1814, ils ont (aussi) traversé le Rhin

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1814, ils ont (aussi) traversé le Rhin

Messagepar MANÉ Diégo sur 01 Jan 2014, 22:19

Cette fois çà-y-est... pouvait-on chanter voici deux siècles, en janvier 1814

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Ils ont (aussi) traversé le Rhin

Avec Monsieur de Pahlen

Au son des fifres et tambourins

Ils ont (aussi) traversé le Rhin


Lon lon la, laissez-les passer

les Alliés sont dans la Lorraine

Lon lon la, laissez-les passer

Ils ont eu du mal assez

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A part la dernière ligne, où l’on peut ne pas être d’accord, force est de constater, début 1814, qu’effectivement les Alliés sont dans la Lorraine, car ils ont (aussi) traversé le Rhin, lon lon la, etcétéra ("etc" écrit en entier pour la rime visuelle).

Dans la nuit du 20 au 21 décembre 1813, les éléments de tête de l’Armée de Bohême, qui totalise plus de 200.000 h sous Schwarzenberg, ont franchi le Rhin à Bâle, en Suisse, «violant» sa neutralité, a-t-on dit. Mais la Suisse, relevant du «protectorat» français, n’était-elle pas de bonne prise dès lors que son «protecteur» (un des titres officiels de Napoléon) était défaillant... comme ce fut le cas du Hanovre, sur lequel le Premier Consul Bonaparte mit la main en 1803, son «propriétaire» légitime, le prince Régent d’Angleterre qui lui avait déclaré la guerre, ne pouvant s’y opposer.

Le 22 décembre 1813, passa le Ve corps austro-bavarois de de Wrède, 40.000 h en cinq divisions sont deux autrichiennes sous Frimont.

Le 30 décembre 1813, le corps des Cosaques de Platov, 4 à 5.000 h.

Le 31 décembre 1813, à Märkt, 14.000 h du IVe corps, wurtembergeois, du prince royal Wilhelm von Wurtemberg.

Le 31 décembre 1813 Blücher, à la tête de 76.000 h de l’Armée de Silésie, franchissait le fleuve entre Mayence et Coblence (Corps prussien de Yorck, suivi le lendemain du corps russe de Langeron, tandis que le corps russe de Sacken passe entre Mayence et Manheim.

Image

L'illustration ci-dessus nous montre Blücher à la Saint-Sylvestre 1813, encourageant par sa présence les fantassins de Yorck, défilant devant lui aux cris de "Nach Paris" qui allaient devenir une habitude prussienne.

Le corps prussien de Kleist ne passera que le 24 janvier à Coblence avec 15.000 h supplémentaires).

Le 1er Janvier à Fort Louis, en aval de Strasbourg, le VIe corps, russe, de Wittgenstein, 20.000 h.

Du côté opposé Ney était à Nancy avec 5.000 fantassins (de la jeune Garde), Marmont se dirigeait sur Metz avec 14.000 h (VIe CA, 1er CC), Macdonald se repliait de Belgique à la tête de 9.000 h (Ve et XIe CA, 2e et 3e CC), ainsi que Mortier, dirigé de Namur sur Langres via Reims avec 12.000 h (Garde Impériale), tandis que Victor évoluait vers Strasbourg avec 15.000 h (IIe CA, 5e CC, Gardes d’Honneur). En tout 55.000 h... contre plus de 270.000 !

Entre Blücher et le gros de Schwarzenberg (Russes, Autrichiens et Réserves russo-prussiennes), soit en face des Vosges et de ses défilés faciles à défendre, s’avançaient les IVe et Ve corps ci-dessus, et les Cosaques de Platov, soit près de 60.000 h opposés aux 15.000 h dont disposait Victor.

Mais, compte tenu du terrain, que le maréchal fasse seulement le minimum militairement correct, et ces corps alliés ne passeront pas où perdront un mois et beaucoup de monde à le faire. Mois dont Napoléon avait absolument besoin pour être en mesure.

