Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar BOUTTET Denis sur 14 Sep 2012, 12:23

Edité par Diégo Mané le 30/11/2012

Cette série de messages répond à une question relative de Denis Bouttet, débattue dans l'espace vétérans de la rubrique "Les Trois Couleurs", où ils comprennent des déclinaisons ludiques relatives.

Mais le plus gros des démonstrations qui suivent sont de nature historique et j'ai donc souhaité les déposer aussi dans ce forum où elles seront plus à même d'êtres lues par des amateurs non joueurs.

Il y est entre autres disserté sur les combats de Sahagun (1808) et La Chaussée (1814).

Dont'acte. Je redonne la parole à Denis Bouttet...

Un grand bonjour,

J'ai en mémoire le récit de deux combats qui mirent en oeuvre avec succès une telle manoeuvre. Vous m'excuserez mais je vais rester flou sur le nom des combats car je dois prendre le temps de les retrouver. Je suis certain qu'il y a plein d'exemples autres.
Le premier se déroule pendant la campagne de France de 1814. Un escadron de cavalerie lourde (cuirassier je crois) défend l'entrée d'un pont contre de la cavalerie russe chargeant. J'ai même en tête une illustration.
Le second se déroule pendant la campage d'Espagne en 1811 ou 1812. La cavalerie anglaise vient de repousser des escadrons de dragons, un escadron du (27ème dragon ?) gardé en réserve adopte cette formation, arrête la charge adverse et les repousse l'épée dans les reins causant de lourdes pertes.

Mon intuition me dit qu'il s'agit là d'une manoeuvre réglementaire de la cavalerie lourde (française) : les cavaliers sont en ordre serré, bottes contre bottes, sabres pointant l'ennemi (plus facile quand le sabre est droit). Il s'agit clairement d'une manoeuvre défensive, similaire au carré pour l'infanterie : face à un mur de pointes, l'adversaire est obligé de rompre les rangs et donc de casser l'allure au risque de se faire charger à son tour.

Sans doute Diégo pourra t-il apporter quelques éclaircissements ?
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar MANÉ Diégo sur 14 Sep 2012, 13:18

Alors éclaircissements je ne sais pas (quoique), mais sauf à disposer desdits exemples complets, tenants et aboutissants compris, et ce pour les démolir car ils le valent bien, j'arguerai qu'il doit s'agir d'exceptions, or les exceptions, vous le savez, confirment les règles...

Et donc L3C répond parfaitement bien en "punissant" presque systématiquement (sauf exception, donc, justement) ce genre d'agissements "contre nature". Je suis même bien convaincu d'avoir vu quantité d'exemples, soit bien plus que un ou deux, d'unités à l'arrêt culbutées par des agresseurs en mouvement.

Le comportement (et non sa réussite ou échec éventuels) peut se fonder sur la prétention; certitude que l'ennemi (Cosaques ?) n'osera pas venir au contact, où sur l'idée que quelques balles et/ou un obstacle (que l'on ne veut pas franchir soi-même) suffiront à l'arrêter...

C'est donc là affaire de jugement, et si l'on se trompe on le paie cash (voir Sahagun et -pour certains- mourir !).

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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar BOUTTET Denis sur 18 Sep 2012, 13:53

Aïe aïe aïe, il y a du défi :? :wink: :mrgreen:
Mémoire électronique aidant, la première référence à une telle manoeuvre est le combat de Pombal, le 11 mars 1811

René Delagrave - "La cavalerie anglaise se déployait avec une certaine audace, et semblait vouloir provoquer un combat. Le General Montbrun s'avanca fièrement pour l'accepter. Les Anglais avaient des chevaux plus frais que les notres, et ils semblaient s'en prévaloir. Mais nos gens avaient pour eux le vrai courage et le sang-froid. Quelques escadrons de dragons, les plus avances, en voyant qu'on les chargeait au grand galop, s'arrêtèrent et pousserent le sabre en avant, et dans cette position reçurent de pied ferme l'ennemi. Cette manoeuvre eut un plein succès. L'ennemi fut rompu, désuni, il eut beaucoup d'hommes et de chevaux tant tués que blessés. Ensuite les notres, dont pas un n'avait été touche, tirant un prompt parti de leur bon ordre, et du désordre des Anglais, chargèrent à leur tour, et eurent en quelques minutes bon marché de cette troupe, qui avait d'abord montré tant d'audace."

