprenant, car alors il est évident que ledit bataillon n’aura pas la valeur des autres, et de loin. Si c’est le cas ce bataillon ne mérite pas le chiffre 3, c’est résolument un 6 !

Dernier sujet d’étonnement. Les chiffres donnés par le SHD sont manifestement ceux donnés par Suchet au départ de la 2e colonne.

Ils sont présentés comme au départ de Figuères et donc logiquement sans conscrits. Si donc après il s’en joint en France ils seraient en plus, ce qui ne colle pas avec la présentation de Larréguy ni avec les effectifs connus. S’ils sont «compris» par anticipation car destinés à être «pris au passage» en France, et pourquoi pas, c’est le texte de Suchet qui pêche sur ce point.

Bref, les deux ne s’accordent pas, et dans le doute j’aurai tendance à croire le très précis maréchal plutôt que le très vague sergent-major...

Mais comptable à la ville je crois encore plus les chiffres qui, on l’a vu plus haut, s’accordent, eux, avec une proportion d’un tiers de conscrits au 116e de ligne, mais tous réunis dans son 3e (ou 6e ?) bataillon, les circonstances urgentes que l’on sait s’étant probablement opposées à ce que l’amalgame réalisé dans les autres régiments de la 2e division le soit aussi au 116e de ligne avant son engagement dans la bataille de Limonest.

... à suivre...

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Re: 1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar MANÉ Diégo sur 11 Mai 2014, 12:29

Ajout du 26/03/2014

Je viens de «percuter» sur plusieurs «détails» en réalisant spécialement un OB de l’Armée d’Aragon et de Catalogne au 1er février 1814, juste avant le départ de la 1ère division de Catalogne à destination de Lyon.

Le «3e» bataillon du 116e a fait partie de la 1ère colonne de la 2e division, alors que les 1er et 2e bataillons ont fait partie de la 2e colonne, encore précédés par les deux bataillons du 79e*. Cette colonne suivait la première à un jour de marche. Elles n’ont pu se trouver réunies que le 19 au soir, à la veille de la bataille de Limonest, voire le matin même du 20... et pas à Limonest d’ailleurs, mais à Tassin la Demi-Lune puisqu’elles font partie du commandement de Digeon ! Les dates ne collent pas plus que les lieux puisque Larréguy prétend retraiter de Lyon dans la nuit du 21 au 22 alors que la ville a été abandonnée par Augereau 24 heures plus tôt.

Cette séparation dans l’ordre de marche des deux premiers bataillons d’avec le 3e (conscrits) se retrouve dans la 3e colonne pour le 102e de ligne qui se voit séparé par le 115e de ligne pourtant dans la même colonne.

Résolument le 3e bataillon du 116e se compose de conscrits, comme le 3e du 102e. D’autres bataillons de la 2e colonne en comptent aussi, mais amalgamés et dans une proportion davantage «assimilable», sauf au 79e et au 115e où elle est de l’ordre du 1/3, comme au 116e, mais que l’on a choisi d’amalgamer dans les deux bataillons existants plutôt que d’en créer un troisième, alignant donc deux «gros» bataillons à 900 h dans chaque régiment plutôt que les trois bataillons à 600 h plus habituels. Peut-être cela s’explique-t-il par le manque de cadres disponibles pour encadrer ces conscrits comme au 116e ? Et pourtant Suchet les avait fournis pour les 6e bataillons, et s’ils sont là pourquoi ne pas répartir la troupe en trois bataillons plus maniables car, dans tous les cas, le tiers de conscrits fournit alors les 3e rangs et n’a rien d’autre à faire qu’à suivre les deux autres.

Je viens de vérifier ce point et probablement les 115e et 116e ont-ils leur 3e bataillon initial bloqué dans une des places de Catalogne, mais pas le 79e ! Et le 2 avril Suchet forme un bataillon de conscrits du 115e à Perpignan... Bref, trois régiments, trois situations différentes...

Le 79e (2) n’a pas de bataillon bloqué et amalgame ses conscrits dans ses deux bataillons.

Le 115e (3) a 1 bataillon bloqué, et amalgame ses conscrits dans ses 2 restants.

Le 116e (3) a 1 bataillon bloqué, mais crée un bataillon supplémentaire pour encadrer ses conscrits.

Quoiqu’il en soit, pour les troupes de la 2e colonne de Catalogne il convient de «moduler» la sentence initiale. Certes de qualité globale très correcte, ces bataillons à 900 hommes dont 1/3 de conscrits ne peuvent être aussi bons et surtout maniables que les bataillons de 600 vétérans purs qui eux sont vraiment l’élite absolue tant vantée. Nonobstant cela ne modifie pas les raisonnements antérieurs quant’à l’incompétence du commandement et aux chances de succès si les troupes avaient été correctement utilisées.

... à suivre ...
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Re: 1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar MANÉ Diégo sur 16 Mai 2014, 21:36

Ayant trouvé de nouveaux éléments chiffrés en réalisant de nouveaux OBs je préfère reprendre le raisonnement avec plutôt que de corriger l’antérieur.

Je dispose désormais des effectifs des unités au 1er février 1814, soit quatre jours avant le départ des premières unités de la première division de renforts à destination de Lyon aux effectifs indiqués par le 2e chiffre.
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Première division de renforts de Catalogne (arrivées à Lyon du 10 au 13)

I/II/1er léger, 1263 h/1293 h partis le 4 février (+30 h)/1306 h le 16.