Mais (bis) la campagne de 1814 commencera comme avait fini celle de 1813, par des erreurs crasses des lieutenants de l’Empereur. Elles l’obligeront à entrer en ligne de sa personne un mois avant la date escomptée, celle où il aurait pu aligner suffisamment de troupes en bon état contre un ennemi entre-temps diminué et fatigué. Ce fut donc tout le contraire qui arriva.

Au local du problème central des Vosges il s’avère que dès qu’il se vit débordé Milhaud, qui commandait le 5e CC, pourtant un brave entre les braves, se replia d’une traite des bords du Rhin jusqu’au-delà des Vosges, sans tenter de ralentir l’ennemi ni avoir été poursuivi le moins du monde.

Cela suffit à décider Victor à faire de même, sans essayer de défendre aucun des défilés des Vosges, «les Thermopyles de la France». Quelques braves habitants s’y essaieront et, après d’éphémères mais bien réels succès remportés à un contre dix contre Cosaques et fantassins bavarois, y perdront la vie, alors qu’un unique bataillon de ligne les eut rendus inexpugnables. On pense aussi à l’héroïque résistance du petit corps du Jura sous Lecourbe en 1815, qui montre bien que la chose était possible dans les Vosges en 1814.

Mais Lecourbe était encore Républicain et patriote, alors que Victor, s’il était encore Maréchal d’Empire, n’était plus, mais l’avait-il seulement jamais été, l’homme de la situation. Indécis, indolent même, il ne prit aucune de ces décisions énergiques que l’on attend d’un général en chef. Pire, son autorité, lorsqu’elle s’exerça, le fit de manière contre-productive, en annulant ou empêchant les bonnes dispositions de ses excellents subordonnés (Grouchy, Duhesme, Piré).

Au résultat, et malgré l’extrême circonspection, pour ne pas dire crainte, doublée de fort mauvaises dispositions d’ensemble, des mouvements des Alliés, ces derniers, par suite de l’absence totale de résistance organisée, firent rapidement sauter (ce qui aurait du être) le verrou des Vosges.

Entre-temps et à l’imitation, les voisins de Victor avaient reculé sans plus de résistance non plus. Il est désolant de voir, à travers leurs courriers, ces trois maréchaux se rejeter mutuellement la faute. Il est plus curieux encore de lire Victor dénonçant le défaut d’ensemble bien réel des trois forces avant d’ajouter que seul un commandant en chef unique pouvait y remédier et de se poser en recours relatif sauf à démissionner si on ne le nommait pas au poste. A voir ce qu’il n’avait pu faire «tout seul dans son coin» on peut douter de sa capacité à commander un secteur bien plus étendu.

Quoi qu’il en soit, et en attendant pire, la Suisse était perdue, l’Alsace et la Lorraine, la Franche-Comté, la Bourgogne, Lyon même, étaient menacées...

Ni plus ni moins que comme d'habitude dans le registre, la présence de Napoléon s'avérait indispensable... d'urgence ! Et tant pis s'il arrivait seul, sans l'armée de réserve que l'impéritie de ses lieutenants lui avait ôté le temps de lever.

Certes, il avait dit un jour "cinquante mille hommes et moi cela fait cent mille", et sans doute la campagne de France de 1814 le vérifiera plusieurs fois, mais cela restera hélas insuffisant.

Nonobstant, ladite campagne est une des plus belles, non seulement de l'Empereur mais carrément de toutes les anales militaires de l'histoire du monde, et c'est ici, en France, que cela s'est passé voici juste deux-cents ans, de Janvier à Mars 1814.

Les trois mois qui viennent sont le moment ou jamais de s'en re-souvenir.

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Re: 1814, ils ont (aussi) traversé le Rhin

Messagepar FONTANEL Patrick sur 01 Jan 2014, 22:31

Cela met l'eau à la bouche... vite,la suite !
La force d'une armée, comme la quantité de mouvement en mécanique, s'évalue par la masse multipliée par la vitesse.
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