C'est beau comme du Hugo :mrgreen:
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 23 Sep 2012, 06:58

Bonjour,

Ce type de réaction qui date de l'apparition des armes à feu dans la cavalerie, a commencé à diminuer avec Turenne en France, Frédéric II en Prusse, mais a perduré car les troupes pensaient faire un feu d'arrêt :lol: ou faire peur. L'espace entre cavalier était genou contre genou et non étrier contre étrier ! Cela ne laissait donc que peu d'espace pour les chevaux non dresses à charger les foules !


Au début des guerres de la Révolution, il y a encore des exemples nombreux mais très vite les nouvelles formes de guerres des Français changent les principes notamment pour les cavaleries lourdes. Ce n'est donc plus qu'exceptionnellement que cela se pratiquera.
Image
A plusieurs, le jeu c'est mieux ;)
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar DAVID Gilles sur 25 Sep 2012, 11:44

A l'inverse, le 21 décembre 1809, le 10ème Hussard de Paget charge deux régiments de dragons français qui attendent de pied ferme, dans les brumes matinales, à Sahagun. :oops: La victoire est anglaise. Les deux régiments de dragons ont été mis en déroute.
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar BOUTTET Denis sur 27 Sep 2012, 19:15

Bonjour,

L'autre exemple en tête est le combat de La Chaussée, le 03 février 1814. Bon, c'est une gravure de Knötel présentant des cuirassiers à l'arrêt face à des hussards prussiens déchaînés. Il faudrait que je trouve le temps de publier la photo.
Je n'ai pas trop trouvé de récit de ce combat hormis le fait que la brigade de cavalerie du général Dommanget (2e corps) et la brigade de cuirassiers du général Thiry (corps de Macdonald) sont attaquées à la Chaussée-sur-Marne par la cavalerie du général York qui a tourné Aulnay. Au cours de l'engagement, les Français, chargés par 22 escadrons prussiens perdent une centaine d'hommes et trois canons.

@+
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar MANÉ Diégo sur 27 Sep 2012, 23:58

Bon je vais m'aérer un peu l'esprit lourd de Russie en chevauchant avec vous parmi vos exemples.

Mais auparavant une mise au point car j'ai lu plus haut que : "dans L3C ce n'est pas possible" ou "avec L3C la réussite d'une telle manoeuvre est illusoire". Qu'il soit donc bien clair que ces assertions n'ont nul besoin d'être précédées par "dans L3C" ou "avec L3C" puisqu'elles sont exactes telles quelles, je l'ai déjà dit plus haut. L3C ne fait donc que rendre la réalité, rien que la réalité, mais toute la réalité !

Parlons du combat de Sahagun du 23 décembre 1808, dont je vous livre l'extrait significatif présent dans mon L3C 15 "L'Aigle et le Léopard", page 5.

"Entretemps la cavalerie de Paget était à 16 km de Sahagun, ignorant que des Français s'y trouvent, jusqu'à ce que des paysans viennent les en informer dans le détail de leurs présence et dispositions.

Le général anglais ne laisse pas passer l'occasion et part incontinent, de nuit, avec les 10e et 15e Hussards avec lesquels il surprend, à l'aube du 21 décembre 1808, les 500 hommes de la brigade Debelle, formée des 160 hommes du 1er Chasseurs Provisoire et de 340 hommes du 8e Dragons. Avisés par les survivants de leur grand-garde, les deux régiments parviennent à sortir de Sahagun et à se déployer hors de la ville. Les Chasseurs Provisoires, ayant sur leur front des vignes, pensent pouvoir tenir de pied ferme et pointent leurs carabines contre les 500 hussards du 15e.