I/II/16e de ligne, 1089 h/1228 h partis le 5 février (+139 h)/1208 h le 16.

I/II/20e de ligne, 1074 h/1146 h partis le 5 février (+72 h)/1121 h le 16.


I/II/67e de ligne, 1057 h/1203 h partis le 6 février (+146 h)/1198 h le 16.


I/II/7e de ligne, 1275 h/1203 h partis le 7 février (+28 h)/1190 h le 16.

I/II/23e léger, 862 h/1089 h partis le 7 février (+227 h)/1037 h le 16.

Ce dernier régiment, le plus faible de tous, n’apparaît pas sur les OBs au 16 décembre 1813, probablement parti se «rafraîchir», mais n’alignait déjà que 898 h le 1er décembre 1813. Les 862 h ci-dessus sont donc cohérents, qui prouvent qu’il n’aura pas été renforcé dans l’intervalle.

On peut conclure des chiffres ci-dessus qu’il s’agit d’une division de vétérans, la faiblesse relative des apports, éventuellement de conscrits, avant le départ n’étant pas susceptible de modifier sa spécificité d’élite.
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Re: 1814, les conscrits de Suchet à l'Armée de Lyon

Messagepar MANÉ Diégo sur 23 Mai 2014, 19:20

Deuxième division de renforts de Catalogne (arrivées à Lyon du 18 au 20 mars 1814).

1er chiffre = 1er février/2e chiffre au départ (variation). Les départs commencent le 8 mars. Arrivées à Perpignan les 11, 12 et 13 mars, et arrivées à Lyon les 18, 19 et 20 mars aux soirs.

I/32e léger. Aucune mention avant le départ/900 h ensuite, dont seulement 15 officiers. S’agissant du Ier (et unique ici) bataillon du régiment je lui admet une base de vétérans. Toutefois l’effectif de 900 h suppose la présence de conscrits, d’autant que 396 h dont 10 officiers du régiment étaient encore bloqués à Gerone et Figuères le 15 janvier. Il ne peut guère y avoir «dehors» que deux ou trois compagnies, peut-être les deux d’élite et donc en l’occurrence nous trouvons une configuration identique à celles plus bas avec 600 conscrits incorporés, mais dans un seul bataillon au lieu de deux pour les autres régiments, qui conduit ici à le considérer conscrits au moins pour les quatre compagnies du centre.

III/116e de ligne (conscrits)/750 h (+750 h). Voir I et II plus bas.
On peut hasarder que 150 vétérans encadrent ici 600 conscrits.


I/II/79e de ligne, 1129 h/1800 h (+671 h), amalgame 2 vétérans pour 1 conscrit.
On peut évaluer la présence dans ce régiment de 600 conscrits, amalgamés dans les vétérans des Ier et IIe bataillons dont ils formeront les 3e rangs.

I/II/116e de ligne, 1671 h/1500 h (-171 h), restés purs vétérans d’élite.
Le «déficit» s’explique par l’envoi de vétérans pour encadrer les conscrits du nouveau IIIe bataillon plus haut. Choix non partagé par les autres unités.


I/II/102e de ligne, 1211 h/1700 h (+489 h) amalgame 2 vétérans pour 1 conscrit.
On peut envisager ici l’incorporation de 500 ou 600 conscrits, amalgamés dans les vétérans des Ier et IIe bataillons dont ils formeront les 3e rangs.

I/II/115e de ligne, 1255 h/1800 h (+545 h), amalgame 2 vétérans pour 1 conscrit.
On peut envisager ici l’incorporation de 500 ou 600 conscrits, amalgamés dans les vétérans des Ier et IIe bataillons dont ils formeront les 3e rangs.

III/102e de ligne (conscrits)/651 h pris à Nîmes (+651 h) tous conscrits.

Tout ce que dessus amène à modifier les raisonnement antérieurs quant’à ces troupes, jusqu’à présents considérées comme en totalité composées de vétérans d’élite, comme ce fut le cas de la première division de Catalogne.

Pour la deuxième division de Catalogne il convient de distinguer au moins trois catégories.

Les unités composées de vétérans, sans conscrits = «élite».
Soit les I/II/116e de ligne = 1500 h + 2 cies du I/32e léger, = 1700 h.

Les unités composées pour un tiers environ de conscrits = «ligne».
Soit les I/II/79e de ligne, I/II/102e, I/II/115e = 5300 h.

Les unités composées de 2/3 ou plus de conscrits = «conscrits».
Soit les I/32e léger*, III/116e et III/102e de ligne = 2101 h*.
dont déduites deux «vraies» compagnies d’élite (-200 h).

Nous avons donc pour cette deuxième division, alignant 9101 fantassins :

1700 hommes ou 19 % d’élite

5300 hommes ou 58 % de ligne

2101 hommes ou 23 % de conscrits
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Cela change les proportions de l’armée à Limonest le 20 mars 1814, et pour la potentielle défense de Lyon le 21 mars, que je vais retravailler.
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Nonobstant, je le redis, cela ne modifie pas les raisonnements antérieurs quant’à l’incompétence du commandement et aux chances manifestes de succès si les troupes avaient été correctement utilisées.

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