L'artillerie républicaine à Saumur le 9 juin 1793(par Denis Bouttet)
En attendant un article plus général sur la situation de l’artillerie républicaine en 1793 en Vendée, il est plutôt question ici d’identifier les éléments d’artillerie ayant participé à la bataille de Saumur du 9 juin 1793.
Aucun état de situation permettant d’établir précisément l’état de l’artillerie lors de la bataille n’a été trouvé, seul le croisement des informations entre différentes sources permet d’identifier les unités concernées avec cependant quelques incertitudes résiduelles. Pour ce faire, la première source d’informations fiables est constituée par les rapports des acteurs de la bataille (officiers et représentants principalement), viennent ensuite les rares ordres de bataille (bien que parcellaires sur le sujet) et les ordres de mouvement du ministère de la guerre, puis quelques travaux d’historiens (Chassin et Hennet notamment) et enfin la base Leonore des membres de la légion d’honneur.
La 13ème compagnie du 2ème Régiment d’artilleriePartie le 26 février 1793 de Besançon à destination de Brest pour participer à une expédition dans les colonies, elle est déroutée fin mars par les représentants du peuple Tallien et Goupilleau de Fontenay (1) et affectée à l’Armée des côtes de Brest qui ne disposait pas de tels moyens.
La compagnie est sous les ordres du capitaine commandant Humbert (2), du capitaine en second Monmoulin et du lieutenant Bonnetraine. Ces officiers sont identifiés dans le tableau des officiers de l’armée datant de juin (3).
Les états de service de Monmoulin mentionnent sa participation au combat de Doué et qu’il commande l’artillerie sur la position fortifiée de Bournan (4). Or dans le rapport du 11 juin du représentant Delaunay le jeune qui a participé à la bataille, il est écrit que Coustard disposait de six pièces sur sa position de Bournan. Parmi ces six pièces se trouvent probablement deux pièces d’une compagnie de canonniers parisiens. De ce fait, seules quatre pièces du 2ème RA ont pu participer.
Par ailleurs, le rapport de Ronsin du 28 mai sur l’état de l’armée présente un tableau sommaire de la position des forces entre le 15 et le 24 mai et indique que de l’artillerie de ligne (50 h) est présente aux Ponts de Cé. Or de l’artillerie de ligne à cette date, il n’y a que le 2ème RA.
Comme une compagnie est théoriquement de 95 h, force est de supposer que la compagnie fut vraisemblablement scindée en deux, une section aux Ponts de Cé et l’autre à l’avant-garde.
Difficile également de préjuger de la nature des pièces servies mais il est possible de faire l’hypothèse suivante. L’armée ne dispose fin juin que de quatre pièces de 8 et trois de 12 (5). La compagnie étant probablement à plein effectif à l’arrivée et n’ayant pas été sérieusement engagée, elle est la seule apte à manœuvrer ces pièces. En effet, comme il faut dix hommes pour manœuvrer une pièce de 8 et quinze pour une pièce de 12, ces sept pièces nécessitent théoriquement 85 h auxquels s’ajoutent les officiers (au nombre de 3) et autres (6).
Par conséquent, on peut considérer que les quatre pièces de 8 sont à Bournan (dans les redoutes) et les trois pièces de 12 aux ponts de Cé, verrou stratégique sur la Loire (7).
La compagnie participe à l’offensive de juillet au sein de l’avant-garde. Toutefois, reste à savoir si cette composition atypique et insoupçonnée a perduré (8).
Les compagnies de canonniers de la garde nationaleLes compagnies de canonniers des départements de l’OuestLes gardes nationales des principales villes sont pour la plupart dotées (9) de compagnies de canonniers, à savoir Nantes, Angers, Saumur, Chinon, Tours, Niort, Poitiers, etc… Ces compagnies contribuent à la défense de leur ville.
De la même manière que les bataillons de gardes nationaux affluent des départements limitrophes pour tenter de contrer l’insurrection, les compagnies d’artillerie sont mobilisées pour défendre les villes menacées. C’est pour faire face à l’insuffisance des ressources locales que furent envoyées des compagnies issues de la garde nationale de Paris.
Saumur, forte de sa citadelle et d’une garnison, devait disposer d’une compagnie de canonniers pour assurer une partie du service des nombreuses pièces dont disposait l’arsenal de la ville (10). Il n'est pas sûr que la ville ait les moyens d’en entretenir plus.