Certes gênés, ces derniers n'en passent pas moins à travers les ceps... et à travers les balles dispensées par des carabines pas très assurées... avant de percuter les pauvres Chasseurs et de les rejeter en désordre sur les Dragons qui se formaient derrière eux. Là le combat est plus rude, mais le général Debelle est renversé de sa monture et ses cavaliers rompent le combat à grand peine en se faisant jour vers Saldaña au prix d'une dizaine de tués et de 157 blessés et prisonniers, dont les deux-tiers parmi les Chasseurs. Le 15e Hussards britanniques perdit une trentaine d'hommes et le 1Oe, ralenti par sa traversée de Sahagun, ne trouva pas à s'engager."

Image

Le détail ci-dessus, extrait d'une composition de Christa Hook, illustre bien le côté "jeu de quilles" évoqué plus bas. Il y manque cependant la présence "décisive" des Chasseurs provisoires en déroute qui mirent les Dragons trop près en désordre juste avant l'arrivée des Hussards les poussant.


Voici en outre, toujours tirées d'L3C 15 "L'Aigle et le Léopard", quelques constatations du médecin anglais Adam Neale qui soigna les prisonniers français :

"...j'ai visité aujourd'hui nos prisonniers ; comme tous ceux dont je vous ai parlé, ce sont de beaux jeunes gens pris parmi les différentes nations soumises à la France... leurs chevaux sont généralement chétifs, beaucoup plus petits et plus maigres que les nôtres, et, comme vous le croirez facilement, en très mauvais état ; près d'un tiers de ces chevaux sont blessés sous la selle. Telle est la supériorité de force et d'ardeur de nos chevaux qu'ils enfonçaient et renversaient ceux de l'ennemi, comme une boule abat un jeu de quilles. ...

... D'un autre côté, un grand nombre de Français sont dans une situation déplorable par l'effet de la température. J'ai été obligé de faire couper les bottes de plusieurs soldats qui n'avaient pu les ôter depuis huit jours et dont les pieds étaient dans un état de putréfaction absolue.

"Monsieur le Médecin, nous mourrons ici comme des mouches", me disait dernièrement un de ces pauvres misérables, conscrit depuis six mois, ..."

Nous avons donc des conscrits étrangers de 6 mois, malades à en mourir "comme des mouches", montés sur des chevaux chétifs et blessés, ne sachant ni hommes ni bêtes ce qu'ils font là ni comment le faire. Ajoutons par hypothèse probable des officiers incompétents et doutant (on le ferait à moins) de leurs hommes, et nous aurons un tableau mourant (j'allais dire vivant !) de cette unité de Chasseurs Provisoires que l'on trouva intelligent de déployer devant des vignes dont on devait savoir qu'elles étaient là puisqu'on y bivouaquait. De cet instant, comme il est impossible de charger à travers les vignes, il ne restait plus que l'option de tirer sur les Anglais qui eux ne le savaient pas et donc ont chargé quand même.

Bref des "fous" bien portants et bien entraînés montés sur des chevaux géants lancés au galop contre les malheureux décrits plus haut, je crois que la cause était entendue dès avant le premier et dernier coup de carabine de chacune des victimes. La faiblesse des pertes britanniques parle d'elle-même.

2e phase. Les Dragons, pas encore formés donc, sont mis en désordre par les Chasseurs en déroute, et successivement percutés délibérément par les cavaliers britanniques arrivant à fond de train et qui les bousculent "comme des boules renversent des quilles". Le général Debelle est jeté au sol de la sorte. Et les fuyards ont eu bien raison de fuir avant l'arrivée de l'autre régiment ennemi, sans quoi après un si mauvais début ils allaient encore plus mal finir.

Alors, outre tous les enseignements si particuliers ci-dessus qui montrent que l'on peut difficilement réduire une situation de guerre à quelques principes, je souligne un point relatif au sujet du post.

Dans cet exemple la cavalerie "recevant de pied ferme" ne l'a pas fait par choix mais par obligation. Elle ne pouvait pas charger ayant été déployée devant un obstacle... ni même fuir ce combat perdu d'avance, étant "resserrée" sur sa fausse position par les Dragons qui la suivaient. C'est d'ailleurs ce dernier point qui explique qu'ils aient subi de si lourdes pertes, avec aussi la faiblesse de leurs chevaux qui, pour ceux qui tenaient encore debout, n'avaient aucune chance de distancer leurs poursuivants.

D'un autre côté, n'y aurait-il pas eu d'obstacle et les Chasseurs, si tant est qu'ils en aient eu la force morale, ayant chargé, il est probable, eu égard aux éléments qui précèdent, qu'ils auraient été encore plus maltraités puisque les Anglais n'étant ni gênés ni ralentis auraient de suite exprimé tout leur nombre et leur force d'impact.

Voilà déjà de quoi réfléchir, mais avec tous les éléments en mains, en attendant un autre exemple que je vous démonterai la prochaine fois, car il est très intéressant, le combat de La Chaussée !

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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar BOUTTET Denis sur 29 Sep 2012, 08:22

Çà c'est du commentaire par l'exemple, j'adore.
Merci Diego
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar BOUTTET Denis sur 02 Oct 2012, 09:45

Je vous conseille cet excellent lien
http://rha.revues.org/index533.html

On y trouve notamment les commentaires suivants :
"...Thiébault est tout aussi catégorique : « La cavalerie a deux manières de combattre, en chargeant et de pied ferme. Cette dernière lui ôte une si grande masse de ses avantages qu’elle ne doit être adoptée que par l’effet d’une véritable nécessité (…). Observons cependant que, lorsqu’elle sera réduite à cette manière de combattre, la cavalerie devra faire précéder l’emploi du sabre par celui de ses armes à feu, afin de compenser, autant que possible, l’inconvénient de l’immobilité. ».."

"...Les cavaliers quittent leur position de départ au trot, prennent le petit galop à deux cents pas de l’ennemi et le galop de charge à quatre-vingts pas, à la sonnerie de trompette. Mais l’effet de masse (la progression « botte à botte ») compte davantage que la vitesse pour briser les rangs adverses. Dans certains terrains défoncés ou encombrés d’obstacles, la cavalerie progresse au trot (on verra même des unités charger quasiment au pas dans la tempête de neige d’Eylau). À Marengo, la grosse cavalerie de Kellermann prend le galop à soixante mètres seulement des dragons autrichiens. À Altafulla, Curély fait sonner la charge à cinquante mètres de la cavalerie espagnole. À Zehdenick, Lassalle charge à dix mètres. Les cavaliers peuvent également se contenter d’attendre l’ennemi. Lors de la retraite du Portugal, Sainte-Croix demeure immobile avec ses dragons, sabre pointé en avant puis contre-attaque après le choc. Bref, en matière de combat à cheval, la compacité apparaît préférable au mouvement. Ardant du Picq résume ces observations en quelques lignes : « La cohésion et l’ensemble faisant la force de la charge, on s’explique, l’alignement étant impossible à une allure vive où les plus vites dépassent les autres, comment il ne faut lâcher la bride que lorsque l’effet moral est produit et qu’il s’agit de le compléter en tombant sur l’ennemi déjà en désordre, en train de tourner le dos, etc. Ainsi chargeaient les cuirassiers : au trot (…). Jomini parle de charges au trot contre cavalerie lancée au galop et cite Lasalle qui en agissait souvent ainsi et qui, voyant cavalerie accourir au galop, s’écriait : “Voilà des gens perdus.” Jomini fait de cela affaire de choc : le trot permet l’union, la compacité que le galop désunit. Tout cela peut être vrai ; mais affaire d’effet moral avant tout. Une troupe lancée au galop qui voit arriver à son encontre un escadron bien serré, au trot, est étonnée d’abord d’un aplomb semblable ; par l’impulsion matérielle supérieure du galop, elle va la culbuter ; mais point d’intervalles, point de trous par où passer en perçant. »..."