Par ailleurs, les villes limitrophes étant également menacées, il est peu probable qu’elles se délestèrent de leurs canonniers.
Les compagnies parisiennesParis fut un réservoir de troupes, pour l’infanterie tout d’abord, mais également pour l’artillerie. Chacune des soixante sections parisiennes disposait théoriquement d’au moins une compagnie de canonniers (11). Ces compagnies sont destinées à servir soit au sein des bataillons d’infanterie soit de manière indépendante à la défense des villes et places fortes (12).
Parmi ces dernières, plusieurs furent prélevées de la garde de Paris pour être envoyées dans l’Ouest combattre l’insurrection. Petit récapitulatif des affectations en juin.
Armée des côtes de la RochelleSaumur
• 2ème (13) et 4ème de la section de la Sorbonne
• 1ère de la 17ème division
• 1ère de la section de la Fontaine Grenelle (arrivée le 05 juin à Tours)
Niort
• 1ère de la section des Arcis
• 1ère de la section de la Maison commune
La Rochelle
• 4ème de la section des Tuileries (arrivée le 19 juin)
• 1ère de la section de la Nouvelle-France (14) (arrivée le 19 juin)
Armée des côtes de BrestNantes
• 2ème et 3ème de la section des Quinze-Vingts
• 2ème de la section Beaurepaire
Belle-Ile
• 1ère de la section Fontaine et Molière
Rennes
• 2ème de la section des Halles aux blés
St Malo
• 4ème de la section des Quinze-Vingts
D’autres compagnies seront envoyées ultérieurement (en août et en octobre).
À priori, sur les quatre compagnies envoyées à Tours, au maximum trois compagnies combattirent le 9 juin devant Saumur car vraisemblablement l’une d’entre elles faisait partie de la colonne de Salomon devant occuper Thouars.
De l’influence d’une illustrationL’illustration ci-dessous pose question. En effet, on y voit un épisode héroïque de la bataille. Il s’agit du moment où les cuirassiers légers chargent afin de refouler au-delà du pont Fouchard les Vendéens qui menaçaient de prendre à revers l’aile droite républicaine.
On y voit au premier plan des artilleurs équipés comme de l’artillerie à cheval. Or, de l’artillerie à cheval à cette date dans l’Ouest, il n’y en a pas beaucoup. C’est simple, il n’y en a qu’une compagnie. D’autres arriveront plus tard, notamment avec l’Armée de Mayence.
Petite mise au point donc, sur la 8ème compagnie d’artillerie à cheval.
Initialement présente à l’Armée de Belgique, elle est dépêchée en Vendée et part de Douai le 12 mai à destination de Tours avec une arrivée prévue le 29 mai. Rien ne laisse supposer définitivement son affectation mais un faisceau de présomptions laisse penser qu’elle fut envoyée directement à Niort :
• la division de Saumur dispose de sa compagnie d’artillerie de ligne alors que celle de Niort en est démunie et au vu de la nature du théâtre d’opération et des distances à couvrir, l’artillerie volante est potentiellement plus utile au sud qu’au nord ;
• si la compagnie était à Saumur, pour qu’elle retraite jusqu’à Niort, il aurait fallu qu’elle soit avec l’avant-garde mais on a vu que la place est prise par la 13ème du 2ème RA, ou, deuxième hypothèse, qu’elle soit avec la colonne de Thouars, mais cette dernière ne dispose que de six pièces de 4 et aucune de 8 ;
• les états de service de Jean-Baptiste Cuny, capitaine commandant en remplacement de A. Barrois de Sarigny qui a émigré début 1793, n’indiquent comme premier engagement en Vendée que celui de Luçon le 14 août (15), et rien avant.
L’état du 1er juillet de l’artillerie à Niort indique que la force de la compagnie est de 50 h (dont 3 officiers) avec 3 pièces de 8 et 1 obusier.
Les positions d’artillerie lors de la bataille du 9 juin 1793L’artillerie républicaine est répartie ainsi :
• les redoutes de Bournan - 6 pièces,
• la redoute de Nantilly - 2 pièces de position (8 livres ou plus),
• au niveau de Notre Dame des Ardilliers - 2 pièces,
• au château de Saumur - 9 pièces (16),
• à l’est du château, sur la route de Champigny, au niveau des moulins - 2 pièces (17).
Le parc d’artillerie est a priori positionné sous les halles, place St Pierre (18) à Saumur.
Hormis le fait que la position de Bournan soit tenue par quatre pièces de 8 du 2ème RA et deux pièces légères d’une compagnie de l’Université (Sorbonne), la répartition des compagnies n’est pas explicitée dans les sources pour les autres positions. Toutefois, les formations de canonniers qui servent ces pièces sont peu ou prou qualitativement équivalentes, cela n’a pas fondamentalement d’importance.
Notes
1) Le 20 mars les représentants Goupilleau° de Fontenay et Tallien réquisitionnent la compagnie du 2e Régiment d'artillerie et l'appellent à Tours, ils préviennent le ministre de la Guerre qui approuve.
2) Jean Nicolas Humbert dit de Fercourt.
3) Non daté mais compte tenu des informations contenues, il est probablement établi fin juin lors de la réorganisation de l’aile droite après la reprise de Saumur.
4) Il se fait remarquer pour avoir sauvé Coustard de la vindicte des soldats du 5ème bataillon de Paris refusant de marcher à l’ennemi.
5) Le tableau récapitulatif des officiers mentionne pour l’artillerie une division de trois pièces de 12 et quatre de 8, une autre de huit pièces de 4 et enfin une 3ème de douze pièces de 12. Le courrier de Hanicque commandant l’artillerie du 29 juin stipule que seules sept pièces de position (8 livres, 12 livres et obusiers) sont présentes.
Les douze pièces de 12 sont issues d’un convoi de pièces expédié par le Ministère le 16 juin de Paris et qui n’arrivera que fin juin/début juillet (courrier de Bouchotte du 18 juin).
6) L’état de situation du 21 juin indique deux « compagnies » d’artillerie, une de 58 h et l’autre de 40 h, correspondant peu ou prou à la décomposition par nature des pièces.
7) La largeur de la Loire à cet endroit (voire la capacité à endommager les ponts) expliquerait probablement l’emploi de telles pièces.

Si tel est était le cas, il est probable que les trois pièces de 12 retrouvèrent leurs positions aux Ponts de Cé et que seule une partie prend part à la désastreuse campagne de juillet. L’hypothèse sera à étudier ultérieurement.
9) Le service de la garde nationale est assez proche de celui des milices dont elle prend la succession.
10) Les vendéens en capturèrent quelques dizaines, toutes n’étant pas forcément montées sur affut, dont une partie assez ancienne. Ils trouvèrent une jumelle de leur « Marie-Jeanne », une couleuvrine de 18 livres du milieu du 17ème siècle qu’ils surnommèrent alors « Marie-Antoinette ».
11) Au vu du nombre des sections, on comprend aisément la création d’une forge à l’Arsenal. Cette dernière produira nombre de pièces à destination de la Vendée.
12) Par conséquent, elles ne sont pas embrigadées et ne combattent qu’en de très rares occasions en rase campagne.
13) Sera envoyée à Niort. L’équité sera respectée : trois compagnies de canonniers parisiens à Saumur ainsi qu’à Niort.
14) Sera ensuite envoyée à l’ile d’Aix.
15) Où il gagna ses galons de chef de bataillon. Il fut des combats de la colonne dite de « Luçon » (des Herbiers à Cholet, où il est blessé), puis à la défense d’Angers jusqu’au Mans et Laval. La 8ème compagnie ne semble pas participer à la virée de Galerne puisqu’on la retrouve en novembre à Saumur, comme celle du 2ème RA.
16) D’après Savary : cinq pièces de 4, deux de 18 et deux de 36. La citadelle devait en contenir davantage au regard des prises faites par les Vendéens (46 pièces dont 16 de 18) mais probablement positionnées soit en réserve soit dans les positions de tir fixes ne couvrant pas les zones de combats (qui ont lieu au sud et à l’ouest de la ville).
17) Probablement issues du Château, elles durent y retraiter ensuite.
18) Située au pied du château, en plein centre de la ville. Un dénommé François y fut pris sur le fait, au début des combats, en train d’enclouer des canons (il en avait déjà neutralisé trois). Agent vendéen infiltré, il sera jugé ultérieurement mais son sort était déjà scellé