Ce qui est vrai pour les français doit l'être également pour d'autres nations ?
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar MASSON Bruno sur 06 Oct 2012, 06:31

BOUTTET Denis a écrit:"Lors de la retraite du Portugal, Sainte-Croix demeure immobile avec ses dragons, sabre pointé en avant puis contre-attaque après le choc. "


Il est pas déjà mort devant les lignes de Torres Vedras, lui ? Ou alors on ne parle pas de la même retraite du Portugal (1811).

De plus, "contre-attaquer après le choc" me semble être plutôt une attitude d'escrime (riposte après parade) et donc un acte individuel qu'une action de corps constitué; si tu attends le choc, il n'y a plus lieu de contre-attaquer, vu que tu es au contact (ou par terre!).

Ou alors tu attaques la 2e ligne après avoir pris la première dans les dents ?
Autre raison pour des dragons français au Portugal en 1811 de ne pas contre-charger, leurs chevaux sont incapables de s'élancer après une si longue période de manque de fourrages... ou de s'élancer sans perdre toute cohésion du fait de la présence dans les rangs de chevaux à peine capables de se tenir debout (au milieu d'autres en meilleur état).

On en revient au niveau de Sahagun, à l'arrêt et formés vaut mieux qu'en désordre et en avance lente; ce qui est rendu par la règle !
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar BOUTTET Denis sur 09 Oct 2012, 09:17

Quelle science Bruno !
Effectivement Charles d'Escorches de Sainte-Croix, protégé de Masséna, est mort le 11 octobre 1810 devant les lignes de Torres Vedras à 28 ans.
Avec un nom comme Sainte-Croix, il ne pouvait que mourir dans d'atroces souffrances et ressusciter dans la gloire :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar MANÉ Diégo sur 11 Oct 2012, 13:18

Considérations tactiques sur le combat de La Chaussée, le 3 février 1814
(par Diégo Mané, Lyon, Octobre 2012)

Qu’avons nous donc en ce début février 1814 où les «armées» françaises, en fait de vagues conglomérats de débris de régiments, reculent depuis décembre que les Alliés ont franchi le Rhin, et même, véritable coup d’assommoir, vaincu l’Empereur en personne à La Rothière le premier du mois... Certes on ne l’a pas dit aux soldats, mais les chefs, déjà démoralisés avant, le savent ou s’en doutent.

Nous avons à la gauche du dispositif impérial, et pas concernée par la défaite susdite, «l’armée de Macdonald», forte de quatre corps, deux d’infanterie et deux de cavalerie, mais ne présentant guère ensemble que 5.000 combattants hétéroclites. Nous y reviendrons.

Le commandement est donc «assuré» par une brochette de grands noms dont l’énumération à elle seule explique les revers à venir : Macdonald, le maréchal «invainqueur» (j’invente le terme), son "délégué" Sébastiani, "le général surprise"... qui sera encore surpris, ce qui à force n'est plus surprenant, Arrighi de Casanova, cousin de l’Empereur plus que général, enfin Exelmans, brave mais sans plus. D’ailleurs, braves, ils le sont tous, mais ce n’est pas suffisant.

La troupe maintenant, dont j’ai réalisé l’ordre de Bataille détaillé car il est édifiant. En voici le résumé :

XIe Corps d’Armée : Maréchal Macdonald, divisions Molitor et Brayer, 839 h et 16 pièces.
2e Corps de Cavalerie : GD Exelmans, divisions Dommanget et Thiry, 1.391 h et 6 pièces.

Ve Corps d’Armée : GD Sébastiani, divisions Albert et Amey, 1.941 h et 14 pièces.
3e Corps de Cavalerie : GD Arrighi, divisions Ameil et Jacquinot, 1.000 h et 6 pièces.

En tout donc 2.780 fantassins en 29 bataillons (!), 2.391 cavaliers en 10 régiments, tous provisoires sauf un, le 14e Hussards, ex-13e, ex-Jérôme Napoléon (en fait les survivants des deux escadrons du 23e Chasseurs que Jérôme «vola» à Marbot en 1813) qui, comparé aux autres, composés de mauvais conscrits, fait figure d’élite. 1.260 artilleurs servent les 42 pièces et portent le tout à 6.431 hommes... qui étaient encore plus de 9.000 dont 4.000 cavaliers une semaine plus tôt et «fondent» donc sans combattre à une allure vertigineuse, signe de délabrement physique et moral.

Macdonald a l’ordre de prendre l’offensive et s'y prépare mais, une fois de plus, est pris de vitesse par l’ennemi, il est vrai mieux commandé, mieux composé, et surtout «surfant» sur la vague victorieuse qui le mène «nach Paris». Il s’agit en effet des Prussiens de Yorck et, en l’occurrence de ses troupes d’avant-garde, menées par Jürgass et Katzler, articulées en trois groupes comme suit :

Brigade Jurgass : 8 escadrons des Dragons de Lithuanie et de Prusse Orientale, 960 h.

Brigade Katzler : 13 escadrons des Hussards de Mecklembourg-Strelitz (4), Uhlans de Brandebourg (2), Hussards de Brandebourg (5), Cavalerie Nationale de Prusse Orientale (1) et Chasseurs volontaires (1), soit 1.560 h.

Brigade Henckel : 6 escadrons des 3e et 5e Landwehr Kavallerie de Silésie, 600 h, et un bataillon de Fusiliers de 600 h, seule infanterie prussienne présente et qui ne trouvera pas à s’engager. En effet, cette brigade jouera son rôle essentiel en débordant en permanence la gauche française.

A l’exception des landwehriens de cette dernière brigade et des Chasseurs volontaires, la plupart des unités listées sont composées de vétérans formant des escadrons «normaux» d’environ 120 sabres.

C’est donc une de ces rares rencontres n’opposant réellement que deux cavaleries adverses, la vivacité de l’attaque prussienne n’ayant pas même laissé le temps à la seule batterie française concernée de se mettre en batterie.

L’action proprement dite s’est déroulée à l’aube, alors que la cavalerie française se déployait sur sa hauteur tandis que les cavaliers prussiens, plus tôt levés, la chargeaient "d'en bas" dans la brume matinale, n’en sortant que pour culbuter les Français, formés sur deux lignes trop rapprochées et sans soutiens ni flanc-gardes. La première ligne, constituée de cavalerie légère, étant alors poussée sur la cavalerie lourde formant la deuxième*, et les deux ensemble chassées à travers les canons encore attelés, dont trois sont pris par les vainqueurs. Trois fautes empilées donc.

* Le joli dessin de Knötel est donc une vue de l'esprit prussien de son auteur qui grandit ainsi la victoire des hussards de sa nation.

Image

Il y manque un "détail"; ce ne sont pas les Prussiens qui ont enfoncé les cuirassiers, mais les cavaliers légers français en déroute, qui sont remarquablement absents de la composition. Accessoirement ces derniers accueillirent les Prussiens par une salve de carabines (inefficace) et non sabres pointés.

Comme le dessin est tronqué je vous ajoute un lien permettant de le voir en entier.

http://www.imageshotel.org/images/digoman/1814.jpg

Revenant à la réalité nous voyons en substance que ceux qui attendent de pied ferme le font pour d’autres raisons qu’un choix délibéré.

Ils ne sont pas prêts, et ne peuvent donc charger.

Ils ne voient pas l’ennemi, et ne peuvent donc le charger.

Ils sont sur une colline, et charger en descente est a-militaire.

Par ailleurs

Ils sont mal commandés à tous les niveaux.

Ils sont surpris (normal car dépendant du «général surprise» !).

Ils sont constitués d’un conglomérat d’unités provisoires sans cohésion.

Leur dispositif est défectueux.

Ils n’ont pas le moral, et il y a de quoi.

De quoi aussi être moralement incapables de charger même si cela avait été possible !

Ces points ne vous rappellent-ils rien ? Aux noms des unités près ils pourraient très bien se rapporter au combat de Sahagun exposé précédemment, les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets.

Donc pas plus que Sahagun La Chaussée ne démontre que la tactique tendant à attendre la cavalerie ennemie de pied ferme en était vraiment une, de tactique, du moins délibérée. C'est le plus souvent un très net aveu de faiblesse.

En revanche ces deux exemples illustrent bien par leur résultat malheureux ce que l’on peut attendre de cette violation flagrante du principe fondateur de la cavalerie qui dit, selon le mot même de Napoléon, que «la force de la cavalerie est dans son impulsion».

Il reste que, malheureusement, il se trouva toujours et encore, revers après revers, des officiers pour «essayer» cette tactique désastreuse, qui ne marcha réellement qu’en de très rares occasions, biaisées par les circonstances ou travesties par leurs narrateurs.

Si en effet c’est le défenseur de pied ferme qui se trouve bien composé et bien commandé alors que l’attaquant cumule les défauts des vaincus plus haut, il y a gros à parier que l’agresseur n’arrivera pas même au contact, et donc le mépris du défenseur est justifié dont le chef n’a pas voulu «gaspiller» son unité pour si peu. C’était fréquemment le cas avec des Cosaques, que les unités de vétérans «snobaient» carrément et avaient raison. Les exemples de charges "avortées" sont légion.

En revanche, le chef desdits vétérans, si en plus d’un bon sabre jouit d’une bonne plume, pourra fort bien délivrer un rapport disant qu’avec son petit nombre il a repoussé à la pointe de l’épée les très nombreuses hordes de cavaliers ennemis l’ayant chargé vigoureusement, où que ses adversaires, incapables de soutenir le regard de ses braves, ont renoncé à leur attaque à leur seul aspect, etc...

Bref, cela nous ramène à une de mes marottes : «à la guerre tout est moral» ! (Napoléon).

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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar BOUTTET Denis sur 11 Oct 2012, 13:36

Merci Diégo :wink:
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar BOUTTET Denis sur 11 Oct 2012, 13:53

Lu sur Wikipedia : « En vérité, observa Napoléon, Sébastiani me fait marcher de surprise en surprise. "
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Re: Cavalerie recevant de pied ferme une charge adverse

Messagepar MANÉ Diégo sur 11 Oct 2012, 14:22

Sur Sébastiani :

In “Pajol, général en chef”, T3, page 49, note 1 :

Dans cette campagne (1812), Sébastiani se laissa a surprendre trois fois.
Sa belle-mère, Mme de Coigny, disait spirituellement à ce sujet : “Mon gendre, à la guerre, marche de surprise en surprise”.

Et encore :

Malgré cette ineptie militaire, Sébastiani (né en Corse le 10 novembre 1772) sut par sa finesse diplomatique, arriver au maréchalat et pousser son frère au grade de général de division. Ce fut un malheur pour la famille d’Orléans d’avoir placé ce dernier au commandement de la première division militaire (Paris) aux journées de février 1848 *. C’est ainsi que, par le favoritisme, se perdent les dynasties.

* Oui, lui aussi se laissa surprendre. De là à penser que ce travers était génétique...

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